Cas clinique n °2 proposé par l’équipe de Strasbourg

Cas clinique n °2 proposé par l’équipe de Strasbourg

Revue de Pneumologie clinique (2009) 65, 8-13 Cas clinique n °2 proposé par l’équipe de Strasbourg Y. Thibouta*, B. Mennecierb a b Service de Pneumo...

840KB Sizes 3 Downloads 83 Views

Revue de Pneumologie clinique (2009) 65, 8-13

Cas clinique n °2 proposé par l’équipe de Strasbourg Y. Thibouta*, B. Mennecierb a b

Service de Pneumologie, CHU de Lyon, Centre Hospitalier Lyon Sud, 69495, Pierre-Bénite cedex Service de Pneumologie, CHRU Hôpital Civil de Strasbourg, 1, Place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg

M

onsieur K. R. est un patient de 52 ans, tabagique à 2 paquets par jour sevré depuis un an. Il n’a pas d’antécédent notable et exerce la profession d’installateur sanitaire. Il présente depuis 3 semaines une toux avec des expectorations hémoptoïques. À l’examen clinique, on note un index de Karnofsky à 90 %, un poids de 88 kg pour 1 m 70 sans amaigrissement récent, et une adénopathie sus-claviculaire droite de 2 cm de grand axe. Les biopsies bronchiques concluent à un carcinome bronchique à petites cellules. Le dosage de la NSE est à 49 µg/l (n < 12). Le scanner cérébral et abdominal est sans particularité. La biopsie ostéo-médullaire est normale. L’iconographie des différents examens complémentaires est représentée en figure 1.

Figure 1

*

Discussion par Y. Thibout (Lyon) Question 1 Quelle(s) situation(s) correspond(ent) au stade limité ? • A - Adénopathie médiastinale controlatérale • B - Adénopathie sus claviculaire controlatérale • C - Atteinte de la plèvre • D - Champ d’irradiation complexe • E - Atteinte médiastinale vasculaire La bonne réponse est la E. La classification des CBPC la plus utilisée est celle des Vétérans (VASLG), qui date des

Données du bilan initial. A : radiographie thoracique. B : tomographie par émission de positons (TEP). C et D : scanner thoracique. E : aspect en fibroscopie bronchique.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Thibout)

© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Cas clinique n °2 proposé par l’équipe de Strasbourg

années 1960 [1]. Dans cette classification, la définition des stades limités est très restrictive, n’acceptant qu’une adénopathie sus-claviculaire homolatérale, un seul champ d’irradiation et l’absence de pleurésie néoplasique. La définition du stade localisé proposée par l’IASLC [2] est plus large et accepte les adénopathies sus-claviculaire homo- ou controlatérales, les adénopathies médiastinales ou hilaires controlatérales, et une atteinte pleurale homolatérale. En pratique clinique, on considère souvent qu’un CBPC est limité s’il est incluable dans un seul champ d’irradiation. L’atteinte pleurale fait donc souvent classer la tumeur comme disséminée. Ce problème de l’atteinte pleurale a été étudié dans un travail rétrospectif de CBPC n’ayant qu’une pleurésie comme site « métastatique » [3]. Entre juillet 1995 et décembre 2003, 56 patients ont été étudiés et divisés en 3 groupes : le groupe A (n = 23) avait été traité par radiochimiothérapie, le groupe B (n  =  8) par chimiothérapie seule avec une disparition de la pleurésie, et le groupe C (n = 25) par chimiothérapie seule sans disparition de la pleurésie. La survie médiane était respectivement de 19,2 mois (A), 14,7 mois (B) et 9,2 mois (C) ; la survie à 3 ans était de 22 % (A), 13 % (B) et 8 % (C). Il était également noté 4 longs survivants à plus de 5 ans. Ces résultats suggèrent donc qu’un CBPC avec pleurésie néoplasique peut être traité par radiochimiothérapie, avec des taux de survie supérieurs à une simple chimiothérapie.

