Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux

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MEDPAL-582; No. of Pages 9

Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2016) xxx, xxx—xxx

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ÉTUDE ORIGINALE

Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux End-of-life care of children and adolescents with multiple disabilities in social medical institutions Marion Falconnet a,∗, Clémence Bouffay b,c, Catherine Brisse d,e, Isabelle Desguerre f,g, Florence Étourneau h, Martine Gabolde i, Régis Aubry j,k,l,m a

Marion Falconnet

Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, 35, rue du Plateau, 75019 Paris, France b Équipe ressource régionale de soins palliatifs pédiatriques de Rhône-Alpes (Esppéra), 1, place Joseph-Renaut, 69373 Lyon cedex 08, France c Institut d’hématologie et d’oncologie pédiatrique, 1, place Joseph-Renaut, 69373 Lyon cedex 08, France d Hôpital Trousseau la Roche-Guyon, 1, rue de l’Hôpital, 95780 la Roche-Guyon, France e Cesap, 62, rue de la Glacière, 75013 Paris, France f Service de neuropédiatrie, hôpital Necker—Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France g Université Paris Descartes, 12, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France h Équipe ressource régionale de soins palliatifs pédiatriques du Centre-Val-de-Loire (Pallience), CHRU Clocheville, 49, boulevard Béranger, 37044 Tours cedex 9, France i Équipe ressource de soins palliatifs pédiatriques d’Île-de-France, Paliped, 3, rue de Metz, 75010 Paris, France j Observatoire national de la fin de vie, 35, rue du Plateau, 75019 Paris, France k Axe « éthique et progrès médical », CIC 1431 neurosciences intégratives et cliniques, Inserm, 2, place Saint-Jacques, 25000 Besanc¸on, France l EA 481, université Bourgogne-Franche-Comté, 2, place Saint-Jacques, 25000 Besanc¸on, France m Département douleur-soins palliatifs-gériatrie, CHRU de Besanc¸on, 2, boulevard Fleming, 25030 Besanc¸on, France Rec ¸u le 1er juin 2016 ; rec ¸u sous la forme révisée le 20 juin 2016 ; accepté le 31 aoˆ ut 2016



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Falconnet).

http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2016.09.003 1636-6522/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Pour citer cet article : Falconnet M, et al. Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2016.09.003

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M. Falconnet et al.

MOTS CLÉS Accompagnement ; Soins palliatifs pédiatriques ; Polyhandicap ; Établissement médicosocial

KEYWORDS Support; Pediatric palliative care; Polyhandicap; Medico-social institution

Résumé Objectifs. — Identifier les pratiques d’accompagnement de fin de vie au sein des établissements médicosociaux accueillant des enfants et adolescents polyhandicapés, connaître les ressources dont disposent les professionnels de ces établissements et celles qu’ils sollicitent, présenter les problématiques rencontrées par ces professionnels sur le terrain. Méthodes. — Enquête nationale multicentrique et rétrospective de pratiques, réalisée en 2015 auprès de 258 établissements disposant de places agréées polyhandicap. Résultats. — Cent huit établissements ont répondu à l’enquête (taux de réponse : 42 %). L’accompagnement de fin de vie est absent des projets d’établissements pour 74 % d’entre eux. Sur l’ensemble des enfants et adolescents accueillis, 21 % (508 enfants sur 2415) étaient atteints d’une maladie évolutive à un stade avancé ou dans un état de grande fragilité somatique, 8 % étaient en fin de vie. La moitié des établissements ne disposait d’aucun professionnel formé aux soins palliatifs et à l’accompagnement de fin de vie, 43 % déclaraient qu’il existe un besoin de formation. Au cours des 2 dernières années : 55 % ont eu recours à une équipe mobile de soins palliatifs et 31 % à une équipe ressource régionale en soins palliatifs pédiatriques, 92 décès ont étés recensés, 21 enfants ont fait l’objet d’une décision d’arrêt ou de limitation de traitements. Conclusion. — La fin de vie est une réalité dans ces établissements ; pourtant les professionnels sont peu formés et peu préparés à ce type d’accompagnement. L’appel aux ressources en soins palliatifs doit être encouragé et un appui institutionnel devrait être engagé pour soutenir les professionnels confrontés à ces situations difficiles. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Summary Objectives. — To identify end-of-life care given to children and adolescents with multiple disabilities in social medical institutions, to show the resources that are available in palliative care and those still requested by their staff, to expose the main issues encountered by professionals. Methods. — Multicentric and retrospective study conducted in 2015 in France among 258 social medical institutions authorized to host children and adolescents with multiple disabilities. Results. — One hundred and eight institutions responded to the survey (response rate: 42 %). As for 74 % of them, there is no mention of end-of-life care in the building institution project. To every children and adolescents supported in these institutions, 21 % (n = 508) had advanced progressive, non-curable illness and somatic fragility, 8 % were at the end of their life. In half of those institutions, there were no professionals trained in palliative care; 43 % stated that their staff should be more trained. Over the last couple of years, 55 % requested the help of a mobile palliative care team, and 31 % turned to their local resource team in pediatric palliative care. Ninety-two deaths have been listed and 21 children were subjected to limiting life-sustaining treatment decisions. Conclusion. — The end-of-life is a reality in the surveyed institutions. However, professionals are poorly trained. They are not prepared enough to assist children in the end-of-life. Support team should be systematically applied and institutions must support professionals to overcome these delicate situations. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction

Définition du polyhandicap

Nous ne disposons que de très peu d’informations factuelles et précises sur l’accompagnement de fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissement, alors même que leur dépendance et leur vulnérabilité rendent ces situations particulièrement complexes.

