Dermatite interstitielle granulomateuse

Dermatite interstitielle granulomateuse

Formation médicale continue Fiche histologique Ann Dermatol Venereol 2007;134:889-91 Dermatite interstitielle granulomateuse S. DEBARBIEUX (1, 2), B...

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Formation médicale continue Fiche histologique

Ann Dermatol Venereol 2007;134:889-91

Dermatite interstitielle granulomateuse S. DEBARBIEUX (1, 2), B. BALME (2), L. THOMAS (1)

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n 1965, Dykman et al. [1] ont rapporté pour la première fois une éruption linéaire en bandes inflammatoires indurées (signe de la corde ou rope sign) atteignant les faces latérales du tronc chez des patients ayant une polyarthrite rhumatoïde. Ackerman et al. [2] ont ultérieurement décrit l’aspect histologique de ces lésions sous le terme de « dermatite interstitielle granulomateuse avec arthrite », dont le signe de la corde est cliniquement pathognomonique. Il est toutefois probable que la présentation clinique puisse être différente, notamment à type de papules ou plaques multiples, plus ou moins infiltrées, arrondies voire annulaires, érythémateuses à violacées, pauci-symptomatiques. Elles s’observent volontiers sur les cuisses, les faces latérales du tronc, l’abdomen ou l’aine [3]. Ce tableau anatomoclinique est associé à des pathologies articulaires de type rhumatoïde, inconstamment séropositives pour le facteur rhumatoïde.

Aspect histopathologique L’aspect typique est caractérisé par un infiltrat modéré à dense, principalement histiocytaire, diffus sur toute la hauteur du derme réticulaire (mais prédominant dans sa partie inférieure) (fig. 1), à la fois interstitiel et focalement organisé en palissades autour de petites zones de collagène fragmenté (fig. 2). Les histiocytes peuvent avoir un noyau volumineux avec un nucléole proéminent (fig. 3) ; ils peuvent présenter des mitoses. Il s’y associe un contingent de polynucléaires neutrophiles et/ou éosinophiles, d’abondance variable, observés préférentiellement dans les zones d’altération du collagène. La dégénérescence du collagène est plus ou moins marquée, parfois importante, basophile ou éosinophile (avec éventuellement figures en flammèches) selon la prédominance des neutrophiles ou des éosinophiles. Les faisceaux de collagène altéré sont épaissis. L’infiltrat peut s’étendre en profondeur vers le tissu souscutané, en particulier dans les septums interlobulaires.

Fig. 1. Infiltrat interstitiel sur toute la hauteur du derme réticulaire.

(1) Service de Dermatologie, (2) Service de Dermatopathologie, Hôpital Hôtel-Dieu, Lyon. Tirés à part : B. BALME, Service de Dermatopathologie, Hôpital Hôtel-Dieu, 1, place de l’Hôpital, 69288 Lyon Cedex 02. E-mail : [email protected]

Fig. 2. Disposition palissadique des histiocytes autour de faisceaux de fibres collagène fragmentés et épaissis, avec nécrobiose éosinophile.

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part, les lésions précoces de vasculite et d’autre part, secondairement, les altérations du collagène (d’origine ischémique ou par dépôts interstitiels de complexes immuns), induisant elles-mêmes une réaction granulomateuse palissadique. Deux questions restent en suspens à ce jour : – l’aspect histologique de la « dermatite interstitielle avec arthrite », décrit en association avec des arthrites de type rhumatoïde, est-elle une entité indépendante ou partie intégrante du spectre des « granulomes extravasculaires nécrosants », comme le proposent Chu et al. [5] ? – dans cette seconde hypothèse, la physiopathologie faitelle intervenir des lésions initiales de vasculite leucocytoclasique ?

Diagnostics différentiels histologiques Fig. 3. Irrégularités de taille des noyaux des histiocytes.

Il peut y avoir quelques dépôts de mucine dans les zones de nécrobiose. Il n’y a en principe pas de lésion de vasculite.

Lien entre la « dermatite interstitielle granulomateuse avec arthrite » d’Ackerman et le « granulome extravasculaire nécrosant » de Winkelmann Finan et Winkelman [4] ont rapporté, en 1983, 27 cas de patients présentant des papules et nodules symétriques des extrémités associés à des pathologies variées comme des maladies systémiques (polyarthrite rhumatoïde, lupus, vasculites systémiques), des pathologies lymphoprolifératives, des endocardites infectieuses ou des colopathies inflammatoires. Sur le plan histologique, ces lésions avaient en commun des aspects de granulomes histiocytaires palissadiques organisés autour de zones de nécrose du collagène associées à des neutrophiles et éventuellement des éosinophiles (granulome de Churg et Strauss, décrit initialement dans la maladie de Churg et Strauss mais dont il n’est pas spécifique) ; des signes de vasculites des vaisseaux de petit calibre étaient parfois observés. Chu et al. [5] ont proposé un profil évolutif histopathologique des « granulomes extravasculaires nécrosants » : à un stade précoce, lésions de vasculite leucocytoclasique avec infiltrat neutrophilique interstitiel dense, les polynucléaires étant souvent pycnotiques, associé à des foyers de dégénérescence basophile du collagène ; puis présence de granulomes palissadiques entourant des foyers de collagène altéré associés à des débris nucléaires et des dépôts de fibrine ; à un stade tardif, présence de granulomes palissadiques associés à une fibrose dermique et à des débris épars de neutrophiles. Selon cette conception, les lésions de vasculite ne seraient présentes qu’aux stades précoces. Pour ces auteurs, cet aspect histologique refléterait une pathologie à complexes immuns circulants expliquant d’une 890