Question 2 Parmi ces examens, lequel (lesquels) réalisez-vous systématiquement dans le cadre d’un CBPC ? • A - TEP scan • B - Exploration médullaire (myélogramme ou biopsie ostéo-médullaire)

• C - NSE • D - TDM ou IRM cérébrale • E - Ponction d’une adénopathie périphérique superficielle

• F - J’arrête les examens au premier site métastatique Les bonnes réponses sont les A, B, D, E, F. En effet, une recherche exhaustive est nécessaire en cas d’inclusion dans un essai thérapeutique, Hors essai, une certaine logique « coût/bénéfice » peut justifier d’arrêter le bilan d’extension dès la découverte d’un site métastatique (hors point d’appel). L’exploration médullaire est la dernière étape en raison de son caractère invasif, mais il faut cependant rappeler que la moelle osseuse est un des sites métastatiques les plus fréquents au diagnostic de CBPC. Concernant le dosage des marqueurs tumoraux comme la NSE, il n’est pas nécessaire pour le diagnostic, le pronostic ou le suivi (SPLF 1997). Revenons à l’iconographie, la radio pulmonaire retrouve une volumineuse opacité sus-hilaire droite qui semble déborder en paratrachéal gauche, avec une probable atélectasie du lobe supérieur droit. Les coupes du scanner confirment les images radiologiques avec un volumineux complexe gangliotumoral pré- et paratrachéal droit, avec un envahissement de la veine cave supérieure qui reste perméable et une

9

atélectasie du lobe supérieur droit. D’après l’endoscopie, on aurait un envahissement de l’arbre bronchique qui remonterait jusqu’aux bronches souches droites. Au niveau du TEP scan, on retrouve une fixation du traceur au niveau du complexe ganglio-tumoral primitif et au niveau de deux adénopathies sus-claviculaires droites.

Question 3 Devant ce CBPC limité au thorax chez ce patient PS 1 de 52 ans, quel traitement effectuez-vous ? • A - C isplatine VP16 et radiothérapie thoracique concomitante

• B - Carboplatine VP16 et radiothérapie thoracique concomitante

• C - P latine VP16 et radiothérapie thoracique séquentielle

• D - PCDE et radiothérapie thoracique intercalée ou séquentielle

• E - Autre chimiothérapie à base d’anthracycline et radiothérapie thoracique séquentielle

La bonne réponse est la A. Le traitement des formes limitées des CBPC est potentiellement curatif. Il faut donc privilégier l’intensité et l’efficacité du traitement sur la toxicité. La chimiothérapie des formes limitées repose sur 4 cycles de cisplatine à doses moyennes (80-100  mg/m²) associé à l’etoposide, J1, J2, J3 –  J22. Le cisplatine doit être préféré quand cela est possible au carboplatine car aurait une meilleure efficacité. Le carboplatine doit être réservé aux cas de contre-indication au cisplatine (comme l’insuffisance rénale) et au sujet âgé (> 70 ans). Le protocole associant cisplatine, etoposide, cyclophosphamide, adriamycine (PCDE) a été notamment proposé par Pujol et al [4] dans les CBPC diffus. L’étude comportait 226 CBPC de stade disséminé, avec randomisation entre un bras contrôle traité par cisplatine 100  mg/m² J2 et etoposide 100 mg/m² J1-J3, et un bras expérimental traité par cisplatine-etoposide aux mêmes doses associés au cyclophosphamide 400 mg/m² J1-J3 et à l’adriamycine 40 mg/m² J1. Le traitement était répété tous les 28 jours pour 6 cycles dans les 2 bras. Les taux de réponse et de survie étaient en faveur du bras PCDE avec un taux de réponse complète de 21 % versus 13 %, un taux de réponse partielle de 55 % versus 48 %, une survie à 1 an de 40 % versus 29 %, et une médiane de survie de 10,5 mois versus 9,3 mois (p = 0,007). Cependant, cette étude ne concernait que des formes disséminées, et n’est pas compatible avec une radiothérapie thoracique concomitante du fait de la toxicité des anthracyclines. Les autres associations à base d’antracycline ne sont pas supérieures à cisplatine-VP16 et ne permettent pas une radiothérapie concomitante. La radiothérapie thoracique dans les formes limitées de CBPC joue un rôle majeur, car elle augmente le contrôle local [5], et augmente la survie à 2 et 3 ans de 5 % [6]. La métaanalyse de Pignon et al. [7] a ainsi démontré un bénéfice en termes de risque relatif de décès pour la chimiothérapie associée à la radiothérapie thoracique comparée à la chimiothérapie seule (RR = 0,86, p = 0,001). Cette association de

