Cas clinique n °4 proposé par l’équipe de Lyon

Cas clinique n °4 proposé par l’équipe de Lyon

Revue de Pneumologie clinique (2009) 65, 19-22 Cas clinique n °4 proposé par l’équipe de Lyon P. Jacouleta*, P.-J. Souquetb a b Service de Pneumolog...

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Revue de Pneumologie clinique (2009) 65, 19-22

Cas clinique n °4 proposé par l’équipe de Lyon P. Jacouleta*, P.-J. Souquetb a b

Service de Pneumologie, Hôpital Jean Minjoz, CHU de Besançon, 3, bd Alexandre Fleming, 25030 Besançon cedex Service de Pneumologie, CHU de Lyon, Centre Hospitalier Lyon Sud, 69495, Pierre-Bénite cedex

I

fonctionnelles respiratoires sont normales. Le scanner cérél s’agit d’un patient né le 7 décembre 1943 adressé pour bral et abdominal et la scintigraphie osseuse sont normaux. prise en charge d’un adénocarcinome bronchique de stade IV. Le bilan cardiologique est sans particularité On note dans ses antécédents familiaux un père décédé d’un cancer bronchique, une mère décédée d’un cancer colique, deux sœurs atteintes de cancer du sein (dont une décédée). Ses antécédents personnels comportent une sinusite chronique avec polypose nasale, une hypertension artérielle, une hypercholestérolémie traitée, la pose d’un stent coronaire en 2001, une hernie discale opérée en 1997, et une pneumopathie du lobe inférieur gauche en 1985. Son tabagisme est évalué à 15 paquet-années, sevré il y a 25 ans. Il n’y a pas d’exposition professionnelle particulière. En juin 2007 une radiographie systématique avant intervention sur la polypose nasale met en évidence une opacité para-hilaire gauche suspecte. Le patient est alors en bon état général (PS = 0), sans signe général ni signe fonctionnel thoracique. La TDM thoracique confirme l’opacité hilaire gauche mais fait découvrir également une autre opacité périphérique du lobe supérieur droit (figure 1). L’endoscopie bronchique trouve une sténose de la lobaire supérieure gauche à 2 cm de son origine. Les biopsies bronchiques concluent à un adénocarcinome TTF1+. Les épreuves Figure 1 Scanner thoracique.

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Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Jacoulet)

© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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P. Jacoulet, et al.

Le patient est alors pris en charge par une autre équipe. La TEP objective un hypermétabolisme de l’opacité lobaire supérieur gauche, sans fixation lobaire supérieure droite, médiastinale ou extra-thoracique (figure 2). L’IRM cérébrale est normale. Il nous est ensuite adressé pour poursuite de la prise en charge, et éventuelle inclusion dans un protocole thérapeutique, à la demande du patient (nouvel anti-angiogénique per os).

Discussion par P. Jacoulet Question 1 Parmi les facteurs de risque de cancer bronchique • A - Le cancer colique de la mère multiplie le risque par 1,5

• B - Le cancer bronchique du père multiplie le risque par 2

• C - Le cancer bronchique du père multiplie le risque par 5

• D - Le cancer du sein des sœurs augmente le risque d’adénocarcinome pulmonaire

• E - Le tabagisme cessé 25 ans confère un risque proche de celui du non fumeur

Les réponses que nous avons estimées justes sont B, D, E. En effet, la présence d’un cancer bronchique chez un parent du patient augmente son risque relatif de cancer bronchique de 1,95 (95  % CI 1,31-2,88). Ce risque est supérieur pour la femme que pour l’homme (HR = 2,65 versus 1,69), ainsi que pour les non fumeurs versus fumeurs (HR = 2,48 versus 1,73), et surtout pour les carcinomes épidermoïdes [1]. La présence d’un cancer du sein chez un parent interagit avec la survenue d’un adénocarcinome bronchique, avec un odds ratio d’interaction à 3,27 (95 % CI 1,19-8,98) [2]. Enfin, l’arrêt du tabac entraîne une diminution du risque d’adénocarcinome de 8 % par année de cessation, avec un risque proche de celui du non fumeur après 20 ans de sevrage [3].

