Encéphalite limbique révélatrice d’une maladie de Hodgkin

Encéphalite limbique révélatrice d’une maladie de Hodgkin

La revue de médecine interne 24 (2003) 257–260 www.elsevier.com/locate/revmed Communication brève Encéphalite limbique révélatrice d’une maladie de ...

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La revue de médecine interne 24 (2003) 257–260 www.elsevier.com/locate/revmed

Communication brève

Encéphalite limbique révélatrice d’une maladie de Hodgkin Paraneoplastic limbic encephalitis in Hodgkin’s disease P. Bernard a,*, S. Vinzio a, F. Talarmin a, A. Kadouri b, F. Flocard c a

Service de médecine interne, hôpital d’instruction des armées Legouest, 27, avenue des Plantières, 57998 Metz Armées, France b Service de psychiatrie, hôpital d’instruction des armées Legouest, 27, avenue des Plantières, 57998 Metz Armées, France c Service de neurologie, hôpital d’instruction des armées Legouest, 27, avenue des Plantières, 57998 Metz Armées, France Reçu le 10 janvier 2003 ; accepté le 25 janvier 2003

Résumé Introduction. – En présence d’une encéphalite inexpliquée, une étiologie paranéoplasique doit être systématiquement envisagée. Exégèse. – Nous rapportons l’observation d’une femme de 59 ans qui a présenté un tableau d’encéphalite limbique. L’enquête a conduit à la découverte d’une maladie de Hodgkin. Le traitement de l’hémopathie s’est avéré efficace sur le tableau neurologique. Conclusion. – Cette observation rappelle que l’encéphalite limbique est une cause rare de syndrome neurologique paranéoplasique associé à la maladie de Hodgkin. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – Malignancy is a possible cause of unexplained encephalitis. Exegesis. – We describe a 59-years-old woman with limbic encephalitis, not explained by other causes, preceding diagnosis of Hodgkin’s disease. Successful treatment of Hodgkin’s disease was effective against neurological disturbance. Conclusion. – This case provides evidence that Hodgkin’s disease can be uncovered by paraneoplastic limbic encephalitis. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés : Encéphalite limbique ; Maladie de Hodgkin Keywords: Limbic encephalitis; Hodgkin’s disease

1. Observation Une patiente de 59 ans est hospitalisée pour un tableau d’encéphalite. L’histoire de la maladie débutait 6 mois auparavant par l’apparition brutale de troubles de la marche associés à un nystagmus vertical rapidement suivi d’un tableau de désorientation temporospatiale et de troubles de la mémoire. L’exploration morphologique initiale réalisée par imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) ne révélait pas d’anomalie significative; la ponction lombaire retrouvait une * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Bernard). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 0 2 4 8 - 8 6 6 3 ( 0 3 ) 0 0 0 5 3 - 5

réaction cellulaire méningée isolée (123 globules blancs/mm3 dont 95 % de lymphocytes, sans cellule anormale). L’électroencéphalogramme révélait un ralentissement diffus sans signe de focalisation. Les bilans réalisés comportaient notamment la recherche d’une vasculopathie dégénérative ou inflammatoire par réalisation d’une artériographie cérébrale, d’un bilan immunitaire complet. Une carence vitaminique était réfutée sur des dosages répétés. L’enquête endocrinienne restait négative. Il n’existait pas d’anticorps antineuronaux sanguin et sur LCR (anti-Yo ; anti-Hu ; antiRi ; anti-Amphysin ; anti-CV2 - hôpital neurologique PierreWertheimer, 69003 Lyon). L’enquête infectieuse permettait d’éliminer notamment une infection à germe intracellulaire, une chorioméningite lymphocytaire, une leucoencéphalite

