Jalons pour l'abord clinique des enfants de migrants

Jalons pour l'abord clinique des enfants de migrants

J Pddiatr Pudriculture 1997; 10:112-120 © Elsevier, Paris ENFANTS ET SOCII~TI~ i jalons pour I'abord clinique des enfants de migrants r flexions psy...

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J Pddiatr Pudriculture 1997; 10:112-120 © Elsevier, Paris

ENFANTS ET SOCII~TI~ i

jalons pour I'abord clinique des enfants de migrants r flexions psychoanthropologiques RR Geadah Centre international de consultations, d'4tudes, de recherches et de formation, 1, square des Gen6vriers, 77420 Champs-sur-Marne

Re~u le 2 mars 1996 ; accept6 le 3 avril 1996

ieu commun de I'imoginaire, la migration confronte chacun 6 I'inconnu, voire 6 I'~trange et le condamne au doute quant au devenir des autres. Pour celui qui part, s'inscrivent I'esparance d'un vie prosp~re, la croyance en une affirmation de soi 6 travers la r6alisation d'un rave et le d~passement d'une actualit6 m~diocre. Dans la soci6t~ d'accueil, c'est la d6couverte d'autres modes de vie, le partage de I'espace et la fin d'une assurance, d'une qui6tude iaissant progressivement la place 6 un sentiment de saturation et, parfois, d'envahissement. Moteur de I'histoire, cette rencontre entre les individus ou les groupes fur toujours I'occasion de r6organisation spatiotemporelle d'abord, d'am6nagement relationnel ensuite. C'est qu'au-del6 des sentiments de domination ou d'entraide, d'exclusion ou d'enrichissement mutuel se dresse la question de i'identit6 mouvante et de I'alt~rit6 captivante. Enracinement dans une tradition et acuit~ des valeurs sont alors mis 6 rude 6preuve par les transformations oblig6es n6es de la pr6sence d'un outre.

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Tant par fiddlitd ~i soi et aux siens que par recherche imp&ieuse de sdcuritd, la rdsistance au changement | 12

s'impose ; die devient ~ila longue dpuisante. Aussi, fautil s'accrocher ~t des certitudes, celles transmises par le discours maternel d'abord (au travers des ldgendes, de l'histoire nationale, des paroles rdellement prononc&s), ou ndes de constats personnels non encore analysds, puis celles assdn&s par le milieu (partis politiques, mddias). Les prdjugds sont ~t l'oeuvre m~me quand on se veut ouvert au dialogue et objectif, conduisant tr&s souvent ~ides simplifications rdductrices. Un contexte de rdelles difficult& sociodconomiques vient encore embuer les visions des plus optimistes. Les intervenants mddicosodaux sont alors les premiers interpell&, tant par les souffrances engendrdes que par le groupe social, sur les possibilit& de ddveloppement harmonieux et de bien-&re auquel aspire un &re humain. Au fond, ils sont plus confrontds fi eux-memes qu'aux autres ! En effet, bien qu'ils soient assurds de leur rdfdrence aux acquis et savoirs professionnels dans la comprdhension, l'accompagnement et, le cas dchdant, le traitement d'un humain qui souffle, une question essentidle n'est pas sans tarauder leur esprit. Comment rep&er ce qui serait vraiment de l'ordre du culturel spdcifique, plus ou moins directement imputable au milieu ou aux appartenances d'origine ? Que rdpondre ensuite aux difficult& existentielles, ~_ce mal-&re bruyamment exprimd par certains enfants et adolescents issus de la migration ? JOURNAL DE PEDIATRIE ET DE PUERICULTURE n° 2 - 1997

Guiddes par un esprit de recherche m&hodologique et d'ouverture, les lignes qui suivent poseront d'abord des jalons conceptuels et psychosociologiques pour la comprdhension des probldmatiques migratoires. Seront dvoqu&s en deuxi~me lieu les consdquences sur les migrants, suivant la gdn&ation, les conditions et l'age des personnes concerndes.

migration, acculturation et nostalgie le deplacement migratoire En rdalitd, route migration constitue d'abord une rupture des liens et des rep~res, comparable dans ses effets ~itoute sdparation. Or, celle-ci nourrit le ddsir de grandir et cimente les mouvements d'individuation. Certes, les acquis de base dans un contexte rassurant mais non envahissant, la bonne image de sol et... la capacitd de fantasmer 1 permettent de mieux rdussir l'aventure. II est aussi des failles maternelles, des arrachements bouleversants, des projets ddmesurds et des ddparts prdcipit& qui annoncent l'&hec et laissent un gofit amer. Ddpression grave, voire mdlancolie sur fond de nostalgie, errance et sentiments de culpabilit6 vis&-vis de la m&re-terre-culture d'origine en sont souvent le prix 2. Toutefois, malgrd les dcueils objectivement rencontr&, les ddfauts dans la prdparation du voyage (vers le pays des adultes ou des &rangers) ou la ddception de I'accueil escomptd, surprises et d&ouvertes, ambitions et capacit& adaptatives peuvent transcender les moments de ddcouragement, d'dchec et de traumatisme. Chercher h mieux rdussir sa vie loin de sa terre natale - tout comme grandir a pour corollaire abandonner, sans pour autant les oublier ou les renier, les premiers objets d'amour, pour de nouveaux horizons. Ainsi va l'existence, avec ses multiples occasions d'aventures n&essitant adaptation, puis int& gration des acquis que tout un chacun est - en principe - ~tm~me de rdaliser. Et ce, depuis les p&iples d'Ulysse jusqu'~ la conqu&e du Far West ! I1 en est de m~me pour les individus et les peuples prenant les chemins de l'exil ou d'une terre qui Ieur paralt prometteuse, ~ ddfaut d'etre promise. I1 ne s'agit donc point a priori d'dchec ou de traumatisme.