Parmi la pluralité de définitions du polyhandicap existant à ce jour, l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV) a choisi pour cette étude de retenir la définition donnée en 2002, par le Groupe Polyhandicap France : « le polyhandicap est une situation de vie spécifique d’une personne

Pour citer cet article : Falconnet M, et al. Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2016.09.003

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Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés présentant un dysfonctionnement cérébral, précoce ou survenu en cours de développement, ayant pour conséquence de graves perturbations à expressions multiples et évolutives de l’efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construction des relations avec l’environnement physique et humain. Il s’agit là d’une situation évolutive d’extrême vulnérabilité physique, psychique et sociale au cours de laquelle certaines de ces personnes peuvent présenter de manière transitoire ou durable des signes de la série autistique. La situation complexe de la personne polyhandicapée nécessite, pour son éducation et la mise en œuvre de son projet de vie, le recours à des techniques spécialisées pour le suivi médical, l’apprentissage des moyens de relation et de communication, le développement des capacités d’éveil sensori-moteur et intellectuelles, l’ensemble concourant à l’exercice d’autonomies optimales » [1]. Les données disponibles en France permettent d’évaluer la prévalence du polyhandicap entre 0,7 et 1,28 %, soit 880 nouveaux cas d’enfants polyhandicapés par an. En 2012 en France, le nombre d’enfants et d’adolescents polyhandicapés âgés de 0 à 20 ans était évalué à 19 600 [2].

Présentation des structures sollicitées Cette étude porte sur trois types d’établissements médicosociaux : les établissements pour enfants et adolescents en situation de polyhandicap, les instituts médicoéducatifs et les instituts d’éducation motrice. Ces établissements accueillent des enfants et adolescents handicapés atteints de déficience intellectuelle quel que soit le degré de leur déficience. Ils assurent une prise en charge éducative, pédagogique et thérapeutique adaptée à l’ensemble des besoins de chaque jeune et proposent un accueil en externat, internat de semaine ou internat complet.

Contextualisation En 2010, il existait, au total, 8872 places agrées « polyhandicap » en structures et services médicosociaux pour enfants et adolescents handicapés (hors centre médicopsychopédagogique et centre d’action médicosociale précoce). La majorité des enfants et adolescents polyhandicapés sont accueillis dans les établissements pour enfants et adolescents en situation de polyhandicap qui représentent 196 établissements soit 57,5 % des places agréées polyhandicap. Les instituts médicoéducatifs, sur 1211 établissements offrent 22 % des places et les instituts d’éducation motrice 7 % pour 134 établissements. En 2010, sur les 5570 enfants et adolescents accueillis en établissements pour enfants et adolescents en situation de polyhandicap, 13 % sont décédés, soit 724 jeunes polyhandicapés [3].

Spécificités de la démarche palliative auprès des personnes polyhandicapées La prise en charge de l’enfant polyhandicapé est d’emblée palliative, dans la mesure où il n’existe pas de traitement curatif du dysfonctionnement cérébral. En effet, la définition de 2002 proposée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et adoptée en 2006 par le groupe de travail européen International Meeting for Palliative Care in Children, Trento (IMPAaCT) précise que « les soins palliatifs pour

