Algorithme diagnostique. Comment je raisonne devant une HTAP ?

Algorithme diagnostique. Comment je raisonne devant une HTAP ?

Session A 28 : L’HTAP au quotidien Algorithme diagnostique. Comment je raisonne devant une HTAP ? Présidents : V. Cottin (Lyon), I. Frachon (Brest) ...

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Session A 28 : L’HTAP au quotidien

Algorithme diagnostique. Comment je raisonne devant une HTAP ?

Présidents : V. Cottin (Lyon), I. Frachon (Brest) Orateur : M. Humbert (Clamart) Résumé rédigé par : A. Bourdin

Introduction Avant tout, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une pathologie relevant essentiellement de discussions pluridisciplinaires. Et les questions que nous nous posons sont toujours les mêmes et commencent irrémédiablement par : est-ce le bon diagnostic ? Viennent ensuite deux autres questions : comment classer cette HTAP, et quelle en est la sévérité ?

Est-ce le bon diagnostic ?

Correspondance : [email protected]

Devant une hypertension artérielle pulmonaire, la première interrogation est la suivante : le diagnostic est-il affirmé ? Ainsi, l’analyse des données du cathétérisme cardiaque droit, et en particulier des valeurs certes de la pression artérielle pulmonaire moyenne, mais aussi de la pression capillaire pulmonaire, du débit cardiaque, des résistances vasculaires pulmonaires, de la sensibilité au monoxyde d’azote, reste l’étape clé initiale du raisonnement. En analysant finement les données obtenues à partir de la cohorte de patients sclérodermiques (Itinerair Sclerodermie) [1] pour lesquels un dépistage échocardiographique a été proposé, on observe qu’il existe des zones de doute si on se réfère à la seule vitesse d’insuffisance tricuspidienne (VIT entre 2,5 et 3 m/s) pour le diagnostic, sans pouvoir discerner l’origine pré ou postcapillaire de l’HTAP. Et après cathétérisme, 12 patients sur les 33 identifiés par l’échocardiographie n’ont pas d’HTAP, soit 36 % de faux positifs. On ne sait pas par ailleurs s’il existe aussi des faux négatifs de l’échocardiographie (échographie normale mais HTAP confirmée par un cathétérisme cardiaque droit). Et notamment dans cette pathologie, il peut également exister des HTAP d’origine post capillaire difficiles à dépister à l’échocardiographie pourtant réputée solide dans cette indication, en général par dysfonction diastolique. Et, même si la corrélation entre la valeur de PAP

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systolique évaluée en échographie et mesurée au cathétérisme est significative dans cette étude (r = 0,76), on notera, en regardant autour de la valeur 40 mmHg, souvent considérée comme seuil en échographie, qu’il existe des valeurs oscillant entre 15 et 60 mmHg au cathétérisme. En conclusion, si l’écho-Doppler est très utile, le cathétérisme reste à ce jour incontournable.

Classer l’HTAP La nouvelle classification [2] a voulu être la plus proche possible de la pratique clinique en essayant de dégager des attitudes thérapeutiques harmonieuses propres aux différents groupes proposés. Pour les HTAP idiopathiques et associées, il faut toujours prendre le temps de bien pouvoir interroger et examiner les patients pour classer correctement la maladie (histoires familiales, exposition à des anorexigènes, maladies chroniques connues, etc.). Certains examens systématiques restent indispensables cependant, tels qu’une sérologie VIH, une échographie abdominale, une sérologie schistosomiase pour les patients venant de zones à risque. Pour la maladie veino-occlusive, la survenue d’un œdème pulmonaire et des particularités tomodensitométriques, associées à un effondrement de DLCO et d’une hémorragie intra-alvéolaire au lavage bronchiolo-alvéolaire sont des arguments importants. La participation du cœur gauche reste essentiellement démasquée lors du cathétérisme cardiaque droit lorsque l’échocardiographie n’a pas permis de conclure. Les maladies respiratoires chroniques peuvent se compliquer d’HTAP disproportionnées, et les liens de causalité entre ces deux pathologies posent un certain nombre de questions. Enfin, pour la maladie thrombo-embolique chronique, l’angioscanner ne semble pas être l’examen de référence, mais plutôt la scintigraphie de ventilation/perfusion, examen simple et extrêmement important pour ne pas méconnaître une cause potentiellement curable de l’HTAP.

