Douleurs rachidiennes au cours de la maladie de Parkinson : un problème sous-estimé

Douleurs rachidiennes au cours de la maladie de Parkinson : un problème sous-estimé

Revue du Rhumatisme 73 (2006) 484–489 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/ Article original Douleurs rachidiennes au cours de la maladie de Par...

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Revue du Rhumatisme 73 (2006) 484–489 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/

Article original

Douleurs rachidiennes au cours de la maladie de Parkinson : un problème sous-estimé Back problems in Parkinson’s disease: an underestimated problem ◊ Fabien Etchepare a,*, Sylvie Rozenberg a, Tristan Mirault a, Anne-Marie Bonnet b, Colette Lecorre a, Yves Agid b, Pierre Bourgeois a, Bruno Fautrel a a

Service de rhumatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière 75013, 47–83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France b Fédération de neurologie, hôpital Pitié-Salpêtrière 75013, 47–83, boulevard de l’Hôpital, Paris, France Reçu le 21 juillet 2004 ; accepté le 14 mai 2005 Disponible sur internet le 04 novembre 2005

Résumé Schéma de l’étude. – Étude transversale. Objectif. – Estimer l’importance des douleurs rachidiennes au cours de la maladie de Parkinson (MP). État de la question. – La MP est une affection fréquente et invalidante durant laquelle des douleurs rachidiennes peuvent apparaître. Paradoxalement, la littérature sur l’épidémiologie des douleurs rachidiennes dans la MP est pauvre. Méthodes. – Les patients ayant une MP, vus consécutivement en consultation de neurologie sur une période de quatre mois, furent interrogés sur l’existence de douleurs rachidiennes par l’intermédiaire d’un autoquestionnaire et comparés à un groupe de témoins ayant une affection chronique, appariés pour l’âge et le sexe. Résultats. – L’étude a concerné 104 patients (âge moyen : 67,3 ans) ayant une MP depuis en moyenne 11,6 ans, et 100 témoins (âge moyen : 65,8 ans) ayant une cardiopathie chronique ou un diabète depuis 14,2 ans en moyenne. Soixante-deux parkinsoniens et 23 témoins ont rapporté avoir des douleurs rachidiennes. La prévalence était de 59,6 % dans le groupe MP et 23 % dans le groupe témoins (p < 0,0001). L’intensité douloureuse était quantifiée par échelle visuelle analogique et mesurée en moyenne à 54 ± 23 mm dans le groupe MP et à 41 ± 19 mm chez les témoins (p < 0,0001). Conclusions. – Les douleurs chroniques rachidiennes sont assez fréquentes au cours de la MP. Les conséquences fonctionnelles sont notoires et une attention plus particulière doit leur être portée pour diminuer le handicap fonctionnel chez de tels patients. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Douleurs rachidiennes ; Maladie de Parkinson Keywords: Back pain; Parkinson’s disease

1. Introduction Les douleurs rachidiennes semblent être fréquentes au cours de la maladie de Parkinson (MP). Il est cependant difficile de *

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Etchepare). ◊ Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans le même volume de Joint Bone Spine.

1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2005.05.012

faire la part entre une association fortuite ou non, essentiellement du fait de la forte incidence des deux affections. La MP est la plus fréquente des affections dégénératives neurologiques, touchant environ 1,5 % de la population de plus de 65 ans [1], alors que les affections rachidiennes représentent la plus grande proportion des problèmes musculosquelettiques, en particulier chez les sujets âgés [2]. L’incidence des douleurs rachidiennes augmente proportionnellement avec l’âge jusqu’à

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la sixième décennie puis diminue après 70 ans [3,4]. La littérature donne peu d’informations sur les relations entre les douleurs rachidiennes et la MP. Dans une étude rétrospective incluant 60 patients ayant une MP, la prévalence cumulée de douleurs rachidiennes sévères était de 68 % [5]. Le principal objectif de cette étude transversale était de déterminer l’incidence des douleurs rachidienne chez les patients parkinsoniens vus à l’hôpital par comparaison à des témoins. Un autre objectif était d’évaluer l’impact de ces problèmes rachidiens sur les patients parkinsoniens en termes de douleurs.

un neurologue spécialisé dans cette affection (AMB). Le caractère idiopathique de la MP était fondé sur :

2. Méthodes

Les patients ayant un syndrome parkinsonien secondaire étaient exclus pour assurer le caractère homogène de la population étudiée. Les patients ne pouvant pas écrire ou ayant des fonctions supérieures altérées furent exclus de l’étude. Les symptômes cliniques de la maladie (tremblements rigidité et akinésie) et le degré du handicap (échelle de Hoehn et Yahr) étaient relevés pour tous les patients.

