Cause rare de rupture utérine spontanée au premier trimestre de grossesse : le placenta percreta

Cause rare de rupture utérine spontanée au premier trimestre de grossesse : le placenta percreta

Rec¸u le : 19 de´cembre 2012 Accepte´ le : 17 avril 2013 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com E´tude de cas Cause rare de rupture ute´...

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Rec¸u le : 19 de´cembre 2012 Accepte´ le : 17 avril 2013

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com



E´tude de cas

Cause rare de rupture ute´rine spontane´e au premier trimestre de grossesse : le placenta percreta Placenta accreta: A rare etiology of spontaneous uterine perforation in the first trimester of pregnancy H. El Mhabrecha,*, A. Zrigb, A. Ben Salema, A. Hajjejic, H. Laajilic, A. Moussad, M. Sakkouhic, A. Haddadc, R. Falehc, C. Hafsaa a Service d’imagerie me´dicale B, centre de maternite´ et de ne´onatologie de Monastir, CHU Fattouma Bourguiba, Monastir, Tunisie b Service d’imagerie me´dicale A, CHU Fattouma Bourguiba, Monastir, Tunisie c Service de gyne´cologie obste´trique, centre de maternite´ et de ne´onatologie de Monastir, CHU Fattouma Bourguiba, Monastir, Tunisie d Service d’anatomopathologie, CHU Fattouma Bourguiba, Monastir, Tunisie

Summary

Re´sume´

Placenta accreta is an abnormal adherence of placenta to the uterine wall without interposition of decidua basalis. Placenta percreta (PP) is the rarest form but may complicate the pregnancy with acute severe hemorrhage. We report two cases of PP causing perforations of the uterus. Emergency total hysterectomy was performed in both cases. Risk factors, clinical approach and therapeutic managements are discussed. ß 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le placenta accreta est une adhe´rence anormale du placenta directement sur le myome`tre sans interposition de caduque. La forme percreta (PP) est la plus rare mais expose a` des complications he´morragiques graves au cours de la grossesse. Le diagnostic est difficile a` poser surtout lors du premier et du deuxie`me trimestre de la grossesse. A` travers deux cas de PP complique´s de rupture ute´rine, les auteurs discutent les facteurs de risque, les difficulte´s diagnostiques et the´rapeutiques de cette pathologie. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Keywords: Placenta accreta, Placenta percreta, Hemoperitoneum, Sonography, MRI, Uterine perforation, Hysterectomy

Introduction Le placenta accreta correspond a` une adhe´rence anormale du placenta au sein du myome`tre sans interposition de caduque. La forme percreta (PP) est caracte´rise´e par un envahissement de toute la paroi myome´triale, de la se´reuse et parfois des organes de voisinage comme la vessie et le rectum [1].

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] 0181-9801X/$ - see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.frad.2013.04.008 Feuillets de radiologie 2013;53:210-214

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Mots cle´s : Placenta accreta, Placenta percreta, He´mope´ritoine, Rupture ute´rine, E´chographie-Doppler, IRM, Hyste´rectomie

Il s’agit d’une pathologie rare, son incidence est en augmentation (1/530 multiplie´e par dix en 50 ans) en rapport avec l’e´volution du nombre de ce´sariennes. Elle repre´sente une cause majeure de morbi-mortalite´ materno-fœtale en raison du risque d’he´morragie se´ve`re pendant la grossesse et au moment de l’accouchement [1,2]. Nous rapportons ici deux observations de PP se re´ve´lant par des perforations ute´rines multiples avec he´mope´ritoine a` 15 semaines de grossesse dans le premier cas et deux mois apre`s avortement tardif a` 15 SA dans le second cas. L’inte´reˆt de ces observations est de souligner la difficulte´ du diagnostic et la possibilite´ de survenue de ce mode de placentation en l’absence de facteurs de risque.

