Aspects cliniques, radiologiques, pronostiques et thérapeutiques des lésions démyélinisantes extensives

Aspects cliniques, radiologiques, pronostiques et thérapeutiques des lésions démyélinisantes extensives

revue neurologique 167 (2011) 14–22 Me´moire Aspects cliniques, radiologiques, pronostiques et the´rapeutiques des le´sions de´mye´linisantes extens...

238KB Sizes 6 Downloads 229 Views

revue neurologique 167 (2011) 14–22

Me´moire

Aspects cliniques, radiologiques, pronostiques et the´rapeutiques des le´sions de´mye´linisantes extensives Clinical, radiographic, prognostic and therapeutic aspects of demelinating disease with tumefactive demyelinating lesions M. Launay a,*, C. Lebrun a, E. Giordana b, S. Chanalet b, P. Thomas a a b

Service de neurologie, hoˆpital Pasteur, 30, voie Romaine, BP 69, 06002 Nice, France Service de radiologie, hoˆpital Pasteur, 30, voie Romaine, BP 69, 06002 Nice, France

info article

r e´ s u m e´

Historique de l’article :

Introduction. – Le groupe he´te´roge`ne des maladies avec le´sion de´mye´linisante extensive

Rec¸u le 8 septembre 2009

(LDE) pose des difficulte´s nosologiques, diagnostiques, pronostiques et the´rapeutiques. Leur

Rec¸u sous la forme re´vise´e le

e´volution a` long terme n’est pas bien de´finie dans la litte´rature.

5 mai 2010

Me´thodes. – Dans une e´tude re´trospective, nous de´crivons les caracte´ristiques d’une cohorte

Accepte´ le 7 juillet 2010

de 29 patients avec LDE. Dans une e´tude cas–te´moins, l’EDSS lors du premier e´ve´nement

Disponible sur Internet le

de´mye´linisant (ED) avec LDE, l’EDSS au terme du suivi et la prise de traitement de fond des

23 aouˆt 2010

24 patients du groupe SEP avec LDE ont e´te´ compare´s a` une population de re´fe´rence atteinte d’une SEP de type re´mittente re´currente avec pour objectif de discuter pronostic et prise en

Mots cle´s :

charge the´rapeutique des LDE.

Scle´rose en plaques

Re´sultats. – Dans notre e´tude, le pronostic des patients avec LDE non pre´valente (premier ED

Ence´phalomye´lite

sans LDE) e´tait meilleur que celui des patients pre´valents (premier ED avec LDE) et e´tait

IRM

comparable a` celui des SEP te´moins. Au terme du suivi, il n’existait pas de diffe´rence

Immunosuppresseurs

significative entre les patients traite´s par immunosuppresseurs dans les suites imme´diates du premier ED avec LDE et les patients ayant une SEP classique ( p = 0,61). Les patients non

Keywords:

traite´s par immunosuppresseurs avaient un score EDSS au terme du suivi statistiquement

Multiple sclerosis

plus se´ve`re que les patients ayant une SEP classique ( p = 0,0047).

Encephalomyelitis

Conclusion. – Le pronostic des patients avec LDE est difficile a` de´finir car multifactoriel

MRI

(affection sous-jacente et roˆle des traitements de fond). Aucun consensus n’existe sur la

Immunosuppressors

prise en charge the´rapeutique. Les patients de notre cohorte avec ED se´ve`re re´ve´lant la LDE ont mieux e´volue´ lorsqu’ils ont be´ne´ficie´ d’un traitement immunosuppresseur pre´coce. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

abstract Background. – Demyelinating diseases presenting with a tumefactive demyelinating lesion (TDL) raise questions about classification, diagnosis, prognosis, and treatment. Their longterm course is not well described in literature.

* Auteur correspondant. E-mail address : [email protected] (M. Launay). 0035-3787/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.neurol.2010.07.003

revue neurologique 167 (2011) 14–22

15

Patients/methods. – In a retrospective study, we describe the main characteristics of 29 patients with TDLs. In a case control study, we compared two cohorts of multiple sclerosis (MS) patients: 24 MS patients with TDL versus a reference cohort of patients with relapsing remitting MS. We compared the extended disability status score (EDSS) concerning the first demyelinating event (DE) with TDL, EDSS score at the end of follow-up and treatment intake. The objective was to discuss the prognosis and the management of TDL. Results. – In our study, the prognosis was better for patients with non-prevalent TDL (first DE without TDL) compared with patients with prevalent TDL (first DE with TDL) and was not different compared with the MS reference cohort. At the end of follow-up, there was no significant difference between patients treated with immunosuppressors after a first DE with TDL and patients with classical MS. The EDSS at the end of follow-up was statistically more severe for untreated patients after a first DE with TDL than for classical MS patients (P = 0.0047). Discussion. – The prognosis of patients with TDL is difficult to assess because of its multifactorial nature (underlying disease and treatment impact). In our cohort, outcome of MS patients whose first severe DE involved a TDL was better when they received an early immunosuppressive treatment. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1.

Introduction

En marge des formes habituelles de scle´rose en plaques (SEP) de´finies par le suivi e´volutif, d’autres formes cliniques et neuropathologiques rares appele´es formes frontie`res sont de´crites. Certaines peuvent se pre´senter en imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) par une le´sion unique ou multiple de grande taille de´finie par un diame`tre supe´rieur a` 2 cm (Comi, 2004). Ces le´sions de´mye´linisantes extensives (LDE) regroupent les formes pseudotumorales de SEP (formes de Marburg, de Schilder et scle´rose concentrique de Balo´) et l’ence´phalomye´lite aigue¨ disse´mine´e (EMAD). La nosologie des formes frontie`res pose la question d’une meˆme entite´, de formes autonomes ou de syndromes de chevauchement. Il est difficile de les de´crire car la litte´rature n’offre pas de nomenclature claire et uniforme. Les LDE posent souvent des difficulte´s diagnostiques, pronostiques et the´rapeutiques. Dans cette e´tude, nous de´crivons les caracte´ristiques cliniques, radiologiques, the´rapeutiques et le profil e´volutif d’une cohorte de 29 patients ayant une maladie inflammatoire du syste`me nerveux central (SNC) avec LDE en IRM. L’objectif est de discuter le pronostic et la prise en charge the´rapeutique de ces LDE.