3 les enfants sont les soins actifs et entiers du corps et de l’esprit de l’enfant (. . .) » [4]. Cela commence lorsque la maladie est diagnostiquée et continue sans tenir compte du fait que l’enfant suive ou non des traitements pour sa maladie. Il s’agit dans cette démarche d’évaluer et de soulager la souffrance physique, psychologique et sociale d’un enfant. Les soins palliatifs efficaces nécessitent une approche multidisciplinaire incluant la famille. Les enfants polyhandicapés relèvent par ailleurs des groupes d’enfants requérant des soins palliatifs pédiatriques, dans la classification issue d’un travail réalisé en 1997 au Royaume-Uni par l’Association for Children’s Palliative Care (ACT) et le Royal College of Paediatrics and Child Health (RCPCH) notamment les groupes 3 (enfants présentant des conditions progressives sans espoir de guérison. Les traitements offerts à ces enfants sont uniquement palliatifs et peuvent s’étendre sur des années) et 4 (enfants présentant des problèmes neurologiques graves accentuant leur vulnérabilité et accroissant les risques de complications pouvant amener une détérioration non prévisible, mais considérée comme non progressive, de leur état). Ce sont les complications consécutives au dysfonctionnement cérébral, assez stéréotypées et atteignant de nombreux organes (atteintes digestives, respiratoires, orthopédiques, etc.), qui, dans la majorité des cas, entraînent le décès prématuré [5]. Les problématiques médicales multiples rendent nécessaire une prise en charge, qui, pour palliative qu’elle soit, n’en est pas moins intensive ; des mesures de suppléance de certaines fonctions vitales (assistance nutritionnelle notamment) sont ainsi nécessaires au long cours. Les complications intercurrentes ou décompensations de la pathologie sousjacente relèvent elles-aussi de soins spécifiques. La démarche palliative dont relèvent ces enfants, vise à développer et/ou maintenir une qualité de vie qui passe d’abord par la prise en compte et le soulagement de la douleur mais aussi par la mise en œuvre de projets destinés à développer son autonomie dans toutes ses dimensions (physique, psychique, cognitive, communicationnelle, relationnelle, etc.). L’une des spécificités de la démarche palliative auprès de ces enfants polyhandicapés est la difficulté à repérer à quel moment l’enfant est en fin de vie : nombre de décompensations aiguës ne sont que transitoires, mais la question de l’obstination déraisonnable peut se poser, notamment en raison de la méconnaissance fréquente du polyhandicap par les professionnels (médicaux et paramédicaux, notamment). Il est donc souvent complexe de repérer le moment où l’enfant est en fin de vie.

Objectifs et problématiques Cette étude vise à dresser un premier état des lieux des situations de fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés. Où décèdent les enfants et les adolescents atteints de polyhandicap ? Quels sont le rôle et l’implication des professionnels des instituts médicoéducatifs, d’éducation motrice, et établissements pour enfants et adolescents en situation de polyhandicap dans ce moment particulier auprès de l’enfant et de sa famille ? Quelles difficultés rencontrent-ils face à ces situations ? Quels sont leurs leviers pour accompagner au mieux les enfants concernés ?

Pour citer cet article : Falconnet M, et al. Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2016.09.003

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C’est dans la perspective d’explorer ces différents points que les objectifs de l’étude conduite en 2015 auprès des établissements médicosociaux accueillant des enfants et des adolescents en situation de polyhandicap ont été fixés : identifier les pratiques d’accompagnement de fin de vie d’enfants et d’adolescents au sein des établissements (instituts médicoéducatifs, instituts d’éducation motrice, établissements pour enfants et adolescents en situation de polyhandicap) ; mieux connaître les ressources internes et externes dont disposent les professionnels de ces établissements et/ou celles auxquelles ils font appel pour accompagner au mieux les situations de fin de vie ; mettre en avant les problématiques rencontrées par l’ensemble des intervenants sur le terrain.

ressources des établissements pour accompagner la fin de la vie, formation et soutien aux soignants, ressenti des équipes concernant l’accompagnement de fin de vie : capacités ou non à assurer de tels accompagnements, mission des établissements, autoévaluation de la qualité d’accompagnement) ; • focus sur les cinq derniers enfants et adolescents suivis par les établissements et décédés au cours des deux dernières années (caractéristiques sociales, mode et durée d’accompagnement, traitements et décisions de fin de vie, prise en charge sociale et psychosociale de l’enfant et de ses proches).

Définition

Méthode Conception de l’enquête et du questionnaire L’étude a été réalisée en partenariat avec le Groupe Polyhandicap France1 . Un groupe de travail a été organisé afin de coconstruire le questionnaire et de contribuer à l’analyse des résultats. Celui-ci, constitué de 13 membres, a été mis en place de manière à rassembler une pluralité de professionnels (kinésithérapeute, éducateur de jeunes enfants, médecin, psychologue, infirmière, aide médicopsychologique, neuropédiatre) intervenant au sein des différentes structures médicosociales accueillant des enfants et adolescents polyhandicapés au niveau national (établissements pour enfants et adolescents en situation de polyhandicap, instituts médicoéducatifs, instituts d’éducation motrice, service d’éducation spécialisée et de soins à domicile), mais également des professionnels du secteur sanitaire. Une phase test a été réalisée auprès de quatre structures afin de s’assurer de la bonne compréhension des questions et de procéder à des ajustements. Un guide d’aide au remplissage a été constitué afin de garantir une meilleure compréhension de chacune des questions grâce à des exemples, des explications plus détaillées et/ou des définitions spécifiques, de manière à garantir l’homogénéité des conditions de réalisation de l’étude au sein des établissements. Le questionnaire finalisé comportait 73 items (dont 20 sous-questions) répartis autours de quatre volets distincts : • données d’activité concernant les établissements ; • prévalence des situations de fin de vie ; • intégration de la démarche palliative au sein des établissements (éventuelle orientation de l’enfant/adolescent vers un autre lieu de prise en charge, soutien et organisation de l’accueil et de l’accompagnement des familles, 1 Créé en 1996, Le Groupe Polyhandicap France rassemble des parents, des professionnels et des associations, gestionnaires ou non d’établissements. Il a pour mission de développer toutes questions spécifiques au polyhandicap, d’apporter soutien, assistance et aide technique à toute association, professionnel ou parents et de soutenir la représentation de ses adhérents auprès des instances publiques ou privées en concertation avec les partenaires constitués.