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multifocale progressive, une infection active à herpès virus. Les sérologies VIH 1 et 2 et HTLV 1 et 2 étaient négatives. Une infection mycobactérienne était écartée. La recherche de protéines 14–3–3 dans le LCR était négative et l’indication de biopsie cérébrale était réfutée en neurochirurgie devant le risque d’une éventuelle maladie de Creutzfeldt-Jakob. Différents traitements d’épreuve étaient tentés sans succès sous forme d’antibiothérapie à large spectre (amoxicilline, cotrimoxazole, ciprofloxacine), de traitement par acyclovir, de traitement antibacillaire. Une corticothérapie par voie intraveineuse ne modifiait pas franchement la symptomatologie. Après avis psychiatrique, la patiente était placée sous amitriptyline dans l’hypothèse d’une composante dépressive associée. À son admission dans le service, la patiente est grabataire. Elle est apyrétique et son état général est altéré (indice de performance à 3). À l’inspection on note des mouvements d’allure myoclonique de la face et des 4 membres. Sur le plan moteur, il existe une hypertonie d’opposition plus marquée à gauche; les réflexes ostéotendineux sont vifs et diffusants l’examen de la sensibilité est impossible. L’état de vigilance est altéré avec alternance de phases d’éveil marquées par une agitation intense et de phases de somnolence prolongée sur plus de 12 h. Lors des phases d’éveil, on note une amnésie antérograde majeure et le mini-mental test est coté à 17/30. L’humeur est triste avec pleurs fréquents. L’examen clinique général n’est pas informatif (absence notamment d’adénopathie périphérique, de splénomégalie). Sur le plan paraclinique, l’hémogramme est sans anomalie. Il n’existe pas de syndrome inflammatoire (vitesse de sédimentation à 16 mm à la 1re h ; protéine C réactive à 5 mg l–1). Le taux de lactate déshydrogénase et de bêta2microglobuline sont normaux. La fonction rénale est préservée ; il existe une cytolyse hépatique isolée avec alanine et aspartate aminotransférases à 7 fois la normale. La radiographie thoracique de face, l’échographie abdominopelvienne sont normaux. Devant la découverte sur la ponction-biopsie hépatique d’une hépatite granulomateuse non spécifique, l’enquête étiologique est reprise et dans ce cadre l’examen tomodensitométrique thoracoabdominopelvien révèle la présence d’adénopathies médiastinales (paratrachéale droite, sous-carénaire, hilaire supérieure droite). La médiastinoscopie dirigée sur l’adénopathie paratrachéale droite permet d’affirmer le diagnostic de maladie de Hodgkin (MDH) scléronodulaire à cellularité mixte (type II, soustype 3). Le bilan d’extension complet comportant un contrôle de l’IRM cérébrale, une étude cytologique du liquide céphalorachidien, une relecture de la biopsie hépatique à la recherche de cellule de Reed-Sternberg et une biopsie ostéomédullaire est négatif. Un traitement par chimiothérapie (protocole hybride MOPP/ABV : 5 cures) et radiothérapie médiastinale (35 grays en 14 fractions) est réalisé. Dès la 2e cure de chimiothérapie, on constate une amélioration de l’état de vigilance et une disparition des myoclonies ; à l’issue de la chimiothérapie, la patiente est capable de

se verticaliser seule et les troubles mnésiques sont améliorés. Un an après l’arrêt du traitement, la patiente demeure en rémission complète de sa MDH ; elle marche sans aide et il n’existe pas de déficit sensitivomoteur, d’atteinte des paires crâniennes. Il persiste une amnésie complète de l’épisode sans amnésie antérograde. On note une lenteur d’idéation sans trouble phasique, praxique, gnosique ; le minimental test est coté à 28/30.

2. Commentaires Chez cette patiente présentant un tableau encéphalitique d’évolution subaiguë, l’enquête étiologique a conduit à la découverte d’une maladie de Hodgkin stade IIAa (en l’absence de cellule de Reed-Sternberg, l’atteinte hépatique granulomateuse réactionnelle n’a pas été considérée comme témoignant d’un envahissement hépatique). Sous traitement spécifique de cette hémopathie, le tableau neurologique s’est corrigé. Sur le plan sémiologique, les troubles mnésiques associés aux troubles du sommeil et troubles de l’humeur étaient caractéristiques d’une atteinte limbique [1,2]. Se fondant sur l’étude clinique et paraclinique de 50 patients, Gultekin et al. ont proposé des critères diagnostiques de l’encéphalite limbique paranéoplasique (ELP) [2] : outre la présentation clinique, l’intervalle libre entre les manifestations neurologiques et la néoplasie associée doit être inférieur à 4 ans ; les autres causes d’atteinte neurologique liées au néoplasme ou à son traitement seront éliminées et on doit pouvoir mettre en évidence au moins une des anomalies suivantes : une atteinte inflammatoire du liquide céphalorachidien et/ou des anomalies de signal touchant les lobes temporaux en IRM et/ou une atteinte électroencéphalographique de localisation temporale. L’ELP est associée le plus souvent aux carcinomes bronchiques (essentiellement à petites cellules), aux tumeurs testiculaires germinales et aux carcinomes mammaires. Même si une encéphalite limbique a été rapportée en l’absence de cancer il apparaît que dans la plupart des cas, le néoplasme était présent, mais non décelable [2]. Le tableau neurologique de notre patiente répondait aux critères diagnostiques d’ELP. Outre le tableau de dégénérescence cérébelleuse paranéoplasique [3] les autres atteintes neurologiques centrales paranéoplasiques de la MDH sont des cas isolés de myélopathie [4], de « syndrome de l’homme raide » [5], de chorée [6] et d’ELP. Sept observations d’ELP associées à une MDH sont rapportées dans la littérature [2,7–11], dont 5 sont exploitables (Tableau 1) et détaillées ci-dessous. Sur le plan clinique, l’atteinte limbique peut se limiter à des troubles de la mémoire, sous forme de « syndrome d’Ophelia » [7,9] ; les troubles psychiatriques (troubles de l’humeur [7,10] , observation personnelle) ; manifestations délirantes [7,9]) sont eux volontiers trompeurs. Une atteinte extralimbique présente chez plus de 30 à 40 % des patients lors d’ELP [1,2] est aussi observable lors d’ELP associée à