2.

Patients et me´thodes

Notre e´tude est re´trospective et descriptive. Elle concerne les patients ayant une maladie inflammatoire du SNC avec LDE sur l’IRM ence´phalique suivis dans l’unite´ de neuro-immunologie du centre hospitalier universitaire de Nice depuis 1998. Ces le´sions e´taient soit pre´valentes (mise en e´vidence au de´cours du premier ED) soit non pre´valentes (mise en e´vidence lors d’ED ulte´rieurs). Les le´sions pre´valentes extensives pouvaient concerner a posteriori des EMAD et des SEP. Les le´sions non pre´valentes concernaient uniquement et par de´finition des le´sions de SEP. Pour eˆtre inclus, tous les patients devaient pre´senter au moins une LDE (supe´rieure a` 20 mm de

grand axe) documente´e sur une IRM ence´phalique. E´taient exclut les patients suivis pour une neuromye´lite optique de Devic, les cas de ne´oplasies, d’infections, de vasculopathies, de maladies inflammatoires non de´mye´linisantes du SNC et les patients ayant un ante´ce´dent d’irradiation ce´re´brale. La cohorte comprenait 29 patients. Les deux meˆmes neurologues ont collecte´ et analyse´ pour chaque patient les donne´es cliniques, biologiques, e´lectrophysiologiques et radiologiques. Dans une e´tude cas–te´moins, les 29 patients avec LDE ont e´te´ apparie´s a` deux patients te´moins ayant une SEP e´voluant par pousse´e de la base de donne´es EDMUS de notre centre. L’EDSS lors du premier ED avec LDE, l’EDSS au terme du suivi, la prise de traitement de fond immunosuppresseur et immunomodulateur de nos 29 patients ont e´te´ compare´s a` une population de re´fe´rence atteint d’une SEP de type re´mittente re´currente de´finie selon les crite`res de Poser et al. (1983) et de McDonald et al. (2001). Les patients e´taient apparie´s sur les variables suivantes : aˆge, sexe, ethnie, dure´e d’e´volution de la maladie. L’analyse e´tait effectue´e en prenant 2 SEP pour un cas de LDE.

2.1.

Donne´es cliniques

Nous avons collecte´ les donne´es e´pide´miologiques, les ante´ce´dents, la pre´sence d’un facteur infectieux ou d’une vaccination dans les 8 semaines ayant pre´ce´de´ le premier ED, l’aˆge lors du premier ED, le caracte`re pre´valent ou non pre´valent de la LDE, la pre´sence d’un second ED, le de´lai en mois entre le premier et le second ED, le de´lai en mois entre le premier ED et le terme du suivi. Nous avons recueilli la symptomatologie, son caracte`re mono ou polysymptomatique, typique ou atypique (hypersomnie, vomissements, crises d’e´pilepsies, he´miple´gie, te´traple´gie, aphasie, ne´vrite optique re´trobulbaire [NORB] bilate´rale) d’apre`s De Seze et al. (2007), et les scores EDSS lors des premiers ED avec LDE et au terme du suivi. Le diagnostic final e´tait : SEP de´finie ou probable selon les crite`res de Poser et al. (1983) et de McDonald et al. (2001) ou EMAD. Le diagnostic d’EMAD e´tait porte´ re´trospectivement sur la pre´sence d’un e´pisode de´mye´linisant

16

revue neurologique 167 (2011) 14–22

aigu isole´ au terme du suivi radioclinique. Nous avons exclu les patients aux ante´ce´dents de suspicion d’e´ve´nement de´mye´linisant meˆme non documente´ et les patients dont le tableau clinique inaugural se limitait a` une NORB unilate´rale ou une mye´lite transverse. Nous avons note´ la nature et la dure´e des traitements de fond rec¸us.

et anticorps) permettant d’e´liminer les diagnostics diffe´rentiels. Une analyse du liquide ce´phalo-rachidien (LCR) a e´te´ re´alise´e chez 27/29 patients, avec e´tude de la cellularite´, de la prote´inorachie, de l’index d’immunoglobulines G (IgG) et chez 25/29 de l’immunofixation des prote´ines.

2.3.

Donne´es e´lectrophysiologiques

Donne´es biologiques

2.2.

Nous avons collecte´ les donne´es du bilan biologique syste´matique (inflammatoire, me´tabolique, endocrinien, se´rologies

Des potentiels e´voque´s visuels (PEV) ont e´te´ re´alise´s chez 27/ 29 patients a` la recherche d’une NORB infraclinique te´moin d’une disse´mination spatiale.

Tableau 1 – Caracte´ristiques cliniques des 29 patients avec le´sion de´mye´linisante extensive. Clinical aspects among our 29 patients with tumefactive demyelinating event. Clinique lors du 1er ED avec LDE

Ante´ce´dents

De´ficit sensitivomoteur he´micorps D, NORB G Ophtalmople´gie, syndrome pseudobulbaire et ce´re´belleux

Diabe`te de type 2, thyroı¨dectomie De´pression, embolie pulmonaire Non Non Non

Sexe

ˆ ge A

No 1

M

50

122

No 2

M

39

72

No 3 No 4 No 5

F F M

14 36 27

72 16 25

Nystagmus, dysarthrie NORB D Diplopie, vertiges

No 6

F

32

66

No 7

F

39

120

No 8

F

24

25

No 9 No 10

F F

37 43

22 72

De´ficit sensitivomoteur he´micorps D Aphasie, de´ficit sensitivomoteur he´micorps D De´ficit sensitivomoteur he´micorps D Troubles de l’e´quilibre Vertiges rotatoires

