Cas clinique au laboratoire hémopathie lymphoïde chronique et mélanome malin : association fortuite ?

Cas clinique au laboratoire hémopathie lymphoïde chronique et mélanome malin : association fortuite ?

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C a s clinique au laboratoire H6mopathie lympho'idechronique et m61anomemalin :associationfortuite? L u d o v i c - B e r n a r d S i m o n a,°, J o a n n a F r a n c o u a l b, Patrice Minard b, Marie-Christine G b a d a m a s s i a, Denis F o u l o n b

I. Observation clinique Monsieur M , 64 ans, est hospitalise pour le bilan d'une hyperleucocytose de decouverte recente associee & une alteration de l'etat general. L'examen du patient met en evidence une splenomegalie, une hepatomegalie associee & une ascite ainsi qu'une volumineuse ad&nomegalie axillaire gauche. Une hyperthermie irreguliere /~ recrudescence nocturne est notee. Dans les antecedents, on retrouve un ethylisme chronique. Les resultats du bilan biologique sont les suivants 49.109/I - leucocytes : 139.109/I - plaquettes : - hemoglobine : 12,2 g/dl 120 fl - VGM : 6,4.109/1 - polynucleaires neutrophiles : 41,0.109/i - lymphocytes : 1,5.109/i - monocytes : vitesse de sedimentation : 22 mm -TP: 55 % - TCA : 40" (temoin 32") L'hyperleucocytose est constituee de petits lymphocytes avec de nombreux elements possedant une differenciation plasmocytaire, de la faille d'un petit lymphocyte avec une chromatine d'aspect mature et une excentration nucleaire. Un immunophenotypage de cette population sanguine montre qu'il s'agit d'une proliferation lymphoYde B monoclonale (immunoglobulines M e t D avec cha~ne legere lambda au niveau membranaire). L'IgM est retrouvee en intracytoplasmique parfois sous forme de cristaux (figure I). Les autres marqueurs de surface sont les suivants : CD 10-1920-21-22-23-24-37. Le CD 5 est absent. Le myelogramme montre la presence d'une infiltration lympho'fde atypique (70 % de la cellularite medullaire) qui sur le plan morphologique evoque un lymphome & petites cellules. En conclusion, l'aspect morphologique (sang et moelle) et l'immunophenotypage evoqueraient un lymphome lymphoplasmocytaire en phase leucemique [2, 5]. Devant l'importance de l'adenopathie axillaire, une cytoponction est realisee & la recherche d'un syndrome de Richter. Si le fond de la preparation comporte les elements lymphoYdes precedemment decrits avec toujours ces m~mes cris-

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taux (figure 2), il existe egalement un envahissement ganglionnaire par des cellules metastatiques possedant un volumineux nucleole avec parfois la presence de traces d'un pigment noir intra-cytoplasmique ou extracellulaire. La recherche d'un cancer primitif aboutit rapidement ~ la decouverte d'un naevus suspect en regard de l'omoplate gauche, la biopsie de ce dernier permet de conclure & une degenerescence de type melanome malin. La relecture du myelogramme permet de mettre en evidence de rares cellules metastatiques disseminees. Enfin, l'examen cytologique du liquide d'ascite est egalement positif.

2. Discussion L'association d'un melanome malin et d'une hemopathie lyrepho'fde chronique a dej& ere rapportee [1, 3, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13]. La chronologie de l'apparition de ces deux pathologies est variable et souvent une chimiotherapie ou une radiotherapie est soupqonnee d'etre & l'origine de la seconde neoplasie. Dans notre description, nous n'avons pas pu dissocier les dates d'emergence des deux cancers. De plus, ce patient n'avait beneficie d'aucun traitement anti-neoplasique, eliminant de fait une cause iatrogene directe. D'autres explications ont ere envisagees pour expliquer cette association. Si l'immunodepression consecutive & une leucemie lymphofde chronique est bien connue, il semblerait que le melanome malin puisse lui aussi etre & l'origine d'une modification de la r@onse immune physiologique et favoriser la naissance d'un autre processus neoplasique [10].

a Service d'h&matologie-bact&riologie b Service de medecine interne (Pavilion Boudet) Centre hospitalier de Moulins-Yzeure 10, av. du Gen~ral-de-Gaulle, B.P. 609 03006 Moulins cedex * Correspondance. article regu le 14 janvier, accept~ le 26 juin 1998.

g.~

Figure I Presence d'un cristal d'immunoglobuline dans le cytoplasme d'un lymphocyte (ad&nogramme - May Grt)nwald Giemsa).

Figure 2 Nombreuse cellules m&tastatiques d'origine m~lanocytaire sur un fond de cellules lymphomateuses (ad&nogramme May GrQnwald Giemsa).

