Dyslexie dysorthographie : définition, bases neurologiques et physiopathologiques

Dyslexie dysorthographie : définition, bases neurologiques et physiopathologiques

Arch Pédiatr 2002 ; 9 Suppl 2 : 262-4 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0929693X01008521/SCO Atelier : L...

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Arch Pédiatr 2002 ; 9 Suppl 2 : 262-4 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0929693X01008521/SCO

Atelier : Les dyslexies

Dyslexie dysorthographie : définition, bases neurologiques et physiopathologiques B. Echenne* Service de neuropédiatrie, hôpital Saint-Eloi, CHU 295, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France

Pendant très longtemps, la notion de dyslexie est restée ignorée en France, méconnue des enseignants, dont elle ne faisait pas partie des programmes de formation, mal appréciée par les médecins et les paramédicaux, avec une interprétation psychogénique qui a longtemps prévalu, faisant référence au classique et obsolète « blocage affectif empêchant l’enfant de progresser dans le domaine de la lecture » [1]. Petit à petit cependant, la notion de trouble spécifique d’apprentissage, et plus particulièrement, de troubles spécifique d’accès au langage écrit a pu être introduite, grâce au recherches en neuro-psychologie et en linguistique effectuées pour la plupart dans les pays anglo-saxons, grâce aussi au dynamisme des associations de parents d’enfants handicapés, grâce surtout aux rapports récents de la neurolinguistique, de l’imagerie fonctionnelle cérébrale, et, déjà, de la biologie moléculaire. Ne sont pas dyslexiques tous les enfants en difficulté dans l’apprentissage de la lecture. La définition admise actuellement est volontairement restrictive et écarte les autres causes d’illettrisme ou de retard lexique, comme les déprivations culturelles et linguistiques, les problèmes sociaux, les déficiences mentales. On désigne sous le terme de dyslexie un trouble spécifique et durable de l’acquisition puis de l’utilisation du langage écrit, chez les enfants aux compétences intellectuelles normales, sans déprivation culturelle ni éducative, sans problématique psychologique particulière, indemne de tout trouble

*Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (B. Echenne).

sensoriel ou neurologique. Son incidence est estimée de 3 à 5 % de la population pédiatrique. Pour porter le diagnostic de dyslexie, deux critères sont indispensables : – Les aptitudes à la lecture évaluées par des tests standardisés passés de manière individuelle sont significativement inférieures au niveau moyen pour l’âge, compte tenu de la scolarisation du sujet et de ses capacités intellectuelles, elles-mêmes déterminées par un test de QI. A l’âge de 8 ans, on retient un décalage minimum de 1 an et demi entre l’âge de lecture et l’âge mental, au-delà, on retient un décalage de 2 ans. – Les perturbations doivent interférer significativement avec la réussite scolaire ou les activités quotidiennes qui requièrent des capacités en langage écrit. Il est essentiel de souligner qu’un QI performance inférieur à 70 est un critère d’exclusion. Ce qui implique qu’on ne puisse parler de dyslexie non seulement sans une évaluation précise des compétences linguistiques, mais aussi sans test psychométrique préalable, de façon à éliminer une déficience mentale. Il existe trois types de dyslexie en fonction des difficultés spécifiques de chaque enfant et de voies de lecture atteintes de manière préférentielle : un lecteur compétent, en effet, utilise deux voies de lecture. La voie d’adressage ou voie orthographique qui lui permet d’accéder au sens d’un mot écrit en le visualisant ; cette voie est indispensable pour reconnaître tous les mots dont l’orthographe est irrégulière (par exemple : second) et tous les homophones non homographes (vain et vin).

Dysplexie dysothographie

La voie d’assemblage ou graphophonémique qui permet par un décodage systématique et une mise en correspondance graphème phonème d’accéder de manière secondaire au sens des mots ; cette voie est indispensable pour lire des mots nouveaux. Les trois formes de dyslexie sont donc les suivantes : – atteinte de la voix d’adressage : dyslexie dysorthographique ou dyslexie dyseidétique, ou dyslexie de surface ; – atteinte de la voix d’assemblage : dyslexie dysphonétique ; – atteinte mixte. En fait, les deux voies sont souvent dysfonctionnantes à des degrés divers. Et il existe de nombreux sous-types de dyslexie, selon les stratégies de compensation mises en place par l’enfant, ou selon les variétés d’autres types de dysfonctionnement cognitif souvent associées. Les déficits phonologiques et métaphonologiques semblent présents chez la plupart des enfants dyslexiques [2]. Ils intéressent les mots beaucoup plus que la syntaxe. Mais ils sont rarement isolés. L’étude récente [3] de 200 enfants dyslexiques par notre groupe a permis de retrouver une nette prédominance des formes mixtes (tableau I). Ces enfants ont peu ou prou de difficultés dans la répétition des non mots, dans la dénomination, et au niveau de la mémoire phonologique à court terme [4]. Cette prédominance des formes mixtes est retrouvées par d’autre études [5]. Il est important de souligner la précession fréquente de la dyslexie par des difficultés de structuration du langage parlé et l’incidence très élevée d’anomalies volontiers méconnues concernant le rappel en mémoire des mots avec un trouble d’évocation des mots, réalisant alors une véritable dysphasie anomique. La dysorthographie est un corollaire incontournable de la dyslexie, comme l’extrême lenteur de la

Tableau I. Pourcentages respectifs de chaque type de dyslexie à partir de 200 enfants analysés entre 1994 et 1999. Dyslexies mixtes Dyslexies dysphonétiques Dyslexies dyseidétiques Alexies Non typées Hyperlexiques

