Cas clinique au laboratoire

Cas clinique au laboratoire

clinique au laboratoire Apport du laboratoire dans le diagnostic d'une cyanose inexpliqu e M.-C. PIFFAUT *, H . P E L T I E R *, M . - L . N O R T H ...

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clinique au laboratoire Apport du laboratoire dans le diagnostic d'une cyanose inexpliqu e M.-C. PIFFAUT

*, H . P E L T I E R *, M . - L . N O R T H B. B R O D N I K **** e t N . M A Z O U Z

I. Observation

**, J. C L O U E T ****

***,

ce patient presente une cyanose clinique, le sang de ce patient est de couleur "brun chocolat" quelle que soit la nature arterieUe ou veineuse des prelevements, la fonction respiratoire du sujet est bonne et cette "methemoglobinemie" apparente est bien toleree, le patient, qui par ailleurs a fait une rubeole congenitale et garde comme sequelle une communication interauriculaire sans shunt significatif droit-gauche ni gauche-droit au flux doppler couleur, ne prend pas de medicaments reputes methemoblobinisants. L'ensemble de ces constatations nous amene & formuler l'hypothese d'une hemoglobinopathie dont les consequences seraient une modification du spectre de l'Hb et de la fonction d'oxygenation de l'Hb. Nous evoquons donc le diagnostic d'hemoglobinose M. -

-

-

Monsieur S.G., 8ge de 62 ans, arrive au service des urgences pour insuffisance cardiaque droite decompensee, isolee, sans signe d'insuffisance ventriculaire gauche. L'HbO 2 mesuree selon le principe de ]'oxymetrie pulsee donne une valeur de 45 %. Les bilans biologiques montrent : - une NFS normale, - des tests d'hemostase normaux, - un bilan biochimique normal (ionogramme et enzymes plasmatiques). La gazometrie arterielle fournit les resultats suivants : pH pCO 2 pO 2 HCO 3Saturation en oxygene

7,46 38-,,5 79,3 28,6 96,3 %

effectuee sur analyseur de gaz du sang Coming 278

-

3. Examens compl6mentaires Les examens complementaires portent sur l'etude de l'Hb.

2. Discussion Devant la discordance entre la saturation en oxygene (96,3 %) et l'HbO 2 (45 %), une recherche d'HbCO est effectuee sur CO-oxymetre Coming 2500. Les resultats de cette mesure sont : HbCO valeur negative - 8 % HbO 2 63 % Met Hb 17,3 % La difference entre la saturation fonctionnelle en oxygene calculee & partir de la pression partielle en oxygene, et la saturation fractionnelle mesuree par analyse spectrale est confirmee

(3).

De plus, i] est note une importante modification du spectre de ]'hemog]obine (Hb) : va]eur negative pour ]'HbCO et bande d'absorption assez importante au niveau de la longueur d'onde d'absorption de la Net Hb. La confrontation de ces resultats avec ]es observations cliniques et bio]ogiques nous amene & constater que : 32

- l~tude des spectres d'absorption sur diff~rents Co-oxym~tres Tous montrent une importante modification des spectres. Mais on observe des resultats variables d'un appareil & l'autre, notamment tous ne donnent pas un resultat positif en Met Hb. Nous avons donc affaire & un spectre different de celui d'une Met Hb normale, ce qui est classique pour les hemoglobinoses M (1). - l~lectrophor~se de l'Hb sur acetate de cellulose p H alcalin Le trace electrophoretique est normal.

*Laboratoire - CHG de Montb~liard. **E.tablissement de transfusion sanguine de Strasbourg. ***Service des urgences - CHG de Montb~liard. .... Service de m~decine 1 - CHG de Montb~liard. TIRI~.S A PART : Mrne M.-C. PIFFAUT Laboratoire CHG Andr~-Boulloche 25209 MONTBELIARD CEDEX

Revue frangaise des laboratoires, septembre 1996, N ° 286

I~tude de la stabilit~ de l'Hb ~ l'isopropanoi (test de Carrel) Absence d'Hb instable. -

e n H P L C sur l'automate Bio-Rad Variant, programme "I~ Thalass~mie Short Program".

FIGURE 1 Anomalies spectrales observ~es sur l'h~molysat de SG (fl~che) par comparaison avec un h~molysat normal a) spectre des h~molysats frais b) spectre apr~s oxydatiou par le ferricyanure de potassium

- l~tude de l'Hb

Presence d'un pic anormal (12 %) en fin de chromatogramme.

l~tude de i'Hb en focalisation iso~lectrique Presence d'une bande anormale (~ 15 %) situ~e entre I'HbF et HbS de couleur "brune". Ces deux derni~res techniques nous confirment l'existence d'une Hb anormale. Le pourcentage de celle-ci nous permet de dire qu'il s'agit d'un mutant c¢ ~ l'~tat h~t~rozygote. -

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l~tude des propri~t~s spectrales de l'h~molysat

- Recherche et d o s a g e d e la m ~ t h ~ m o g l o b i n e

: ano-

malie du spectre d'absorption avec presence d'un pic (12 %) correspondant ~ celui de la m~th~moglobine mais qui ne dispara~t pas apr~s addition de KCN. - R e c h e r c h e d ' H b M : apr~s oxydation par addition de ferricyanure de potassium, l'anomalie spectrale observ~e est caract~ristique de celle d'une h~moglobine M (figure 1).

