Dépression et anxiété chez les femmes souffrant de cancers gynécologiques

Dépression et anxiété chez les femmes souffrant de cancers gynécologiques

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Annales Me´dico Psychologiques 166 (2008) 292–296 http://france.elsevier.com/direct/AMEPSY/

Communications

De´pression et anxie´te´ chez les femmes souffrant de cancers gyne´cologiques Depression and anxiety of women suffering from gynaecological cancers C. Perdrizet-Chevallier a,*, M. Reich b, A. Lesur c a

De´partement de psychiatrie, CHS de Fains-Veel, route de Bar, 55000 Fains-Veel, France b L’e´quipe de psycho-oncologie, centre Oscar-Lambret, 59020 Lille, France c De´partement de se´nologie, CAV, CHU de Nancy, 54000 Nancy, France Disponible sur Internet le 18 avril 2008

« Si l’information en cance´rologie est ce qu’un me´decin n’a pas envie de dire a` un malade qui n’a pas envie de l’entendre, on peut admettre que la communication soit difficile », N. Alby.

Re´sume´ Re´ve´ler le diagnostic d’un cancer gyne´cologique provoque des re´actions varie´es, psychosociales et e´motionnelles : anxie´te´, de´ni, passivite´, ane´antissement, avec disparition de tous les projets a` long terme et des responsabilite´s personnelles, craintes du futur proche et de la mort. Au cours des cancers gyne´cologiques, les alte´rations de la sexualite´ et la repre´sentation de la fe´minite´ risquent de compromettre se´rieusement la repre´sentation psychique de la maladie et d’avoir des conse´quences dramatiques pour la vie de la famille des patientes. La pre´valence de la de´pression au cours du cancer augmente avec l’intensite´ et la se´ve´rite´ des symptoˆmes tels que douleurs et fatigue. Re´ciproquement, la de´pression peut interfe´rer avec l’e´volution du cancer, alte´rant l’adhe´sion au traitement me´dical et affectant les fonctions immunitaires et endocriniennes. La de´pression au cours des cancers gyne´cologiques e´tant difficile a` diagnostiquer, elle risque donc d’eˆtre sous-traite´e. En partie, parce que la de´pression serait « normale et re´actionnelle » au cours des maladies graves ; par ailleurs, les troubles neurove´ge´tatifs, cognitifs et e´motionnels de la de´pression seraient souvent attribue´s a` la cause me´dicale elle-meˆme. L’ame´lioration de la de´pression par chimiothe´rapie, psychothe´rapie et relaxation a e´te´ montre´e dans de nombreuses e´tudes re´centes. La complexite´ de la re´action psychologique requiert la pre´sence d’un psycho-oncologue a` tous les stades du traitement anticance´reux. Ces e´tudes insistent sur l’importance de de´tecter la de´pression et de la traiter pour ame´liorer la qualite´ de vie de ces patientes et ce, a` tous les stades d’e´volution de la maladie. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Abstract Revealing a diagnosis of gynaecologic cancer generates various psychosocial and emotional responses: anxiety, denial, passivity, annihilation of long-term projects and personal responsibilities, worries about the near future and of death. In gynaecological cancer, alterations of sexuality and of representation of femininity can seriously complicate the psychic representation of disease and impair family life of the patients. The prevalence of depression among cancer increases with the severity of the disease and with the intensity of the symptoms such as pain and fatigue. Conversely, depression may interfere with the course of cancer in altering the adherence to medical treatment and in affecting the patient’s endocrine and immune functions. Thus, serious medical and psychiatric comorbidities may be underestimated.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Perdrizet-Chevallier). 0003-4487/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.amp.2008.03.007

