Les kystes hydatiques thoraciques extra-pulmonaires

Les kystes hydatiques thoraciques extra-pulmonaires

ÎMémoire original © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés - Rev Pneumol Clin 2006 ; 62 : 386-389 Les kystes hydatiques thoraciques extra-pu...

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ÎMémoire original © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés - Rev Pneumol Clin 2006 ; 62 : 386-389

Les kystes hydatiques thoraciques extra-pulmonaires

A. Zidane, A. Arsalane, F. Atoini, E.H. Kabiri Service de Chirurgie Thoracique, Hôpital Militaire d’Instruction Mohamed-V, 10100 Rabat, Maroc.

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Correspondance : E.H. Kabiri, à l’adresse ci-dessus. [email protected]

Résumé

Summary

Objectif. Rapporter notre expérience dans l’approche diagnostique et thérapeutique des kystes hydatiques thoraciques extra-pulmonaires, tout en soulignant les aspects étiopathogéniques de l’affection. Patients et méthodes. Sur 80 patients opérés dans notre service pour kyste hydatique thoracique entre septembre 2001 et septembre 2005, 6 (7,5 %) avaient une localisation extrapulmonaire, dont une multiple. Il s’agissait de 4 hommes et 2 femmes, avec un âge moyen de 43 ans. Les sites atteints étaient la plèvre, le médiastin et le diaphragme. Tous les patients ont été opérés par thoracotomie et la confirmation diagnostique était per-opératoire. Résultats. Un patient avait une localisation multiple (diaphragme, médiastin antérieur et plèvre). Le kyste était intact chez 5 malades et rompu chez 1 malade. Le diagnostic était suspecté en pré-opératoire et confirmé en per-opératoire. Les suites opératoires étaient simples dans tous les cas. Aucune récidive n’a été observée durant la période du suivi post-opératoire. Conclusion. La localisation thoracique extra-pulmonaire du kyste hydatique est une entité rare, même dans un pays de forte endémie. Une prise en charge précoce évite la survenue de complications potentiellement fatales. La chirurgie est le traitement de choix. Le traitement médical est réservé aux formes compliquées.

Thoracic extra-pulmonary hydatid cysts

Mots-clés : Kyste hydatique. Médiastin. Plèvre. Diaphragme.

Objective. To report our experience in the management of intra-thoracic extra-pulmonary hydatid cyst, and to discuss the etiopathogenics of this affection. Patients and methods. Among 80 patients who underwent surgery in our department for intra-thoracic hydatid cysts between September 2001 and September 2005, six patients (7.5%) had an extra-pulmonary localization. There were 4 men and 2 women with a mean age of 43 years. The lesions were pleural, diaphragmatic or mediastinal. Thoracotomy was performed in all patients. Results. One patient had multiple localizations (diaphragm, anterior mediastinum and pleura). The cyst was simple in 5 cases and complicated (rupture) in one case. The diagnosis of hydatid cyst was suspected on the basis of the radiological data and confirmed intra-operatively. No complications or recurrences were observed during the follow-up period. Conclusion. Intra-thoracic extra-pulmonary hydatid cyst is uncommon even in endemic countries such as Morocco. Surgery is the best treatment and must be proposed early in order to prevent complications. Medical treatment is reserved for complicated forms. Key-words: Hydatid cyst. Mediastinum. Pleura. Diaphragm.

A. Zidane et al.

L’

hydatidose est une antropozoonose cosmopolite due au développement, chez l’homme, de la larve du tænia des canidés, Echinococcus granulosus. Tous les organes peuvent être atteints, particulièrement le foie et le poumon. La localisation thoracique extra-pulmonaire concerne tous les organes ayant en commun leur appartenance au thorax, en dehors du poumon : paroi thoracique, médiastin, péricarde, myocarde, diaphragme et plèvre. C’est une forme rare, même dans les zones de fortes endémies. Nous rapportons notre expérience de l’approche diagnostique et thérapeutique chez 6 patients présentant un kyste hydatique thoracique extra-pulmonaire, tout en soulignant les aspects étiopathogéniques de l’affection.