Question 2 Quelle est le TNM selon la 7ème édition de la classification ? • A - mT2aN0M0 • B - mT2aN1M0 • C - T2aN0M1a • D - T2aN1M1a • E - T4N0M0 Nous avons choisi la réponse A, c’est-à-dire choisi de classer cette tumeur mT2aN0M0, nous avons considéré que l’opacité du lobe supérieur droit était peut-être un deuxième primitif, La nouvelle classification TNM proposée par l’IASLC

Figure 2 Tomographie par émission de positons couplée au scanner (TEP-TDM).

pour les CBNPC [4] sub-divise les T2 en T2a pour les tumeurs entre 3  cm et 5  cm (43  % de survie à 5 ans) et en T2b pour les tumeurs entre 5 et 7 cm (36 % de survie à 5 ans). L’adjonction du « m » avant le TNM indique la présence de tumeurs primitives multiples (le TNM qui suit correspondant alors à la tumeur la plus volumineuse). De plus, les nodules pulmonaires homolatéraux (autre lobe) sont classés T4 (médiane de survie 13 mois) et les nodules controlatéraux en M1a (médiane de survie 10 mois). Cependant, si on considère chez ce patient le nodule contro-latéral comme métastatique et non comme un 2e primitif, il était alors possible de classer cette tumeur T2aN0M1a (réponse C).

Question 3 Quel bilan complémentaire réalisez-vous ? • A - Aucun • B - Ponction transpariétale du nodule du lobe supérieur droit

• C - Fibroscopie bronchique et brossage dirigé du lobe supérieur droit

• D - Thoracoscopie droite • E - Médiastinoscopie

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Nous avons opté pour la réponse B. La justification de caractériser histologiquement cette opacité du lobe supérieur droit est son caractère non hypermétabolique à la TEP, avec un diamètre pourtant supérieur à 1 cm, et un aspect radiologique très suspect (contours spiculés, bronchogramme). Ces données peuvent faire évoquer un carcinome bronchiolo-alvéolaire. La réalisation d’une fibroscopie (réponse C) est également licite, même si son intérêt diagnostique est probablement moindre pour cette opacité périphérique.

Question 4 Le diagnostic de cancer est confirmé sur l’opacité du LSD : quel traitement proposez-vous ? • A - Anti-angiogène oral • B - Cisplatine + pemetrexed • C - Cisplatine + gemcitabine + bevacizumab • D - Cisplatine + autre drogue • E - Chirurgie bilatérale +  curage +  chimiothérapie adjuvante

• F - Lobectomie supérieure G +  curage +  résection atypique à droite

Nous avons choisi la réponse E. Le pemetrexed a obtenu récemment son AMM en association à un sel de platine en 1re ligne de chimiothérapie pour les CBNPC de stade IV non épidermoïdes. Cette AMM repose sur les résultats de l’étude de phase III de Scagliotti et al. qui comparait un bras cisplatine-gemcitabine et un bras cisplatine-pemetrexed (étude de non-infériorité) [5]. Les deux bras étaient équivalents en termes de survie globale, et l’étude de sous-groupe des carcinomes non épidermoïdes a retrouvé une survie globale supérieure avec le doublet cisplatine-pemetrexed : médiane de survie de11, 8 mois (bras pemetrexed) versus 10,4 mois (bras contrôle), RR = 0,81 (95 % CI 0,7-0,94). Ces résultats sont à l’origine de la restriction d’utilisation aux seuls adénocarcinomes et carcinomes à grandes cellules. Le bevacizumab, anticorps anti-VEGF circulant, a été évalué en phase III dans l’essai de Sandler et al [6]. 878 CBNPC de stade IIIb pleuraux ou IV ont été randomisés entre un bras carboplatine (AUC 6 J1 toutes les 3 semaines) plus paclitaxel (200 mg/m2 J1 toutes les 3 semaines) 6 cycles et un bras cisplatine-paclitaxel (mêmes doses) plus bevacizumab (15  mg/kg IV J1/3sem) jusqu’à progression. Les critères d’inclusion étaient : PS = 0-1, protéinurie < 500 mg/24 h. Les critères d’exclusion comprenaient une histologie épidermoïde, une hémoptysie > 1/2 cuillère à café, la présence de métastases cérébrales, une coagulopathie documentée, la prescription d’un traitement anticoagulant, d’aspirine >  325  mg/j ou d’AINS, une radiothérapie <  21 jours ou chirurgie majeure < 28 jours, les maladies cardiovasculaires, une HTA non contrôlée. Le taux de réponse était de 35  % (bras bevacizumab) versus 15 % (bras contrôle) (p < 0,001) ; la survie sans progression (médiane) de 6,2 mois (bras bevacizumab) versus 4,5 mois (bras contrôle) (p < 0,001), et la médiane de survie globale était de 12,3 mois (bras bevacizumab) versus 10,3 mois (bras contrôle) (p = 0,003). La survie globale montait à 14,2 mois (bras bevacizumab)