GRANULOME ANNULAIRE En particulier granulome annulaire interstitiel : – les modifications sont focales et non diffuses ; – les faisceaux de collagène altéré sont fins ; – les polynucléaires neutrophiles et éosinophiles absents ou rares ; – l’infiltrat habituellement prédominant dans la partie superficielle du derme ; – les dépôts plus importants de mucine (critère important pour les formes profondes de granulome annulaire). NÉCROBIOSE LIPOÏDIQUE – Association du granulome palissadique à des infiltrats périvasculaires lymphoplasmocytaires, disposés en rangées horizontales autour des plexus superficiels et profonds ; – altérations sur toute la hauteur du derme réticulaire. MYCOSIS FONGOÏDE INTERSTITIEL – Les infiltrats interstitiels sont à prédominance lymphocytaire avec présence de lymphocytes atypiques ; – exocytose lymphocytaire au sein de l’épiderme ; – absence de mucine. TOXIDERMIES GRANULOMATEUSES – Association des infiltrats interstitiels (essentiellement lympho-histiocytaires avec quelques cellules géantes, éventuellement éosinophiles et quelques neutrophiles) à une dermite vacuolaire de l’interface, et éventuellement un épidermotropisme lymphocytaire. Perrin et al. [6] ont toutefois rapporté trois cas de toxidermies granulomateuses sans aspect de vacuolisation de l’interface. Ce critère est donc inconstant ; – fragmentation et épaississement des fibres collagènes plutôt que réelle nécrobiose ; – calcium-bloqueurs, β-bloquants, hypolipémiants, Inhibiteurs de l’Enzyme de Conversion de l'angiotensine, diurétiques, AINS, anti-histaminiques, antidépresseurs, antidiabétiques oraux.

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Dermatite interstitielle granulomateuse

SYNDROME DE WELLS À UN STADE TARDIF Les éosinophiles sont en partie remplacés par un infiltrat histiocytaire, disposé autour de foyers de dégénérescence éosinophile du collagène plutôt que de façon interstitielle.

Ces deux entités restent toutefois très proches sur le plan histopathologique. Les associations pathologiques sont variées. La variété des diagnostics différentiels histopathologiques fait souligner la nécessité d’une confrontation anatomoclinique.

LEUCÉMIDES Le problème peut se poser du fait d’un certain degré de pléomorphisme et de la présence de mitoses des histiocytes constituant les infiltrats de la dermatite interstitielle granulomateuse.

Conclusion Le signe de la corde décrit par Dykman a pour substratum histopathologique un infiltrat dermique interstitiel majoritairement histiocytaire, s’organisant autour de faisceaux de fibres collagène densifiées, fragmentées et typiquement nécrobiotiques. L’éventuel lien entre cette « dermatite interstitielle granulomateuse » et le spectre des « granulomes nécrosants extravasculaires », parmi lesquels sont parfois observées des lésions de vasculite, ne fait pas l’objet d’un consensus.

Références 1. Dykman CJ, Galens GJ, Good AE. Linear sucutaneous bands in rheumatoid arthritis: an unusual form of rheumatoid granuloma. Ann Intern Med 1965;63:134-40. 2. Ackerman AB, Boer A, Bennin B, Gottlieb GJ. Histopathologic diagnosis of inflammatory skin diseases. Philadelphia PA: Ardor Scribendi, 2005. 3. Tomasini C, Pippione M. Interstitial granulomatous dermatitis with plaques. J Am Acad Dermatol 2002;46:892-9. 4. Finan MC, Winkelmann RK. The cutaneous extravascular necrotizing granuloma (Churg-Strauss granuloma) and systemic disease: a review of 27 cases. Medicine (Baltimore) 1983;62:142-58. 5. Chu P, Connolly MK, Le Boit PE. The histopathologic spectrum of palisaded neutrophilic and granulomatous dermatitis in patients with collagen vascular diseases. Arch Dermatol 1994;130:1278-83. 6. Perrin C, Lacour JP, Castenet J, Michiels JF. Interstitial granulomatous drug reaction with a histopathological pattern of interstitial granulomatous dermatitis. Am J Dermatopathol 2001;23:295-8.

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