10

Y. Thibout, et al.

radiochimiothérapie entraîne par ailleurs une augmentation « acceptable » des toxicités muqueuses et médullaires (qui sont majorées si on y associe une anthracycline). Si elle est délivrée précocement (avant la 9e semaine) en même temps que la chimiothérapie, elle permet en outre d’augmenter la survie à 2 ans [8]. Ce bénéfice disparaît en revanche en cas d’utilisation d’anthracyclines. Le moment d’administration de la radiothérapie par rapport à la chimiothérapie est discuté. Une radiothérapie concomitante aurait une meilleure efficacité [9]. Un schéma de radiothérapie alterné avec la chimiothérapie serait associé par ailleurs à une moindre toxicité [10], et pourrait donc avoir un intérêt chez le sujet âgé (> 70 ans) ou avec un mauvais état général (PS > 2). En effet, Arriagada et al. ont ainsi pu obtenir avec ce schéma un taux de réponse complète de 70 % et une survie à 5 ans de 18  % [10]. Le schéma séquentiel sera réservé quant à lui au sujet âgé (> 70 ans) ou avec un mauvais état général (PS  >  2). Dans le traitement des formes limitées, la dose est de 50 à 60  Gy. Le schéma bi-fractionné pourrait être plus efficace qu’un fractionnement classique. Ainsi, Turrisi et al. [11] ont obtenu une médiane de survie de 23 mois dans le schéma bi-fractionné versus 19 mois, et une survie à 5 ans de 26 % versus 16 % (p = 0,04). On note cependant que ce schéma bi-fractionné est associé à une plus grande toxicité. Au niveau européen, une étude anglaise menée en collaboration avec le GFPC est actuellement en cours (étude CONVERT), comparant un schéma conventionnel à un schéma bi-fractionné dans les CBPC localisés.

Question 4 À propos de l’irradiation cérébrale prophylactique (ICP) dans le CBPC limité : quand l’effectuez-vous et chez quels patients ? • A - C hez les répondeurs complets ou presque