63,5 14,7 9,6 6,1 5,6 0,5

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plupart de ces enfants, témoin des difficultés orthographiques qu’ils présentent. Le calcul peut être également perturbé selon différents mécanismes, mais ceci de façon beaucoup plus inconstante (mémoire des signes, évocation des chiffres). Il faut enfin souligner plusieurs éléments fréquemment rencontrés chez l’enfant dyslexique : Syndrome d’hyperactivité et troubles de l’attention, avec une incidence (30 à 50 %) qui en fait une véritable comorbidité. Inconstamment, troubles des praxies exécutives et de la motricité fine. Quant aux difficultés de repérage spatio-temporel et aux confusions spatiales, ils ne sont vraiment contraignants que dans 20 % des cas, et manquent le plus souvent. PHYSIOPATHOLOGIE DES DYSLEXIES Une dyslexie résulte d’un dysfonctionnement dans les processus phonologiques et/ou visuels impliqués dans la reconnaissance des mots. Un trouble de la conscience phonologique et de la mémoire de travail sont en cause dans la majorité des cas, nous l’avons vu ; mais d’autres dysfonctionnements peuvent être observés : l’importance du rôle éventuel joué par une anomalie de traitement de l’information visuelle, par une persistance de l’empreinte rétinienne par exemple, reste à quantifier. Des facteurs visuels sont parfois certainement en cause, mais rarement de façon prépondérante. Par contre, un dysfonctionnement des circuits d’intégration, d’analyse, de traitement des informations concernant à la fois les messages visuels et auditifs est vraisemblablement en cause dans la majorité des cas [6]. Les études anatomiques et morphologiques ont montré un certain nombre d’anomalie dont on connaît peu ou pas la signification : symétrie des planum temporaux dans 70 % des cas, aspect plus compact et plus volumineux du corps calleux, incidence élevée d’anomalies histologiques sous forme de zones focalisées de micropolygyrie à 4 couches, et de foyers de microdysgénésie, prédominant au niveau de l’hémisphère gauche (gyrus frontal inférieur, régions perisylviennes). Il existe également une réduction de taille des neurones des couches magnocellulaires du noyaux géniculé latéral, en faveur d’un dysfonctionnement des voies visuelles.

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B. Echenne

Les facteurs génétiques jouent un rôle sans doute essentiel mais peut être pas exclusif. La reconstitution de l’arbre généalogique de nombre de familles est compatible avec une transmission autosomique dominante. L’incidence familiale est estimée correspondre à 35–50 % de cas. Les études de jumeaux montrent une correspondance de 70 % chez les monozygotes, de 46 % chez les dizygotes [7]. Enfin des études de liaison ont montré une liaison statistiquement très significative avec le chromosome 6 [7], ce qui vient d’être confirmé récemment par le groupe de Grigorenko [8], qui a démontré une liaison significative avec le chromosome 6 pour les troubles de la mémoire phonologique et, avec le chromosome 15 pour les troubles de la lecture des mots isolés. Vu la complexité extrême des circuits et des structures sollicitées dans l’acte de lire, il est évident que de nombreux facteurs sont susceptibles d’intervenir, génétiques pour la plupart, mais aussi linguistiques (certaines langues prédisposent plus que d’autres, à l’apparition d’une dyslexie), voire éducatifs. Les méthodes pédagogiques contrairement à ce qu’il est dit souvent, ne paraissent pas en cause ; les perturbations psychologiques constituent des phénomènes secondaires aux difficultés rencontrées, mais persistent encore beaucoup d’inconnues quant aux dys-

fonctionnements en cause ; nous manquons d’outils pour évaluer précisément l’impact des facteurs visuels ; les troubles de la mémoire orthographique immédiate ne peuvent pas à eux seuls expliquer la pérennité de la dysorthographie … L’approche neurocognitive de ces troubles n’en est donc qu’à son début… RE´ FE´ RENCES 1 Echenne B, Cheminal R. La Dyslexie : de grands progrès mais l’essentiel reste à faire…. ANAE 2001 ; 62-63 : 63-4. 2 Siegel LS, Lenormand MT, Plaza M. Troubles spécifiques d’apprentissage de la lecture. Les dyslexies. « le langage de l’enfant. Aspects normaux et pathologiques » C. Chevrie Muller, J. Narbona. Paris : Masson ; 1996. p. 309-26. 3 Cheminal R, Echenne B. Analyse rétrospective de 200 dossiers d’enfants dyslexiques. ANAE 2001 ; 62-63 : 135-7. 4 Snowling MJ. Developmental reading disorders. J Child Psychol Psychiatr 1991 ; 32 : 49-77. 5 Sprenger-Charolles L, Lacert P, Béchennec D, Colé P, Serniccaes W. Stabilité dans le temps et interlangues des sous-types de dyslexie développementale. ANAE 2001 ; 62-63 : 115-8. 6 Echenne B. Physiopathologie des dyslexies. ANAE 2001 ; 62-63 : 101-3. 7 Reynolds CA, Hewitt JK, Erickson MT, Silberg JL, Rutter M, Simonoff E, et al. The genetics of children’s oral reading performance. J Child Psychol Psychiatr 1996 ; 37 : 425-34. 8 Grigorenko El Wood JK, Erickson MT, Silberg JL, Rutter M, Simonoff E, et al. The genetics of children’s oral reading performance. J Child Psychol Psychiatr 1996 ; 37 : 425-34.