No No No No

11 12 13 14

F F F F

21 21 22 22

8 18 53 19

No No No No No

15 16 17 18 19

F F F M F

52 40 35 32 35

35 80 32 105 18

No 20 No 21

F M

38 51

63 12

No 22 No 23 No 24

M F F

26 45 47

20 44 100

No 25

F

48

79

No No No No

M M M F

29 41 35 24

12 38 62 15

Cas

26 27 28 29

Dure´e de suivi (mois)

Crise d’e´pilepsie, NORB G Aphasie, he´miple´gie D He´mipare´sie D Aphasie, de´ficit sensitivomoteur he´micorps D, troubles de la conscience, crise d’e´pilepsie De´ficit sensitif he´micorps G, vertiges He´mipare´sie D, syndrome ce´re´belleux He´mipare´sie D, syndrome ce´re´belleux De´ficit sensitivomoteur he´micorps D Diplopie He´mipare´sie D De´ficit sensitivomoteur he´micorps D, diplopie NORB bilate´rale He´miple´gie D, aphasie, nystagmus De´ficit sensitif membre supe´rieur D

De´ficit sensitivomoteur membre supe´rieur G, ce´phale´es, vertiges Atteinte du V1 D Asymptomatique He´mipare´sie G Paralysie faciale centrale D

Infection/ vaccination

SEP SEP

Vaccin antiamaril

Cataracte, glaucome Non Non Non Me´ningite, hypothyroı¨die Non Non Non Appendicectomie, polypose naso-sinusienne IRC greffe´e Non Non Appendicectomie Fausse couche spontane´e

Diagnostic final

SEP SEP SEP SEP SEP

Gastro-ente´rite

EMAD SEP SEP

Infection urinaire basse

SEP SEP SEP SEP

EMAD SEP SEP SEP EMAD SEP SEP

HTA

EMAD EMAD SEP

Hyste´rectomie Appendicectomie, chole´cystectomie, fibrome, HTA RAA, he´patite B gue´rie

SEP

Non Non Non Chole´cystectomie

SEP SEP SEP SEP

Chole´cystite

SEP : scle´rose en plaques ; EMAD : ence´phalite multifocale aigue¨ disse´mine´e ; RAA : rhumatisme articulaire aigue¨ ; HTA : hypertension arte´rielle ; D : droit ; G : gauche ; IRC : insuffisance re´nale chronique ; 1er ED : premier e´ve´nement de´mye´linisant ; LDE : le´sion de´mye´linisante extensive.

revue neurologique 167 (2011) 14–22

[(Fig._1)TD$IG] 2.4.

Donne´es des IRM

Les donne´es des IRM ence´phaliques et me´dullaires re´alise´es au de´cours du premier ED avec LDE et au terme du suivi e´taient collecte´es, repre´sentant un total de 58 IRM ence´phaliques et de 21 IRM me´dullaires. L’interpre´tation reposait sur les se´quences ponde´re´es (sp) T1, spT1 avec injection de gadolinium, spT2 spin e´cho. Nous avons recueilli la localisation, l’aspect de la LDE principale (pseudome´tastatique, pseudogliome de haut ou de bas grade, Balo`, pseudolymphome), et ses caracte´ristiques (diame`tre, localisation, atteinte d’un ou de plusieurs lobes ce´re´braux, pre´sence d’œde`me ou d’un effet de masse, intensite´ en spT1, rehaussement apre`s injection de gadolinium et type de prise de contraste). Nous avons comptabilise´ le nombre de le´sions non pseudotumorales en spT2, spT1 et spT1 rehausse´e par le gadolinium, et leurs localisations (atteinte supra et infratentorielles, de la fosse poste´rieure, du corps calleux ou de la substance grise). La positivite´ des crite`res de Paty et al. (1988) et de Barkhof et al. (1997) e´tait note´e. La pre´sence de le´sions en spT2 et spT1 rehausse´es par le gadolinium e´tait releve´e sur les IRM me´dullaires re´alise´es.

2.5.

Autres donne´es collecte´es

La pre´sence d’une disse´mination temporospatiale (DTS) et son de´lai en mois ont e´te´ note´s chaque fois que possible.

2.6.

17

E´tude statistique

L’analyse statistique a e´te´ re´alise´e par le test de Fisher. Les re´sultats ont e´te´ conside´re´s comme significatifs pour p < 0,05.

3.

Re´sultats

3.1.

Donne´es cliniques

Notre cohorte de 29 patients avait un aˆge moyen 34 ans et six mois (21–52 ans) et un sex-ratio de un homme pour trois femmes (Tableau 1). Le groupe SEP e´tait compose´ de 24 patients (16 femmes et huit hommes) d’aˆge moyen 34,3 ans (14–51). Le groupe EMAD e´tait compose´ de cinq patients (quatre femmes et un homme) d’aˆge moyen 36,4 ans (24–52). L’aˆge moyen lors du premier ED e´tait de 28 ans et trois mois (huit a` 50 ans). La dure´e moyenne entre le premier ED et le terme du suivi e´tait de 49 mois (12–122). Le premier ED avec LDE e´tait pre´valent chez 22 patients (76 %) et non pre´valent chez sept patients (24 %). Dans les cas non pre´valents, le de´lai entre le premier ED et le premier ED avec LDE e´tait de 64 mois (3–156). La symptomatologie pre´sente´e par les patients lors du premier ED avec LDE est re´pertorie´e sur la Fig. 1. Dans le groupe de patient avec LDE pre´valente, 8/22 (36,5 %) patients avaient une pre´sentation clinique monosymptomatique et 14 (63,5 %) polysymptomatique. Le premier ED avec LDE avait une pre´sentation clinique classique de SEP chez 8/22 patients (36,5 %) et atypique chez 14 (63,5 %). Il n’y avait pas de diffe´rence statistiquement significative pour le caracte`re typique ou atypique ( p = 0,48) et pour le caracte`re mono ou polysymptomatique ( p = 0,88) de la symptomatologie clinique