2.1. Patients Les patients étaient inclus dans une consultation multidisciplinaire neurologique–rhumatologique au sein de la Fédération de neurologie, hôpital Pitié-Salpêtrière, pendant quatre mois. L’organisation globale de l’étude est présentée Fig. 1. Les 104 premiers patients, ayant une MP idiopathique et sans critères d’exclusion, consultant pour une évaluation thérapeutique durant cette période, furent inclus dans l’étude. Nous avons comparé ces patients avec une cohorte de patients appariés pour l’âge et ayant une affection chronique les conduisant à consulter dans le même hôpital pour une cardiopathie chronique ou un diabète. Le diagnostic de MP était confirmé par

Fig. 1. Schéma de l’étude. MP : maladie de Parkinson.

● l’absence de toute cause détectable de syndrome parkinsonien, en particulier l’absence de prise de neuroleptiques ; ● le début et l’aggravation très lente des symptômes ; ● le caractère asymétrique des troubles ; ● l’absence d’anomalies non parkinsoniennes ; ● la réponse à la levodopa.

2.2. Témoins Des témoins atteints d’affections chroniques appariés pour l’âge et le sexe furent identifiés au sein de deux autres services de l’hôpital Pitié-Salpêtrière : 50 patients provenaient du service de cardiologie et 50 du service de diabétologie. Tout patient connu comme ayant une MP était exclu de l’étude.

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2.3. Données 2.3.1. Diagnostic de douleur rachidienne L’évaluation rhumatologique était effectuée par un rhumatologue expérimenté (FE). Les patients ayant une MP et les témoins devaient remplir un autoquestionnaire standardisé d’une dizaine de minutes. La première question concernait les douleurs lombaires ou thoraciques au moment de la consultation. Si la réponse était positive, le sujet devait préciser : ● la localisation de la douleur, en cochant d’une croix une figure représentant le rachis (le rachis cervical était volontairement exclu de l’étude car des douleurs musculaires scapulohumérales, fréquentes au cours de la MP, peuvent mimer une douleur cervicale) ; ● depuis combien de temps la douleur durait (aigu, inférieure ou égale à quatre semaines ; subaigu, supérieure à quatre semaines et inférieure ou égale à 12 semaines ; chronique, supérieure 12 semaines) ; ● la fréquence (constante, plusieurs jours par mois, plusieurs heures par mois) ; ● le moment de la douleur (mécanique ou inflammatoire) ; ● son intensité, mesurée sur une échelle visuelle analogique (EVA 0–100 mm) ; ● les situations qui déclenchent ou soulagent la douleur, choisies dans une liste de 15 items et correspondant à des mouvements de la vie quotidienne. 2.3.2. Analyses statistiques L’analyse statistique a été effectuée avec le logiciel STATA™ 5.0 (Stata Corp., College Station, TX, USA). Les différentes variables ont été analysées chez les patients parkinsoniens avec ou sans douleur rachidienne. Pour les variables numériques, les comparaisons étaient fondées sur un intervalle de confiance de 95 % ; pour les variables catégorielles, un test du χ2 a été utilisé. Les analyses multivariées ont utilisé une régression logistique pour les facteurs associés à la présence de douleurs rachidiennes et une régression linéaire pour les facteurs associés à l’intensité de la douleur sur l’EVA ; pour chaque régression, ont été développés des modèles d’analyse globale et pas à pas. 3. Résultats L’étude a inclus 104 malades ayant une MP idiopathique, 56 hommes et 48 femmes, avec un âge moyen de 67,3 ± 9,2 ans [45–84] (Tableau 1). La MP évoluait depuis en moyenne 11 ± 6 ans [1–36]. Nous avons inclus 100 témoins, appariés pour l’âge et le sexe, d’un âge moyen de 65,8 ± 10,5 [42–89] (Tableau 1). Les cardiopathies chroniques ou le diabète évoluaient depuis en moyenne 14 ± 12 ans [1–50]. Parmi ces patients, 62 rapportaient des douleurs thoraciques ou lombaires, dans le groupe MP, correspondant à une prévalence de 59,6 %, ce qui était significativement plus élevé que dans le groupe témoin : 23 patients pour une prévalence de 23 % (p < 0,0001). La douleur était décrite comme chronique par