Iqd6e de ~ culture ,> Toutefois, comme pour t~nde fuyant Troie en flammes, on ne quitte pas sa terre natale les mains vides3, Dans son coeur, &entueltement aussi dans sa valise, on eraporte le souvenir de ce qui a fondd les premieres relations au monde, via la m&re, dans une culture donn&. Dans

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cette besace, se prdcipitent ainsi dpices, odeurs, sons musicaux et linguistiques, objets symboliques spirituels et mat&iels, images parentates et mo&les identificatoires, rites et fetes, rythmes et modes de vie. Sur ces dldments de l'attachement dtudids par les &hologues, on prendra appui pour construire du nouveau 4 dans le meme contexte et surtout ailleurs, sans perdre son ~me. Tel est en rdalitd le destin de la culture. Malgrd la diversitd de ses acceptions, ce dernier vocable - fondamental ~t analyser ici - r&ume avant tout des mode s de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalls&, devenus caract&istiques d'un groupe. C'est un patrimoine originellement constitud ~tpartir d'une histoire pr&ise lide ~tl'dvolution dans un territoire donnd. Ciment& par les conditions mdsologiques, fix& par les institutions et progressivement modifids sous la pression des dvdnements5, les rapports au monde, ~tl'au-del~ et sol int~grent ~t chaque moment des donn&s nouvelles. Si le tout se con~oit comme un h&itage dont la tradition constitue un vdritable fil rouge 6 relid au Verbe fondateur et aux anc&res en gdn&al, cette transmission culturelle sous forme de coutumes ne peut - sous peine de stagnation fatale - exdure tes innovations. Fdcondd de l'ext&ieur ou poussd de l'int&ieur vers une adaptation aux conditions du temps (et, parfois, d'un espace nouveau), le groupe diversifie ses allures ou se disperse mais ne renie passes appartenances. Ses membres peuvent rivaliser de fantaisie mais continuent de se reconnaltre travers des symboles, des rituels codiflds et des rdminiscences de sons ou de pratiques culinaires. 1 Laquelle, du point de vue psychanalytique, accompagne Hdentification et culmine avec le roman familial. 2 O n retrouve h cet dgard les dimensions du holding - si chef Winnicott - oh la reverie de la m~re prrfigurant l'enfant comme distinct d'elle, donc comme capable de se srparer d'dle joue un r61e fondamental pour ddboucher sur l'attemance entre prdsence et absence, frustration et gratification. Les failles materneltes imporrantes, puis plus gdndralement celles du milieu, viendront pr&isrment e m p & h e r le ddveloppement habituel des facultds 6motionnelles. voire parfois cognkives. 3 Darts une fresque fantastique reprdsentam les trois gdndrations (t~nde et son 6pouse Crduse, son p~re Anchise sur l'fine et son ills Iule sur les dpaules), le hdros s'assure d'avoir emmend l'essentiel : les pdnates et les oh jets des anc&res (Engide, 1. II, v 714-720). Ils furent d'aitteurs prddeusement gardds malgrd les dangers, jusqu'fi ta fondation de Rome oh ils iou~rent un rrle essentiel dens la perp&uation de la vie familiale. • Winnicott ne parlaitdl pas ~t ce propos d'espace, d'didments e: d'obiets rrans#ionnels ? 5 Avancdes technologiques, guerres, mariagcs exogamiques, 6changes commerciaux, visites protongdes, etc. 6 Caract&istique de la Marine royale angtaise, il va d ' u n bout ~ t'autre des cordages, du plus gros all plus mince, de sorte qu'on ne puisse le ddtacher sans tout ddfaire. I1 permerralt dgalement - d'apr~s les prddsions de Goethe dans Le~ aj~nitds dlectives- de reconnaitre, meme aux moindres fragments, que les vaisseaux appartenaient h la Couronne.

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I1 s'agit ~ l'dvidence d'un mouvement dynamique qui - initialement n&essaire pour sauvegarder de la vie dans toutes ses dimensions dans un terroir donnd - va petit petit transfigurer l'h&itage en capacitds stratdgiques vis&-vis de l'environnement prdsent. A-t-on jamais rencontrd une <~culture ~ - au vrai sens du terme - qui soit figde ~t jamais dans des pratiques et des pr&eptes immuables ? Les membres de tel groupe se transformeraient en conformistes s'acheminant vers leur mort spirituelle ou le suicide dans une ambiance d'alidnation-enfermement (parano'/a ou mdlancolie) ou de dictature absurde (sous l'influence d'un chefcharismatique absolu). C'est dire la force de cette capacitd d'adaptation qui - loin de se confondre (dans les conditions habituelles du ddveloppement social) avec la stagnation - permet l'acquisition d'outils de pens& et de travail rendant possible la rdussite dans les entreprises de la vie. Est-ce ~ dire qu'il est simple de vivre harmonieusement dans un nouveau contexte culturel et social ?... Le parcours reste jalonnd d'&ueils que l'&ude meme des termes servant ~t le d&rire nous laisse percevoir.

