Association maladie de Hodgkin et syndrome néphrotique aigu

Association maladie de Hodgkin et syndrome néphrotique aigu

488 Lettres à la rédaction L’écho-doppler des troncs supra-aortiques et du système carotidien a montré une insuffisance circulatoire globale mais sa...

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Lettres à la rédaction

L’écho-doppler des troncs supra-aortiques et du système carotidien a montré une insuffisance circulatoire globale mais sans sténose carotidienne périphérique associée. Un traitement par corticoïdes à raison de 1 mg/kg/j était instauré dans l’hypothèse d’une maladie de Horton. La fièvre et les céphalées disparaissaient en 24 heures. Après trois semaines de traitement, le syndrome inflammatoire avait nettement régressé : vitesse de sédimentation à 28 mm à la première heure et protéine C réactive 3 mg/L. Le contrôle tomodensitométrique réalisé après quatre mois de traitement montrait une légère régression de la lésion aortique (figure 2). L’aortite de Horton est de diagnostic difficile et reste le plus souvent méconnue ou de découverte autopsique (20 à 70 % selon les séries) [2]. Elle est rarement le mode de révélation de la maladie, au contraire de notre observation, mais survient plus volontiers lors de la décroissance de la corticothérapie, témoin d’une corticorésistance qui justifie quelquefois l’utilisation d’immunosuppresseurs [3]. Les localisations aortiques sont une cause majeure de morbidité et mortalité au cours de la maladie de Horton, puisqu’elles peuvent se compliquer d’anévrismes et de dissection [4]. L’intérêt de notre observation réside dans le mode de découverte de la maladie de Horton et de la régression des signes d’aortite sur la tomodensitométrie après deux mois de traitement. Le diagnostic de maladie de Horton doit être évoqué devant la découverte d’une aortite chez un sujet âgé, et l’intérêt d’une surveillance systématique annuelle de l’aorte au cours d’une maladie de Horton mérite d’être débattu. 1 Lie JT. Aortic and extracranial large vessel giant cell arteritis. A review of 72 cases with histopathologic documentation. Semin Arthritis Rheum 1995 ; 24 : 422-31. 2 Le Tourneau T, Millaire A, Asseman P, De Groote P, Théry C, Ducloux G. Aortite de Horton, revue de la littérature. Ann Med Interne 1996 ; 147 : 361-8. 3 Evans JM, Bowles CA, Bjornsson J, Mullany CJ, Hunder GG. Thoracic aortic aneurysm and rupture in giant cell arteritis. A descriptive study of 41 cases. Arthritis Rheum 1994 ; 37 : 153947. 4 Evans JM, O’Fallon WM, Hunder GG. Increased incidence of aortic aneurysm and dissection in giant cell (temporal) arteritis. A population-based study. Ann Intern Med 1995 ; 122 : 502-7. S0248866301003757/COR Rev Méd Interne 2001 ; 22 : 487–8

Association maladie de Hodgkin et syndrome néphrotique aigu H. Granier*, X. Nicolas, J.P. Laborde, F. Talarmin, J. Martin Service de médecine interne, hôpital d’instruction des armées Clermont-Tonnerre, 29240 Brest Naval, France