Tableau 1 Caractéristiques des patients et des douleurs rachidiennes chez les patients parkinsoniens et les témoins Parkinson (n = 104) 1,2

Sexe ratio H/F Âge (ans) Moyenne ± DS 66 ± 9 [Intervalle confiance 95 %] [64 ; 68] Durée d’évolution (ans) Moyenne ± DS 11 ± 6 [Intervalle confiance 95 %] [10 ; 12] Prévalence ponctuelle des 59,6 % douleurs rachidiennes Intensité des douleurs rachidiennes sur l’EVA Moyenne ± DS 54 ± 23 [Intervalle confiance 95 %] [48 ; 60]

Témoins (n = 100) 1,2

p 0,978

6 ± 10 [63 ; 67]

0,569

14 ± 12 [12 ; 17] 23 %

0,016

(mm) 41 ± 19 [33 ; 49]

< 0,0001

< 0,0001

EVA : échelle visuelle analogique.

95,2 % des patients parkinsoniens et constante pour 56,4 % d’entre eux (Tableau 2). La douleur était statistiquement plus chronique (p = 0,011) et moins irradiante aux membres inférieurs (p = 0,009) dans le groupe MP par rapport au groupe témoins. La douleur sur l’EVA était mesurée à 54 ± 23 mm en moyenne [IC 95 % ; 48–60] dans le groupe MP, et 41 ± 19 [IC 95 % ; 33–49] dans le groupe témoin (p < 0,0001) (Tableau 1). Par les analyses multivariées, l’intensité douloureuse n’était corrélée ni aux caractéristiques démographiques (âge, sexe) ni aux paramètres neurologiques (durée d’évolution de la maladie, type ou grade de la MP), ni aux paramètres rhumatologiques (durée d’évolution de la douleur, raideur). Dans le groupe MP, les caractéristiques démographiques et neurologiques étaient comparables dans les groupes avec ou sans douleurs rachidiennes (Tableau 3). Dans l’analyse multivariée (Tableau 4), la présence de douleurs rachidiennes n’était corrélée à aucun des paramètres étudiés, que ce soit l’âge, le sexe, la durée d’évolution de la maladie, la forme clinique ou le grade de la MP. 4. Discussion La prévalence des douleurs rachidiennes pendant la MP (59,6 %) est notoire dans notre étude, plus élevée que celle observée dans la population témoin, atteinte d’affection chronique, appariée pour l’âge et le sexe (23 %). Elle semble également supérieure à celle de la population générale, où elle a été estimée entre 1 et 29 % chez les adolescents et les adultes, d’après certaines études [4,6,7]. Dans des groupes de sujets plus âgés, cette prévalence a été estimée à 32 % dans une étude incluant 134 sujets âgés de 79 ans [8]. De plus, chez les patients ayant une MP, les douleurs rachidiennes sont volontiers plus chroniques : plus de trois mois dans 95 % des cas, comparé à 26 % des patients dans la population adulte rapportant des douleurs depuis plus de trois mois [7]. Les patients ayant une MP ont également plus souvent des douleurs constantes (56 %), par comparaison avec la fréquence de seulement 8 % observée dans une étude menée chez les sujets âgés [8]. Nous avons considéré la prévalence ponctuelle plus pertinente que la prévalence cumulative. Compte tenu de l’incidence élevée des

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Tableau 2 Caractéristiques des douleurs rachidiennes chez les patients parkinsoniens et les témoins Caractéristiques Durée de la douleur

n

Parkinsoniens %

Témoins %

n

< 4 semaines 4 à 12 semaines > 12 semaines

1 2 59

1,6 3,2 95,2

4 2 17

17,4 8,7 73,9

Constante Quelques jours par mois Quelques heures par mois

35 26 1

56,4 41,9 1,7

12 8 3

52,2 34,8 13,0

≤ 30 > 30 > 50 > 70

12 15 16 19

19,4 24,2 25,8 30,6

7 12 3 1

30,4 52,2 13,0 4,3

Dorsale Dorsolombaire Lombaire

2 20 40

3,2 32,3 64,5

3 5 15

13,0 21,7 65,2

Diurne Nocturne Début de nuit Milieu de nuit Fin de nuit Variable

57 25 6 13 4 2 4

91,9 40,3 24 52 16 8 6,4

22 18 0 10 2 6 6

95,6 78,3 0 43,5 8,7 26,1 26,1

31 21 9 1 14

50 33,9 14,5 1,6 22,6

8 6 8 1 12

34,8 26,1 34,8 4,3 52,2

8 6

12,9 9,7

7 5

30,4 11,7

p 0,011

Fréquence de la douleur

Intensité des douleurs sur l’EVA

0,085

0,011 mm mm à 50 mm mm à 70 mm mm

Localisation

0,184

Moment de la douleur

0,115

Impulsivité Dérouillage matinal Absent < 30 minutes De 30 minutes à 60 minutes > 60 minutes Irradiation douloureuse au membres inférieurs Au-dessus du genou Au-dessous du genou