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Depression in patients with gynaecological cancers has been under-diagnosed and under-treated, partly because of the belief that depression is a normal and universal reaction to serious diseases and partly, because the neurovegetative signs or emotional and cognitive symptoms of depression are often attributed to the medical illness itself. Many recent studies have shown a decrease of depression by chemotherapy, psychotherapy or relaxation interventions. The complexity of psychological reactions of such patients, however, requires that a psycho-oncologist be included in the treatment team. These studies point to the importance of detecting depression and of treating the substantial minority of gynaecological cancer patients suffering from depression with therapies designed to improve their quality of life and their ability to cope with the cancer at every stage of their disease. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Anxie´te´ ; Cancers gyne´cologiques ; De´pression ; Psycho-oncologue Keywords: Anxiety; Depression; Gynaecologic cancers; Psycho-oncologist

Le plan Cancer, organise´ par l’Institut national du cancer (INCa) sous l’influence de notre ancien pre´sident, Jacques Chirac, a permis de mettre en place diffe´rents dispositifs pour optimiser la prise en charge des patients atteints de cancers. L’un d’entre eux concerne l’annonce du cancer, tant de son diagnostic que du de´roulement de son traitement [1,3]. L’annonce repre´sente toujours un point tre`s de´licat pour l’oncologue, le gyne´cologue ou le radiologue. Son impact sera majeur sur les suites du ve´cu de la maladie. L’annonce d’un diagnostic de cancer, d’une part, ou de son e´ventuelle re´cidive, d’autre part, est une e´preuve pour le patient qui, en fonction de son ve´cu, va conditionner le de´roulement du traitement et l’acceptation de la maladie. Ce moment cle´ devrait eˆtre pris en compte avec plus de rigueur et moins de disparite´s en fonction des interlocuteurs. Les enqueˆtes mene´es aupre`s de malades apportent le constat d’une prise en compte trop ale´atoire de cette e´tape fondamentale et rapportent trop de circonstances de´stabilisantes et pas assez de recours. Conscient de cette sollicitation, le plan Cancer a mis en place une mesure spe´cifique de´die´e a` celles qui le vivent : la mesure 40 (du plan Cancer) = dispositif autour de l’annonce (DAA). Elle vise a` mettre en place un temps particulier, individualise´, au cours duquel le me´decin explique au patient le diagnostic et les possibilite´s the´rapeutiques dans un espace « de´die´ ». Cette consultation longue qui doit apporter des re´ponses a` toutes les questions pose´es sera comple´te´e par la prise en charge d’une infirmie`re, si le patient le de´sire. Le roˆle de celle-ci est de reformuler les diffe´rentes informations, de re´pondre aux questions et d’eˆtre a` l’e´coute [9]. Cette annonce se fait habituellement a` l’aide d’une infirmie`re spe´cialise´e ou avec la participation du psycho-oncologue, selon les souhaits de la patiente. L’e´valuation de ces divers spe´cialistes ve´rifiera l’impact sur la qualite´ de vie et la vulne´rabilite´ de la patiente [11,14,15]. 1. Prise en charge psychologique de ces patientes L’INCa a propose´ une nouvelle organisation pour la prise en charge de patientes atteintes de cancers gyne´cologiques. Certaines patientes demandent d’elles-meˆmes des explications. L’infirmie`re pre´sente durant l’annonce ou le psychooncologue se doit d’e´tablir ce que la patiente a re´ellement compris.