de celui d'adaptation qui en constitue pourtant un aspect ou une &ape sans s'y rdduire, le vocable d&igne un enrichissement m u t u d potentid et une transformation d~ns les configurations et les sous-produits des systSmes culturels en prdsence. I1 convient donc d'insister sur cette dynamique d'dchange entre des personnes et des groupes 14 laquelle les affecte globalement (jusqu'aux schSmes de base de leurs pensdes et comportements). Ainsi congue, l'acculturation n'est pas en elle-m8me synonyme de difficult& graves, encore moins de traumatisme. Lide toutefois ~tune r&litd migratoire difficile ou ayant engendrd des sentiments de d&alorisation et des conduites d'&hec, die pourrait par ses aspects sdlectif, assimilationniste ou contre-rdactionnel traduire - et non occasionner- un potentiel ndgatifsusceptible de conduire des manifestations pathog~nes.

entre pass~ et avenir

aper~u sur les concepts de base

Meme quand il rdussit ~t &ablir des contacts aisds avec les membres de la socidt6 d'accueil, le migrant n'en est pas moins hantd par les fant6mes du pass6. Les visages et les vestiges gravds dans la mdmoire viennent de temps

Traduisant couramment une addquation constante entre desfacteurs internes a un organisme et les donndes du milieu arnbiant 7,1'~
7 Comme l'indique ddj~tl'&ymologie latine du terme ad (prdposition indiquant la finalitd, la direction) et a~oto(disposer convenablement, prdparer), il suppose un ajustement structural etfonctionnd permanent, puisqu'il s'agit de tendre fi un dtat d'dquilibre. 8 En effet, chaque nouveautd intdgrde induit une rupture du statu quo initial lequel, fi son tour, entralne une modification des conduites et des besoins ~tl'dgard d'un milieu qui, lui aussi, se trouve ipso facto dans l'obligation stratdgique de prendre toutes dispositions lui permettant d'dviter l'dcrasement-an6antissement, l'atrophie des rdponses ou la rupture des liens. 9 Comme, par exemple, les amdnagements de l'espace mat&iel, affectif et spirituel dans le pays d'accueil. Cet espace, note fort pertinemment Abou [2], devient d'abord celui du souvenir, puis n'abritant plus le passd qu!en fonction de l'avenir, il se transforme en celui du projet, pour paraitre celui de la crdation dans les contacts recherchds avec les membres du milieu h6te. 10Comprenant, d'apr~s Archambault et Corbeil [in 2], trois aspects progressifs (~, niveaux ,,) : fonctiounement (usage de la langue du pays d'accueil et capacit& de ressources dconomiques), participation (~ des activitds sociopolitiques), aspiration (inscription votontaire dans les projets d'avenir de la socidtd d'acueil). 11 Ne parle-t-on pas cliniquement de <~sympt6mes adaptatifs ~ ? 1~ Certes, la question de l'incidence des migrations sur le ddveloppement de maladies mentales s'av~re tr~s comptexe, en raison des difficultds mdthodologiques d'dchantillonnage puis de repdrage nosographique. Ne pouvant m'y attarder ici, je me contente de signaler la vulndrabilitd qu'occasionne le ddplacement migratoire, provoquant 6ventuellement la rdsurgence de processus primaires. 23 Proposd en 1880 par Powelt, ce vocable continue de susdter des ddbats sur le degr6 ou la conscience de diff&enciation interne ~t chaque culture entre les 61dments exog~nes et tes acquis traditionnels devant le rester. 14Plus explicite dans tes dquivatents anglo-saxons cultural change ou cultural contact et hispanique trancutturadon.

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~t autre rappeler une culpabilitd plus ou moins diffuse, celle d'avoir quittd la m~re-terre-culture d'origine pour les bras d'une concurrente suppos& - ou r&llement plus gdn&eusement nourrici~re. Q u e devient-elle sans lui ? N'est-elle pas attrist& par le ddpart de ce ills ambitieux, p e u t - & r e m ~ m e s'av~re-t-elle inconsolable ? C o m m e n t exprimer sa loyautd envers elle et son affection malgrd les distances parcourues et le temps dcould ?... I1 importe donc de d o n n e r un gage de sa rdussite apr& la ddfection ou de son bien-&re apr&s la disette ou la d& tresse. Mieux encore, il f a u t , d o n n e r 5 voir ~ sa gdndrositd envers l'ensemble de la famille 15. E n un mot, il faut se ~ racheter ~, se faire pardonner l'abandon d'une m~reterre-culture dplor&, ainsi que la mauvaise conscience y affdrant. Ces considdrations dmotionnelles prennent un tour dramatique si l'dchec daus le pays d'accueil se confirmait. La ddception nde de ta rencontre avec la nouvelle socidtd aiguise franchement te sentiment de culpabilitd consubstantiel du ddpart. Pourquoi donc avoir quittd les siens, gaspilld sa jeunesse et ses dnergies, voire sa petite fortune ?...Tel l'enfant prodigue repensant 5 ta chaleur de la maison paternelle, le migrant aux esp&ances bafou&s ne salt en rdalitd c o m m e n t se prdsenter fi nouveau devant les siens. I1 y va, en effet, de la survie de son narcissisme de base. C'est~prdcisdment cette conscience douloureuse du retour qui fait litt&alement probl&me, retour des visages aimds dans la r&erie, retour rdd au pays. Nostal-