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versus 10,3 mois pour les adénocarcinomes (HR = 0,69, 95 % CI 0,58-0,83). Un second essai de phase III (étude AVAIL) a randomisé 1043 patients entre un bras cisplatine-gemcitabineplacebo, un bras ciplatine-gemcitabine-bevacizumab 7,5 mg/ kg et bras cisplatine-gemcitabine-bevacizumab 15 mg/kg [7]. Les patients recevaient 6 cycles de chimiothérapie et poursuivaient le placebo ou le bevacizumab jusqu’à progression. L’objectif principal était la survie sans progression, et a été atteint avec un HR  =  0,75 (95  % IC 0,62-0,91  ; p =  0,003) pour le bevacizumab à 7,5 mg/kg et un HR = 0,82 (95 % IC 0,68-0,98 ; p = 0,03) pour bevacizumab à 15 mg/kg. Concernant la chirurgie bilatérale de tumeurs synchrones, celle-ci a été étudiée dans deux études récentes. De Leyn et al ont opérés 36 patients de manière séquentielle [8]. La mortalité post-opératoire était de 2,8 %, et la survie à 5 ans de 38 %, que l’histologie soit la même pour les deux tumeurs ou non. Nakata et al. ont opéré 17 patients, avec 14 procédures en un temps dont 11 réalisées en thoracoscopie vidéo-assistée [9]. Il y avait 39,7 % d’adénocarcinomes bien différenciés avec contingent bronchiolo-alvéolaire. La survie sans progression à 3 ans était très intéressante à 77,9 %. Enfin, l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante a été confirmée par la méta-analyse LACE, qui reprenait les données de 5 grands essais de chimiothérapie adjuvante (ALPI, ANITA, BLT, IALT, JBR10) [10]. Celle-ci montrait clairement un bénéfice de la chimiothérapie que ce soit en termes de survie sans progression (p = 0,005) et de survie globale (p < 0,001). Le gain de survie à 5 ans était évalué à 5,8 % pour la survie sans progression et 5,4 % pour la survie globale. La diminution du risque de décès était de 11  % avec la chimiothérapie post-opératoire. De plus, le doublet cisplatine-vinorelbine apparaissait comme celui ayant le plus d’impact sur la survie.

Question 5 Le diagnostic de cancer est non confirmé sur l’opacité du LSD : que faire ? • A - 2e ponction transpariétale • B - Thoracotomie droite • C - Lobectomie supérieure gauche + curage + chimiothérapie adjuvante + surveillance

• D - Chimiothérapie néo-adjuvante ± chirurgie • E - A ntibiotiques +  corticoïdes puis nouvelle évaluation Nous avons opté pour la réponse D. La réalisation d’une chimiothérapie néo-adjuvante permet en effet d’étudier le comportement de l’opacité lobaire supérieure droite sous chimiothérapie avant de décider d’une chirurgie d’exérèse. La réponse C (lobectomie sup G + curage + chimiothérapie adjuvante + surveillance) était également possible si on se contentait d’une ponction trans-thoracique négative pour conclure à la bénignité de la lésion lobaire supérieure droite. Enfin, une thoracotomie droite avec résection atypique de la lésion lobaire supérieure pouvait aussi être discutée.

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P. Jacoulet, et al.