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Patients et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective de 4 ans (septembre 2001 à septembre 2005) portant sur 80 patients opérés dans notre service pour kyste hydatique thoracique. Six patients (7,5 %) avaient une localisation extrapulmonaire : diaphragme (figures 1 et 2), plèvre (figure 3) et médiastin (figure 4). Il s’agissait de 4 hommes et 2 femmes, avec un âge moyen de 43 ans. Chez tous les patients, le diagnostic a été suspecté en pré-opératoire devant la présentation radio-clinique (radiographie et tomodensitométrie thoracique). Le diagnostic de certitude était chirurgical dans tous les cas. Tous les patients ont été opérés par thoracotomie postéro-latérale passant par le 5e ou le 6e espace intercostal.

Figure 1. - Aspect radiologique d’un kyste hydatique diaphragmatique. La radiographie pulmonaire montre un niveau hydro-aérique au niveau de la base droite.

Résultats Un patient avait une localisation multiple (diaphragme, médiastin antérieur et plèvre). Le kyste était intact chez 5 malades et rompu chez le sixième. La présentation clinique était marquée par une toux, des crachats purulents et une altération de l’état général chez le patient dont le kyste était rompu. Chez ceux dont le kyste était intact, la symptomatologie se limitait à une douleur thoracique ou une dyspnée. La radiographie et la tomodensitométrie thoracique ont constitué le principal moyen diagnostique chez tous les patients. Dans un cas de kyste diaphragmatique (figure 1), l’aspect radiologique était en faveur d’un kyste hydatique rompu du lobe inférieur droit, et ce n’est que lors de l’intervention que le diagnostic a été redressé.

Figure 2. - Aspect peropératoire du même kyste hydatique diaphragmatique.

La voie d’abord a été une thoracotomie postéro-latérale dans les tous cas. Le traitement a toujours consisté en une périkystectomie laissant en place une collerette au contact des gros vaisseaux du médiastin, dans les 2 cas

Les kystes hydatiques thoraciques extra-pulmonaires

388 Figure 3. - Coupe scanographique. Kyste hydatique multi-vésiculaire de la plèvre pariétale.

Figure 4. - Coupe scanographique. Kyste hydatique du médiastin postérieur.

de kystes médiastinaux. Les suites opératoires ont été simples dans tous les cas. Aucune récidive n’a été observée durant la période du suivi post-opératoire.

plus souvent d’une atteinte primitive qui se fait par voie systémique, par le biais des branches artérielles médiastinales de l’aorte thoracique descendante, ou par voie lymphatique. La principale caractéristique des kystes hydatiques primitifs du médiastin est leur tendance à la calcification, contrairement aux kystes pulmonaires ; ceci peut être expliqué par l’absence de ventilation des lésions médiastinales [4]. La localisation diaphragmatique est très rare, nécessitant souvent une réparation après kystectomie [5]. Dans la majorité des cas, elle est associée à un kyste hépatique concomitant ou ancien. Ceci peut être expliqué par le fait qu’une grande partie du foie est dépourvue de péritoine. Dans ce cas, l’atteinte diaphragmatique se fait par contiguïté. Exceptionnellement, elle est isolée et l’embryon atteint le diaphragme par voie lymphatique ou artérielle [6]. Sur le plan clinique, les kystes hydatiques thoraciques extra-pulmonaires n’ont pas de symptomatologie spécifique. Ils peuvent se manifester par des signes de compression des structures de voisinage (trachée, œsophage, veines caves, nerf récurent,…). Parfois leur découverte est fortuite à l’occasion d’une radiographie thoracique. La tomodensitométrie thoracique est d’un grand apport, particulièrement en présence de vésicules filles. En effet, la présence d’une forme multi-vésiculaire traduit presque toujours une localisation extra-pulmonaire du kyste hydatique. La tomodensitométrie objective une masse grossièrement arrondie, hypodense, homogène, cloisonnée ou hétérogène en fonction du stade évolutif du kyste, tout en précisant sa localisation exacte, ses rapports avec les organes de voisinage et la présence d’éventuelles lésions associées, notamment pleuro-pulmonaires.

