Un syndrome de la queue de cheval causé par une migration épidurale postérieure d’une hernie discale lombaire

Un syndrome de la queue de cheval causé par une migration épidurale postérieure d’une hernie discale lombaire

Science & Sports (2013) 28, 338—341 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com NOTE BRÈVE Un syndrome de la queue de cheval causé par une migra...

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Science & Sports (2013) 28, 338—341

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

NOTE BRÈVE

Un syndrome de la queue de cheval causé par une migration épidurale postérieure d’une hernie discale lombaire A cauda equina syndrome due to a posterior epidural migration of a lumbar disc herniation T. Raboudi ∗, M.A. Kedous , W. Sayed , M. Abdelkefi , M. Trabelsi , M. Mbarek Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, centre de traumatologie et des grands brûlés de Ben Arous, Ben Arous, Tunisie Rec ¸u le 3 avril 2013 ; accepté le 7 juin 2013 Disponible sur Internet le 14 ao�t 2013

MOTS CLÉS Hernie discale lombaire ; Migration ; Espace épidural postérieur ; Syndrome de la queue de cheval ; IRM



Résumé Objectif. — Discuter à travers notre observation et une revue de la littérature les particularités neuroradiologiques et les difficultés diagnostiques que pose cette forme anatomique de la migration discale. Synthèse des faits. — Un haltérophile âgé de 28 ans a présenté suite au port d’une charge lourde des lombalgies aiguës associées à une paraplégie prédominante du côté droit et à une incontinence urinaire. L’IRM a montré une hernie discale L4-L5 droite exclue avec migration en épidural postérieur comprimant le fourreau dural. Un traitement chirurgical a été entrepris en urgence avec décompression et herniectomie. Une récupération sensitivomotrice rapide a été observée dès les premiers jours. Au recul de quatre mois, le patient ne garde aucune séquelle neurologique. Conclusion. — La migration épidurale postérieure d’une hernie discale est exceptionnelle. Les manifestations cliniques sont variées avec à l’extrême un syndrome de la queue de cheval. L’IRM est l’examen de choix pour faire le diagnostic. Le traitement chirurgical rapidement effectué permet dans la majorité des cas une évolution favorable. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : raboudi [email protected] (T. Raboudi).

0765-1597/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2013.06.005

Étiologie d’un syndrome de la queue de cheval

KEYWORDS Lumbar disc herniation; Migration; Posterior epidural space; Cauda equina syndrome; MRI

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Summary Purpose. — To discuss through our observation and a review of the literature the neuroradiological characteristics and the diagnosis difficulties related to this type of migration of lumbar disc herniation. Synthesis of facts. — A 28-year-old weightlifter has presented, after carrying a heavy weight, an acute lumbar pain with paraplegia predominant on the right side and urinary incontinence. MRI has shown a right L4-L5 excluded disc herniation with posterior epidural migration and dural sheath compression. A rapid lumbar spine decompression and herniectomy was performed. A sensitive and motor recovery occurred in the first few days following the operation. After 4 months of follow up, the patient had no neurological sequelae. Conclusion. — Posterior epidural migration of a lumbar disc herniation is rare. Clinical symptoms frequently indicate severe radicular compression. Cauda equina syndrome is very unusual. MRI is very valuable to make the diagnosis. Early surgical management is the treatment of choice for optimal symptomatic recovery. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction Les hernies discales lombaires représentent une part importante de la pathologie disco-vertébrale. Elles sont exclues dans environ le tiers des cas. La migration de fragments herniaires dans l’espace épidural antérieur dans un sens latéral ou rostro-caudal est habituelle. Exceptionnellement la migration se fait dans l’espace épidural postérieur. L’association de cette dernière à un syndrome de la queue de cheval relève à quelques cas isolés rapportés dans la littérature. Le but de ce travail est de rapporter un cas de migration épidurale postérieure d’une hernie discale lombaire exclue et discuter à travers notre observation et une revue de la littérature les particularités neuroradiologiques et les difficultés diagnostiques que pose cette forme anatomique de la migration discale.

2. Notre cas Un haltérophile âgé de 28 ans a présenté suite au port d’une charge lourde lors d’un entraînement des lombalgies aiguës associées à une faiblesse distale, à des paresthésies des membres inférieurs rendant la marche quasi impossible et à une incontinence urinaire. L’examen clinique a révélé un déficit moteur des releveurs du pied et des fléchisseurs coté à 1 à droite et à 1 à 2 à gauche, une anesthésie en selle, une hypoesthésie bilatérale au niveau de la face antéro-externe des deux jambes, du dos et de la plante des pieds, des réflexes achilléens abolis et un sphincter anal hypotonique. L’IRM du rachis lombaire a mis en évidence une lésion épidurale postérieure en L4-L5 de signal identique à celui du disque intervertébral, en hypersignal en T2 avec rehaussement linéaire à sa périphérie à l’injection de gadolinium (Fig. 1). Une image d’arrêt complet en L4-L5 a été observée aux séquences tridimensionnelles de la myélo-IRM (Fig. 2). Le diagnostic de hernie discale L4-L5 droite exclue, migrée dans l’espace épidural postérieur et comprimant le fourreau dural a été posé en préopératoire. Un traitement chirurgical a été entrepris en urgence avec hémi-laminectomie permettant de reconnaître le fragment

herniaire au niveau de l’espace épidural postérieur et du récessus latéral gauche. Une récupération sensitivomotrice rapide a été observée dès les premiers jours. Au recul de quatre mois, le patient ne garde aucune séquelle neurologique.