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segment infe´rieur (fig. 2a). Il objectivait aussi la pre´sence d’un PP avec disparition quasi comple`te de myome`tre en regard du segment infe´rieur de l’ute´rus (fig. 2b et c). Une indication de laparotomie e´tait pose´e alors en urgence. L’exploration de la cavite´ pe´ritone´ale retrouvait un he´mope´ritoine de faible abondance ainsi qu’un ute´rus correspondant a` une taille de 15 semaines d’ame´norrhe´e dont le fond et la face poste´rieure e´taient extreˆmement vascularise´s. On notait deux zones de perforation dues a` l’infiltration du placenta audela` de la se´reuse ute´rine. Le diagnostic de perforations ute´rines multiples spontane´es dues a` un PP e´tait e´tabli et une hyste´rectomie totale inter-annexielle e´tait re´alise´e ainsi qu’une transfusion de trois culots globulaires. Les suites ope´ratoires e´taient simples et la sortie e´tait autorise´e apre`s cinq jours d’hospitalisation. L’examen histologique de la pie`ce d’hyste´rectomie confirmait le diagnostic de PP avec des villosite´s placentaires qui infiltraient toute la paroi ute´rine jusqu’a` la se´reuse. Figure 1. E´chographie sus-pubienne : placenta bas inse´re´ avec absence de visualisation du lisere´ ute´roplacentaire (petites fle`ches blanches).

Observation no 1 Une patiente de 24 ans, quatrie`me geste, est hospitalise´e en urgence pour des algies abdomino-pelviennes d’installation brutale lors d’une grossesse de 15 semaines. La patiente avait accouche´ a` terme de trois enfants vivants deux ans plus toˆt et il n’y avait aucun autre ante´ce´dent pathologique. L’interrogatoire retrouvait une douleur de survenue brutale rapidement diffuse a` l’ensemble de l’abdomen et sans facteur de´clenchant identifie´. Elle s’accompagnait de quelques contractions ute´rines. Les mouvements actifs fœtaux e´taient bien ressentis. La pression arte´rielle e´tait a` 90/60 mmHg, le pouls a` 120 battements par minute et les conjonctives de´colore´es. L’abdomen e´tait distendu et douloureux dans son ensemble a` la palpation. Les bruits du cœur fœtal e´taient re´guliers a` 148 battements par minute. Il n’y avait pas d’he´morragie vaginale et le col ute´rin e´tait ferme´. La nume´ration globulaire retrouvait un taux d’he´moglobine a` 5 g/dL. L’e´chographie abdominopelvienne re´ve´lait une grossesse mono-fœtale intra-ute´rine e´volutive de 15 semaines d’ame´norrhe´e, une masse late´ro-ute´rine droite he´te´roge`ne et un e´panchement intra-abdominal de moyenne abondance. Il s’y associait une absence totale de lisere´ hypoe´choge`ne a` l’interface ute´roplacentaire avec visualisation au doppler couleur de structures vasculaires d’origine placentaire pe´ne´trant le myome`tre (fig. 1). Ce tableau clinique e´voquait en premier lieu un corps jaune he´morragique complique´ ou bien un PP sur cicatrice ute´rine. Une imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) pelvienne avec des coupes fines sur le placenta e´tait alors re´alise´e en urgence confirmant alors la pre´sence de masse late´ro-ute´rine droite qui cravatait par en avant la cavite´ ute´rine en regard du