Discussion L’atteinte du thorax au cours de l’hydatidose vient en deuxième position de par sa fréquence après celle du foie et, dans le thorax, l’atteinte du poumon est de loin la plus fréquente (95 % des cas). Les kystes thoraciques extra-pulmonaires sont rares et se développent essentiellement aux dépens de la plèvre et du médiastin. Au niveau de la plèvre, les kystes siègent entre la plèvre pariétale et le fascia endothoracique, et l’atteinte semble se faire par voie systémique ou lymphatique. Isitmangil et al. [1] ont rapporté l’observation d’un kyste hydatique du dôme hépatique rompu dans le diaphragme associé à une hydatidose extra-pleurale disposée en chaîne le long de la ligne parasternale en avant, et de la gouttière paravertébrale en arrière et ascendante vers l’apex. Les auteurs ont proposé une nouvelle théorie de dissémination hydatique par l’intermédiaire du drainage lymphatique diaphragmatique ascendant le long des ganglions mammaires internes en avant, et des ganglions intercostaux en arrière. La localisation médiastinale du kyste hydatique est très rare, représentant 0,1 % de toutes les localisations hydatiques et moins de 1 % des localisations intrathoraciques [2]. Dans une revue de littérature rapportée par Rakower et Milwidsky [3], 55 % des kystes surviennent au niveau de la gouttière paravertébrale, 36 % au niveau du médiastin antérieur, et moins de 8 % au niveau du compartiment viscéral médiastinal. Il s’agit le

A. Zidane et al.

L’IRM est intéressante en cas de lésion médiastinale postérieure, à la recherche d’une atteinte médullaire ou en présence de signes neurologiques [7, 8]. Les kystes hydatiques du péricarde surviennent souvent au niveau de l’angle cardiophrénique droit. Dans ces cas, l’échocardiographie combinée à la tomodensitométrie permet d’évoquer le diagnostic en confirmant la nature kystique de la lésion et en éliminant une tumeur solide (myxome, fibrome, hamartome...) ou une thrombose intra-cardiaque [9]. Les examens biologiques sont peu utiles. L’hyperéosinophilie, l’intradermo-réaction de Casoni sont des éléments inconstants et n’ont pas une grande valeur diagnostique. Quant à la sérologie hydatique, il existe beaucoup de faux-positifs ou de faux-négatifs. Le diagnostic positif est difficile à établir du fait de la rareté de l’affection et de l’absence de spécificité clinique, radiologique et biologique. En effet, plusieurs autres causes de lésions kystiques peuvent être évoquées : kyste bronchogénique, kyste entérique, kyste pleuropéricardique, kyste thymique, lymphangiome. Le diagnostic de certitude est presque toujours opératoire en visualisant la membrane hydatique et/ou les vésicules filles ou après étude anatomopathologique de la pièce opératoire en cas de kyste infecté ou remanié. En l’absence de traitement, plusieurs complications peuvent survenir au cours de l’évolution telles qu’une surinfection, une compression des structures vitales, une érosion costale et vertébrale, une rupture dans l’aorte [10], une rupture dans le médiastin, les cavités pleurale et cardiaque [11], une embolie pulmonaire en cas de rupture dans le ventricule droit [11]. Le traitement est toujours chirurgical. Il obéit aux règles générales de la chirurgie hydatique, c’est-à-dire éradiquer le parasite et traiter la cavité résiduelle. Une résection costale est souvent nécessaire en cas de localisation au niveau des côtes [12]. La voie d’abord est une thoracotomie postéro-latérale. Pour les lésions du médiastin antérieur, une thoracotomie antéro-latérale ou une sternotomie médiane totale ou partielle est souvent nécessaire [13, 14]. En cas de rupture du kyste en pré- ou en per-opératoire, un traitement médical à base d’albendazole, à la dose de 10 à 15 mg/kg/jour, doit être entrepris pendant 3 à 6 mois pour prévenir une éventuelle récidive, bien que son efficacité ne soit pas entièrement démontrée.

Conclusion Les kystes hydatiques thoraciques extra-pulmonaires sont rares. Cependant, ils doivent être inclus dans le diagnostic différentiel de toute masse kystique de localisation thoracique, surtout dans un pays de forte endémie. Le traitement est toujours chirurgical et répond aux règles générales de la chirurgie hydatique. Le meilleur traitement reste la prévention. Références 1.

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