Les résultats retrouvaient une diminution de l’incidence des métastases cérébrales à la dose de 36 Gy (24 % versus 30 %, NS), mais avec une augmentation significative des rechutes thoraciques (48 % versus 40 %, p = 0,02) et une diminution de la survie globale (37 % versus 42 %, p = 0,03). L’explication des ces résultats reste actuellement peu évidente. Au total, l’ICP 25 Gy, 10 fractions/12 jours doit actuellement rester le traitement standard. La réalisation de l’ICP chez les CBPC en réponse partielle a fait l’objet d’une étude de l’EORTC, présentée en 2007 [15]. Cette étude a comparé par randomisation l’ICP à l’absence de traitement chez les patients porteurs de formes métastatiques en réponse après chimiothérapie. Le critère de jugement principal était l’apparition de métastases cérébrales symptomatiques. Deux cent quatre-vingt-six patients ont été randomisés, 143 dans le groupe ICP et 143 dans le groupe contrôle. La tolérance de la radiothérapie était bonne, avec 29 % d’effets indésirables aigus (céphalées, nausées, léthargie, dermite aiguë) de grade 1, et 18 % de grades 2 et 3. Le bénéfice de l’ICP est observé à la fois sur le taux d’apparition de métastases cérébrales symptomatiques (14,6  % versus 40,4  % à 1 an, p  <  0,001) et sur la survie globale (27,1 % versus 13,3 % à 1 an, p = 0,003). L’ICP n’a par ailleurs pas entraîné d’effet délétère sur les paramètres de qualité de vie chez les patients comparativement à ceux qui n’en avaient pas reçu. À la lumière de ces résultats dans les formes métastatiques, il pourrait être intéressant d’envisager une ICP également dans les formes localisées en réponse partielle. Cependant, aucune étude n’a encore montré l’intérêt de l’ICP dans cette situation, c’est pourquoi nous ne retenons pas la réponse B. Une chimiothérapie est débutée le 7 octobre 2005, compliquée d’une neutropénie grade 4 fébrile à 38,5  °C pendant 1 jour, traitée à domicile par Ketek®. Après une cure, on note une amélioration radiologique importante (Fig. 2) et une chute de la NSE à 15 µg/l, ainsi qu’une disparition de l’adénopathie sus-claviculaire droite.

complets

• B - Chez les répondeurs partiels • C - Chez tous, en même temps que la radiothérapie thoracique et la chimiothérapie

• D - A distance de la chimiothérapie, après le bilan d’évaluation

• E - Je ne fais pas d’ICP Les bonnes réponses sont A et D. L’irradiation cérébrale prophylactique (ICP) permet en effet une réduction du taux de rechute cérébrale et une amélioration de la survie à 3 ans chez des patients en rémission complète [12]. Cette ICP ne doit pas être réalisée en cours de chimiothérapie car responsable alors d’une surtoxicité neurologique [13]. La dose standard n’est pas clairement établie, et est le plus souvent de 24 Gy. Une étude récente multicentrique randomisée a comparé une dose de 25 Gy et une dose de 36 Gy chez 720 patients porteurs de CBPC localisés considérés en rémission complète après radiochimiothérapie [14]. Une imagerie cérébrale était réalisée avant la randomisation, mais on note que l’évaluation de la réponse tumorale était établie de façon variable (scanner, radiographies standards…). La randomisation était faite entre 3 bras : un bras à 25 Gy 10 fractions/12 jours, un bras à 36 Gy 18 fractions/24 jours, et un bras à 36 Gy 2 fractions/j, 24 fractions/16 jours.

Figure 2 Radiographie thoracique après une cure de chimiothérapie

Cas clinique n °2 proposé par l’équipe de Strasbourg

Question 5 À propos du risque aplasique par chimioradiothérapie dans le CBPC : quelle est la proposition vraie ? • A - La prescription de facteur de croissance hématopoïétioque systématique dès la première cure n’apporte aucun gain en cas de Cisplatine VP 16 à doses habituelles • B - La prescription de facteur de croissance hématopoïétioque peut se faire pendant la radiothérapie thoracique • C - Une antibiothérapie par quinolones en cours de chimiothérapie a démontré son intérêt • D - Le principal risque d’hypoplasie médullaire est à la fin de la chimiothérapie • E - Les facteurs de croissance hématopoïétioques n’ont pas démontré leur intérêt par rapport aux antibiotiques à la première cure