Observation no 2 Une patiente de 26 ans, deuxie`me pare, avait eu un accouchement par une ce´sarienne lors de la premie`re grossesse. Elle avait consulte´ pour re´tention d’urine deux mois apre`s un avortement tardif sur 15 SA. L’e´chographie pelvienne re´ve´lait la pre´sence d’une masse late´ro-ute´rine gauche en continuite´ avec l’isthme ute´rin et une re´tention ute´rine e´tait suspecte´e (fig. 3). L’IRM pelvienne objectivait la pre´sence d’une de´hiscence ute´rine contenant un he´matome (fig. 4), inte´ressant la re´gion isthmique concluant ainsi a` une rupture ute´rine sur ute´rus cicatriciel. Une laparotomie e´tait alors pratique´e en urgence. L’exploration de la cavite´ ute´rine re´ve´lait la pre´sence d’une masse de 7 cm, tendue, hypervascularise´e sie´geant en regard de la re´gion isthmique de l’ute´rus. A` la re´section de cette masse, on retrouvait du trophoblaste adhe´rant au muscle ute´rin. Cet aspect confortait le diagnostic de placenta accreta ayant traverse´ la zone cicatricielle. L’examen anatomopathologique mettait en e´vidence une paroi ute´rine a` laquelle s’adhe´rait, par endroits, du parenchyme placentaire forme´ de villosite´s ne´crose´es et entoure´es de fibrine. Ces villosite´s arrivaient au contact du myome`tre sans interposition de caduque. Les villosite´s e´taient visibles dans l’e´paisseur du myome`tre qui e´tait de´cidualise´. Cet aspect confirmait le diagnostic de PP.

Discussion Le placenta accreta correspond a` une adhe´rence anormale du placenta au myome`tre sans interposition de caduque. Son incidence est de 1,3/1000 [1,2]. Il existe trois types de placenta accreta selon le degre´ d’infiltration du myome`tre : le placenta accreta vrai (75 %), le placenta increta ou` le placenta pe´ne`tre profonde´ment le myome`tre (15 %) et le placenta percreta [3].

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Figure 2. Imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) placentaire en ponde´ration T2, en coupe axiale (a), coronale (b) et sagittale (c) : masse late´ro-ute´rine droite qui cravate par en avant la cavite´ ute´rine en regard du segment infe´rieur en rapport avec l’he´matome (e´toile). Disparition de l’interface placentamyome`tre dans cette localisation (petites fle`ches blanches). Irre´gularite´ et interruption du myome`tre qui est remplace´ par du mate´riel iso-intense et confluant avec le placenta.

Le type percreta est le moins fre´quent (7 %) mais le plus grave. Dans ce type de placentation, les villosite´s choriales traversent toute la paroi myome´triale pour atteindre la se´reuse et souvent la vessie ou le rectum [1–3]. L’explication la plus classique du de´veloppement des placentas accreta est une de´ficience localise´e ou diffuse de la caduque permettant aux villosite´s de s’inse´rer directement sur le myome`tre. Cette anomalie serait due a` une perturbation des interactions entre la caduque et le trophoblaste extravilleux [1,3]. L’e´tiologie exacte de cette pathologie obste´tricale n’est pas connue, cependant plusieurs facteurs de risque sont

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identifie´s : le placenta prævia, les ce´sariennes ite´ratives, l’aˆge maternel avance´, la multiparite´, les avortements multiples par curetage [1–3]. Les autres situations a` risque sont l’existence d’un fibrome sous-muqueux ou d’une corne ute´rine rudimentaire [1]. Notre premie`re patiente est porteuse d’un ute´rus bicatriciel. Alors que dans le second cas, l’he´morragie est survenue apre`s un avortement par curetage sur un terme de 15 SA. Ces deux facteurs constituent pour Lemaire et al. une cause possible de placenta accreta [4]. Les signes cliniques pouvant re´ve´ler un placenta accreta sont variables. Souvent asymptomatiques jusqu’a` la de´livrance, les

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Figure 3. E´chographie endovaginale en coupe coronale : pre´sence d’une masse late´ro-ute´rine gauche (e´toile) en continuite´ avec l’isthme ute´rin.

placentas accreta et increta se manifestent par une he´morragie de la de´livrance associe´e a` une re´tention placentaire [1,5]. Le PP peut eˆtre de´couvert a` l’occasion d’un he´mope´ritoine par rupture ou perforation ute´rine en cours de la grossesse [1,4], comme chez notre premie`re patiente ou apre`s a` l’occasion d’une he´morragie de la de´livrance apre`s avortement comme dans le second cas. Le diagnostic de PP peut eˆtre fortement suspecte´ par l’e´chographie couple´e au doppler et par l’IRM [3,6]. Le signe direct retrouve´ en e´chographie est un aspect exophytique et he´te´roge`ne des prolongements placentaires extra-ute´rins, comme ceux retrouve´s dans le premier cas.