Résultat par le Pr. PJ Souquet Le problème principal posé par ce patient était la classification TNM de la tumeur  : soit on considérait la lésion lobaire supérieure droite comme métastatique, soit comme un 2e primitif bronchique, avec un pronostic alors très différent (cf. ci-dessus). La ponction trans-thoracique droite a posé le diagnostic d’adénocarcinome bronchique, sans composante bronchiolo-alvéolaire. Après discussion en réunion de concertation pluri-disciplinaire, devant le risque de pneumonectomie gauche, il a été finalement décidé une chimiothérapie première (cisplatine - gemcitabine), avec si possible secondairement une lobectomie supérieure gauche et une segmentectomie à droite. La chimiothérapie n’a entraîné aucune réponse objective au niveau des 2 lésions lobaires supérieures. Une chirurgie a tout de même été réalisée, avec lobectomie supérieure gauche et curage médiastinal. Le staging post-opératoire était T4 (2e adénocarcinome dans le même lobe, non décelé en pré-opératoire) N1 Mx (selon que l’on considère la lésion controlatérale comme métastatique ou comme un 2e primitif). Un mois après cette intervention, il a été malheureusement diagnostiqué des métastases cérébrales, qui ont exclu toute possibilité de chirurgie curatrice lobaire supérieure droite. Le patient a alors reçu une 2e ligne de chimiothérapie par erlotinib et une radiothérapie cérébrale. Le patient reste actuellement stable à 1 an.

Références [1]

Nitadori J, Inoue M, Iwasaki M, Otani T, Sasazuki S, Nagai K, et al. Association between lung cancer incidence and family history of lung cancer: data from a large-scale populationbased cohort study, the JPHC study Chest 2006;130:968-75.

[2]

Tsuchiya M, Iwasaki M, Otani T, Nitadori J, Goto K, Nishiwaki Y, et al. Breast cancer in first-degree relatives and risk of lung cancer: assessment of the existence of gene sex interactions. Jpn J Clin Oncol 2007;37:419-23. [3] Kenfield SA, Wei EK, Stampfer MJ, Rosner BA, Colditz GA. Comparison of aspects of smoking among the four histological types of lung cancer. Tob Control 2008;17:198-204. [4] Shepherd FA, Crowley J, Van Houtte P, Postmus PE, Carney D, Chansky K, et al. International Association for the Study of Lung Cancer International Staging Committee and Participating Institutions. The International Association for the Study of Lung Cancer lung cancer staging project: proposals regarding the clinical staging of small cell lung cancer in the forthcoming (seventh) edition of the tumor, node, metastasis classification for lung cancer. J Thorac Oncol 2007;2:1067-77. [5] Scagliotti GV, Parikh P, von Pawel J, Biesma B, Vansteenkiste J, Manegold C, et al. Phase III study comparing cisplatin plus gemcitabine with cisplatin plus pemetrexed in chemotherapynaive patients with advanced-stage non-small-cell lung cancer. J Clin Oncol 2008;26:3543-51. [6] Sandler A, Gray R, Perry MC, Brahmer J, Schiller JH, Dowlati A, et al. Paclitaxel-carboplatin alone or with bevacizumab for non-small-cell lung cancer. N Engl J Med 2006;355:2542-50. [7] Manegold, J. von Pawel, P. Zatloukal, R. Ramlau, V. Gorbounova,  V. Hirsch, N. et al. Reck the BO17704 study group. Randomised, double-blind multicentre phase III study of bevacizumab in combination with cisplatin and gemcitabine in chemotherapy-naïve patients with advanced or recurrent non-squamous non-small cell lung cancer (NSCLC):BO17704. J Clin Oncol (Meeting Abstracts) 2007 25:LBA7514. [8] De Leyn P, Moons J, Vansteenkiste J, Verbeken E, Van Raemdonck D, Nafteux P, et al. Survival after resection of synchronous bilateral lung cancer. Eur J Cardiothorac Surg 2008;34:1215-22. [9] Nakata M, Sawada S, Yamashita M, Saeki H, Kurita A, Takashima S, et al. Surgical treatments for multiple primary adenocarcinoma of the lung. Ann Thorac Surg 2004;78:1194-9. [10] Pignon JP, Tribodet H, Scagliotti GV, Douillard JY, Shepherd FA, Stephens RJ, et al; LACE Collaborative Group. Lung adjuvant cisplatin evaluation: a pooled analysis by the LACE Collaborative Group. J Clin Oncol 2008;26:3552-9.