Fig. 1 – Re´partition des symptoˆmes lors du premier e´ve´nement de´mye´linisant avec le´sion de´mye´linisante extensive chez les 29 patients. Distribution of symptoms concerning the first demyelinating event with tumefactive lesion among our 29 patients.

entre les groupes SEP et EMAD. L’EDSS moyen lors du premier ED avec LDE e´tait de 4 (1–9). L’EDSS moyen au terme du suivi ` l’examen clinique, au terme du suivi, 8/ e´tait de 1,8 (0–7,5). A 22 patients (36 %) e´taient monosymptomatiques, 7/22 patients (32 %) polysymptomatiques, et 7/22 patients (32 %) asymptomatiques. Une biopsie ce´re´brale a` vise´e diagnostique a e´te´ re´alise´e chez 4/22 (18 %) patients. Un second ED a e´te´ observe´ chez 13/22 (59 %) de nos patients avec un temps me´dian de 34 mois. La majorite´ de nos patients avec LDE pre´valente ont de´veloppe´ une SEP au terme du suivi (77 %). Re´trospectivement, le diagnostic d’EMAD a pu eˆtre pose´ chez 5/22 (23 %) de nos patients.

3.2. Donne´es du bilan biologique des patients avec LDE pre´valente La biologie sanguine initiale e´tait normale chez 20/22 (91 %) patients. Un anticoagulant circulant e´tait trouve´ dans le se´rum de deux patients, des anticorps antinucle´aires mouchete´s au titre de 1/160 chez deux patients, et une gammapathie monoclonale IgM kappa chez un patient. L’analyse du LCR re´ve´lait une immunofixation des prote´ines anormale chez 11/19 (58 %) des patients avec 47 % de bandes oligoclonales et 11 % monoclonales. Entre le groupe SEP et EMAD, il n’y avait pas de diffe´rence statistiquement significative pour le caracte`re polyclonal du LCR ( p = 0,11). Une ple´iocytose entre cinq et 50 e´le´ments concernait 7/20 patients (35 %). Une hyperprote´inorachie infe´rieure a` un gramme/litre e´tait pre´sente chez 4/21 (19 %).

3.3. Potentiels e´voque´s visuels des patients avec LDE pre´valente Neuf des 20 patients (45 %) avaient un allongement de la latence P100. Dans 35 % des cas la NORB e´tait infraclinique (disse´mination spatiale).

3.4.

Bilan radiologique des patients avec LDE pre´valentes

Sur l’IRM initiale, le diame`tre moyen de la LDE index e´tait de 30,9 mm (20–70). La LDE index e´tait en hypersignal spT2 chez

18

revue neurologique 167 (2011) 14–22

tous les patients, en hyposignal spT1 chez 95 % et rehausse´es par le gadolinium chez 68 %. Le rehaussement prenait un aspect d’anneau ferme´ chez 9/15 patients (60 %) et ouvert sur le cortex chez 4/15 (26,5 %). Les autres aspects e´taient plus rares. En plus des LDE, d’autres le´sions e´vocatrices de plaques e´taient observe´es chez 73 % des patients. L’IRM de fin de suivi e´tait re´alise´e en moyenne 41 mois (12– 114) apre`s le premier ED. Une LDE e´tait mise en e´vidence chez 17/22 patients (77 %). Au terme du suivi, 14/22 (63,5 %) patients avaient une DTS en imagerie. La localisation de la LDE principale comme sur l’IRM initiale e´tait pre´fe´rentiellement frontale puis parie´tale. Nous n’avons pas note´ de diffe´rence notable d’aspect de la LDE principale entre l’IRM initiale et l’IRM de fin de suivi. L’effet de masse et l’œde`me pe´rile´sionnel e´taient moins fre´quents et moins importants que sur l’IRM initiale avec une diffe´rence statistiquement significative pour l’effet de masse ( p = 0,024). La LDE principale e´tait statistiquement moins fre´quemment rehausse´e par le gadolinium que sur l’IRM initiale ( p = 0,016). Le type de rehaussement avait un aspect similaire a` celui rencontre´ sur l’IRM initiale. Le corps calleux e´tait plus fre´quemment atteint que sur l’IRM initiale pour la cohorte globale et pour le sous-groupe SEP sans que l’on puisse mettre en e´vidence une diffe´rence statistiquement significative. Sur les 21 IRM me´dullaires analyse´es au moment du premier ED, des le´sions e´taient observe´es en spT2 chez 8/21 (38 %) patients. Sur les spT1 apre`s injection de gadolinium, aucun rehaussement n’a e´te´ constate´.

3.5.

Traitements

Parmi les patients pre´sentant une SEP, 21/24 (87,5 %) ont rec¸u un traitement de fond comportant un immunosuppresseur chez 16/24 (66 %), un immunomodulateur chez 15/24 (63 %) et ces deux types de traitement successivement chez 10/24 (42 %) (Tableau 2). Un traitement immunosuppresseur a e´te´ administre´ au de´cours imme´diat du premier ED avec LDE chez 11/24 (46 %) des patients du groupe SEP le plus souvent en raison de la gravite´ de l’e´pisode et de sa corticore´sistance car 8/11 (73 %) de ces patients avaient un score EDSS se´ve`re (supe´rieur ou e´gal a` 4). Les patients avec atteinte se´ve`re lors du premier ED avec LDE e´taient 14/24 (58,5 %). Huit ont rec¸u un traitement immunosuppresseur au de´cours imme´diat de cet e´pisode et six n’en ont pas rec¸u. Au terme du suivi, 1/8 (12,5 %) patient traite´ pre´cocement par immunosuppresseur avait un EDSS supe´rieur ou e´gal a` 4 contre 4/6 (66,7 %) des patients non traite´s par immunosuppresseur. Les patients dont le premier ED avec LDE e´tait se´ve`re ont donc mieux e´volue´ lorsqu’ils ont be´ne´ficie´ d’un traitement immunosuppresseur pre´coce ( p = 0,0363).