La bonne réponse est la C. Concernant l’antibioprophylaxie seule, Bucaneve et al. [16] ont pu mettre en évidence sur 760 patients avec une forte probabilité de neutropénie (GB < 1000/mm3) chimio-induite (aplasie prévue pour être supérieure à 5 jours) un bénéfice d’une antibioprophylaxie par levofloxacine 500 mg/j (J1 de la chimiothérapie jusqu’à la sortie de neutropénie) en termes de survenue d’une fièvre (p  =  0,001), d’une infection documentée (p  =  0,001), et d’une bactériémie (p = 0,001). Il n’existait par contre pas de différence significative en terme de décès. De manière similaire, Cullen et al. [17] ont étudié 1565 patients à risque pour une neutropénie (PNN < 0,5 giga/l) dont 225 cancers à petites cellules (autres : lymphomes, autres cancers solides), avec randomisation entre un bras levofloxacine 500  mg/j versus placebo pendant 7 jours pendant la période prévisible d’aplasie. La survenue d’une fièvre au décours du 1e cycle et des autres cycles, le nombre d’hospitalisation et d’infection étaient statistiquement en faveur du bras levofloxacine ; le nombre de décès était identique entre les 2 bras. Cependant, l’EORTC ne recommande pas actuellement l’antibioprophylaxie systématique, du fait du risque d’acquisition de résistance bactérienne. La prescription de facteur de croissance hématopoïétique est basée sur l’évaluation de la fréquence de neutropénie fébrile associée au protocole de chimiothérapie utilisée

11

D’après les recommandations de l’EORTC [18] et de l’ASCO [19] l’utilisation de G-CSF est préconisée, en prophylaxie primaire, pour une chimiothérapie associée à un taux de neutropénie fébrile supérieur ou égal à 20  % ; pour une chimiothérapie modérément myélosuppressive (présentant un risque de neutropénie fébrile < 20 % selon l’ASCO, entre 10 et 20 % selon l’EORTC) l’utilisation de G-CSF sera discutée en fonction des facteurs de risque individuels de neutropénie fébrile du patient (âge supérieur à 65 ans, comorbidités, stade de la maladie…). Le protocole cisplatine – etoposide utilisé dans le traitement des CBPC a une fréquence estimée de neutropénie fébrile de 54 % dans ces recommandations [18], mais dans la pratique courante est plutôt comprise entre 10 et 20 % (ce risque étant maximal au décours de la 1e cure). L’utilisation de facteur de croissance en cours de radiothérapie a été évaluée dans l’étude de Bunn et al [19]. Deux cent trente CBPC limités au thorax et traités par radiochimiothérapie (cisplatine 40 mg/m² J1-J3 + etoposide 80 mg/m² J1-J3, 6 cures, avec radiothérapie thoracique concomitante précoce 2  Gy/fractions, 25 fractions) étaient randomisés entre GM-CSF (J4-J18) versus placebo. Il était trouvé 30 % d’infections respiratoires dans le bras GM-CSF versus 10 % dans le bras placebo, et un taux de décès toxique de 8,4 % dans le bras GM-CSF versus 1 % dans le bras placebo. Les médianes de survie n’étaient pas statistiquement différentes (14 mois versus 17 mois, p = 0,12). Les recommandations actuelles de l’ASCO [20] sont donc de ne pas utiliser de facteurs de croissance hématopoïétiques en cas de radiochimiothérapie concomitante, c’est-à-dire en cours de radiothérapie L’association d’antibiotiques en prophylaxie au facteur de croissance a été étudiée dans un certain nombre de travaux. Ainsi il a été montré que l’ajout de G-CSF à une antibioprophylaxie réduit de façon significative l’incidence de neutropénie fébrile au premier cycle de chimiothérapie [21], avec un risque relatif de 0,47 avec cette association (95 % CI 0,24-0,94, p = 0,01) versus antibioprophylaxie seule. Une seconde cure est réalisée le 31/10/2005 sans facteurs de croissance, et une radiothérapie médiastino-tumorale est délivrée du 02/11/2005 au 21/11/2005 (13 fractions de 2 Gy). La troisième cure est annulée car le patient est fébrile à 39 °C, oligurique (créatininémie à 165 µmol/l, urée sanguine à 7  mmol/l) et l’on note l’apparition d’un foyer du lobe supérieur droit qui prend progressivement un caractère excavé (Fig. 3).