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Tableau 1 Association encéphalite limbique paranéoplasique et MDH Références

Manifestations cliniques de l’encéphalite limbique

Anomalies IRM spécifiques (1)

Anomalies EEG spécifiques (1)

Anomalies LCR spécifiques (1)

[7]

AAR – DTS – manifestations psychiatriques AAR – DTS – crises convulsives

NA

NA

NA

Stade (2) /histologie MDH IV Aa/ NA

NA



+

I Bb/ SN

NA





IV Bb/ SN

Pas d’amélioration décès dû à MDH Guérison

+





III Aa / SN

Guérison

+

+

+

II Aa / SN

État végétatif épilepsie





+

II Aa / SN

Séquelles modérées

[8] [9]

Troubles du goût – manifestations psychiatriques [10] AAR – DTS – manifestations psychiatriques [11] AAR – DTS, troubles du sommeil, crises convulsives, manifestations neurovégétatives Observation AAR – DTS – troubles du sommeil, personnelle manifestations psychiatriques

Évolution ELPN

Guérison

(1) Selon critères de Gultekin S.H. et al. [2] ; (2) : Classification de Ann-Arbor. AAR : amnésie antérograde ; DTS : désorientation temporospatiale ; SN : type scléronodulaire ; NA : non appréciable ; + : présente ; – : absente.

une MDH comme l’attestent les myoclonies notées chez notre patiente, ainsi que les manifestations cérébelleuses initiales [2,11]. Les anomalies paracliniques lors de l’association ELPMDH sont inconstantes et superposables aux données de Gultekin (avec respectivement 63 % d’anomalies IRM spécifiques ; 81 % d’atteinte inflammatoire du LCR ; 45 % d’atteinte électroencéphalographique). Dans 3 observations de notre série [8,10,11] une biopsie cérébrale a permis la mise en évidence des lésions histologiques habituellement observées lors d’ELP [1] sous forme d’une perte neuronale, avec gliose réactionnelle [8,10,11] et fréquent infiltrat inflammatoire lymphocytaire périvasculaire [10,11] : les lésions sont de siège temporal, pouvant se limiter à la région amygdalohippocampique [8]. Des anticorps antineuronaux sont retrouvés chez 60 % des patients porteurs d’ELP [2] : anti-Hu en présence de cancer bronchique à petites cellules [2,10] ; anti-Ta (ou Ma2) en présence de tumeur germinale[12]. En revanche, lors de MDH, il n’a pas été retrouvé d’anticorps spécifique ([11], observation personnelle) même dans les travaux les plus récents [2]. Sur le plan chronologique, l’ELP a pu précéder la découverte de la MDH de 6 à 9 mois chez 4 patients ([7,8,10], observation personnelle) ou a été synchrone de la MDH [11] ou concomitante d’une rechute [9]. Classiquement, l’ELP se distingue des autres syndromes neurologiques paranéoplasiques par un pronostic plus favorable [2,7,10]. L’absence d’efficacité des traitements immunomodulateurs [11] (corticothérapie, immunosuppresseurs, échanges plasmatiques, immunoglobulines par voie intraveineuse) est la règle et l’inefficacité de la corticothérapie est également notée lors d’ELP associée à une MDH [8,10], observation personnelle), pouvant même retarder le diagnostic de MDH [10]. Le traitement de la MDH a permis dans 4 observations une guérison concomitante de l’ELP et de l’hémopathie avec dans notre observation des séquelles mnési-

ques modérées ; le décès dû à l’évolution de la MDH, sans amélioration neurologique est rapporté dans une observation [8] ; chez un patient [11], bien que le diagnostic d’ELP soit contemporain de la MDH, l’état neurologique ne s’est pas modifié lors de la guérison de la MDH. Ainsi, même si un traitement précoce est censé limiter les dommages neuronaux [11], l’intervention d’autres facteurs et notamment la nature d’hypothétiques anticorps antineuronaux associés à la MDH pourraient influencer l’évolution de l’ELP [12].

3. Conclusion Devant une encéphalite inexpliquée, l’hypothèse d’une étiologie paranéoplasique doit être systématiquement évoquée. Bien que peu fréquente, l’association possible d’une ELP à une MDH est à connaître. Les difficultés de mise en évidence de l’hémopathie causale contrastent alors avec une efficacité souvent spectaculaire du traitement spécifique.

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