- Identification structurale Les arguments ~lectrophor~tiques et les anomalies spectrales observ~es permettent de conclure & la presence, chez le patient, d'une h~moglobine M mais ne permettent pas de l'identifier. L'~tude structurale faite au laboratoire d'~tude du globule rouge (Pr F. GALACTEROS, service de biochimie, hbpital Henri-Mondor, Cr~teil) a montr~ qu'il s'agissait d'une h~moglobine M lwate.

4. Commentaires a) Les Hb M sont des Hb dans lesquelles la modification structurale de la cha~ne de globine a un retentissement au niveau de l'h~me, et notamment au niveau de l'atome de fer. Celuici, au lieu d'etre sous forme r~duite Fe 2+, est sous forme oxyd~e Fe 3+ rendant ainsi la sous-unit~ concern~e inapte au transport de l'oxyg~ne. Les cas d'Hb M sont rares et leur r~partition g~ographique est ubiquitaire (1). Historiquement, l'h~moglobinose M est la premiere h~moglobinose d~crite. Elle a ~t~ observ~e en 1948 par Horlein et Weber dans une famille allemande pr~sentant une cyanose cong~nitale & transmission autosomale dominante (4). Plusieurs mutations ont ~t~ identifi~es dans les h~moglobinoses M. On distingue ainsi (1) : - les mutants c~ Hb M Boston c~ 58 (E7) His - - > Tyr Hb M lwate c~ 87 (F8) His - - > Tyr - les mutants I~ Hb M Saskatoon I~ 63 (E7) His - - > Tyr Hb M Hyde Park I~ 92 (F8) His - - > Tyr Hb M Milwaukee I~67 (Ell) Val - - > Glu Hb M lwate est un mutant c~ od ]a mutation conceme l'histidine li~e & ]'atome de fer. Son affinit~ pour l'oxyg~ne est faib]e et l'effet Bohr est presque nu] (1). b) La cyanose est pratiquement ]e seu] symptbme. E]le est n~onatale dans ]e cas des mutants c~, dont Hb M lwate. Revue franqaise des laboratoires, septembre 1996, N ° 286

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Or ce patient a 62 ans et jusqu'~ ce jour son h~moglobinose M a ~t~ ignor~e. La cyanose est-elle pass~e inaperque ? L'a-t-on attribute ~ tort ~ des troubles cardiaques vule terrain particulier du sujet ? II semble bon de rappeler que toute cyanose inexpliqu~e par des troubles cardiaques ou pulmonaires cyanog~nes patents doit faire rechercher une h~moglobinose M avant d'envisager des investigations invasives p~nibles pour le malade (1, 2). c) D'autres h~moglobinoses peuvent @tre cyanog~nes. II s'agit des Hb anormales o£I l'affinit~ pour l'oxyg~ne est diminu~e. Ces cas sont tr~s rares (2, 4). d) Toute Hb anormale ne se d~tecte pas obligatoirement en ~lectrophor~se ~ pH alcalin (2), bien que cette analyse soit la plus couramment effectu~e en premiere intention dans le diagnostic des h~moglobinopathies. Comme nous l'avons vu pour ce cas, l'~lectrophor~se de l'Hb sur acetate de cellulose ~ pH alcalin nous a donn~ un trac~ normal. II est done indispensable que la demande d'analyse pour ~tude de l'Hb soit accompagn~e de renseignements cliniques afin que le laboratoire puisse choisir des techniques adapt~es qui permettront d'orienter le diagnostic et de poursuivre l'analyse par des techniques beaucoup plus sp~cifiques. Dans les h~moglobinoses M, les anomalies du spectre d'absorption de l'Hb sont constantes et tr~s ~vocatrices. Elles peuvent ~tre d~tect~es de mani~re simple sur un CO-oxym~tre.

1. LABIE D. - Les m~th~rnoglobin~mies~ familiales dominantes ou h~rnoglobinoses M. In: Maladies h~r~ditaires du globule rouge, BEUZARD Y., R O S A J., G A L A C T E R O S F., Doin, Paris, 1984, 199-204. 2. N O R T H M.L., PIFFAUT M.C., DUWIG I - H~moglobinopathies : actualisation du diagnostic biologique. Rev. Fr. Lab., 1995, 2 7 5 : 107-116. 3. M O L L A R D J.F. -Transport de l'oxyg~ne dans le sang, PO 2 et saturation(s) : risques d'erreurs et pi~ges a ~viter. Rev. Fr. Lab., 1995, 2 7 7 : 93-99. 4. W A J C M A N H. -L'h~rnoglobine. Encycl. M~d. Chir., Paris, Sang, 13000 LIO, 6-1982.

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