Figure 3 Radiographie et scanner thoracique. Apparition d’une opacité excavée lobaire supérieure droite.

12

Y. Thibout, et al.

Une lobectomie supérieure droite de propreté est réalisée le 15 février 2006 dans des « conditions techniques délicates ». À l’anatomopathologie, il n’y a pas de structure tumorale résiduelle. En revanche, l’origine de la pneumopathie excavée est confirmée. La radiographie thoracique post-opératoire est représentée en figure 4.

Figure 4

terrain d’immunodépression, le diagnostic de certitude est difficile, et le traitement médical est souvent lourd et prolongé, pouvant aboutir parfois à une chirurgie de propreté. L’évolution du patient sans aucun traitement carcinologique complémentaire reste satisfaisante jusqu’à ce jour, à l’exception de la survenue en janvier 2007 d’une douleur thoracique gauche brutale avec dyspnée, frissons, fièvre à 39 °C et CRP à 360 mg/l. La radiographie thoracique correspondante est représentée en figure 5.

Radiographie thoracique. Aspect post-opératoire.

Question 6 Quelle est l’hypothèse diagnostique la plus probable ? Il s’agit donc d’une pneumopathie nosocomiale excavée dans un contexte d’immunodépression. Les principaux diagnostics éventuels sont une pneumonie radique aiguë, une tuberculose, une infection à mycobactérie atypique, une actinomycose, une aspergillose pulmonaire invasive. La pneumopathie radique aiguë doit être évoquée sur ce terrain d’irradiation thoracique, cependant nous avons écarté cette hypothèse car la survenue est ici précoce et la pneumopathie radique aiguë donne plus volontiers une pneumopathie interstitielle avec secondairement des condensations plutôt qu’une pneumopathie excavée. L’évolution clinique est un peu trop rapide pour une tuberculose ou une mycobactérie atypique, le diagnostic de certitude aurait été probablement obtenu avant la chirurgie, et le patient aurait été traité d’abord par antibiotiques. Pour l’hypothèse de l’actinomycose, il s’agit d’une infection due à des bactéries de la famille des Actinomyces, saprophytes naturelles des muqueuses digestives et respiratoires, infectantes du fait d’une lésion muqueuse préexistante et/ou d’une immunodépression. L’infection survient à proximité du point d’inoculation et s’étend progressivement, pouvant parfois prendre un aspect pseudo-tumoral. Le traitement est prolongé et repose le plus souvent sur la pénicilline A. L’hypothèse que nous avons privilégiée est l’aspergillose pulmonaire invasive, qui est une infection survenant sur un

Figure 5

Radiographie thoracique de janvier 2007 lors de la douleur thoracique.

Question 7 Comment interprétez-vous la survenue d’une embolie pulmonaire dans ce contexte ? Les principales hypothèses à évoquer devant la survenue d’une embolie pulmonaire dans ce contexte sont la rechute du CBPC, l’apparition d’un nouveau cancer (hypercoagulabilité), la thrombose sur site implantable avec embol cruorique (thrombose sur PAC = 0,3 à 28 %, dont 15 à 25 % se compliquent d’embolie pulmonaire [22]), et l’infection de site implantable avec embol septique (le plus souvent à Staphylocoque).

Résultat par B. Mennecier Le patient a effectivement reçu une chimiothérapie par cisplatine - etoposide, sans facteur de croissance associé, plus radiothérapie thoracique concomitante. Ce traitement a été compliqué de neutropénie fébrile grade 4 et d’une insuffisance rénale fonctionnelle transitoire au décours de la 3e cure de chimiothérapie. Devant la persistance du tableau infectieux, le patient a reçu une antibiothérapie probabiliste à large spectre, avec ajout à 48 h d’une thérapie

