Cas clinique au laboratoire Tumeur iléo-c˦cale

Cas clinique au laboratoire Tumeur iléo-c˦cale

clinique au laboratoire Tumeur il6o-caecale P. S A I N T - B L A N C A R D , P. G E R O M E et M. A R B O R I O * I. Observation clinique M. M.G., a...

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clinique au laboratoire Tumeur il6o-caecale

P. S A I N T - B L A N C A R D , P. G E R O M E et M. A R B O R I O *

I. Observation clinique M. M.G., age de 77 ans, est hospitalise en aoQt 1993 pour une baisse de l'~tat general avec fiewe. On note dans ses antecedents : - une tuberculose pulmonaire en 1945 traitee par pneumothorax, - une polyglobulie primitive trait~e par saignees et hydroxyuree, - une diverticulose sigmofdienne. L'histoire actuelle evolue depuis 2 mois, inauguree par des douleurs abdominales diffuses, sans trouble du transit, associees a un febricule oscillant entre 37,6 et 38,4 °C et une anorexic. L'examen clinique objective : un amaigrissement de 4 kilogrammes, - une splenomegalie associee & une discrete hepatomegalie sans adenopathie ; cette splenomegalie a 6te rattach&e & la polyglobulie. En revanche, le patient ne presentait aucune symptomatologie broncho-pulmonaire. Le bilan biologique met en evidence : - un syndrome inflammatoire avec une vitesse de sedimentation acceleree & 40 mm a la premiere heure, un fibrinogene & 4 g/l, - un hemogramme normal, - une intra-dermo reaction titree & 10 U.I. de tuberculine negative, - une serologie VIH negative. Les donnees de l'imagerie montrent la presence d'une tumeur c~ecale et confirme l'hepatosplenomegalie. Le cliche thoracique revele une excavation apico-dorsale droite associee des sequelles fibro-retractiles. Au cours de son hospitalisation, pendant les investigations, le patient pr&sente un episode de cholecystite aigu~ lithiasique confirme par le syndrome biologique (cholestase, cytolyse) et l'imagerie medicale (microlithiases visualisees & l'echographie). Au d&cours de la symptomatologie, l'indication operatoire est posee. Cette intervention permet de pratiquer, outre la cholecystectomie, une resection ileo-caecale et une biopsie h~patique chirurgicale devant un aspect "granite" du parenchyme h@atique. L'examen anatomo-pathologique de la piece de resection ileoc~ecale met en evidence une masse infiltrante du bas fond c~ecal d'environ 7 cm de diametre avec beance de la valvule

de Bauhin et une ad~nopathie partiellement calcifi~e dans le meso en regard de la tumeur. Histologiquement, cette tumeur correspond ~ une infiltration de l'ensemble des tuniques de la paroi colique par des granulomes lympho-epithelidfdes et giganto-cellulaires non n~crosants, de taille tres variable et contigus, bien visibles en coloration standard (hematoxylinephloxine-safran, HPS) (figures 1, 2, 3 et 4). La coloration de Ziehl-Nielsen met en ~vidence, dans des cellules histiocytaires situees entre les granulomes, des bacilles alcoolo-acido-resistants (BAAR) (figure 5). La biopsie chirurgicale h~patique est caracteris~e par la presence egalement de granulomes mais sans BAAR (figure 6). Parall~lement, la mise en culture des produits de secretion et de tubage gastrique permet d'isoler et d'identifier des colonies de Mycobacterium tuberculosis. Cette recherche n'a pas pu etre realisee ~ partir de la piece operatoire, celle-ci ayant et~ adressee au laboratoire fixee dans du formol en solution aqueuse ~ 10 %.

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Revue frangaise des laboratoires, janvier 1996, N ° 281

En r~sum~ nous sommes en presence d'une tuberculose diss6min6e & localisation pulmonaire, colique et h6patique & M. tuberculosis chez un sujet &g6 non immunod&ficient.

2. Discussion La tuberculose reste essentiellement pulmonaire. Loin d'etre &radiquee, elle connait une nette recrudescence aussi bien dans les pays en voie de developpement que dans les pays industrialises, meme si en France son incidence decroit avec des disparites (1). Cette recrudescence est en partie lice ~ l'epidemie d'infection par le virus de l'immunod~ficience humaine (VIH), et aussi une baisse d'acuite des moyens de prevention, de depistage et de traitement (4). L'anergie tuberculinique chez le sujet age est courante et n'elimine en rien le diagnostic de tuberculose.