Évaluer la sévérité Parmi tous les éléments pronostiques, la classification est importante : une HTAP associée à une sclérodermie a un plus mauvais pronostic qu’une HTAP idiopathique. Le type de maladie associée également [3]. Du point de vue hémodynamique, certains critères dont l’index cardiaque, ou la pression dans l’oreillette droite, ont été montrés comme ayant une valeur pronostique importante, probablement plus importante que la pression artérielle pulmonaire elle-même. La classe fonctionnelle NYHA a un impact pronostique également majeur, y

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compris pour la réponse aux traitements [4]. Le test de marche de 6 minutes, bien entendu adapté à l’âge par exemple, est également informatif, avec probablement une valeur seuil aux alentours de 350 mètres [4]. Pour les biomarqueurs, c’est probablement le dosage initial et pendant le suivi du pro-BNP qui a une bonne valeur pronostique [5]. Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que les patients ayant une vasoréactivité importante sous NO et répondant ainsi aux inhibiteurs calciques ont un pronostic bien meilleur que les autres patients [6]. Il existe des critères échocardiographiques intéressants, notamment sur les signes de dysfonction du ventricule droit (indice TAPSE par exemple) et d’épanchement péricardique La meilleure synthèse de tous ces éléments pronostiques est probablement le maintien ou non du patient dans sa classe fonctionnelle au cours du suivi sous traitement. On comprend intuitivement que rester en classe III par exemple soit de plus mauvais pronostic que de passer en classe II [4]. Au total, sur l’ensemble de ces éléments pronostiques, qui servent aussi au suivi, il persiste une grande zone d’incertitude pour toutes les situations où les données ne varient pas obligatoirement dans le même sens. C’est dans toutes ces situations que se justifie la prise en charge en milieu spécialisé au sein de centres de compétences comportant des équipes pluridisciplinaires des patients ayant une suspicion d’HTAP ou une HTAP prouvée.

Références 1.

Hachulla E, Gressin V, Guillevin L, Carpentier P, Diot E, Sibilia J, Kahan A, Cabane J, Frances C, Launay D, Mouthon L, Allanore Y, Tiev KP, Clerson P, de Groote P, Humbert M : Early detection of pulmonary arterial hypertension in systemic sclerosis: a French nationwide prospective multicenter study. Arthritis Rheum 2005 ; 52 : 3792-800.

2.

Simonneau G, Robbins IM, Beghetti M, Channick RN, Delcroix M, Denton CP, Elliott CG, Gaine SP, Gladwin MT, Jing ZC, Krowka MJ, Langleben D, Nakaniski N, Souza R : Updated clinical classification. JAm Coll Cardiol 2009 [sous presse].

3.

Kawut SM, Taichman DB, Archer-Chicko CL, Palevsky HI, Kimmel SE : Hemodynamics and survival in patients with pulmonary arterial hypertension related to systemic sclerosis. Chest 2003 ; 123 : 344-50.

4.

Sitbon O, Humbert M, Nunes H, Parent F, Garcia G, Herve P, Rainisio M, Simonneau G : Long-term intravenous epoprostenol infusion in primary pulmonary hypertension: prognostic factors and survival. J Am Coll Cardiol 2002 ; 40 : 780-8.

5.

Nagaya N, Nishikimi T, Uematsu M, Satoh T, Kyotani S, Sakamaki F, Kakishita M, Fukushima K, Okano Y, Nakanishi N, Miyatake K, Kangawa K : Plasma brain natriuretic peptide as a prognostic indicator in patients with primary pulmonary hypertension. Circulation 2000 ; 102 : 865-70.

6.

Sitbon O, Humbert M, Jais X, Ioos V, Hamid AM, Provencher S, Garcia G, Parent F, Herve P, Simonneau G : Long-term response to calcium channel blockers in idiopathic pulmonary arterial hypertension. Circulation 2005 ; 111 : 3105-11.