gie est s o n n o r a 16 ! Avec elle, on oscille entre ici et l~i-bas, entre raison et folie, entre rdet et imaginaire, entre mdgalomanie et mdlancolie... Une seule issue darts ces dilemmes : le souvenir de l'espace perdu s'idyllise jusqu'~i tiger le temps. Au-del~i de toute rdalitd, la m~re-terre-culture d'origine rev& le plus beau des caract~res ; son visage ne se dessine plus dans la mdmoire qu'~t la tueur du jour de la sdparation. Le temps suspend l~t son vol ; route dvolution depuis s'&anouit. Le mythe du paradis perdu ! Aussi, un m o u vement de contre-investissement narcissique s'organiset-il : non, on n'en a pas dtd ddfinitivement exclu ! O n y est encore visc&alement lid ! Compensation de la perte, ndgation de la d&ertion : on s'attachera ~idlever ses enfants dans des traditions qui, depuis longtemps, ont disparu ou dvolud dans le milieu initial. Plus encore, on transmettra de cette terre du passd un gofit d't~den, et en fera un thd~'ttre oil ne se jouent que des s&nes remplies de valeurs salvatrices. Si cette nostalgie n'&ait plus op&ante ou &ait emp& ch&, le migrant se sentirait an&nti, cat il perdrait te topo m e m e oft il pulse encore sa capacitd d'aimer. Q u o i qu'il en soit, les in&itables ruptures ne sont pas sans d&lencher des mouvements de crise plus ou moins importants, en fonction essentiellement des prddispositions JOURNAL DE PEDIATRIE ET DE PUF:RICULTURE n ° 2 - 1997

de chacun, de la prdcipitation des &dnements et de/'accumulation-rdpe'tition de circonstances ddsagrdables. Aussi, la voie vers le traumatisme 17 s'ouvre-t-elle. Voilfi qui retentira obligatoirement sur la progdniture nde ou ~i naitre en pays d'accueil ou d'exil.

les effets prolong6s Dans cette perspective, on connait aujourd'hui l'importance des rdgulations intrafamiliales et des transmissions psychiques intergdndrationnelles. Psychanalystes, syst& miciens et th&apeutes familiaux les ont largement illustrdes par des cas cliniques, comme par des concepts f&onds. Citons-en surtout celui de ~
15 L e h d r o s d u r o m a n f a m i l i a l d e v i e n t u n enfant merveitleux p o r r e u r de salvation, psychanalytiquement padant. 16Du grec nos~os(rctour) et algFo(dprouver de la douleur). i7 Ce concept &ant cliniquement chargd, j'en retiens ici le sens ~bndamcntal :/'incapacitd du psychismea endiguerun flux &nodonne/en apparence lid ~ un dvdnement extdrieur, ou une vague d'affects dd'fertant ~il'occasion d'une circonstance d&ermin&. Cependant= audel~ de l'actuel, c'est ce qui est rdactivd dans l'inconscient qui perturbe, angoisse ou paralyse. Ainsi, un souvenir enfoui se r&nime, er voil5 que l'appareil en surtension ~
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nous permettent de bien comprendre le prolongement des effets psychiques parentaux chez les enfants. O n le sait bien : leur signifcation clinique en tant que compromis ou que souffrance mal dludd& reste tr~s largement tributaire du milieu ambiant, des s&nes qui s'y jouent et des prdparations en coulisses. Leur soubassement culturel, notamment en ce qui concerne leur configuration, est sonvent inddniable. Le concept d e , symptomatologie imbriqu& ~ formuld par Framo explique encore mieux comment sont sdlectionndes, dchangdes, maintenues et rdduites, en fonction du contexte relationnel, les expressions somatiques et psychiques entre des parents et leurs enfants, surtout quand ceux-l~i sont soumis au stress, au ddpaysement ou aux ruptures. Ainsi, mSme certaines rdussites d'enfants d'immigr& ne sont-elles en rdalit4 que le fruit d'une contre-identification plus ou moins traumatisante, de formations rdactionnelles ou de d@ressions masqu&s. Loin d'avoir un sens de gratification envers les parents et de r@aration de l'image interne endommagde de ceux-ci, elles peuvent, d'un point de vue psychanalytique, sous-tendre des pulsions 5 caractSre maniaque [6]. l~galement, la grossesse de filles d'immigrds maghrdbins ou antillais et leurs attitudes envers leurs enfants [9] peuvent rev&ir le sens d'une agression dirig& inconsciemment, parfois m8me consciemment, contre leurs propres parents auxquels les avaient opposdes des conflits graves concernant l'insertion dans te pays de rdsidence [11, 12].

cons4quences directes sur les enfants Afin toutefois d'aborder plus en d&ails les r@ercussions des exp&iences migratoires sur les enfants, il me faut d'emblde distinguer entre la gdndration des ~ primoarrivants ~)consid&& comme parents et celle des enfants arriv& (trSs) jeunes, accompagn& de leurs families, ou plus rarement seuls, puis celle de ceux qui naissent dans le pays d'accueil.