Cas clinique n °2 proposé par l’équipe de Strasbourg

anti-staphylococcique puis d’anti-fongique (amphotéricine B). Cette antibiothérapie a entraîné une récidive de l’insuffisance rénale, ce qui a obligé à arrêter l’amphotéricine, remplacée par du voriconazole. La survenue d’une toxicité hépatique a secondairement obligé à stopper le voriconazole. C’est alors qu’une chirurgie de propreté a été proposée. La chimiothérapie a quant à elle été poursuivie durant toute cette période fébrile, par carboplatine – etoposide et facteurs de croissance hématopoïétiques, il n’a pas eu de récidive de neutropénie. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire ne retrouvait aucun résidu tumoral et a permis de poser le diagnostic d’aspergillose pulmonaire invasive, avec en parallèle une sérologie aspergillaire revenue positive et la présence d’Aspergillus dans le lavage bronchiolo-alvéolaire. Il a ensuite été effectué une simple surveillance du point de vue infectieux sans reprise d’antifongique (mauvaise tolérance). Le patient est resté stable et en rémission jusqu’en janvier 2007 avec la survenue d’une embolie pulmonaire avec pleuro-pneumopathie. Six mois après cette embolie pulmonaire a été diagnostiqué un cancer de prostate, traité radicalement, avec secondairement une rémission complète que ce soit au niveau pulmonaire ou prostatique.

Références [1]

Zelen M. Keynote address on biostatistics and data retrieval. Cancer Chemother Rep 1973;4:31-42.

[2]

Stahel RA, Ginsberg R, Havemann K, Hirsch FR, Ihde DC, Jassem J, et al. Staging and prognostic factors in small cell lung cancer; a consensus report. Lung Cancer 1989;5:119-26.

[3]

Niho S, Kubota K, Yoh K, Goto K, Ohmatsu H, Nihei K, et al. Clinical outcome of chemoradiation therapy in patients with limited-disease small cell lung cancer with ipsilateral pleural effusion. J Thorac Oncol 2008;3:723-7.

[4]

Pujol JL, Daurès JP, Rivière A, Quoix E, Westeel V, Quantin X, et al. Etoposide plus cisplatin with or without the combination of 4’-epidoxorubicin plus cyclophosphamide in treatment of extensive small-cell lung cancer:a French Federation of Cancer Institutes multicenter phase III randomized study. J Natl Cancer Inst 2001;93:300-8.

[5]

DeVita VT. Cancer: Principles and Practice of Oncology. 6th Ed. 2001, National Cancer Institute / PDQ. Small cell lung cancer; http://www.cancer.gov/cancertopics/pdq/treatment/ small-cell-lung/healthprofessional.

[6]

Warde P, Payne D. Does thoracic irradiation improve survival and local control in limited-stage small-cell carcinoma of the lung? A meta-analysis. J Clin Oncol 1992;10:890-5.

[7]

Pignon JP, Arriagada R, Ihde DC, Johnson DH, Perry MC, Souhami RL, et al. A meta-analysis of thoracic radiotherapy for small-cell lung cancer. N Engl J Med 1992;327:1618-24.

[8]

Fried DB, Morris DE, Poole C, Rosenman JG, Halle JS, Detterbeck FC, et al. Systematic review evaluating the timing of thoracic radiation therapy in combined modality therapy for limited-stage small-cell lung cancer. J Clin Oncol 2004;22:4837-45.

[9]

McCracken JD, Janaki LM, Crowley JJ, Taylor SA, Giri PG, Weiss GB, et al. Concurrent chemotherapy/radiotherapy for limited small-cell lung carcinoma: a Southwest Oncology Group Study. J Clin Oncol 1990;8:892-8.