* Laboratoire de biologie clinique et d'anatornie pathologique H6pital d'Instruction des A r m i e s du Val-de-Gr4ce 74, bd de Port-Royal - 75230 PARIS CEDEX 05 TIRF=S A P A R T : M. le Dr M. ARBORIO

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TABLEAU 1 Diagnostic diff6rentiel entre tuberculose et maladie de Crohn Aspects macroscopiques d'apr6s POTET (7)

Si~ge de l'ulc~ration Orientation Longueur du r~tr~cissernent Fistules Miliaire s~reuse L~sions anales Taille des ganglion~

circonf~rence

bord m~sent~rique

transversale

Iongitudinale

< 3 cm

> 3 cm

rares fr~quente rares grande

fr~quentes absente fr~quentes petite

TABLEAU I! Diagnostic diff6rentiel entre tuberculose et maladie de Crohn Aspects histologiques d'apr6s POTET (7)

Granulome Granulome uniquement ganglionnaire N~crose R~partition des granulomes Fibrose et hyalinisation des granulomes et de la musculeuse l~paississement de la sous-muqueuse Fissures

touiours

moiti~ des cas

possible

jamais

+

0

confluente

isol~e

+

0

0

+

rares superficielles

fr~quentes profondes

Hyperplasie folliculaire lympho'~'de

- un aspect a t r o p h i q u e avec de larges ulcerations superfi-

cielles et confluentes ; situation rare et volontiers isol~e en cas de Iocalisation c~ecale (7) ; - une forme hypertrophique, pseudotumorale, o~ toute la paroi est ~paissie avec des ulcerations fissuraires, anfractueuses ; cette forme est typiquement il~o-c~ecale (7). Dans les deux cas, les m~sos sont souvent ~paissis avec des ganglions satellites souvent n~cros~s ~ la coupe. En revanche, l'aspect histologique est identique quelle que soit la Iocalisation. Les 16sions sont volontiers s u p e r f i c i e l l e s dans la forme atrophique et pletot p a n p a r i ~ t a l e s dans la forme hypertrophique. La mise en ~vidence de BAAR par |a coloration de Ziehl-Nielsen est un argument capital. Cependant, le diagnostic est rendu difficile chez les sujets immunod~prim~s, le granulome perdant sa sp~cificit~ (4). Dans cette Iocalisation et dans la forme hypertrophique, doivent ~tre ~voqu~s en premiere intention chez une personne 8g~e un carcinome, et chez un sujet s~ropositif un lymphome, en particulier de type Burkitt (6). L'analyse histologique permet de r~pondre & cette premiere question. L'image histologique avec la presence de granulomes pose le probl~me d'une parasitose surtout s'il existe une notion de s~jour en pays d'end~mie. La b i l h a r z i o s e est responsable d'un granulome dont la composition varie dans le temps, d'abord ~ composante histiocytaire et & polynucl~aires ~osinophiles, centr~ par un oeuf, puis tuberculo'tde bord~ d'~osinophiles et plasmocytes, enfin scl~rose extensive et mutilante (2). Dans le cadre d'une mycose profonde, comme l ' h i s t o p l a s m o s e , le granuIome est volontiers polymorphe avec presence de spores intra-histiocytaires. Mais surtout, le principal diagnostic ~ ~voquer est celui de la m a l a d i e d e C r o h n , plus fr~quente au niveau digestif que la tuberculose. L'atteinte colique isol~e est rare (30 % des cas) et reste le plus souvent associ~e ~ une atteinte il~ale. L'atteinte h~patique est notre dans 15 % des observations. Deux caract~res pr~dominent : l'atteinte segmentaire et l'extension plurifocale. Les t a b l e a u x I e t II emprunt~s ~ POTET (7) pr~cisent point par point les principaux caract~res macroscopiques et histologiques propres ~ chaque affection (figures 7 e t 8).

+

Conclusion La place de la tuberculose extra-pulmonaire augmente pour representer environ 15 % des cas (3, 4), tous cas confondus et atteindre 40 ~ 60 % des patients infect~s par le VIH (8). Globalement, dans plus de 50 % des cas, il existe une Iocalisation pulmonaire associ~e (9). La Iocalisation digestive repr~sente quant ~ elle moins d ' 1 % des cas de tuberculose (5). Les atteintes intestinales, en particulier il~o-c~ecales, et h~patiques sont les plus fr~quentes (10). Elle peut toucher ~galement le gr~le et l'anus. Les atteintes plurisegmentaires sont possibles. Deux formes macroscopiques sont classiquement d~crites :

La tuberculose diss6min6e avec localisations il6oca~cales, sous uue forme tumorale, h6patique et pulmonaire, chez le sujet ~g6, reste d'actualit6 en raison d'une recrudescence de I'end6mie tuberculeuse, surtout s'il existe des ant6c6dents, notamment une localisation pulmonaire. Un tel tableau anatomo-clinique pose avant tout le diagnostic de tumeur maligne (carcinome ou lymphome) et sur le plan histologique celui de la sp6cificit6 d'une 16sion granulomateuse.

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Revue franqaise des laboratoires, janvier 1996, N ° 281

FIGURE 1 Paroi colique : granulomes fi ceUules g6antes type Langhans non n6crosants (HPS x 25)

FIGURE 4 Paroi colique (s6reuse) : granulomes ~ cellules g6antes type Langhans non n6crosants (HPS x 100)

FIGURE 2 Paroi colique (sous muqueuse) : granulomes ~ cellules g6antes type Langhans non n6crosants (PIPS x 100)

FIGURE 5 Paroi colique : pr6sence de BAAR dans les granulomes (Ziehl x 1000)

FIGURE 3 Paroi colique (musculeuse) : granulomes ~ ceUules g6antes type Langhans non n6crosants (HPS x 1 0 0 )

FIGURE 6 Foie : granulomes ~ cellules g6antes non n6crosants (HPS x 200)

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