pour les enfants arriv4s jeunes dans le pays d'accueil I1 est probable que de fortes esp&ances ddgues par les conditions d'installation en pays d'accueil soient responsables de l'apparition de difficult& chez les enfants. O n ne peut, 5 cet dgard, nier les effets de l'instabilitd mat&idle et psychique, tes sentiments d'&rangetd, de doute, parfois de dddassement professionnel voire de d&h&nce sociale ;tant de facteurs dmotionnels qui aiguisent la nostalgie et la culpabilitd &oqu&s ci-dessus. Dans l'hypoth~se la plus favorable, la fixation ~tl'espace 116

perdu entralne une moindre disposition 5 investir de nouveaux objets (lieux et personnages). Pour lutter contre la d@ression qui guette, la mise ~idistance et la lenteur dans les processus d'acculturation sont de rigueur. Le code maternel ou traditionnel est maintenu dans le secteur privd, alors que sont adopt& dans le secteur public les traits et mo&les de la culture dominante. Ce n'est 1~ qu'une &ape domin& par la timiditd ou, au pire, par la vuln& rabilit~ ; elle n'emp&he point l'dpanouissement personnel, ni hypoth~que les capacit& adaptatives des enfants. En revanche, quand la culpabilitd inconsciente pr&aut et que la nostalgie rev& une allure d@ressive, c'est la solitude qui domine. Aussi, la recherche de soutien dans la communautd d'origine devient-elle imp&ative afin d'dviter les sensations de d&ulturation et les &ats d'angoisse graves. Le migrant s'attachera ~is'entourer d'objets ancestraux (depuis le decor de l'habitat jusqu'~t l'usage de la langue materndle, en passant par les attitudes vestimentaires et les manifestations de convivialitd) ; ce qui tend en fait ~ appauvrir les relations dans la soci&d d'accueil et ?i se focaliser sur les fantasmes d'un retour de moins en moins assurd. Outre des sympt6mes 5 caractSre hypocondriaque qui portent ~iconsdquence sur toute la famille, on peut mSme observer une radicalisation des positions personnelles comme des attitudes dducatives. Les enfants en vivront dans un vdritable clivage culturel, les emp&hant de s'adapter atix conditions du milieu ambiant. Ce mSme r&ultat est obtenu quand prddominent des attitudes de refus ou de ddnigrement des dldments constituant l'histoire propre familiale et nationale TM,des composantes identitaires de base. I1 en est de marne pour le processus de ~ contre-acculturation ~ franchement revendiqu& se traduisant essentiellement par l'iddologie de retour aux sources, la puretd fantasmde des comportements ou des appartenances et un certain messianisme politique ou retigieux 19.

pour les enfants n6s en pays d'accueil Pour les enfants nds en pays d'accueil ou y &ant arriv8s tr~s jeunes en compagnie de leur(s) parent(s), une remarque

18 G4n&alement hdritdes du colonialisme et perp&udes par des exigences assimilationnistes du milieu d'accueil ou par les conditions de vie offertes au migrant {comme pour beaucoup de Harlds), elles peuvent meme aboutir ~i une d@ersonnalisation gdn&atrice d'un m@ris humiliant de soi et des siens, de comportemenrs ~i allure paranoiaque et d'un langage morti~re excluant route joie de vivre. t9 Les illustrations n'en manquen~ gu~re. 5 commencer par les revendications vesnmenraires ou des prarlques fondamenralisres qui. le plus souvent, n'avaient pas r&llement exist& L5 aussi, [e retenrissemenr sur les descendants s'av~re traumatisant erfortementprgjudiciable 2~la construction de sentimenls d'apgarlenance au pays hate, ou de coexistence inrercornmunautazre.

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pr8liminaire s'impose : l'oM)osition entre la famille et le

v&itable injonction paradoxale, de ce double-bind ravageur rdsulteront traumatismes, ndvroses graves, voire de fortes tendances ~tIa dissociation psychotique 2°. De m~me, le traumatisme gravement pathog~ne apparattra plus facilement quand les parents emp~chent toute adaptation au milieu h6te, le ddnigrent systdmatiquement ou le pr&entent comme une menace de ddcutturation et de ddpersonnalisation en groupe. Se cons-

milieu ambiant reconnu objectivement comme hate joue quasiment toujours un tale prior#aim. Et ce, contrairement au processus classique de socialisation. En effet, on croit souvent que les enfants des immigrants assimilent la culture et les aspirations de leurs parents, alors qu'ils se trouvent en rdalitd an carrefour de trois instances dont la pertinence peut varlet selon les prdatables et les conditions de leur raise en contact : la soci&d d'accueil, la famille et le propre univers intrapsychique [8]. It en