En l’absence de définition consensuelle de « la fin de vie », on recourt à des « marqueurs » permettant de repérer ces situations de fin de vie. Pour les besoins de cette étude, l’ONFV s’est appuyé sur une définition conc ¸ue par une équipe de gériatres de New York, et validée par un consensus formalisé d’experts aux États-Unis [6], et l’a adaptée aux spécificités du polyhandicap. La définition initiale considère « en fin de vie » les patients à la fois atteints d’une maladie grave en phase avancée ou terminale et pour lesquels il serait possible de dire : « je ne serais pas surpris si le patient décédait au cours des 12 prochains mois ». Le premier critère de la maladie grave en phase avancée ou terminale se prêtant difficilement au contexte du polyhandicap, davantage envisagé en termes de vulnérabilité et de dépendance qu’en termes de maladie, seul le second critère a été retenu par l’ONFV pour cette étude. Il a été ramené à une durée de 6 mois et non de 12. L’objectif de cette définition n’était pas de poser un diagnostic précis mais d’évaluer la probabilité que les patients concernés soient dans leurs derniers mois de vie.

Recueil des données L’enquête a été diffusée par mail du 27 mai au 31 août 2015, sous forme de questionnaire auto-administré, accessible en ligne, sécurisé et anonyme auprès de l’ensemble des établissements disposant de places agréées pour l’accueil d’enfants et d’adolescents en situation de polyhandicap, soit 260 au total. À ce jour, il n’existe aucun recensement complet des structures médicosociales accueillant des enfants et adolescents polyhandicapés. L’échantillon de structures sollicitées pour cette enquête est issu d’une liste fourni par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) à partir d’une extraction du Fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess) effectuée en mai 2015. Cette liste a été traitée pour ne conserver que les structures accueillant des enfants et/ou adolescents atteints de polyhandicap. Aucune donnée individuelle portant sur les patients ou sur les professionnels et permettant leur identification n’a été collectée. Cette étude a été certifiée par une autorisation à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) délivrée sous le numéro de déclaration 1841631.

Pour citer cet article : Falconnet M, et al. Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2016.09.003

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Analyses statistiques et expertise complémentaire

Prévalence des situations de fin de vie en établissements médicosociaux

Les données descriptives sont présentées sous forme d’effectifs et de pourcentages. La significativité des écarts observés entre les différentes catégories a été évaluée grâce aux tests du Chi2 et de Fisher. Les résultats sont considérés comme significatifs si p < 0,05. Seuls les questionnaires pour lesquels la qualité de réponse était suffisante ont été analysés. Un comité d’experts composé de spécialistes du secteur pédiatrique s’est réuni deux fois au sein de l’Observatoire afin d’apporter un éclairage qualitatif sur les données issues des différentes enquêtes menées par l’ONFV. Comme pour l’ensemble des travaux menés par l’ONFV les résultats font également l’objet d’un rapport d’étude détaillé qui reprend l’ensemble des données et croisements statistiques issus de l’enquête, des éléments de bibliographie et des éclairages d’experts [7].

Sur l’ensemble des enfants et adolescents polyhandicapés accueillis au moment de l’étude par les structures répondantes, 21 % (n = 508) étaient atteints d’une maladie évolutive à un stade avancé ou étaient dans un état de grande fragilité somatique (épisodes respiratoires fréquents, dénutrition, épilepsie non stabilisée, etc.) et 9 % (n = 192) étaient en fin de vie. Ils représentaient près d’un tiers (700 sur 2415) des enfants et adolescents polyhandicapés pris en charge dans ces établissements. Près de trois quarts des établissements pour enfants et adolescents en situation de polyhandicap, et presque la moitié des instituts d’éducation motrice et des instituts médicoéducatifs participants accueillaient, au moment de l’enquête, au moins un enfant ou un adolescent polyhandicapé en fin de vie.

Nombre de décès en 2013 et 2014

Résultats Sur un total de 260 établissements recensés (sous réserve de doublons possibles), 108 ont participé à l’étude. Le taux de réponse à l’échelle nationale est donc de 42 %. Comparativement au nombre d’établissements sollicités par type, les établissements pour enfants et adolescents en situation de polyhandicap se sont peu mobilisés. En revanche, la quasi-totalité des instituts d’éducation motrice et médicoéducatifs sollicités ont répondu à l’enquête.

Données d’activité concernant les établissements Plus de la moitié des établissements (n = 91) accueillent des enfants et des adolescents en situation de polyhandicap en externat et près du tiers (n = 40), en internat complet. Au moment de l’enquête, près de 3964 enfants et adolescents (toutes pathologies confondues) étaient accueillis dans les établissements répondants. Parmi eux, 2415 étaient atteints de polyhandicap, soit 61 % du public total de ces établissements. En moyenne, 22 enfants/adolescents en situation de polyhandicap étaient accueillis dans ces établissements.