0,013 0,161

0,009 0,951

Tableau 3 Caractéristiques démographiques de la cohorte de 104 patients parkinsoniens Total

Sexe ratio H/F Âge (ans) Moyenne ± DS [Intervalle confiance 95 %] Durée de la MP (ans) Moyenne ± DS [Intervalle confiance 95 %] Type clinique de MP (%) Akinésie–hypertonie–tremblements Akinésie–hypertonie Tremblements Grade de la MP* (%) I II III IV V * Echelle de Hoehn et Yahr.

(n=104) 1,2

Sujets avec douleurs rachidiennes (n=62) 1,1

Sujets sans douleurs rachidiennes (n=42) 1,3

p

66,6 ± 9,5 [64,7 ; 68,5]

67,1 ± 9,4 [64,7 ; 69,6]

65,8 ± 9,6 [62,9 ; 68,9]

0,494

11,6 ± 6,5 [10,3 ; 12,9]

11,9 ± 6,5 [10,2 ; 13,6]

11,1 ± 6,5 [9,1 ; 13,2]

0,539

70,8 21,5 7,7

66,7 25,6 7,7

76,9 15,4 7,7

3,1 27,7 46,2 20,0 3,1

2,6 17,9 51,3 25,6 2,6

3,9 42,3 38,5 11,5 3,9

0,689

0,733 0,519 0,431 0,912 0,222 0,715 0,033 0,305 0,160 0,715

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Tableau 4 Analyse de régression logistique des facteurs potentiellement associés à la présence de douleurs rachidiennes chez 104 patients parkinsoniens Odds ratio Âge 0,99 Sexe 1,80 Caractéristiques de la MP Durée 0,99 Type Akinésie–hypertonie–tremblements 1,00 Akinésie–hypertonie 1,46 Tremblements 1,61 Échelle de Hoehn & Yahr I 1,00 II 0,70 III 1,87 IV 3,84 V 0,79 Caractéristiques des douleurs rachidiennes Durée Moins de quatre semaines 0,0 4 semaines à trois mois –22,5 Plus de trois mois 5,5 Raideur Absence de raideur 0,0 Moins de 30 minutes –0,6 De 30 à 60 minutes 3,0 Plus de 60 minutes 20,5

[Intervalle confiance 95 %] 0,93 ; 1,07 0,60 ; 5,44

p

0,894 0,295

0,92 ; 1,07

0,864

0,35 ; 6,05 0,20 ; 12,90

0,596 0,655

0,03 ; 17,12 0,07 ; 49,48 0,10 ; 142,38 0,009 ; 68,97

0,830 0,709 0,466 0,922

–82,0 ; 37,0 –44,1 ; 55,0

0,5 0,8

–15,2 ; 14,1 –15,81 ; 21,79 –29,01 ; 70,08

0,9 0,7 0,4

douleurs rachidiennes, la prévalence cumulative des douleurs rachidiennes dans la population générale est de 55 à 80 % [4, 6,7,9,11–15]. De telles valeurs réduisent la chance de mettre en évidence quelles observations sont spécifiquement liées à la MP. De plus, puisque la prévalence cumulative est plus dépendante de la mémoire du patient que la prévalence ponctuelle, son évaluation peut être soumise à des biais de mémoire. Seuls les patients ne pouvant pas écrire ou ayant des fonctions supérieures très limitées furent exclus de l’étude. Les patients devaient remplir le questionnaire diagnostique. Les patients inclus dans l’étude avaient une MP évoluée, reflet possible du recrutement par un centre de neurologie très spécialisé. Néanmoins, l’applicabilité de nos résultats à n’importe quel patient parkinsonien est probable puisque la présence et la sévérité de la douleur n’étaient pas liées à la durée d’évolution et à la sévérité de la MP. La sévérité de la douleur mesurée sur l’EVA était statistiquement plus élevée dans le groupe MP que dans le groupe témoin. Cela est d’autant plus remarquable que la plupart des patients n’avaient pas mentionné spontanément leur douleur au neurologue. La douleur était principalement mécanique dans notre étude. Les réveils nocturnes liés à la douleur semblaient principalement positionnels, mais leur interprétation est complexe car de nombreux phénomènes peuvent induire des perturbations du sommeil au cours de la MP : sommeil interrompu par des problèmes urinaires, difficultés d’endormissement, syndrome des jambes sans repos, problèmes de sommeil paradoxal. Bien que les douleurs rachidiennes ne fassent pas partie des symptômes fréquemment rapportés au cours de la MP, quelle que soit la forme clinique, plusieurs hypothèses peuvent expli-