1.1. Roˆle de l’infirmie`re en oncologie Le roˆle de ll’infirmie`re en oncologie est comme suit :  prendre en charge la patiente afin de lui annoncer « les mauvaises nouvelles » en des termes approprie´s et e´valuer le besoin du support adapte´ incluant : nutrition, besoin de soutien psychologique ou social ;  bien suˆr, souvent ces patientes arrivent avec leur diagnostic. Il est alors primordial de leur expliquer exactement ce qui leur arrive et de connaıˆtre exactement ce qu’elles ont compris ;  la patiente a re´ellement besoin d’accompagnement pour comprendre le diagnostic et ses conse´quences [9,11,15]. La de´pression et l’anxie´te´ sont largement sous-e´value´es et donc sous-traite´es. Les e´tats de´pressifs sont parfois difficiles a` reconnaıˆtre parmi l’ensemble des troubles cognitifs, psychologiques et physiques rencontre´s durant la maladie cance´reuse [17]. En effet, certains symptoˆmes communs (fatigue, perte d’appe´tit, troubles du sommeil, baisse de la concentration, diminution de la libido) peuvent se confondre avec les manifestations lie´es au cancer lui-meˆme ou a` ses traitements [11]. Le questionnaire Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS), l’e´chelle de Beck Depression Inventory et le General health questionnaire de D. Goldberg dans sa forme a` 28 items (GHQ-28), sont ainsi couramment utilise´s dans le de´pistage des troubles anxiode´pressifs en cance´rologie [11–13]. Une e´tude mene´e par l’e´quipe de Poitiers [11] concernant la population de patientes atteintes de cancers a re´ve´le´ des taux importants de de´pression qui peuvent eˆtre source de l’aggravation de la maladie sous-jacente ; de meˆme, l’angoisse peut amener la patiente a` une inobservance de son traitement. Il est essentiel de ne pas perdre de vue l’extreˆme fragilite´ de ces femmes dont il va falloir prendre en charge les e´tats anxieux et de´pressifs. Les traitements anticance´reux ge´ne`rent a` eux seuls des troubles secondaires qu’il ne faut pas sous-estimer [14,16,18]. Il faut prendre en compte les interventions chirurgicales subies : mammectomie, hyste´rectomie ou ovariectomie ; les traitements chimiothe´rapiques et radiothe´rapiques entraıˆnant chute des cheveux, fatigue et douleurs ; les traitements hormonaux qui ont pu induire des prises de poids. L’ensemble

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de ces e´le´ments provoquant des se´rieuses perturbations de la repre´sentation de la fe´minite´ [11,14,15]. On estime actuellement de 20 a` 25 % les patientes qui souffrent de se´rieux retentissement sur leur qualite´ de vie, a` moins qu’elles ne soient traite´es pour de´pression ou anxie´te´. De re´centes e´tudes explorent la de´pression et l’anxie´te´ chez les patientes pre´sentant un cancer gyne´cologique. ´ tudes sur la de´pression et l’anxie´te´ chez ces 2. E patientes Objectif : e´tudier la pre´valence des troubles anxieux et de´pressifs chez les patientes atteintes de cancer en ambulatoire. Population : 54 % de patientes atteintes de cancer du sein [10]. Elles utilisent comme nous l’avons pre´cise´ pre´ce´demment le questionnaire HADS, l’e´chelle de Beck Depression Inventory et le General questionnaire health de Golberg-28 afin d’e´viter toute confusion avec les plaintes physiques de la maladie cance´reuse [12,13]. Re´sultats : pre´valence de 32 % de de´pression et 30 % de troubles anxieux. Impact de la de´pression et de l’anxie´te´ sur le pronostic du cancer : la de´pression compromet la compliance avec la chimiothe´rapie et les autres traitements du cancer, prolongeant ainsi l’hospitalisation. Les chances de survie diminuent [8,11]. Pour ame´liorer l’adhe´sion aux traitements du cancer, il faut traiter la de´pression a` la fois par une approche pharmacologique (antide´presseur) et psychothe´rapique, comple´te´e le cas e´che´ant de relaxation, d’art-the´rapie ou de musicothe´rapie [4,5,14,16,17]. Un Consensus international a permis de re´unir les oncologues et les psychiatres afin de mieux de´tecter et traiter les femmes de´prime´es traite´es en oncologie [2]. 2.1. Rapport du Consensus a` propos de la de´pression et de l’anxie´te´ en oncologie La vulne´rabilite´ de la de´pression au cours des cancers provient de plusieurs facteurs : les alte´rations endocriniennes, les modifications des re´ponses immunitaires lie´es aux chimiothe´rapies et a` la douleur chronique associe´e a` la maladie physique ; sans oublier l’impact e´motionnel cre´e´ par la pathologie et le retentissement sur la qualite´ de vie [2]. Y aurait-il un lien entre stress, immunode´pression et cancer [20] ? La re´ponse est affirmative. Et essentiellement par une de´faillance du syste`me immunitaire. Quelles sont les situations les plus dangereuses pour les personnes vulne´rables : le stress chronique, la de´pression chronique et les situations durables avec perte d’espoir et de´sarroi. Quelles sont les implications the´rapeutiques : re´duire le niveau de stress par des beˆtabloquants, associe´s a` des psychothe´rapies, de l’art-the´rapie ou de la musicothe´rapie [5,6,7,20]. Il est donc essentiel de rechercher une de´pression et de la traiter, en sachant que la prescription d’antide´presseurs n’est