Faible présence médicale au sein des établissements L’encadrement médicalisé au sein des établissements est limité : en moyenne 1 équivalent temps plein (ETP) médecin (minimum : 9, maximum : 2250) pour 91 places, 1 ETP infirmière ou puéricultrice (minimum : 3, maximum : 59) pour 20 places ou encore 1 ETP aide-soignante ou auxiliaire de puériculture (minimum : 0,5/maximum : 32) pour dix places. Pour les répondants proposant un accueil en internat complet ou de semaine, plus de la moitié des établissements (38 sur 69) ne dispose pas de la présence d’une infirmière de nuit.

En 2013 et 2014, sur l’ensemble des établissements répondants (108), 112 décès d’enfants ou d’adolescents polyhandicapés ont été recensés (tous lieux de décès confondus). Sur les 108 établissements répondants, 57 ont connu au moins un décès sur la période 2013—2014 (53 %). Pour ces établissements, la moyenne de décès survenus au cours de ces deux années (tous lieux de décès confondus) est de deux. Les établissements pour enfants et adolescents en situation de polyhandicap ont connu le plus de décès sur les deux années, avec 38 décès recensés en 2013 et 34 décès recensés en 2014, soit près de 1,5 décès en moyenne par structure. En moyenne sur ces deux années, les établissements pour enfants et adolescents en situation de polyhandicap ont connu 1,5 décès (maximum : 7), les instituts d’éducation motrice 0,4 (maximum : 1) et les instituts médicoéducatifs 0,7 (maximum : 4).

Intégration de la démarche palliative au sein des établissements médicosociaux Pour près de trois structures sur quatre (80 sur 108) l’accompagnement de fin de vie n’est pas inscrit dans leur projet d’établissement. Seuls 13 établissements (12 %) déclarent avoir mis en place un protocole formalisé pour accompagner la fin de vie d’un enfant ou d’un adolescent accueilli.

Réorientation de l’enfant ou adolescent vers les établissements de santé Près de huit établissements sur dix ayant été confrontés à une situation de fin de vie (52 sur 67) déclarent avoir déjà réorienté vers un établissement de santé ou vers son domicile un enfant ou un adolescent polyhandicapé en fin de vie. L’accompagnement devenu trop lourd pour l’établissement est la principale raison de réorientation évoquée par 87 % des professionnels (Fig. 1).

Pour citer cet article : Falconnet M, et al. Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2016.09.003

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Accompagnement devenu trop lourd pour l'établissement

87%

Souhait de la famille

35%

Autre raison

27%

Locaux non adaptés

25%

Manque de personnel

Épuisement des familles

12%

8%

Assurer le soutien psychologique de l'équipe

Relations et communication avec l’entourage Les professionnels des établissements médicosociaux répondent communiquer systématiquement avec l’entourage sur l’évolution de la maladie pour 75 % (n = 81) des équipes et sur les décisions de transfert/hospitalisation pour 44 % d’entre elles (n = 48). En revanche, les questions portant sur les décisions de fin de vie, la mort ou les questions concernant l’après-décès sont beaucoup moins souvent abordées par les professionnels. Ainsi, l’aprèsdécès n’est jamais évoqué avec l’entourage pour 41 % (n = 44) des équipes.

Existence de partenariats Plus de huit établissements sur dix (89 sur 108) n’ont pas signé de convention avec une structure d’hospitalisation à domicile. Plus de la moitié des établissements (60 %) déclare avoir mis en place un partenariat avec un service hospitalier spécialisé. Plus de quatre établissements sur cinq (n = 88) ont mis en place un document de liaison destiné au SAMU et/ou au service des urgences décrivant principalement l’état neuro-orthopédique et d’autonomie de l’enfant, ses outils de communications. Parmi eux, 40 % (35 sur 88) déclarent que les souhaits de l’enfant, de l’adolescent ou de leurs parents concernant la réanimation n’y sont pas indiqués.

Ressources et soutien des professionnels pour accompagner la fin de vie Plus de la moitié des établissements ont mis en place des démarches de soutien (supervision, groupe de parole, analyse de pratique) à destination des professionnels lors d’un accompagnement de fin de vie (62 sur 108) lors d’un décès (n = 73), ou lors de la période après le décès (n = 60). Un peu plus d’un établissement sur deux (n = 59) a déjà établi des liens avec une équipe mobile de soins palliatifs. Près du tiers des établissements (n = 34) a déjà fait intervenir une équipe ressource régionale de soins palliatifs

53% 41%

Soulagement de la douleur

Assurer le suivi des proches

27% 35%

Aider l'équipe à prendre une décision complexe en fin de vie Préparer un retour à domicile Préparer un transfert en unité de soins palliatifs

Figure 1. Motifs de réorientation des enfants ou adolescents polyhandicapés en fin de vie accompagnés par les établissements médicosociaux (n = 52). Reasons for reorientation of children and adolescents with multiple disabilities in social medical institutions at the end-of-life (n = 52).