L'existence d'anomalies gen~tiques susceptibles de favoriser le developpement de certains cancers est connue (retinoblastome, cancer du c61on, cancer du rein). Certaines d'entre elles sont soupqonnees d'etre & l'origine d'une predisposition genetique au melanome malin et & certains lymphomes non hodgkiniens (g&ne suppresseur de tumeur p16 present dans la region chromosomique 9p21) [3]. La notion d'instabilite genetique a egalement ete soulignee dans certains lymphomes de type MALT [8]. Enfin, le r61e des rayons UV a ete mis en exergue (I, 3]. lls pourraient intervenir comme facteur de risque de lymphomes en parall&le & leur pouvoir inducteur de melanome malin et d'autres cancers de la peau. Cependant, les etudes realis&es dans ce domaine semblent insuffisantes pour conclure & une association significative. La presence d'immunoglobu]ines intra-cytop]asmiques a e t & decrite depuis Iongtemps dans la leucemie lympho'fde chronique, mais elle est plut6t consideree comme un marqueur de certains types de lymphome (lymphome lymphoplasmocytake, maladie de Waldenstr6m) [2, 4, 5]. Quant & la cristallisation des immunoglobulines dans le cytoplasme des lymphocytes, si elle n'est pas exceptionnelle ni

pathognomonique de syndrome lymphoproliferatif, elle n'en est pas moins une belle image cytologique.

[1] Adami J., Frisch M., Yuen J., Glimelius B., Melbye M., Existence of an association between non-Hodgkin's lymphoma an skin cancer, Br. Med. J. 310 (1995) 1491-1495. [2] Garand R., Robillard N., Immunophenotypic characterization of acute leukemias and chronic lymphoproliferative disorders : practical recommendations and classifications, Hematol. Cell. Ther. 38 (1996) 471-486. [3] Hall P., Rosendahl I., Matisson A., Einhorn S., Non Hodgkin's lymphoma and skin malignancies-Shared etiology ?, Int. J. Cancer 62 (1995) 519-522. [4] Han T., Oze H., Bloom M., Sagawa K., Minowada J., The presence of monoclonal cytoplasmic immunoglobulins in leukemic B cells from patients with chronic lymphocytic leukemia, Blood 59 (1982) 435-438. [5] Harris L.N., Jaffe E.S., Stein H., Banks P.M., Chan J.K.C., Cleary M.L., Delsol G. De Wolf-Peeters C., FALINI B., Gatter K.C., Grogan T.M., Isaacson P.G., Knowles D.M., De Mason D.Y., Muller-Hermelkink H.K., Pileri S.A., Piris M.A., Ralfkiaer E., Warnke R.A., A revised European-American classification of lymphoid neoplasms : a proposal from the International lymphoma study group, Blood 84 (1994) 1361-1392. [6] Kyriakis K., Stavropoulos P., Hatziolou E., Dellidis G., Varelzidis A., Tosca A., Coexistence of pemphigus vulgaris, malignant melanoma and low-grade lymphoma, Dermatologica 183 (1991) 49-52.

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3. Conclusion Les patients porteurs d'un melanome malin ou d'une hemopathie lympho'fde chronique (leucemie lympho'fde chronique - lymphome non hodgkinien) doivent &tre consideres comme des sujets & risque pour l'apparition d'une seconde neoplasie. Cliniquement, il est souhaitable de rechercher notamment la presence d'adenopathies ne correspondant pas & la zone de drainage lymphatique classiquement observ&e dans le cas d'un melanome ou inversement l'existence d'adenomegalies de tailles volumineuses dans le cadre d'une h&mopathie lyrepho'fde chronique connue. D'autres travaux sont necessaires pour pr~ciser la nature des etiologies possibles de cette succession de processus malins.

[7] Lauvin R., Le Breton-Kashi Y., Jego P., Grobois B., Leblay R., Primary malignant tumors (lymphoma excluded) in patients with chronic lymphocytic leukemia, Ann. Med. Int. 147 (1996) 389392. [8] Luppi M., Longo G., Ferrari M.G., Ferrara L., Marasca R., Barozzi P., Morselli M., Emilia G., Torelli G., Additional neoplasms and HCV infection in low-grade lymphoma of MALT type, Br. J. Haematol. 94 (1996) 373-375. [9] Mellemgaard A., Geisler C.H., Storm H.H., Risk of kidney cancer and other second solid malignancies in patients with chronic lymphocytic leukemia, Eur. J. Haematol. 53 (1994) 218-222. [10] Riou J.P., Ariyan S., Bransow K.R., Fielding L.P., The association between melanoma, lymphoma and others primary neoplasms, Arch. Surg. 130 (1995) 1056-1061. [11] Serrano-Ortega S., Tercedor-Sanchez J., Ortega Del Olmo P.M., Garcia Del Moral R., Garcia-Puche J.L., Associazione melanoma-linfoma, G. Ital. Derma-Venereol. 124 (1989) 293-295. [12] Soong V., Lee P.C., Kissel R.B., Sams W.N., Fatal malignancie melanoma associated with a completely regressed primary melanoma in a patient with cutaneous T-cell lymphoma, Arch. Dermatol. 123 (1987) 1270-1272. [13] Travis L.B., Curtis R.E., Hankey B.F., Fraumeni J.F., Seconds cancers in patient with chronic lymphocytic leukemia, J. Nat. Cancer Inst. 84 (1992) 1422-1427.

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