pas anodine et que, si l’on veut e´viter une rechute, la poursuite du traitement devra durer entre six mois et un an. C’est la raison pour laquelle, si l’e´tat de´pressif est dit « le´ger », il ne faut pas he´siter a` avoir recours aux me´thodes « douces » : psychothe´rapies, relaxation, art-the´rapie ou musicothe´rapie, largement utilise´es dans les centres anticance´reux. La prescription d’antide´presseur peut avoir un retentissement sur la sexualite´ de´ja` fragile de ces patientes ou sur leur poids : c’est la raison pour laquelle il faut avoir recours en premie`re intention a` des antide´presseurs sans effets sur ces deux perturbations chez ces femmes de´ja` fragilise´es dans leur repre´sentation de leur fe´minite´. Ainsi, la tianeptine (Stablon1), certains IRSNa tels le chlorydrate de milnacipran (Ixel1) [19] peuvent eˆtre utilise´s en premie`re intention quand les femmes ont peur de prendre du poids, car ils sont de´pourvus d’effets sur la sexualite´ et sur une prise de poids. Enfin, la duloxetine (Cymbalta1) [7], en cours de commercialisation, serait susceptible de donner tre`s peu de troubles sur la sexualite´. L’inte´reˆt est le meˆme pour l’escitalopram (Seroplex1) ; l’avantage est sa rapidite´ d’action, l’absence de prise de poids et le tre`s faible risque de troubles sexuels [4]. Par ailleurs, la mirtazapine (Norset1) a l’avantage de ne pas donner de troubles sexuels, mais l’inconve´nient est le risque d’une prise de poids. Ce produit reste tre`s inte´ressant pour les femmes ayant perdu du poids ou exprimant une tre`s forte angoisse [10]. 3. Conclusion L’intervention psychologique dans les cancers gyne´cologiques est essentielle : non seulement au moment de l’annonce, mais aussi tout au long du traitement, pour assurer une meilleure efficacite´ et un meilleur pronostic. Un traitement devra eˆtre adapte´ selon chaque patiente, traitements antide´presseurs ou non, psychothe´rapie, art-the´rapie ou musicothe´rapie, ces dernie`res e´tant utilise´es dans certains centres anticance´reux. L’intervention du psycho-oncologue se fera en fonction du de´sir de la patiente apre`s avis de l’oncologue. Toutes ces mises en place sont en train de se re´aliser, graˆce aux diverses concertations entre spe´cialistes, l’ensemble demande beaucoup de communication pour aider ces patientes en grande souffrance. Re´fe´rences [1] Adam V, Gaillot AC. L’apport du dispositif d’annonce au patient : un point de vue de psychologue. Lett Senol 2007;37:24. [2] Ballenger JC, Davidson JC, Lecrubier Y, Nutt DJ, Jones RD, Berard RM. International consensus group on depression and anxiety consensus statement on depression, anxiety and oncology. J Clin Psychiatry 2001;62(Suppl. 8):64–7. [3] Berger A, Dionisio M, Behar J. Autour de l’annonce. . . le point de vue de l’infirmie`re participant au diagnostic. Lett Senol 2007;37:22. [4] Bielski R, et al. A double-blind comparison of escitalopram and paroxetine in the long-term treatment of generalized anxiety disorder. Ann Clin Psychiatry 2005;17:65–9.