58% 65%

27% 26% 7% 12% 2% 6%

Figure 2. Motifs d’intervention des équipes mobiles de soins palliatifs et des équipes ressource régionales de soins palliatifs pédiatriques auprès des établissements au cours des deux dernières années. : équipes mobiles de soins palliatifs ; : équipes ressource régionales de soins palliatifs pédiatriques. Local paediatric palliative care and mobile palliative care teams interventions in social medical institutions over the past two years.

pédiatriques en 2014 et 2015. Le soutien psychologique est le premier motif d’intervention de ces équipes de soins palliatifs auprès de ces professionnels (Fig. 2).

Formation et besoins de formations Près d’un établissement sur deux (50 sur 108) dispose d’au moins un professionnel formé à l’accompagnement de fin de vie ou aux soins palliatifs et 66 % (n = 71) des établissements déclarent avoir au moins un professionnel sensibilisé à ces questions. Parmi les établissements au sein desquels aucun professionnel n’a été formé dans ce domaine, 43 % (23 sur 53) ont identifié un besoin de formation.

Ressenti des professionnels concernant l’accompagnement de fin de vie Près de la moitié des établissements interrogés (49 sur 108) a indiqué ne pas se sentir en capacité d’assurer des accompagnements de fin de vie. À noter que 33 % des établissements (19 sur 43) ayant connu au moins un décès au cours des deux dernières années déclarent se sentir en capacité d’assurer des accompagnements de fin de vie contre 14 % (7 sur 32) pour les structures qui n’ont pas connu de décès sur cette période.

Parcours des 92 enfants et adolescents décédés en 2013 et 2014 La majorité des enfants polyhandicapés décédés avaient au moins 10 ans (67 sur 92). Parmi eux, 13 % étaient concernés

Pour citer cet article : Falconnet M, et al. Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2016.09.003

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Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés par l’amendement Creton2 (n = 12). Près d’un adolescent sur deux âgé de plus de 10 ans (45 sur 67) était accompagné par l’établissement depuis au moins 5 ans. Près d’un enfant ou adolescent polyhandicapé sur deux était suivi en externat (45 sur 92), l’autre moitié était accueillie en internat soit complet (n = 31), soit de semaine (n = 16). Plus de la moitié des décès ont eu lieu hors de l’établissement médicosocial, dans un établissement de santé (n = 55).

Traitements et décisions de fin de vie au cours des deux dernières semaines de vie Pour 57 des 92 enfants et adolescents décédés, les établissements médicosociaux les ayant suivis n’ont pas pu indiquer les traitements administrés et décisions de fin de vie prises durant les deux dernières semaines de vie et cela quel que soit leur lieu de décès. En ce qui concerne les 35 enfants ou adolescents polyhandicapés décédés pour lesquels les répondants ont pu renseigner les décisions de fin de vie, plus de la moitié d’entre eux (n = 21) ont été concernés par une décision de limitation ou d’arrêt de traitements. On observe une absence de réunion collégiale pour 43 % des enfants concernés par une décision de limitation ou d’arrêt de traitements (n = 9/21).

Discussion Apports de l’étude et synthèse des principaux résultats La fin de vie des enfants et adolescents polyhandicapés en établissement médicosocial est bien une réalité. Au regard de la fréquence de ces situations et de la lourdeur de la prise en charge médicale que nécessitent ces enfants polyhandicapés en fin de vie [2] : la fréquence des temps partiels médicaux et l’absence des infirmiers de nuit témoignent de la faible médicalisation de ces établissements. Faiblement médicalisés, ces établissements médicosociaux spécialisés sont en contact régulier avec des établissements de santé, les partenariats formels et informels avec les services spécialisés sont nombreux. Toutefois, la fin de vie est très peu inscrite dans les projets d’établissements et les ressources en interne susceptibles d’accompagner et de soutenir les professionnels, encore inégalement développées. Les équipes exerc ¸ant dans ces établissements sont essentiellement composées de professionnels à dominante éducative et rééducative, dont la visée n’est pas en premier lieu soignante : il s’agit pour ces professionnels d’éveiller les enfants, de soutenir leur développement. L’établissement est vécu avant tout comme un lieu d’éducation (et non comme un lieu de soin). Au moment de la fin de leur vie, la plupart des enfants et adolescents pourtant suivis depuis plusieurs années par une équipe, sortent de l’établissement et décèdent 2 Disposition législative permettant le maintien temporaire de jeunes adultes de plus de 20 ans en établissements pour enfants et adolescents dans l’attente d’une place dans un établissement pour adultes (article 22 de la Loi no 89-18 du 13 janvier 1989).