rdsulte obligatoirement des rdamdnagements des contenus culturels proposals et des ndgoeiations proportionnelles au degrd de conflit de cultures. C'est pourquoi, je ne crois pas qu'il y air des enfants ~
nieuse, en ddpit de quelques manifestations sporadiques de tensions ndcessaires, lepassage d'un code culturel a un autre n 'dtant ni direct, ni irnmddiat. Encore faut-il y ajouter les crises d'opposition aux parents, notamment ~tl'adolescence, qui dictent de temps ~ antre le rejet des rdfdrences culturelles originaires, par trop lides aux exigences et reprdsentations familiales. I1 s'agit en fait de ~ s'essaie(er) inconsciemment ~ des modhles de penser et de sentir nouveaux, intermddiaires qui reprdsentent une innovation par rapport ~il'une et h l'autre culture en contact ~ [1]. Les deux systhmes culturels pouvant 4tre v4cus comme compldmentaires et f&onds, on ne relSve pas

eliniquement de grande diffdrence dam le ddvelopdoement de ces enfants d'immigrds par rapport ~ celui d'autres, sice n'est patrols l'dventualitd d'une plus grande richesse des rdfdrences. A moins de souligner un effet n4gatifdfiment notd par Chamoun [4] lorsque des parents ~ exigeront de leurs descendants une hyperadaptation ~ la soci&d d'accueil (...), tout en conservant les valeurs du pays d'origine. Done, d'une part un effacement du passd rdcent (...), de l'autre, et par-del~i les apparences, un attachement abyssal au tissu moral originaire ~. De cette

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truit 12~, en rdatitg, une impossibilitg de se penser bon laquetle ne tarde a engendrer de profonds sentiments de honte, d'insdcuritd et de doute de sol comme du monde ambiant. Tendances ~il'autoddpr&iation et aux comportements autopunitifs multiformes (rdvoltes, fugues, etc) emp&rdes dans les compulsions de r6p&ition 6rotis&s n'en sont que les consdquences les plus cliniquement rep&ables. Pis encore, quand les parents passent sous silence absolu les circonstances de leur migration ou ob~rent le ddvdoppement de teur progdniture du poids des non-dits familiaux et des silences charg& de secrets dquivalents ~tl'interdit de penser. En l'absence de paroles ult&ieures susceptibles de ddcrire ou d'expliquer l'dv& n e m e n t - si douloureux soit-il (tortures, gdnocides, etc) il sera interdit ~ ces enfants autant de savoir que d'oublier21.

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les descendants d'enfants d'immigr~s Hormis ces cas particuliers qui ne sont point repr&entatifs de tousles membres de cette gdndration22, les descendants d'enfants d'immigrds semblent a priori bdn& ficier des atouts qu'offre l'apport de deux sources culturelles. Les modules identificatoires varids auxquds ils dtaient confront&, ainsi que la diversitd des rdfdrences immddiates intdgrdes par eux (dans des conditions qui ne soient pas tr~s conflictuelles) les am~nent habitudlement ~tdlaborer des modes de penser, d'agir et de senrir assez originaux par rapport ~t ceux de leurs parents et grands-parents. Un processus qualifid habituellement

20I1 esr 5 noter, ~tcet dgard, que nos institutions etnos mentalitds francaisessont encoreplus exigeantesqu'ailleurspour que les enfar~ts de migrantsou des ressortissantsd'Oun'e-mer adoptent rapidement les conditionsde vie de la m&ropole. Cette attitude nde du centralismejacobin est depuis tongtempsddnoncdepar les intellectuetsen gdn&al ; l'anthropologueJaulin n'avait pas hdsitd ~ parler [I5] de ,~rouleau compresseur ~ ! 21Pour une meiileurecomprdhensiondes m&anismesd'action traumansants, des scotomeset non-dits famitiauxen gdndral,je renvoie l'article fondamentalde Ausloos 3]. Ils peuvent, en effet,n'ouver un large 6cho chez les enfantsd'immigr& et de rdfugidspolitiques. 22On peut d'autant moins gdndraliserces observationschargdesde valeurs ndgativesque les enfants de migrants n'epousent pas forcdment quelqu'un 6galementoriginalrede leur espaceculturel ou national. ] ] 7

de <>[1] sera ainsi inaugural23 apartird'une rdinterprdtation d'dldments (qui ne soient pas tr~s antinomiques) ])uisds dans deux systkmes de rdffrence et constamment ffcondds l'un par l'autre. De tr~s nombreux exemples s'offrent ~inous aujourd'hui par l'observation des comportements des enfants issus de families originaires du Maghreb, des Antilles ou du sud-est asiatique. Que d'innovations dans les attitudes dducatives, les expdriences de socialisation et mSme les expressions cultuelles24 !

influence de l'6ge au moment de I'immigration L'&ude de l'&ape maturative traversde &ant primordiale pour cerner les comp&ences et les chances de rdussite, puis les performances, on ne peut consid&er indiff&emment les propos ci-dessus. Ils sont 5 compldter, suivant les dpoques oh la migration a (eu) lieu.