Mais ce signe est rare [2,3,7]. Plus fre´quemment, une interruption de la ligne hypoe´choge`ne situe´e entre le placenta et le myome`tre est retrouve´e [6,7]. Enfin, le doppler permet, dans un premier temps, d’affirmer le spectre vasculaire des zones hypoe´choge`nes de l’image he´te´roge`ne exophytique sous-placentaire [3,6,7]. Ainsi sont e´carte´s les diagnostics diffe´rentiels non vasculaires tels que l’he´matome re´troplacentaire ou le kyste cytotrophoblastique. Le doppler couleur permet e´galement d’appre´cier l’axe du flux des vaisseaux qui est habituellement perpendiculaire au myome`tre [1,2,6]. En IRM, la se´paration normale entre le myome`tre et le placenta se pre´sente sous la forme de trois couches : deux couches de faible signal encadrant une couche interne de signal e´leve´. En cas de PP, il y a absence de la couche la plus interne en regard de l’anomalie d’implantation du placenta [3,8,9]. L’IRM peut donc apporter des arguments diagnostiques surtout pour les placentas difficiles a` examiner car de localisation poste´rieure ou afin de pre´ciser le degre´ d’envahissement ve´sical [1,8,9]. Elle trouve e´galement un inte´reˆt dans le suivi du traitement conservateur [1,8,9]. Chez des patientes a` haut risque de PP, l’e´chographie en premie`re ligne puis l’IRM sont probablement les deux examens paracliniques de choix pour e´tayer le diagnostic de PP [6,9]. Le diagnostic est souvent fait a` l’occasion d’une complication. Le plus souvent la prise en charge de ces complications impose la re´alisation d’une hyste´rectomie en urgence dont la morbidite´ est importante. C’est une chirurgie mutilante qui peut inte´resser une partie de la vessie ou du rectum [1,6]. Si le diagnostic de PP est e´voque´ avant la mise en travail, les recommandations actuelles sont celles d’une ce´sarienne avec hyste´rectomie apre`s une tentative prudente de re´aliser la de´livrance pour confirmer son impossibilite´ [1,5]. Dans ce meˆme contexte, un traitement conservateur est propose´ par certaines e´quipes. Apre`s hyste´rotomie fundique et extraction fœtale, le placenta est laisse´ en place dans l’ute´rus suivi d’une embolisation des arte`res ute´rines [1,6], d’une ligature des arte`res hypogastriques ou d’un traitement par me´thotrexate. Il s’agit d’une prise en charge re´serve´e a` des cas spe´cifiques avec une infrastructure adapte´e et un suivi rapproche´ en raison de complications a` type d’he´morragie, de sepsis grave et de ne´crose ute´rine et ve´sicale qu’il faut pouvoir identifier et traiter rapidement. Le traitement conservateur n’est pas actuellement possible dans nos institutions aux moyens technologiques limite´s.

Conclusion Figure 4. Imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) pelvienne en ponde´ration T2 en coupe sagittale : irre´gularite´ et interruption du myome`tre accompagnant une de´hiscence de la cicatrice ute´rine qui contient un he´matome.

Le PP est une pathologie a` risque de complications he´morragiques graves au cours de la grossesse et du post-partum. Il est ne´cessaire d’en faire le de´pistage pre´natal non seulement chez les patientes a` risque mais chez toutes les gestantes car

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ces anomalies peuvent s’observer chez des patientes sans facteurs de risque apparents. L’examen e´chographique doit comporter chez toute patiente l’observation du placenta a` la recherche de lacunes ou de la perte du lisere´ hypoe´choge`ne surtout en cas de placenta prævia ou d’insertion en regard d’une cicatrice.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

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