7 majoritairement à l’hôpital. En effet, pour certains jeunes particulièrement fragiles le niveau de soins requis de fac ¸on prolongée ne peut pas être prodigué en établissement médicosocial, et cela même avec le soutien de services spécialisés. La fréquence du transfert de l’enfant ou adolescent en fin de vie vers le milieu sanitaire peut s’expliquer par la nécessité de recourir à des traitements symptomatiques nécessitant tout à la fois un niveau de technicité et une fréquence de réévaluation incompatibles avec les caractéristiques de ce type d’établissements. Pourtant, la rupture et le stress provoqués chez l’enfant (et sa famille) par son transfert en établissement sanitaire, peuvent être extrêmement préjudiciables pour lui (perte de repères affectifs, temporels, spatiaux, environnementaux, avec des répercussions sur ses capacités d’adaptation). Le manque de connaissance du handicap et de son approche (moyens d’expression et de communication, en l’absence de langage articulé, modes de fonctionnement des structures d’accueil.) par le personnel soignant des établissements de santé, pointé par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2009 et des travaux menés auprès des familles relatent les difficultés que celles-ci peuvent rencontrer lors de l’hospitalisation de leur enfant [8—10]. Ce transfert vers un établissement sanitaire peut aussi être pensé comme la mise en œuvre d’un relais vers les établissements les plus à même de prodiguer les soins nécessaires à l’enfant (notamment avec les services de soins de suite et de réadaptation spécialisés polyhandicap dans les situations complexes prolongées). À cet égard, la circulaire permettant depuis mars 2013 l’intervention des services d’hospitalisation à domicile dans les établissements médicosociaux [11] devrait favoriser le développement de partenariats encore marginaux, qui constituent un mode d’articulation souple adapté à la singularité de chacun et de son environnement ou d’intégration des secteurs médicosocial et sanitaire. Les enfants sont pris en charge sur une durée de plusieurs années dans ces établissements, ce qui favorise les liens d’attachement entre les personnels éducatifs et les enfants : accompagner un enfant dans sa fin de vie peut générer de la souffrance, voire faire violence à ces professionnels qui, s’ils ne sont pas aidés dans cette mise en mots et la prise de distance par un travail sur leur place et leur posture professionnelle. De cette enquête ressort un net besoin d’information et de formation sur ces questions. Cette dernière joue pourtant un rôle essentiel sur les capacités des équipes à adapter le projet de vie de l’enfant ou de l’adolescent en fin de vie, en ouvrant un espace de parole avec les familles, à anticiper l’action et la mise en place des ressources adaptées (équipes ressource régionales de soins palliatifs pédiatriques, équipes mobiles de soins palliatifs, structures d’hospitalisation à domicile) et enfin, à se sentir pleinement investis et légitimes dans leur rôle d’accompagnants. L’expérience d’avoir déjà dû accompagner la fin de vie d’un enfant ou d’un adolescent accueilli est en effet décisive sur le sentiment pour les équipes quant à leurs capacités : lorsque cette expérience a été positive, elle permet une montée en compétence souvent parallèle à l’intervention des équipes de soins palliatifs. Mieux informés et accompagnés sur ces questions ces professionnels peuvent trouver les outils leur permettant de s’exprimer autour de leurs difficultés, de

Pour citer cet article : Falconnet M, et al. Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2016.09.003

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leurs représentations, d’identifier leurs ressources et leurs limites, de les aider à clarifier le projet de soin et le projet de vie de l’enfant ou de l’adolescent. Les résultats de cette étude mettent en avant l’attachement et la particulière importance du soutien pour les professionnels des établissements lorsqu’ils sont confrontés à la fin de vie d’un des enfants ou adolescents qu’ils accompagnent. En témoigne la fréquence des demandes d’intervention des équipes de soins palliatifs quand l’accompagnement devient trop complexe psychologiquement ou pour une expertise relative à la douleur. Le nombre de collaborations et d’interventions des équipes mobiles de soins palliatifs ou des équipes ressource régionales de soins palliatifs pédiatriques dans les établissements mis en évidence ici et confirmé par une enquête menée dans les structures médicosociales pour adultes handicapés (maisons d’accueil spécialisées et foyers d’accueil médicalisés) [12] pour les équipes mobiles de soins palliatifs témoigne non seulement d’une bonne sensibilisation de ces professionnels aux soins palliatifs et à l’accompagnement de fin de vie dans la connaissance des ressources disponibles mais également de l’émergence d’une culture palliative qui tend à se diffuser dans ces établissements. L’acculturation pourrait également se penser au niveau de la formation initiale (dans les écoles professionnelles) mais aussi au sein même des établissements (compagnonnage, groupe de parole ou d’analyse de pratique, etc.). Concernant les conditions réelles et les causes de décès, cette enquête révèle le peu d’informations disponibles par les établissements sur les conditions et les souhaits concernant les décisions de fin de vie de leurs pensionnaires : les souhaits éventuellement exprimés de l’enfant, de l’adolescent ou les souhaits de ses parents sont systématiquement absents des documents de liaison destinés au SAMU ou au service des urgences pour près de la moitié des établissements interrogés, les décisions de fin de vie, de limitations et d’arrêts des traitements sont peu tracées dans les dossiers. La faible connaissance par les équipes de terrain des traitements et décisions de fin de vie des enfants et adolescents qu’ils avaient longuement accompagnés interroge les réalités de la collégialité entre sanitaire et médicosocial. Face à ces constats, une inter acculturation entre les acteurs de ces deux champs semble nécessaire.