les changements de milieu culturel pendant I'enfance Apparemment, les jeunes enfants qui dmigrent en compagnie de personnages protecteurs et susceptibles de r& pondre correctement (d'une maniSre <>, dirait Winnicott) ~i leurs besoins affectifs ou mat&ielles ne sont pas directement expos& ~t des cons& quences ndgatives sur leur developpement psychosocial. A l'instar de leurs pairs nds dans le pays d'accueil, ils peuvent enrichir leurs exp&iences spatio-affectives et intdgrer rapidement des dldments culturels du nouveau milieu. Toutefois, la ddpendance fi l'dgard de l'entourage immddiat (d'autant plus rdduit au ddpart que le cercle familial est restreint) les soumet assez directement aux troubles et crises que connaltraient leurs parents immigr&, pas encore suffisamment ins&& dans le nouveau contexte. En revanche, lorsque ceux-ci ont confiance en eux-mSmes ou en leur avenir et se montrent capables de mddiatiser la relation aux cadres culturels ambiants, les jeunes enfants manifestent une grande capacitd ~t dinscrire dans les champs institutionnel et relationnel de la socidtd oh est install& la famille. Outre le changement total de ddcor, et partiellement de code de communication, hombre d'objets significatifs n'ont pu &re emport& par les parents. De mSme, des figures de rdf&ence devenues des moddes (contre-) identificatoires disparaissent sans que les enfants particuliSrement d'age scotaire aient pu comprendre ou accepter les raisons de leur absence totale. ]k cette p&iode sensible, se notent dgalement de forts sentiments

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de honte et, partant, de doute dus ~ila perception de la diff&ence et 5 l'incapacitd 7t manier correctement ou avec suffisamment d'aisance la langue et autres codes culturels. Sont ainsi visdes les valeurs comme la capacitd des parents fi montrer le vdritable chemin ~tsuivre [14]. S'expriment ainsi fi travers une symptomatologie varide - d'allure essentiellement somatique et phobique la peine ou la haine de ceux qui ont dtd fortement surpris par un ddpaysement subit et incomprdhensible pour eux. Ndanmoins, si les conflits ant&ieurs n'ont pas dtd trop sdv~res, et que la relation avec les parents reste suffisamment bonne, l'enfant s'intdgrera au nouvel environnement sans grand dommage pour sa santd psychique, tant que le milieu d'accuei] ne manifeste pas son dgard et aux siens de signes dvidents de rejet, d'ostracisme ou de racisme.

la migration a I'adolescence Si l'adolescence se caractdrise habituellement par de nombreux traits originaux qui permettent de compldter la formation de la personnalitd, la rdsurgence de lap& riode oedipienne (avec son cortege de d&irs incestueux, de prdoccupations par les questions sexuelles, d'angoisse de castration, etc), l'opposition aux adultes et la construction identitaire en restent les caract&res les plus saillants. Or, cette derni~re se trouve en principe soumise rude dpreuve dans les projets et les ddplacements migratoires qui viennent conforter les sentiments d'incomprdhension, d'dtrangetd et de repli ddfensif sur soi. Paradoxalement, ils constituent aussi les moments privildgids pour combler les besoins d'&asion, d'aventure et de d&ouverte si forts ~ ce moment de la vie.

Tout ddpend en fair de la nature des relations noudes a ce moment-la avec la famille. Celle-ci peut fonctionner comme groupe protecteur, ou comme lieu d'exercice d'une plus grande coercition ~i cause de la ddpendance quasi totale des parents (fi commencer par la situation administrative dans le pays d'accueil et les difficult&

23II peut parfois - mais plus rarement- se rencontrer directement chezdes enfantsde migrants,notammant issusde parentslargement acculturds avant meme leur dmigration, ou dont les aspirations rejoindre le pays dans lequel ils sont install&les avaientconduits ~i prdparer leurs descendants7tla richesse d'une double appartenance culturelle. 24N'est-il pas frappant, par exemple,de voir un reportagetdldvisuel sur des jeunesfillesmusulmanesmaghrdbinesrduniesen choeur- et v&ues en consdquence- psalmodiant le Coran ~ la mani~re des <>? Ou encore, est-ce habituellementconcevable pour des personnes issues de familiestraditionnellesafricaineset maghrdbines de chercher fi contracter mariage par l'intermddiaire d'ageuces matrimouialesou de petites annonces ?

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d'expression linguistique ou culturelle), tl me faut insister ici sur les dventuels mouvements de rupture socioculturelle prdcipit6s par des pmjets ou des menaces de voyage forcd. I1 est, en effet, des parents qui vont pr& senter le pays d'origine comme lieu de correction ou de punition 25 : les tendances 5 l'introspection, la recherche de nouveaux horizons ainsi que la fugue de soi-meme la qu&e de nouvelles vdritds ou de grands iddaux n'en sont alors que plus accentudes. En revanche, les jeunes qui rejoignent des proches avec t'espoir de triompher des difficult& rdelles ou supposdes de la vie dans le pays d'origine peuvent disposer d'un excellent atout, quand le groupe leur fournit un cadre d'appartenance, de solidaritd, de collaboration et de contenance qui les aide affermir le sentiment d'identitd [14]. Une situation potentiellement traumatisante m&ite ici une attention particuli~re : la sensibilitd des adolescents au regard jetd sur sol, notamment ~ travers les attributs corpords et les traits ethnophysiques. Or, les pairs et les institutions du pays d'accueil, surtout quand les diffdrences ethnoculturelles sont supposdes importantes, jouent un r61e d&erminant dans les manifestations d'hostilitd, de rdvolte ou d'excentricitd exagdrde chez les adolescents rdcemment immigrants ou issus de parents immigr& 26. Renvoyds fi un systSme rdf&entiel de valeurs qu'ils ignoren~, celui du tiers-monde, de la mis&re, de la matrifocalitd classique 27 des Cara'~bes, ou de l'univers culturel dit ~( black >>, ils sont amends <>[7, 8]. Ii rdsulte de ce grave probl&me <> [7] grosso modo trois stratdgies dont tes deux premi&es semblent porteuses de troubles psychiques et sociaux : la ndgation de tout ce qui fait rdf&ence ~ la terre-m~re-culture d'origine ; <
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importante : cdle d'adolescents dmigrant seuls, car incapables de fake face ~leurs difficult& sociales ou psychiques. Qualifid habituetlement de fugue, l'acte se transforme leurs yeux en dmigration ou tentative hdro~que, avec la croyance itlusoire qu'il suffira de changer de lieu pour rdussir. Le r&ultat est malheureusement le plus souvent ddsastreux : ddlinquance et drogue seront au rendezvous, comme consdquences de l'dchec e t - pour la plupart qui ne poss~dent pas de titre de sdjour ldgal dans le pays d'accueil - de la clandestinitd. Encore une lois, toutes ces tendances sont dvidemment moduler en fonction de param&res de l'histoire individuelle et familiale (fige ~t l'arrivde en pays d'accueil, prdsentation du milieu d'origine, persistance des liens, niveau scolaire, etc).