3.6.

E´tude cas/te´moins

3.6.1.

Caracte´ristiques des te´moins

L’EDSS moyen des SEP te´moins lors du premier ED e´tait de 1,81 (0–6). L’EDSS moyen au terme du suivi e´tait de 1,35 (0–6). Un traitement immunomodulateur a e´te´ dispense´ a` 23/58 (39,5 %) te´moins, un traitement immunosuppresseur a` 15/58 (26 %), et

ces deux types de traitement a` 9/58 (15,5 %). Aucun traitement de fond n’a e´te´ rec¸u par 15/58 (26 %) des SEP te´moins.

3.6.2.

Se´ve´rite´ du premier e´ve´nement de´mye´linisant

Lors du premier ED avec LDE, un EDSS se´ve`re (supe´rieur a` 4) e´tait statistiquement plus fre´quent chez les cas que chez les te´moins ( p = 0,0002). La puissance statistique e´tait plus forte pour les cas avec LDE pre´valente ( p = 0,00002) que pour les cas non pre´valents ( p = 0,049). Le premier ED apparaissait ainsi plus se´ve`re lorsqu’il e´tait associe´ a` une LDE pre´valente.

3.6.3.

E´volution

Un EDSS se´ve`re au terme du suivi e´tait statistiquement plus fre´quent chez les cas que chez les SEP te´moins ( p = 0,009) mais la puissance statistique e´tait plus faible que lors du premier ED. Nous avons stratifie´ la cohorte globale selon que les cas e´taient pre´valents ou non pre´valents pour la LDE. Un EDSS se´ve`re au terme du suivi e´tait statistiquement plus fre´quent chez les cas pre´valents que chez leurs te´moins (0,0077). En revanche, il n’y avait pas de diffe´rence statistiquement significative entre les cas non pre´valents et leurs te´moins (0,599). Le pronostic des patients avec LDE non pre´valente e´tait donc meilleur que celui des patients pre´valents et e´tait comparable a` celui des SEP te´moins.

3.6.4.

Caracte´ristiques the´rapeutiques

Les patients du groupe EMAD (n = 5) n’ont pas e´te´ inte´gre´s a` l’e´tude statistique. Les patients du groupe SEP avec LDE ont rec¸u statistiquement des traitements plus agressifs (successivement immunosuppresseurs et immunomodulateurs) que les patients avec une SEP classique ( p = 0,0039) probablement en raison de la gravite´ de l’ED initial et de leur corticore´sistance. Les meˆmes re´sultats e´taient mis en e´vidence pour les sous-groupes avec LDE pre´valente ( p = 0,0265) et non pre´valente ( p = 0,00082). Nous avons cherche´ a` de´terminer l’impact de ces traitements sur le profil e´volutif des patients. Au terme du suivi, il n’existait pas de diffe´rence statistiquement significative entre les patients du groupe SEP avec LDE traite´es par immunosuppresseur dans les suites imme´diates du premier ED avec LDE et les patients ayant une SEP classique ( p = 0,61). Les patients non traite´s avaient un score EDSS au terme du suivi statistiquement plus se´ve`re que les patients ayant une SEP classique (p = 0,0047). Un traitement immunosuppresseur pre´coce apre`s un ED avec LDE e´tait donc associe´ a` un meilleur pronostic au terme du suivi.

4.

Discussion

La connaissance des LDE est rendue difficile par leur faible incidence. Dans la litte´rature, la pre´valence est e´value´e a` 1–2/ 1000 cas de SEP (Poser et al., 1992). Le spectre clinique est polymorphe (Tableau 3). Certains patients peuvent toutefois se pre´senter comme des SEP ` l’extreˆme, certains de nos patients ont une classiques. A se´miologie atypique de SEP e´voquant un processus expansif intracraˆnien avec des ce´phale´es et des signes d’atteintes corticales (crise d’e´pilepsie, troubles des fonctions supe´rieures, aphasie, he´mianopsie late´rale homonyme, apraxie). Dans l’ensemble, nos patients avec LDE ont une fre´quence de

Tableau 2 – Caracte´ristiques the´rapeutiques et e´volutives des 29 patients. Therapeutic and follow-up considerations among our 29 patients. Cas

Immunomodulateur Type

Dure´e (mois)

o

N 1 No 2

Interfe´ron beˆta1b Interfe´ron beˆta1a IM Copolyme`re

4 6 12

No 5

Interfe´ron beˆta1a SC Interfe´ron beˆta1b Copolyme`re

12 14 22

Interfe´ron beˆta1a SC Interfe´ron beˆta1a IM

14 92

Interfe´ron beˆta1a IM Interfe´ron beˆta1b

3 3

Interfe´ron beˆta1b Interfe´ron beˆta1a IM Copolyme`re

8 10 39

No 8 No 9 No No No No No No No No No

10 11 12 13 14 15 16 17 18

No No No No No

19 20 21 22 23

No No No No No

24 25 26 27 28

Interfe´ron Interfe´ron Interfe´ron Interfe´ron

beˆta1a IM beˆta1b beˆta1a IM beˆta1b

Interfe´ron beˆta1b

93 75 42 68

Dose

Dure´e (mois)

Cyclophosphamide Mitoxantrone Cyclophosphamide Azathioprine Mitoxantrone Cyclophosphamide Mitoxantone Natalizumab Mitoxantrone Mycophe´nolate Mofe´til