quer la forte prévalence des douleurs rachidiennes au cours de la MP. La prévalence des dégénérescences des disques ou des articulaires postérieures augmente de façon exponentielle après l’âge de 50 ans : sur 1583 patients entre 55 et 70 ans, Bijkerk [16] a montré que 68,5 % des hommes et 66,2 % des femmes avaient une dégénérescence discale sur les radiographies standard. Brandt [17] a rapporté qu’après l’âge de 50 ans, la prévalence de la dégénérescence articulaire augmente de façon exponentielle. Elle affecte 2 % des femmes avant 45 ans, 30 % entre 45 et 64 ans, et 68 % après 65 ans [18]. Les résultats sont similaires chez l’homme. L’âge moyen au diagnostic de sténose canalaire lombaire liée à une affection dégénérative est de 63 ans [19]. Il pourrait exister un lien de causalité entre affection dégénérative articulaire et MP, bien que cela ne soit que spéculatif pour le moment. La MP peut exacerber une affection dégénérative rachidienne préexistante, du fait des anomalies du contrôle postural associées. Dans une articulation normale, les mécanismes proprioceptifs coordonnent les muscles agonistes et antagonistes pour absorber les chocs et limiter les microtraumatismes articulaires [17,20,21]. Ces phénomènes, qui ont été étudiés initialement dans les articulations périphériques, sont applicables aux segments mobiles du rachis. Les études cliniques conduites chez des patients ayant des lombalgies chroniques ont montré que des anomalies proprioceptives sont impliquées dans les problèmes rachidiens. Une inversion du ratio des muscles extenseurs sur fléchisseurs du rachis (au détriment des extenseurs) est à l’origine des troubles du contrôle postural [22–26]. Dans la MP, des phénomènes identiques ont été démontrés ; ils semblent liés à l’hypertonie musculaire extrapyramidale, qui est habituellement asymétrique, l’akinésie, la diminution de la masse musculaire, les rétractions musculotendineuses, et les troubles de coordination [27–29]. Cet ensemble contribue à l’instabilité des segments mobiles du rachis, ce qui peut causer ou exacerber une affection dégénérative du rachis. De façon similaire, les troubles proprioceptifs sont la cause sous-jacente à l’arthropathie neurogène destructrice [10,17,21,30–33]. Il est important de noter que le vieillissement peut également conduire à des troubles proprioceptifs, du fait de l’allongement de la conduction nerveuse et du temps de réaction [17,29,34]. D’autres mécanismes sont possibles. La douleur liée aux problèmes articulaires peut être exacerbée par la dépression qui est fréquente au cours de la MP [35–38]. Au plan neurologique, un syndrome douloureux appelé trouble sensitif primitif peut occasionner des paresthésies généralisées mal caractérisées. Cette entité peut être à l’origine de symptômes similaires à ceux causés par l’arthrose articulaire postérieure. Une dystonie axiale peut aussi être observée ; elle occasionne des contractions musculaires douloureuses qui fluctuent avec le niveau sérique de dopamine (qui à son tour dépend de la compliance au traitement) [39]. Enfin, des douleurs musculaires isolées sont fréquentes au cours de la MP et peuvent être localisées aux muscles paravertébraux [39,40]. Notre étude met en avant l’incidence élevée des douleurs rachidiennes au cours de la MP, douleur qui est le plus souvent chronique et handicapante. Plusieurs arguments, à la fois cliniques et physiopathologiques, sont en faveur d’un lien de causalité entre ces deux affections. Des études complémentaires

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sont nécessaires pour confirmer cette association et expliquer cette forte prévalence des douleurs rachidiennes au cours de la MP. Références

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