L’association syndrome néphrotique–maladie de Hodgkin reste rare, bien que classique chez l’adulte. Elle relève de mécanismes divers, en particulier paranéoplasique, dont l’origine cytokinique est rarement documentée. Nous rapportons un cas caricatural de syndrome néphrotique pur aigu synchrone d’une maladie de Hodgkin active. Un homme âgé de 24 ans, marin d’État, sans antécédent notable (en particulier au plan néphrologique ou hématologique) était hospitalisé pour altération rapide de l’état général avec fièvre, sueurs et douleurs du membre inférieur droit. Il présentait une thrombose veineuse profonde fémorale droite, et un volumineux paquet ganglionnaire inguinocrural droit avec masse palpable en fosse iliaque droite. Les autres aires ganglionnaires étaient libres, il n’y avait pas d’hépatosplénomégalie ni contact lombaire, il était normotendu sans œdème. L’examen ORL, cardiopulmonaire, neurologique et locomoteur était normal. Les examens biologiques révélaient une lymphopénie à 200/mm3 (lymphocytes T4 à 40 %, lymphocytes T8 à 17 %), un syndrome inflammatoire net (protéine C réactive à 60 mg/L [N < 5], fibrine à 8,5 g/L, vitesse de sédimentation à 100 mm), une cytolyse et cholestase anictérique à trois fois la normale, LDH normales, bilan d’hémostase normal, sérologie VIH négative. De plus, il existait un profil biologique de syndrome néphrotique pur, avec protéinurie massive à 10 g/24 h, sélective, hypoalbuminémie à 18 g/L, hypoprotidémie à 50 g/L, hyperalpha2-globulinémie à 13 g/L, dyslipidémie secondaire (cholestérol total à 8 mmol/L, à triglycérides 3 mmol/L). Il n’y avait pas d’anomalie du culot urinaire ni d’altération de la fonction rénale : créatinine à 95 mmol/L, clairance de la créatinine à 90 mL/min. L’imagerie (échographie et scanner) confirmait la présence d’une masse ganglionnaire nécrosée iliopelvienne droite de 10 x 6 cm de grand axe, comprimant l’axe vasculaire, associée à des adénopathies rétropéritonéales et mésentériques. Foie et rate étaient normaux, les reins étaient de taille normale, sans dilatation pyélocalicielle ni thrombose des veines rénales. Une biopsie ganglionnaire inguinale droite affirmait qu’il s’agissait d’une maladie de Hodgkin scléronodulaire, avec cellules typiques de Red-Sternberg CD5+ et infiltrat inflammatoire riche et polymorphe (à lymphocytes T, histiocytes géants). Une scintigraphie au gallium fixait au niveau des adénopathies pathologiques mais pas au niveau rénal. La biopsie rénale n’a pas pu être réalisée (patient sous anticoagulants pour phlébite) mais le syndrome néphrotique pur, satellite d’une maladie de Hodgkin active, laissait présager d’une histologie de type lésion glomérulaire minime et d’un mécanisme cytokinique, comme le confirment les dosages

(Reçu le 18 août 2000 ; accepté le 2 janvier 2001) Hodgkin (maladie de) / syndrome néphrotique / syndrome paranéoplasique Hodgkin’s disease / nephrotic syndrome / paraneoplastic syndrome

*Correspondance.

Lettres à la rédaction

sanguins : tumor nécrosis factor alpha à 50 pg/mL (N < 5), interleukine 6 à 20 pg/mL (N < 10), récepteur de l’interleukine 2 à 13 000 pg/mL (N < 3 000), interféron gamma à 1,2 UI/mL (N < 0,1). Le bilan immunologique était par ailleurs normal : complément non consommé, recherche de complexes immuns circulants, d’anticorps antinucléaires, antimembrane basale glomérulaire, antiphospholipides et cryoglobulinémie négative. Le bilan d’extension concluait à un stade IIBb à grosse masse tumorale sous-diaphragmatique sans atteinte viscérale mais avec syndrome néphrotique pur parahémopathique. Dès la première cure de polychimiothérapie de type ABVD MP, le patient était répondeur : on notait la fonte de la masse tumorale iliopelvienne droite et, parallèlement, la disparition du syndrome néphrotique. Après quatre cycles de chimiothérapie, puis radiothérapie locorégionale, le patient est en rémission complète, les dosages sanguins de cytokines sont normalisés et la protéinurie nulle. Les manifestations rénales de la maladie de Hodgkin peuvent relever de mécanismes multiples [1] : mécanique par compression vasculaire ou des voies excrétrices (uropathie obstructive), infiltration spécifique lymphomateuse ou par amylose des parenchymes rénaux, complications liées au traitement (infectieuses : choc septique, tubulopathie avec ou sans coagulopathie de consommation ; métaboliques : syndrome de lyse, néphropathie uratique), enfin désordres immunologiques induisant une glomérulopathie avec syndrome néphrotique paranéoplasique. L’association syndrome néphrotique (précessif ou synchrone, parfois révélateur) et maladie de Hodgkin (le plus souvent de type II scléronodulaire) est rapportée chez l’enfant [2] mais reste rare chez l’adulte : environ 100 cas décrits dans la littérature. Dans deux séries anciennes cumulées portant sur 1 700 cas de maladies de Hodgkin, un syndrome néphrotique est documenté dans seulement 0,4 % des cas par lésion glomérulaire minime et 0,1 % des cas par amylose [3, 4]. Dans la majorité des cas rapportés de syndrome néphrotique compliquant une maladie de Hodgkin, la lésion histologique de base est de type lésion glomérulaire minime, glomérulopathie la plus fréquemment documentée au cours de la maladie de Hodgkin [5, 6] même si d’autres formes histologiques ont été également décrites : glomérulonéphrite segmentaire et focale [7], glomérulonéphrite extramembraneuse avec dépôts de complexes immuns circulants in situ (type même du syndrome néphrotique paranéoplasique satellite des tumeurs solides), glomérulopathie membranoproliférative ou inclassable, ou évolutive ; c’est pourquoi la biopsie rénale est indispensable pour typer la glomérulopathie dans cette situation. Dans notre observation, l’histologie n’est pas disponible. Cependant, le caractère pur et aigu du syndrome néphrotique en l’absence d’argument pour une amylose ou une thrombose des veines rénales, corrélé aux dosages cytokiniques élevés, l’évolution favorable sous traitement spécifique de la