24 g 100 mg 31,6 g 100 mg/j 120 mg 6g 80 mg

29 5 36 37 6 7 4 12 6 24

O O

N O

SEP SEP

O O

O O

SEP SEP

O

O

SEP

Mitoxantrone Mitoxantrone

60 mg 120 mg

3 6

O O

O O

SEP SEP

N

N

Mitoxantrone

120 mg

6

EMAD SEP

N N N O O N O O O

O O O O N N O O N

SEP SEP SEP SEP SEP EMAD SEP SEP SEP

N O O N N

N O O N N

EMAD SEP SEP EMAD EMAD

O O N O O

O O O O O

SEP SEP SEP SEP SEP

O

O

SEP

Type

120 mg 200 mg/j

Mitoxantrone Mitoxantrone Mitoxantrone

80 mg 120 mg 120 mg

4 6

Mitoxantrone Cyclophosphamide Mitoxantrone

120 mg 20,4 g 60 mg

6 16 3

121

Immunoglobulines intraveineuses

25

Interfe´ron beˆta1a IM Interfe´ron beˆta1b

33 82

Interfe´ron beˆta1b

13

Mitoxantrone Mycophe´nolate mofe´til

120 mg 100 mg/j

6 3

Mitoxantrone

80 mg

4

Teriflunomide Cyclophosphamide Azathioprine

20,5 g 100 mg/j

No 29

DTS radiologique

Diagnostic final

19

SEP : scle´rose en plaques ; EMAD : ence´phalite multifocale disse´mine´e aigue¨. O : oui ; N : non

16 15 42

DTS clinique

revue neurologique 167 (2011) 14–22

No 3 No 4

No 6 No 7

E´volution

Immunosuppresseur

20

revue neurologique 167 (2011) 14–22

Tableau 3 – Confrontation des caracte´ristiques cliniques de notre cohorte avec d’autres se´ries de la litte´rature lors du premier e´ve´nement de´mye´linisant avec le´sion extensive. Our clinical data collected at the time of a first demyelinating event with a tumefactive lesion in comparison with other studies in the literature.

Effectif ˆ ge A SR : F : H Premier ED avec LDE pre´valents (%) EDSS lors du premier ED avec LDE Se´miologie clinique du premier ED avec LDE He´miple´gie/he´mipare´sie (%) Troubles sensitifs (%) Syndrome ce´re´belleux (%) Atteinte du tronc ce´re´bral (%) NORB (%) He´mianopsie late´rale homonyme (%) Aphasie/alexie/apraxie (%) Syndrome confusionnel (%) Ce´phale´es Crises d’e´pilepsie (%) Troubles mne´siques (%)

Notre e´tude

Lucchinetti et al., 2008

29 28,3 3:1 76 4

168 37 1,2 : 1 66 3,5

23 30,1 6,7 : 1 65 3,5

58 32 14 34 17 N/A 14 N/A N/A 7 N/A

50 36 31 24 7 10 21 19 N/A 6 17

52 56,5 8,7 N/A 17,4 4 34 N/A N/A 4 N/A

Jagot et al., 2009

ED : e´ve´nement de´mye´linisant ; LDE : le´sion de´mye´linisante extensive ; N/A : non applicable ; SR : sex-ratio ; F : femme ; H : homme.

pre´sentation atypique et polysymptomatique supe´rieure a` celle des SEP classiques. Nous n’avons pas de´gage´ de diffe´rence concernant le profil clinique entre le groupe SEP et EMAD et entre les cas pre´valents et non pre´valents pour le premier ED avec LDE. Le premier ED avec LDE est plus se´ve`re dans notre e´tude que le premier ED dans les SEP classiques lorsque l’on compare les EDSS des cas et des te´moins. La diffe´rence est statistiquement significative que la LDE soit pre´valente ou non avec cependant une diffe´rence nettement moins significative pour le groupe avec LDE non pre´valente. Le groupe avec LDE non pre´valente est peut-eˆtre plus proche d’un point de vue nosologique des SEP classiques que celui avec LDE pre´valente. La de´finition des LDE en IRM n’est pas uniforme dans la litte´rature et peut re´fe´rer a` la combinaison des caracte´ristiques suivantes : plus grand diame`tre supe´rieur a` 2 cm, pre´sence d’un effet de masse, pre´sence d’un œde`me pe´rile´sionnel et/ou d’une prise de contraste atypique (en anneaux, he´te´roge`ne) par le gadolinium. Dans notre e´tude, nous avons retenu pour la se´lection de nos patients uniquement le crite`re de taille. La localisation de la LDE principale de notre se´rie concerne en priorite´ le lobe frontal et moins fre´quemment le lobe parie´tal puis le lobe temporal. La localisation frontale puis en second parie´tale semble se ve´rifier dans la litte´rature avec pour les autres localisations des proportions variables mais plus rares (Kepes, 1993 ; Lucchinetti et al., 2008). Plusieurs se´ries soulignent le caracte`re souvent isole´ de la LDE (Nesbit et al., 1991 ; Kepes, 1993). Ce point est discutable meˆme s’il est important de ne pas e´liminer le diagnostic de maladie inflammatoire du SNC devant une LDE isole´e (Lucchinetti et al., 2008). Dans l’e´tude de Kepes (1993), le faible nombre de patients avec le´sions multifocales s’explique par des proble`mes techniques (imagerie ante´rieure a` 1991 ; emploi fre´quent du scanner). Dans notre e´tude, sur l’IRM initiale, la LDE n’est solitaire que chez 21 % de nos patients.

