Fièvre au long cours et anneau gastrique

Fièvre au long cours et anneau gastrique

Revue de Pneumologie clinique (2012) 68, 257—260 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Fièvre au long cours et anneau gastriq...

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Revue de Pneumologie clinique (2012) 68, 257—260

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Fièvre au long cours et anneau gastrique Long-term fever after gastric banding J. Gonzva a, J.-B. Roseau a,∗, J. Legodec a, C. Louis b, G. N’guyen Huy Thuy a, S. Gaussens a, H. Bérard a a

Service de pneumologie, hôpital d’instruction des armées (HIA) Sainte-Anne, boulevard Sainte-Anne, 83800 Toulon-Armées, France b Service de chirurgie viscérale, hôpital d’instruction des armées (HIA) Laveran, 13, boulevard Laveran, 13013 Marseille, France Disponible sur Internet le 3 avril 2012

MOTS CLÉS Pneumopathie d’inhalation ; Anneau gastrique ; Fièvre ; Obésité

KEYWORDS Aspiration pneumonia; Gastric banding; Fever; Obesity

Résumé Nous rapportons l’observation d’un homme de 65 ans, ayant présenté des pneumopathies d’inhalation sur anneau gastrique dont l’originalité réside dans leur présentation clinique sous la forme d’une fièvre intermittente isolée, responsable d’un retard diagnostique. Les complications respiratoires de la gastroplastie, qu’elles soient précoces ou tardives, sont bien connues. L’ablation ou le desserrement de l’anneau doit être envisagé rapidement devant une telle présentation clinique pour éviter la survenue de complications respiratoires plus sévères. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary We report a 65-year-old male, suffering from aspiration pneumonia after gastric banding revealed by intermittent fever inducing a delayed diagnosis. Several early and later pulmonary complications following laparoscopic gastric banding have been reported. Removal or deflation of the band should be considered in unexplained persistent fever to avoid more severe complications such as respiratory distress. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Avec une augmentation moyenne relative de 5,7 % par an, l’obésité est un problème de santé publique. Sa prévalence dans la population adulte franc ¸aise est estimée à 13,1 % [1]. La chirurgie bariatrique fait partie des traitements de l’obésité massive (indice de masse corporelle supérieur à 40 kg/m2 ), puisque son rapport bénéfice/risque sur la morbimortalité a été clairement établi sur deux importantes cohortes [2]. Les complications



Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (J. Gonzva), jb [email protected] (J.-B. Roseau).

0761-8417/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pneumo.2011.11.002

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J. Gonzva et al.

respiratoires de cette technique peuvent être précoces (embolie pulmonaire, atélectasie et détresse respiratoire aiguë), ou plus rarement tardives (toux chronique, pneumopathie d’inhalation, pneumopathie sur migration du matériel) [3]. Nous rapportons l’observation d’un patient ayant présenté des pneumopathies d’inhalation sur anneau gastrique dont une des originalités réside dans le mode de présentation sous la forme d’épisodes fébriles itératifs.

Observation Un homme de 65 ans se présente aux urgences, pour un syndrome fébrile, en août 2009. Ses principaux antécédents comportent une obésité massive (indice de masse corporelle : 46 kg/m2 ) ayant nécessité la mise en place d’un anneau gastrique en février 2008, un adénocarcinome colique opéré en 1992, une polypose nasosinusienne et un diabète de type 2. Depuis le mois de juin 2008, il a présenté sept épisodes fébriles, résolutifs sous paracétamol en 48 à 72 heures, dont quatre sont survenus entre avril et mai 2009. Les explorations, réalisées au cours d’une hospitalisation dans un service d’infectiologie, à la recherche d’une cause infectieuse, néoplasique ou auto-immune, n’ont pas permis d’établir de diagnostic étiologique précis. Le scanner thoracique montrait alors un infiltrat apico-dorsal droit atypique (Fig. 1). L’interrogatoire retrouve une symptomatologie de pyrosis et de dysphagie qui s’est progressivement aggravée depuis plusieurs mois, ainsi qu’une toux grasse apparue depuis le début du mois. À l’examen, le patient présente une fièvre à 39 ◦ C et une toux avec expectoration purulente. La saturation est à 92 % en air ambiant. L’auscultation trouve, au niveau du poumon gauche, un foyer de râles crépitants. La radiographie thoracique met en évidence un syndrome alvéolaire situé au niveau de la base pulmonaire gauche (Fig. 2). La tomodensitométrie thoracique objective de nombreux petits foyers alvéolaires diffuse pulmonaires gauches, sans dilatation de l’œsophage. Le diagnostic de pneumopathie aiguë communautaire gauche est retenu, et le patient rec ¸oit une antibiothérapie par amoxicilline-acide clavulanique (3 g par jour par voie orale).

Figure 2.

Syndrome alvéolaire en base gauche.

Figure 3.

Syndrome alvéolaire de l’hémi-champ inférieur droit.