en guise de conclusion En rdsumant les propos ci-dessus, nous nous apercevons qu'aucun migrant ne ? e u t reproduir¢ ou retransmettre exactementsa culture d'origine, ne serait-ce qu'5 cause de la perte de repSres spatiotemporels. A l'instar de toute situation parentale, la migration introduit obligatoirement des mouvements adaptatifs, notamment avec la succession des gdndrations. L'intdgration de donndes culturelles puisdes dans le milieu d'accueil fait surgir des conduites et des attitudes par trop ressemblant ~ celles des individus qui en sont issus. Les m&anismes de d& vetoppement cognitifet affectif restent ainsi les memes. Toutefois, la rdfdrence visde par les modStes identificatoires, les iddaux du moi, les mythes familiaux et les transmissions intergdndrationnelles est diffe'rente. La construction psychique et les rdactions symptomatiques qui en r&ultent prennent une allure particuli&e. I1 n'est, en effet, pas facile de construire sur un sol fdcondd par de forts sentiments de culpabilitd et de nostalgie, on de faire face ~ des parents emp&r& dans des

25C'est malheureusementsouvemle cas chez des Maghrdbins,notamment ~ t'egardde leurs fillestrSs enctines7tdpouserdes compor~ements ,~occidentalis& >>: si tun "¢spas sage,je t'enverrai /2~-bas! 26 Les nombreux travauxde Galap consacrdsaux enfants d'origine antitlaise[in 7, 8] iltustrentaisdmentce contexte,tout en nagant des pistes de comprdhensiondes probl~mesrencontr&par d'autresjeunes confront& ~ ta mSmesituation. 27 Off il n'y a pas d'homme(s) r&idant ~ domicileer que la femme devenuetr~st6t mSredlSveseule des enfantsde plusieurslits: mame ceux qu'dle n'avait pas engendrds. 28 Ddj5 inconsciemmentprdsent ~ travers l'histoire sociopolitique des pays du tiers-monde en gdndrat,ou des DOM-TOM [10]. 29 Faut-il rappeler cetm sorre de tradition (relevant parfois de la ndcessitd) d'envoyerles enfants antillais nds en m&ropoleaux Ites, puis de les en raparNer, hypothdquantgravementteur devenir ?

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situations d'angoisse et des impressions d'&rangetd. Certes, la pathologie guette quand les (grands-) parents migrants ne peuvent renoncer ~ la toute-puissance narcissique que nourrit la m~re-terre-culture d'origine. Si les mouvements ddpressifs et la forclusion du discours sur l'dmigration ne se rdv~lent point envahissants, la persistance d'dldments nostalgiques et l'ambivalence peuvent bien servir ~iconsolider les dldments identitaires et ~ mieux discriminer les objets d'amour et d'attachement. En concluera-t-on que le praticien confrontal ~i des enfants issus de l'immigration n'a rien ~ regarder comme spdcifiquement culturel ? Certes non ! Ne serait-ce que pour pouvoir comprendre les soubassements des sympt6mes et accompagner les angoisses tout aussi bien que les ambitions qui s'y cachent. I1 y a meme des manifestations - tant somatiques que psychiques et sociales qui ne peuvent &re traitdes sans rdf&ence claire au contexte de la culture d'origine 3°. Mais dies sont exceptionnelles et minor#aires dans les consultations. C'est pourquoi, j'avais commencd par dire que notre premier effort clinique est une interrogation sur notre propre capacitd ~lfantasmer les diff&ences ou files gdn&aliser, face ~ila complexitd de l'Stre humain et de ses appartenances. Dans le m8me sens, je termine par la lapalissade de Klucldlorn [in 1], applicable dans tant de situations oh se lit la souffrance : ~ chaque homme est semblable ~l tousles autres, semblable ~l quelques autres, semblable ~inul autre ~) !

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30• commencerpar des dldmentshystdriques,des migraineset des terreurs nocturnes, pour finir par des grossessesiltdgitimes,des excisions et des crimes d'honneur, en passant par certains types de troubles digestifset respiratoires.

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