Le groupe de patient e´tant he´te´roge`ne a` la pre´sentation, Tourbah et al. (2007) a re´cemment propose´ de de´membrer les LDE en 4 groupes morphologiques : les le´sions nodulaires classiques et non classiques, les le´sions de type Balo`, les le´sions infiltrantes, et les le´sions pseudo-leucodystrophiques. Dans notre e´tude, nous n’avons identifie´ aucune le´sion pseudo-leucodystrophiques. Nous avons pre´fe´re´ classer les LDE en fonction du diagnostic diffe´rentiel principal e´voque´ sur l’IRM initiale. Cette attitude renvoie aux proble`mes diagnostiques souleve´s en pratique courante par les neurologues devant la de´couverte d’une LDE. La seule exception concerne le groupe Balo` qui renvoie a` une forme frontie`re de SEP (de´finition anatomoradiologique). Le diagnostic est donc difficile devant un premier ED avec LDE. Il repose sur un faisceau d’argument tant le spectre des pre´sentations clinicoradiologiques est varie´. Aucun e´le´ment n’est spe´cifique ou discriminant. Une anamne`se a` la recherche d’e´pisodes cliniques ante´rieurs passe´s inaperc¸us, la recherche d’une disse´mination spatiale sur l’IRM initiale, le LCR, les PEV et un suivi IRM pre´coce apre`s le premier ED avec LDE peuvent permettre dans un grand nombre de cas d’e´viter la biopsie ce´re´brale diagnostique. Si cette proce´dure n’est pas anodine en termes de morbi-mortalite´, elle reste actuellement ne´cessaire dans un certain nombre de situations. Dans notre e´tude, le recours a` la biopsie ce´re´brale a concerne´ 14 % des patients. Nos donne´es de suivi longitudinal retrouvent un temps me´dian pour la survenue d’un second ED de 34 mois. Ce re´sultat est a` la limite supe´rieure de celui rapporte´ dans les SEP classiques (Champs Study Group, 2001 ; European Study Group, 1998 ; Confavreux et Vukusic, 2006). Pour les LDE, l’e´volution a` long terme n’est pas bien de´finie dans la litte´rature en raison du manque de suivi longitudinal des patients dans les diffe´rentes e´tudes. Certains auteurs pensent que les patients avec LDE e´voluent rarement vers des SEP de´finies, probablement car leurs e´tudes ont une dure´e de suivi ` l’oppose´, 70 % des patients de la insuffisante (Kepes, 1993). A

revue neurologique 167 (2011) 14–22

cohorte de Lucchinetti et al. (2008) ont converti en SEP. Dans cette se´rie, le temps me´dian pour la survenue d’un deuxie`me ED est de 4,8 ans. Ce de´lai est plus long que celui rapporte´ dans les SEP classiques sans que les auteurs ne puissent avancer d’explication a` ce phe´nome`ne. Le roˆle des traitements immunosuppresseurs dans l’allongement du de´lai de survenue du second ED peut eˆtre e´voque´ bien que non mis en e´vidence dans notre e´tude. Au terme du suivi les patients avec LDE ont un EDSS le´ge`rement supe´rieur a` celui des patients ayant une SEP classique alors que dans d’autres e´tudes, le pronostic des LDE est soit comparable (Pittock et al., 2005) soit meilleur (Hayashi et al., 2003 ; Kepes, 1993). Nos re´sultats peuvent s’expliquer par la dure´e insuffisante du suivi. Pour Lucchinetti et al. (2008) ce n’est qu’au-dela` de dix ans de suivi apre`s le premier ED que l’EDSS des patients avec LDE devient significativement infe´rieur a` celui des patients ayant une SEP classique. Les formes non pre´valentes de notre se´rie semblent de meilleur pronostic que les formes pre´valentes avec un EDSS au terme du suivi comparable a` celui des patients ayant une SEP classique. Le pronostic des patients avec LDE est donc difficile a` de´finir car il de´pend vraisemblablement de plusieurs facteurs tels que la nature de l’affection sous-jacente (EMAD, groupe he´te´roge`ne des formes frontie`res de SEP) ou le roˆle des traitements de fond. Dans les SEP, l’ED re´ve´lant une LDE est souvent se´ve`re et peut ainsi justifier un traitement immunosuppresseur. Ces traitements ayant des effets secondaires a` court et a` long termes, des arguments robustes doivent de´montrer leur roˆle sur l’ame´lioration du profil e´volutif. Trois questions sont pose´es :  qui traiter ? Car les SEP pseudotumorales forment un groupe he´te´roge`ne avec ED re´ve´lateur de se´ve´rite´ variable. Il ne faut probablement pas traiter toutes les SEP avec LDE. La litte´rature n’offre pas de cadre consensuel pour leur prise en charge the´rapeutique. En revanche, il est possible d’adapter cette prise en charge en fonction du retentissement fonctionnel de la maladie meˆme si de nombreuses questions sont d’actualite´ concernant la de´finition exacte d’une forme agressive (Debouverie, 2008) ;  dans quel inte´reˆt traiter ? La question se pose car le pronostic a` long terme des SEP pseudotumorales semble comparable voir meilleur pour certains auteurs que dans les SEP classiques. Il faut donc avoir des arguments en faveur de l’ame´lioration du pronostic e´volutif chez les patients traite´s pre´cocement par immunosuppresseur. Dans notre e´tude, les patients dont l’ED avec LDE e´tait se´ve`re ont e´volue´ plus favorablement lorsqu’ils ont rec¸u un traitement immunosuppresseur dans les suites imme´diates de l’ED avec LDE. Il paraıˆt donc souhaitable de traiter pre´cocement avec un traitement immunosuppresseur les SEP pseudo-tumorales qui ont une pre´sentation clinique initiale grave (EDSS supe´rieur ou e´gal a` 4) ;  comment traiter ? Dans notre e´tude, les patients avec LDE ont globalement rec¸u plus de traitements immunosuppresseurs que les patients ayant une SEP classique le plus souvent en raison de la se´ve´rite´ de l’ED avec LDE. Il n’y a pas de strate´gie the´rapeutique de re´fe´rence des formes agressives de SEP dans la litte´rature. Les e´tudes sont peu