Huit jours après, il consulte à nouveau pour la récidive des mêmes symptômes. Il existe alors une fièvre à 39 ◦ C ; la saturation en air ambiant est normale ainsi que l’auscultation pulmonaire. Sur le plan biologique, il persiste un syndrome inflammatoire avec une protéine C-réactive à 40 mg/L. La radiographie thoracique met en évidence un foyer alvéolaire situé dans l’hémi-champ pulmonaire droit (Fig. 3). Le diagnostic de pneumopathie d’inhalation récidivante est alors retenu. L’évolution est favorable sous bi-antibiothérapie (ceftriaxone et lévofloxacine), suivie secondairement d’une ablation chirurgicale de l’anneau gastrique qui était en position péri-œsophagienne alors que la position habituelle est péri-gastrique. Depuis l’ablation de l’anneau, le patient n’a plus présenté de symptômes respiratoires.

Discussion

Figure 1.

Infiltrat apico-dorsal droit.

Huit cas de complications respiratoires tardives après chirurgie bariatrique ont été publiés. Il s’agit de trois cas de toux chroniques [4,5], quatre cas de pneumopathie d’inhalation [3,6—8], et un cas de pneumopathie sur migration du cathéter d’ajustement de l’anneau gastrique [3].

— NP 4

Conclusion

Non

Les pneumopathies d’inhalation sont des complications tardives, connues après la mise en place d’un anneau gastrique. Il faut savoir évoquer ce diagnostic chez tout patient porteur d’un tel dispositif, présentant une fièvre isolée intermittente. La méconnaissance d’un tel diagnostic expose le sujet au risque d’inhalation massive avec insuffisance respiratoire aiguë. Il conviendra, par la suite, de discuter le retrait de l’anneau ou, du moins, son desserrage, au risque d’une reprise de poids, afin de faire disparaître la symptomatologie.

X X

X X X

X

Cas no 6 Cas no 7 Cas no 8

Notre cas

NP : non-pratiquée ; RGO : reflux gastro-œsophagien.

24 36 14 Oui Non Oui Oui Oui Non

Leurs principales caractéristiques sont résumées dans le Tableau 1. Le reflux gastro-œsophagien (RGO) semble être le principal facteur physiopathologique responsable de ces complications. Un dysfonctionnement œsophagien (altération du péristaltisme, trouble de la relaxation du sphincter du bas œsophage) et/ou une dilatation de l’œsophage sont responsables de la survenue du RGO [4]. La dilatation de l’œsophage est retrouvée dans six des huit cas décrits de complications respiratoires de la mise en place d’anneau gastrique. Il est intéressant de noter que, dans la majorité des cas (six cas sur huit), contrairement à notre observation, les patients ne présentent pas de pyrosis ou de symptômes de RGO. Dans notre observation, l’anneau était en position péri-œsophagienne, et non pas péri-gastrique (quelques centimètres sous la jonction œso-gastrique) comme cela est recommandé. Cette mauvaise position explique le délai très court d’apparition des complications respiratoires (quatre mois, contre 24 en moyenne dans les cas déjà publiés). Elle rend compte également de l’absence de dilatation de l’œsophage puisque l’anneau gastrique a été retiré précocement. Les épisodes fébriles isolés, résolutifs sous paracétamol, présentés par le patient correspondent probablement à des micro-inhalations contrôlées par les défenses immunitaires locales bronchopulmonaires, expliquant leur évolution favorable sans antibiothérapie.

Oui

[3] [3] [7]

[4] [4] [5] [8] [6]

Achalasie NP NP NP RGO et achalasie NP NP NP 25 29 8 36 20 Oui Oui Non Oui Oui X X X

Non Non Non Non Non

259

no 1 no 2 no 3 no 4 no 5 Cas Cas Cas Cas Cas

Délais d’apparition (mois) Dilatation œsophagienne Symptômes de RGO Toux chronique Pneumopathie Observations

Tableau 1

Principales caractéristiques des cas rapportés de complications respiratoires tardives de gastroplasties.

pH-métrie manométrie

Références

Fièvre au long cours et anneau gastrique

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Charles MA, Eschwège E, Badevant A. Monitoring the obesity epidemic in France: the Obepi surveys 1997—2006. Obesity 2008;16:2182—6. [2] Sclienger JL, Luca F, Pradignac A. Quoi de neuf dans la prise en charge de l’obésité ? Rev Med Interne 2010;31: 185—7. [3] Alamoudi S. Long-term pulmonary complications after laparoscopic adjustable gastric banding. Obes Surg 2006;16: 1685—8. [4] Gentil B, Etienne-Mastroïani B, Cordier JF. Toux chronique après gastroplastie par anneau modulable. Rev Mal Respir 2003;20:451—4.

260 [5] Nemni J. Severe chronic cough after Lap-Band gastric surgery. Can Respir J 2007;14:171—2. [6] Beduneau G, Dominique S, Broussier PM, Nouvet G, Thiberville L. Pneumopathie d’inhalation récidivante après pose d’un anneau gastrique pour obésité. Rev Mal Respir 2005;22: 330—2.

J. Gonzva et al. [7] Hofer M, Stöllberger C, Finsterer J, Kriwanek S. Recurrent aspiration pneumonia after laparoscopic adjustable gastric banding. Obes Surg 2007;17:565—7. [8] Gentil B, Brunet-Crova J, Bessonnat JF. Pneumopathie chronique secondaire à une dilatation de l’œsophage après gastroplastie modulable. Rev Mal Respir 2004;21:19.