3. Discussion L’exclusion d’une hernie discale peut être définie par une rupture de l’annulus fibrosus et du ligament vertébral commun postérieur avec migration de matière discale en provenance du nucléus pulposus dans l’espace épidural. La migration de la hernie discale lombaire est observée dans 28 % des cas. La migration se fait le plus souvent dans l’espace épidural antérieur dans un sens latéral, rostral ou caudal. Rarement, un fragment herniaire exclu peut migrer dans l’espace épidural postérieur [1]. Vingt-quatre cas semblables ont été rapportés dans la littérature. L’association de cette migration atypique à un syndrome de la queue de cheval est exceptionnelle [1], seuls quelques cas isolés ont été rapportés. Schellinger et al. [2] ont décrit en procédant à une étude anatomique cadavérique et sur IRM un septum sagittal médial étendu entre le ligament vertébral commun postérieur et le mur vertébral postérieur qui s’oppose à la migration des hernies de part et d’autre de la ligne médiane. Fick [3] a décrit une fine membrane étendue de chaque côté du bord libre du ligament vertébral commun postérieur en dedans vers la paroi du canal médullaire, s’opposant aux migrations postéro-latérales des hernies. Pour atteindre l’espace épidural postérieur, une hernie doit traverser au cours de sa migration en plus de ces barrières anatomiques la graisse épidurale , le plexus veineux épidural et enfin croiser le trajet de la racine nerveuse. Cela explique le caractère souvent symptomatique de ces hernies dans leur présentation aiguë avec à l’extrême un syndrome de la queue de cheval [1]. La survenue de ce dernier dépend essentiellement du volume de la hernie et de l’espace de réserve présent dans le canal médullaire lombaire.

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T. Raboudi et al.

Figure 1 L’IRM lombaire en coupe sagittale (A) et en coupe axiale (B) montrait une masse épidurale postérieure comprimant le fourreau dural (flèches). Lumbar MRI with sagittal and axial section showing a posterior epidural mass compressing the dural sheath (arrows).

La rareté et l’aspect radiologique atypique de ces hernies sont responsables de difficultés diagnostiques à l’imagerie. En effet, les hernies discales à migration épidurale postérieure peuvent mimer des lésions plus communes dans cette localisation comme les néoplasmes, les abcès, les hématomes [1] ou plus rarement un kyste synovial des articulaires, une synovite villonodulaire pigmentée ou un ligamentum flavum hypertrophique.

Figure 2

L’IRM avec injection de gadolinium est considérée comme la méthode de choix par plusieurs auteurs [4]. La hernie apparaît comme une lésion hypo-intense en T1 et hyperintense en T2 dans 80 % des cas repoussant en arrière la graisse épidurale vascularisée [4]. Après injection de gadolinium, le fragment herniaire est entouré d’un anneau rehaussé correspondant à la réaction inflammatoire l’entourant. Cet aspect a été observé chez notre patient.

Les séquences de la myélo-IRM 3D mettant en évidence un arrêt complet en L4-L5.

3D lumbar MR myelography showing a lumbar spinal stenosis at the L4-L5 level.

Étiologie d’un syndrome de la queue de cheval La myélographie montre en général une image d’arrêt complet de produit de contraste correspondant au niveau de la compression mais ne permet pas de caractériser la hernie. Chez notre patient, la myélo-IRM 3D a mis en évidence un arrêt complet en L4-L5 (Fig. 2). Parmi les diagnostics différentiels sus-cités, les tumeurs de rehaussent souvent uniformément après injection de gadolinium. Les kystes synoviaux présentent un signal caractéristique et sont souvent au contact d’une articulation. Un abcès épidural peut présenter les mêmes caractéristiques qu’un fragment herniaire migré mais l’absence de modifications discales associées et le contexte infectieux permettent de redresser le diagnostic. Les hématomes sont toujours en iso- ou hypersignal en T1 et ne prennent pas le gadolinium [1]. Le traitement chirurgical de cette forme de migration discale consiste à l’unanimité des auteurs en une herniectomie réalisée à travers une hémi-laminectomie ou une laminectomie complète. Ce traitement chirurgical doit être fait en urgence en présence d’un syndrome de la queue de cheval et assez rapidement dans les autres cas pour prévenir l’apparition des déficits neurologiques.

4. Conclusion La migration d’une hernie discale en épidural postérieur est exceptionnelle. Ses manifestations cliniques sont variées

341 avec à l’extrême un syndrome de la queue de cheval. L’IRM est l’examen de choix pour faire le diagnostic mais surtout éliminer les diagnostics différentiels devant cette forme atypique et trompeuse. Le traitement chirurgical effectué dans les plus brefs délais permet dans la majorité des cas une évolution favorable.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Bonaroti EA, Welch WC. Posterior epidural migration of an extruded lumbar disc fragment causing cauda equina syndrome. Spine 1998;23:378—81. [2] Schellinger D, Manz H, Vidu B. Disk fragment migration. Radiology 1990;175:831—6. [3] Fick R. Posterior longitudinal ligament. In: Fick R, editor. Handbuch der anatomy und mechanik der gelenke. Germany: C. Fischer; 1904. p. 80—2. [4] Chen CY, Chuang YL, Yao MS, Chiu WT, Chen CL, Chan WP. Posterior epidural migration of sequestrated lumbar disk fragment: MR imaging findings. AJNR Am J Neuroradiol 2006;27(7): 1592—4.