13

[10] Arriagada

R, Le Chevalier T, Ruffie P, Baldeyrou P, De Cremoux   H, Martin M, et al. Alternating radiotherapy and chemotherapy in 173 consecutive patients with limited small cell lung carcinoma. GROP and the French Cancer Center’s Lung Group. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1990;19:1135-8. [11] Turrisi AT 3rd, Kim K, Blum R, Sause WT, Livingston RB, Komaki R, et al. Twice-daily compared with once-daily thoracic radiotherapy in limited small-cell lung cancer treated concurrently with cisplatin and etoposide. N Engl J Med 1999;340:265-71. [12] Aupérin A, Arriagada R, Pignon JP, Le Péchoux C, Gregor A, Stephens RJ, et al. Prophylactic cranial irradiation for patients with small-cell lung cancer in complete remission. Prophylactic Cranial Irradiation Overview Collaborative Group. N Engl J Med 1999;341:476-84. [13] Ahles TA, Silberfarb PM, Herndon J 2nd, Maurer LH, Kornblith AB, Aisner J, et al. Psychologic and neuropsychologic functioning of patients with limited small-cell lung cancer treated with chemotherapy and radiation therapy with or without warfarin: a study by the Cancer and Leukemia Group B. J Clin Oncol 1998;16:1954-60. [14] Le Pechoux C, Hatton M, Kobierska A, Guichard F, Dunant A, Senan S, et al;On behalf of PCI99 Intergroup investigators. Randomized trial of standard dose to a higher dose prophylactic cranial irradiation (PCI) in limited-stage small cell cancer (SCLC) complete responders (CR): Primary endpoint analysis (PCI99–01, IFCT 99–01, EORTC 22003–08004, RTOG 0212). J Clin Oncol (Meeting Abstracts) 2008 26:LBA7514. [15] Slotman B, Faivre-Finn C, Kramer G, Rankin E, Snee M, Hatton M, et al; EORTC Radiation Oncology Group and Lung Cancer Group. Prophylactic cranial irradiation in extensive small-cell lung cancer. N Engl J Med 2007;357:664-72. [16] Bucaneve G, Micozzi A, Menichetti F, Martino P, Dionisi MS, Martinelli G, et al; Gruppo Italiano Malattie Ematologiche dell’Adulto (GIMEMA) Infection Program. Levofloxacin to prevent bacterial infection in patients with cancer and neutropenia. N Engl J Med 2005;353:977-87. [17] Cullen M, Steven N, Billingham L, Gaunt C, Hastings M, Simmonds P, et al; Simple Investigation in Neutropenic Individuals of the Frequency of Infection after Chemotherapy ± Antibiotic in a Number of Tumours (SIGNIFICANT) Trial Group. Antibacterial prophylaxis after chemotherapy for solid tumors and lymphomas. N Engl J Med 2005;353:988-98. [18] Aapro MS, Cameron DA, Pettengell R, Bohlius J, Crawford J, Ellis M, et al; European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC) Granulocyte Colony-Stimulating Factor (G-CSF) Guidelines Working Party. EORTC guidelines for the use of granulocyte-colony stimulating factor to reduce the incidence of chemotherapy-induced febrile neutropenia in adult patients with lymphomas and solid tumours. Eur J Cancer 2006;42:2433-53. [19] Smith TJ, Khatcheressian J, Lyman GH, Ozer H, Armitage JO, Balducci L, et al. 2006 update of recommendations for the use of white blood cell growth factors: an evidence-based clinical practice guideline. J Clin Oncol 2006;24:3187-205. [20] Bunn PA Jr, Crowley J, Kelly K, Hazuka MB, Beasley K, Upchurch C, et al. Chemoradiotherapy with or without granulocyte-macrophage colony-stimulating factor in the treatment of limited-stage smallcell lung cancer: a prospective phase III randomized study of the Southwest Oncology Group. J Clin Oncol 1995;13:1632-41. [21] Timmer-Bonte JN, de Boo TM, Smit HJ, Biesma B, Wilschut FA, Cheragwandi SA, et al. Prevention of chemotherapyinduced febrile neutropenia by prophylactic antibiotics plus or minus granulocyte colony-stimulating factor in small-cell lung cancer: a Dutch Randomized Phase III Study. J Clin Oncol