Déterminants précoces du comportement alimentaire

Déterminants précoces du comportement alimentaire

Table ronde Alimentation de l’enfant et prévention Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Mots clés : Comportement alimentaire Déterminants ...

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Table ronde Alimentation de l’enfant et prévention

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com Mots clés : Comportement alimentaire

Déterminants précoces du comportement alimentaire Early determinants of food behaviour S. Issanchou*, S. Nicklaus INRA, UMR CSGA, Dijon, France

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ompte tenu des liens entre l’alimentation et certaines pathologies et sachant qu’il est difficile de changer les habitudes alimentaires de l’adulte, de l’adolescent et même de l’enfant, il semble souhaitable que l’enfant acquiert le plus tôt possible des habitudes alimentaires les plus en accord avec les recommandations nutritionnelles. Il est donc important de mieux connaître le rôle des expériences précoces dans la mise en place du comportement alimentaire. De la vie intra-utérine à l’âge de 3 ans, l’alimentation de l’enfant connaît des évolutions majeures. En fin de vie intra-utérine, l’enfant avale du liquide amniotique et vit ainsi ses premières expériences sensorielles. Il passe ensuite à une alimentation lactée dominée par une exposition à la saveur sucrée. Au cours de la diversification alimentaire il découvre les aliments dans toutes leurs dimensions sensorielles pour aboutir à une alimentation très proche de celle de l’adulte. Le comportement alimentaire peut être décrit par 4 dimensions : la dimension qualitative correspondant aux aliments acceptés et consommés (une variable résultante étant la variété du régime alimentaire) ; la dimension quantitative correspondant à la quantité d’aliments consommés ; la dimension temporelle correspondant à l’heure et la fréquence des prises alimentaires ; la dimension contextuelle correspondant à l’environnement physique et social des prises alimentaires. Nous présenterons ici les facteurs qui, à chacune de ces étapes clés de la construction du répertoire alimentaire, peuvent influencer le comportement ultérieur. Nous nous limiterons à la dimension qualitative du comportement alimentaire et donc aux déterminants précoces de l’acceptation des aliments.

1. Les expériences prénatales Les premières expositions olfactives ont lieu in utero. En effet, certains composés aromatiques des aliments ingérés par la femme enceinte passent dans le liquide amniotique qui est avalé par l’enfant. Cette exposition intra-utérine a un effet sur l’enfant. Ainsi, à 6 mois, les nourrissons exposés, par le biais du liquide amniotique, à l’arôme de carotte apprécient davantage des céréales préparées avec du jus de carotte que des céréales préparées avec de l’eau, alors que des nourrissons non préalablement exposés à la carotte n’expriment pas une telle préférence. Toutefois, nous ne savons * Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

pas encore si de tels apprentissages prénataux peuvent influencer les préférences alimentaires plus tard dans l’enfance.

2. Les expériences au cours de l’alimentation lactée Certains composés aromatiques des aliments ingérés par la femme allaitante passent dans son lait, augmentant l’acceptation, au début de la diversification, des aliments qui portent ces mêmes arômes. Ainsi, la consommation de jus de carotte par la femme allaitante augmente, à 6 mois, l’attrait pour des céréales additionnées de jus de carotte. Il a été montré que les nourrissons qui ont consommé, pendant leurs 4 premiers mois, des préparations à base de protéines de laits partiellement ou totalement hydrolysées de saveur acide et/ou amère, les acceptent facilement à 7 mois et demi tandis que ceux qui n’en ont jamais consommé les rejettent. De telles expériences précoces peuvent être mémorisées et avoir un effet à plus long terme : des enfants de 4-5 ans, ayant consommé des hydrolysats lorsqu’ils étaient nourrissons, acceptent mieux des jus de pomme acidifiés que ceux qui n’ont pas eu cette expérience ; les enfants ayant consommé des formules à base de soja apprécient davantage une version plus amère de jus de pomme, et des adultes alimentés dans les premiers mois de vie avec un lait vanillé, préfèrent, davantage que ceux qui ont été allaités et donc n’ont pas été exposés à un lait pour nourrisson vanillé, une variante de ketchup à laquelle un peu de vanilline a été ajouté. À l’inverse des enfants de 6 et 11 mois, nourris avec des hydrolysats, acceptent une purée de brocoli et de chou-fleur moins bien que des enfants nourris avec un lait standard, alors que ces légumes ont des notes aromatiques voisines de celles de ces hydrolysats, notes liées à la présence de composés volatils soufrés. Il est donc possible que l’effet d’exposition diffère selon les caractéristiques sensorielles et selon les aliments dans lesquels ces caractéristiques sensorielles sont rencontrées. Les enfants allaités par leur mère sont exposés à des arômes caractéristiques de l’alimentation de leur mère et sont donc exposés à une plus grande variété sensorielle que ceux nourris avec du lait infantile. Cette exposition à la variété sensorielle peut expliquer que les enfants nourris au lait maternel acceptent plus facilement les aliments nouveaux lors de la diversification que les enfants nourris avec un lait infantile. Il est toutefois difficile, à ce jour, de préciser la durée de cet effet.