C. Perdrizet-Chevallier et al. / Annales Me´dico-Psychologiques 166 (2008) 292–296 [5] Burns DS, Sledge RB, Fuller LA, Daggy JK, Mohanan PO. Cancer’s patients interest and preferences for music therapy. J Music Ther 2005;42:185–99. [6] Collie K, Bottorff JL, Long BC. A narrative view of art therapy and art making by women with breast cancer. J Health Psychol 2006;11:761–75. [7] Hutson JI, Wohlreich MM, et al. Safety and tolerability of duloxetine in the treatment of major depressive disorders. Hum Psychopharmacol 2005;20:327–41. [8] Leake RL, Gurrin LC, Hammond IG. Quality of life in patients attending a low-risk gynaecological oncology follow-up clinic. Psychooncology 2001;10:328–57. [9] Lesur A. Le ve´cu de l’oncose´nologue. Lett Senol 2007;16–7. [10] Nutt DJ. Tolerability and safety of mirtazapine. Hum Psychopharmacol 2002;17(Suppl.1):S37–41. [11] Manzanera C, Lafay N, Papet N, Senon JL. Cancer, De´pression et Anxie´te´. Ann Med Psychol (Paris) 2003;161:140–6. [12] Perdrizet-Chevallier C, Lesur A, Reich M. Mood disorders and anxiety in gynaecologic cancer patients. Workshop W18 AEP, 2007, Madrid.

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Discussion

Dr J.-G. Veyrat – Merci pour cette communication qui re´pond a` un certain nombre de mes questions. Je voudrais ajouter trois points :  citer les deux excellents films ayant pour sujet l’annonce du cancer fe´minin, que sont Hauts les cœurs de Solveig Anspach et Cle´o de cinq a` sept d’Agne`s Varda ;  e´voquer les techniques dites de « visualisation » ou` la consigne est de dessiner l’ide´e que se font les patients de leur cancer et l’ame´lioration de ce dessin au cours de la the´rapie ;  rappeler le sujet de notre me´moire ancien dans les Annales Me´dico-Psychologiques, intitule´ « Le corps du psychotique », dans lequel Alberto Blanquer et moi e´voquions les cas de balancement chez plusieurs de nos patients entre symptoˆmes psychiatriques et cancer, comme si les deux affections ne pouvaient exister ensemble. Un des exemples les plus frappants avait d’ailleurs e´te´ chez un de nos patients la reprise explosive d’une me´lancolie de´lirante le jour meˆme de l’annonce de la gue´rison de son cancer. Dr J.-P. Luaute´ – Vous avez pose´ la question d’un lien entre stress, de´pression, immunite´ et cancer et vous avez re´pondu oui en vous re´fe´rant a` un consensus a` ce sujet. J’aimerais connaıˆtre quelles sont les preuves qui sont a` l’origine de ce consensus, lequel est parfaitement accepte´ par le public. . . ce qui n’est pas une preuve. Dr P. Houillon – Cette communication inte´ressante a` plus d’un titre aborde le proble`me souvent de´battu du lien entre le stress et l’e´mergence d’une maladie caracte´rise´e, dans le cas pre´sent de cancers gyne´cologiques. Ce qui a e´te´ dit ne me semble pas se limiter aux seules pathologies cance´reuses. La qualite´, la dure´e, l’intensite´ du stress sont des facteurs dont il faut tenir le plus grand compte et c’est ce qui vient d’eˆtre releve´.