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maladie de Hodgkin, plaident en faveur d’une néphropathie à lésion glomérulaire minime. Cette entité, Hodgkin et néphropathie à lésion glomérulaire minime, fait envisager deux hypothèses physiopathologiques : – désordres immunologiques induits par la maladie de Hodgkin avec dysfonctionnement cellulaire T : diminution des lymphocytes T4, inflation des lymphocytes T8 prédisposant au développement d’un syndrome néphrotique par production de lymphokine augmentant la perméabilité de la membrane basale glomérulaire ; – production par les cellules tumorales et par le granulome réactionnel (hyperactivation de monocytes macrophages et lymphocytes T), de cytokines pro-inflammatoires entraînant une augmentation de la perméabilité capillaire et de la membrane basale glomérulaire avec fuite protéique. Au plan thérapeutique, les syndromes néphrotiques compliquant une maladie de Hodgkin sont peu corticosensibles mais répondent au traitement du lymphome, la chimiothérapie étant d’efficacité remarquable sur la protéinurie [8] ; la réapparition de celle-ci peut témoigner d’une rechute du lymphome, traduisant bien la nature paranéoplasique du syndrome néphrotique dans ce cadre [9]. Par ailleurs, dans des situations moins bruyantes et non synchrones, la constatation chez l’adulte jeune d’un syndrome néphrotique, surtout à lésion glomérulaire minime, doit faire rechercher activement, outre une prise toxique, un lymphome hodgkinien. 1 Devulder B, Plouvier B, Tacquet A. Manifestations rénales de la maladie de Hodgkin. Ann Méd Interne 1976 ; 127 : 221-5. 2 Stephan JL, Deschênes G, Perel Y, Bader Meunier B, BrunatMentigny M, Lejars O, et al. Nephrotic syndrome and Hodgkin disease in children : a report of five case. Eur J Pediatr 1997 ; 156 : 239-42. 3 Kramer P, Sizoo W, Twiss EE. Nephrotic syndrome in Hodgkin’s disease : report of five cases and review of the literature. Neth J Med 1981 ; 24 : 114-9. 4 Plager J, Stutzman L. Acute nephrotic syndrome as a manifestation of active Hodgkin’s disease. Am J Med 1971 ; 50 : 56-66. 5 Peces R, Sanchez L, Gorostidi M, Alvarez J. Minimal change nephrotic syndrome associated with Hodgkin’s lymphoma. Nephrol Dial Transplant 1991 ; 6 : 155-8. 6 Keur I, Krediet RT, Arisz L. Glomerulopathy as a paraneoplastic phenomenon. Neth J Med 1989 ; 34 : 270-84. 7 Case Records of the Massachusetts Général Hospital (case 15-1983). A 24 year old man with cervical lymphadenopathy and the nephrotic syndrome. N Engl J Med 1983 ; 308 : 888-96. 8 Baron F, Hermanne JP, Fassotte MF, Beguin Y, Fillet G. Association d’une maladie de Hodgkin et d’un syndrome néphrotique. Rev Méd Liège 1998 ; 53 : 651-3. 9 Delmez JA, Safdar SH, Kissane JM. The successful treatment of recurrent nephrotic syndrome with the MOPP regimen in a patient with a remote history of Hodgkin’s disease. Am J Kidney Dis 1994 ; 23 : 743-6. S0248866301003769/COR Rev Méd Interne 2001 ; 22 : 488–9