713 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2010;17:713-714

S. Issanchou et al.

3. Les expériences sensorielles au cours de la diversification Différentes caractéristiques de la conduite de la diversification semblent avoir un effet sur les préférences ultérieures. La première caractéristique est la variété des expériences : les nourrissons exposés, en tout début de diversification, à des aliments différents d’un jour à l’autre acceptent plus facilement de nouveaux aliments que des enfants exposés à un seul aliment. Cet effet est plus marqué chez les enfants préalablement nourris au lait maternel. Il faut toutefois noter que l’exposition à une variété de fruits améliore l’appréciation des fruits, mais pas celle des légumes. Une seconde caractéristique est l’âge d’introduction des aliments nouveaux. Cette question n’a été réellement abordée que pour l’acceptation des textures. Dans une enquête, les enfants de 15 mois qui n’ont reçu des aliments grossièrement écrasés qu’après 10 mois sont considérés par leurs parents comme plus difficiles à nourrir. Une troisième caractéristique est l’exposition répétée : si un légume que la mère considère comme rejeté par son enfant est à nouveau proposé pendant 8 repas, 1 jour sur 2, son acceptation augmente. L’effet semble persister puisque 2 ans et demi après l’expérience, une majorité des enfants mange encore cet aliment initialement rejeté.

4. Les pratiques parentales L’effet de l’expérience pourrait également dépendre du contexte psycho-affectif dans lequel ont lieu ces expériences. Quelques enquêtes rapportent des liens entre les stratégies parentales et le caractère difficile de l’enfant en matière d’alimentation. Il en ressort que plus l’enfant rejette les aliments nouveaux, plus les parents utilisent des stratégies permissives ou des stratégies coercitives. Toutefois, la question reste de savoir si ces pratiques émergent en réaction aux rejets de l’enfant ou si elles sont la cause de ses rejets…

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5. Les mécanismes Différents mécanismes peuvent expliquer l’effet positif des expériences répétées avec un aliment. Une simple exposition permettrait à l’enfant de reconnaître et donc d’accepter l’aliment. Toutefois une prise alimentaire est suivie d’effets postingestifs. L’absence d’effets gastro-intestinaux négatifs permettrait à l’enfant d’apprendre à reconnaître que l’aliment est sûr et l’apport de calories permet un conditionnement associatif entre la flaveur et la valeur positive liée à la satiété. D’autres mécanismes de conditionnement associatif sont possibles : l’association entre une flaveur nouvelle et une flaveur déjà appréciée conduit à faire apprécier plus facilement la flaveur nouvelle et l’association entre un aliment nouveau et un contexte affectif positif entraîne également une augmentation de l’appréciation de l’aliment. Il a été montré que l’enfant apprend aussi en imitant des modèles, en particulier ses pairs et aussi en observant ses parents consommer un aliment avec plaisir.

6. Conclusion Différents travaux soulignent le rôle des expériences précoces dans la mise en place des préférences alimentaires. Néanmoins des travaux complémentaires sont nécessaires pour mieux appréhender les périodes et les mécanismes qui comptent particulièrement pour la formation de ces préférences alimentaires, pour mieux connaître la persistance des effets et pour étudier si les mécanismes d’apprentissage sont plus ou moins efficaces selon les caractéristiques sensorielles des aliments et s’ils existent des enfants pour lesquels ces apprentissages sont moins efficaces. Ces travaux sont indispensables pour proposer des recommandations visant à favoriser un comportement alimentaire sain.

Références Les références complètes peuvent être obtenues sur demande auprès de l’auteur.