La question centrale reste celle-ci : comment le stress — et il faut se placer dans l’hypothe`se du mauvais stress, c’est-a`-dire dans le contexte d’inhibition, de passivite´, de re´signation favorisant la de´faillance du syste`me immunitaire — entraıˆne-t` cette interrogation, il est difficile de donner des il la maladie ? A re´ponses pre´cises, mais il faut remercier l’auteur d’avoir aussi bien pris en conside´ration des facteurs hautement favorisants, a` savoir l’isolement, la solitude, l’absence d’e´changes interpersonnels et d’avoir insiste´ sur tout ce qui peut re´duire la tension interne et maintenir le dynamisme propre de la personne. Je voudrais insister sur l’importance du mode d’information du malade sur sa maladie, sur les expressions utilise´es pour l’e´voquer. Cette information et le degre´ plus ou moins e´leve´ de stress qu’elle induit, tout comme l’effet d’apaisement ont une influence sur le syste`me immunitaire. Toutefois, cette relation est-elle vraiment de´tectable et analysable ? Reste l’incertitude quant a` l’existence d’un e´tat de´pressif ante´rieur, accompagne´ ou non d’une modification du syste`me immunitaire avec de´clenchement secondaire de la maladie. Ne pourrait-on pas envisager la possibilite´ d’un « controˆle immunitaire personnel », non mesurable certes, mais dont la simple hypothe`se devrait inciter a` faire du stress, par les moyens les plus approprie´s, un « instrument the´rapeutique ». Dr J. Verdeau-Paille`s – J’ai e´te´ frappe´e par la qualite´ humaine de votre contact avec ces patientes et par l’aspect clinique de votre de´marche. Je voudrais vous demander quelques pre´cisions sur le choix des me´diations artistiques que vous utilisez et sur les me´thodes : arts plastiques ? musicothe´rapie ? d’autres me´diations ? des techniques de groupe ? ou des techniques individuelles ? S’agissant de musicothe´rapie, avez-vous recours de pre´fe´rence a` des techniques actives ou a` des techniques re´ceptives ?

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Une autre me´diation, celle du the´aˆtre the´rapeutique, peut ` ce sujet, je me permets d’e´voquer un avoir un grand inte´reˆt. A se´minaire que j’ai coordonne´ au salon Psy/SNC en novembre 2005. Parmi les intervenants de cette rencontre sur le « the´aˆtre the´rapeutique », une come´dienne a accepte´ d’e´voquer la place dans sa vie de son activite´ professionnelle et l’aide et les soutiens que sa profession lui avait apporte´s lorsqu’elle a e´te´ confronte´e au diagnostic d’un cancer du sein, a` l’intervention chirurgicale et a` ses suites. Toutes les me´diations artistiques ont en effet leur place dans la prise en charge psychothe´rapeutique de ces patientes. Le fait qu’elles permettent une re´duction des posologies des anxiolytiques, antide´presseurs et hypnotiques n’est en outre pas ne´gligeable. Dr J. Fousset – Je souhaiterais que vous puissiez pre´ciser dans les cas de stress chronique pre´existant a` l’e´closion du cancer s’il existe une corre´lation avec l’existence d’ante´ce´dents connus de cancers dans la famille. Re´ponse du rapporteur :  au Dr J.-G. Veyrat – Merci pour votre excellente remarque ; l’aspect cine´matographique illustre bien les proble`mes e´voque´s. Je vous remercie de me donner cet exemple au









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travers de votre communication que je regrette de ne pas avoir lue et prise dans mes re´fe´rences ainsi que les aspects de vos connaissances cine´matographiques. au Dr J.-P. Luaute´ – Merci pour votre excellente remarque. Il est vrai que le lien entre stress et cancers est tre`s difficile a` prouver, toutefois, il est capital de s’en re´fe´rer a` la communication de J.-M. Thurin qui parle de diffe´rence entre stress aigu, lequel n’entraıˆne jamais de cancer et, en revanche, d’insister sur le stress chronique, la preuve e´tant le de´ficit en cortisol et de ce fait une baisse des syste`mes immunitaires. au Dr P. Houillon – Je vous remercie vivement de votre appre´ciation et de vos commentaires ; certes, il reste beaucoup d’incertitudes et c’est tout l’inte´reˆt dans cette communication de pouvoir donner des perspectives vers une nouvelle recherche sur ces sujets, cancer, stress et immunite´, dans les anne´es futures. au Dr J. Verdeau-Pailles – Je vous remercie infiniment de votre appre´ciation qui m’a extreˆmement touche´e. Le the´aˆtre the´rapeutique pourrait, en effet, eˆtre une autre approche the´rapeutique pour ces patientes. au Dr J. Fousset – Merci pour votre fort inte´ressante question, je n’ai malheureusement aucune information concernant cet aspect du proble`me.