21

nombreuses, portent sur de petits effectifs et ont des plans me´thodologiques diffe´rents. Les traitements immunosuppresseurs les plus largement utilise´s sont la mitoxantrone, le cyclophosphamide et plus re´cemment le natalizumab. Dans notre se´rie de patients avec LDE, nous avons ge´ne´ralement effectue´ a` la phase aigue¨ cinq a` dix perfusions de 1 g par jour de me´thyl-prednisolone e´ventuellement relaye´ en cas de cortico-resistance par une cure d’immunoglobulines intraveineuses a` la posologie de 2 g/kg e´tale´ sur cinq jours. Le principal traitement de fond instaure´ en induction au de´cours imme´diat lors d’un ED se´ve`re e´tait la mitoxantrone. Ensuite, les immunomodulateurs peuvent prendre le relais de ce traitement pour e´viter les rechutes qui arrivent un a` trois ans apre`s l’arreˆt de la chimiothe´rapie (Le Page et al., 2008). Nous avons encore besoin d’e´tudes pour affiner les indications de ces the´rapeutiques lourdes et potentiellement toxiques. De multiples questions restent en suspens comme les crite`res de leur bonne utilisation, leur place dans la strate´gie the´rapeutique et leurs conse´quences a` long terme. Les LDE sont rares et forment un groupe he´te´roge`ne, a` l’origine de difficulte´s diagnostiques et the´rapeutiques. Il est important que cliniciens, radiologues et chirurgiens connaissent les particularite´s de ces LDE. Une anamne`se bien conduite, la connaissance du spectre large des pre´sentations clinicoradiologiques couple´ a` l’analyse des PEV et du LCR sont des pre´requis indispensables qui permettent d’e´viter des proce´dures diagnostiques invasives inutiles. Le pronostic des patients avec LDE est difficile a` de´finir car multifactoriel (affection sous-jacente et roˆle des traitements de fond). Aucun consensus n’existe sur la prise en charge the´rapeutique. Dans notre expe´rience, les patients avec ED se´ve`re re´ve´lant la LDE qui ont be´ne´ficie´ d’un traitement immunosuppresseur agressif pre´coce ont mieux e´volue´ qu’en l’absence de ce traitement. Devant l’he´te´roge´ne´ite´ des patients avec LDE nous proposons une prise en charge the´rapeutique au cas par cas reposant sur l’e´valuation de la gravite´ de l’ED avec LDE et sur l’appre´ciation du rapport be´ne´fice–risque.

Conflit d’inte´reˆt Aucun.

r e´ f e´ r e n c e s

Barkhof F, Filippi M, Miller DH, Scheltens P, Campi A, Polman CH, et al. Comparison of MRI criteria at first presentation to predict conversion to clinically definite multiple sclerosis. Brain 1997;120:2059–69. Champs Study Group. Interferon beta-1a for optic neuritis patients at high risk for multiple sclerosis. Am J Ophthalmol 2001;132:463–71. Comi G. Mutiple sclerosis: pseudotumoral forms. Neurol Sci 2004;25:S374–9. Confavreux C, Vukusic S. Natural history of multiple sclerosis: a unifying concept. Brain 2006;129:606–16.

22

revue neurologique 167 (2011) 14–22

Debouverie M. Les formes aggressives de scle´rose en plaques re´mittente : de´finition et strate´gies the´rapeutiques. Groupe P.E.P.S. Neurologies 2008. De Seze J, Debouverie M, Zephir H, Lebrun C, Blanc F, Bourg V, et al. Acute fulminant demyelinating disease: a descriptive study of 60 patients. Arch Neurol 2007;64(10):1426–32. European Study Group on Intereron b-1b in Secondary Progressive MS. Placebo-controlled multicentre randomized trial of interferon b-1b in treatment of secondary progressive multiple sclerosis. Lancet 1998;352:1491–7. Hayashi T, Kumabe T, Jokura H, Fujihara K, Shiga Y, Watanabe M, et al. Inflammatory demyelinating disease mimicking malignant glioma. J Nucl Med 2003;44:565–9. Jagot C, Coman I, Galanaud D, Assouad R, Gout O, Lyon-Caen O, et al. Le´sions de´mye´linisantes extensives :facteurs pre´dictifs et e´volutifs cliniques et IRM. Rev Neurol (Paris) 2009;165(S1):1. Kepes J. Large focal tumor-like demyelinating lesions of the brain: intermediate entity between multiple sclerosis and acute disseminated encephalomyelitis: a study of 31 patients. Ann Neurol 1993;33:18–27. Le Page E, Leray E, Taurin G, Coustans M, Chaperon J, Morrissey SP, et al. Mitoxantrone as induction treatment in aggressive relapsing remitting multiple sclerosis: treatment response factors in a 5-year follow-up observational study of 100 consecutive patients. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2008;79(1):52–6. Lucchinetti CF, Gavrilova RH, Metz I, Parisi JE, Scheithauer BW, Weigand S, et al. Clinical and radiographic spectrum of

pathologically confirmed tumefactive multiple sclerosis. Brain 2008;131:1759–75. McDonald WI, Compston A, Edan G, Goodkin D, Hartung HP, Lublin FD, et al. Recommended diagnostic criteria for multiple sclerosis: guidelines from the international Panel on the Diagnosis of Multiple Sclerosis. Ann Neurol 2001;50:121–7. Nesbit GM, Forbes GS, Scheithauer BW, Okazaki H, Rodriguez M. Multiple sclerosis: histopathologic and MR and/or CT correlation in 37 cases at biopsy and three cases at autopsy. Radiology 1991;180:467–74. Paty DW, Oger JJ, Kastrukoff LF, Hashimoto SA, Hooge JP, Eisen AA, et al. MRI in the diagnosis of MS: a prospective study with comparison of clinical evaluation, evoked potentials, oligoclonal banding, and CT. Neurology 1988;38:180–5. Pittock SJ, McClelland RL, Achenbach SJ, Konig F, Bitsch A, Bruck W, et al. Clinical course, pathologic correlations and outcome of biopsy proven inflammatory demyelinating disease. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2005;767: 1693–7. Poser CM, Paty DW, Scheinberg L, McDonald WI, Davis FA, Ebers GC, et al. New diagnostic criteria for multiple sclerosis: guidelines for research protocols. Ann Neurol 1983;13:227– 31. Poser S, Luer W, Bruhn H, Frahm J, Bruck Y, Felgenhauer K. Acute demyelinating disease. Classification and noninvasive diagnosis. Acta Neurol Scand 1992;86: 579–85. Tourbah et al., SFN, 06/2007, communication orale.