Perspectives de recherche La moitié des enfants polyhandicapés sont pris en charge en externat. Cela pose la question des modalités de leur accompagnement au domicile, question à laquelle cette étude ne peut pas répondre. Il serait intéressant de s’interroger sur les transferts en fin de vie vers le domicile : existe-til un souhait de la part de l’enfant et de la famille quant au choix d’un accompagnement et d’un décès au domicile, quelles sont les modalités de prise en charge et celles-ci permettent-elles de garantir le niveau de traitements et de soins nécessaires ? Quel est le vécu des parents confrontés à la fin de la vie et à la mort de leur enfant polyhandicapé ? Il serait également intéressant de questionner dans une prochaine étude les familles sur leurs attentes et besoins dans ces situations complexes au-delà de la question, certes fondamentale mais problématique, des « souhaits anticipés » dans un contexte d’hétéro décision. On rappelle

que le transfert en milieu sanitaire est souvent demandé par la famille sans doute du fait de l’imprévisibilité des complications ou des comorbidités, du souhait de la meilleure gestion des décompensations mais aussi de celle de la prise en charge de la douleur tout autant que de la souffrance psychique.

Limites Toute enquête par questionnaire comporte des biais inévitables tels que la subjectivité des réponses, la mauvaise interprétation ou l’incompréhension des questions. Bien que statistiquement satisfaisant le taux de réponse ne permet pas d’appréhender de fac ¸on exhaustive la réalité des pratiques des professionnels en établissement. En outre, l’enquête initialement prévue pour être réalisée auprès des services de soins et d’éducation spéciale et de soins à domicile n’a pas permis, en raison du très faible taux de réponse de ces services, d’appréhender les champs du domicile et de la petite enfance, pourtant centraux. La période de diffusion de l’enquête (congés d’été, fermeture de certains établissements et services), la situation ambulatoire de certains enfants et adolescents, et les fréquentes hospitalisations en fin de vie, ont pu constituer autant de freins et de difficultés à la participation de certains établissements et structures. Par ailleurs, le taux de réponse par type d’établissement doit être pris en compte, les établissements pour enfants et adolescents en situation de polyhandicap, établissements spécialisés accueillant spécifiquement des enfants et des adolescents atteints de polyhandicap ont un taux de réponse inférieur aux autres types d’établissements (instituts d’éducation motrice et médicoéducatifs) qui accompagnent des enfants et des adolescents atteints de multiples pathologies.

Conclusion La fin de vie est une réalité dans les établissements médicosociaux : atteints d’un handicap évolutif à un stade avancé ou dans un état de grande fragilité somatique, ou en fin de vie, les enfants ou les adolescents en situation de polyhandicap confrontent de fait les personnels de ces établissements à la question de la fin de la vie et de la mort. Ces derniers, bien que peu préparés à l’accompagnement de fin de vie, sont cependant sensibilisés à la démarche palliative. Faiblement médicalisés, ne pouvant assurer une continuité d’accompagnement la nuit, ils connaissent certaines ressources disponibles en soins palliatifs sur leur territoire et n’hésitent pas les solliciter. Pour autant, la majorité des décès des enfants et des adolescents atteints de polyhandicap a lieu à l’hôpital, où ces derniers sont majoritairement transférés lorsque leur accompagnement devient trop lourd pour les équipes des structures médicosociales. La démarche palliative en s’intégrant à la fois au projet d’établissement par un investissement et une prise de conscience des directions d’établissement, mais aussi au projet de soins de l’enfant doit être portée par l’ensemble des professionnels accompagnant l’enfant quel que soit le lieu de prise en charge. En ce sens, un travail d’acculturation entre les champs du sanitaire et du médicosocial s’impose.

Pour citer cet article : Falconnet M, et al. Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2016.09.003

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Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés

Remerciements Les auteurs tiennent à remercier le Groupe Polyhandicap France pour l’aide qu’il a apporté à la diffusion de cette enquête. L’ensemble des membres du groupe de travail ainsi que ceux du comité d’experts doivent également être remerciés pour l’aide apportée dans la construction du questionnaire et l’analyse des résultats.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références [1] Anon. Définition du polyhandicap. Paris: Groupe Polyhandicap France; 2002 [Consultable sur : http://gpf.asso.fr/le-gpf/ definition-du-polyhandicap/ (accès le 13 mai 2016)]. [2] Rousseau MC, Mathieu S, Brisse C, Motawaj M, Grimont E, et al. Aetiologies, comorbidities and causes of death in a population of 133 patients with polyhandicaps cared for at specialist rehabilitation centres. Brain Inj 2015;29:1—6. [3] Makdessi Y, Mordier B. Établissements et services pour enfants et adolescents handicapés : résultats de l’enquête ES 2010. Ser Stat 2013;177:107—43. [4] European Association for Palliative Care. IMPaCCT : des recommandations pour les soins palliatifs pédiatriques en Europe. Med Palliat 2008;7:277—83.

9 [5] ACT/RCPCH. A guide to the development of children’s palliative care services. 1st ed. Bristol, London: ACT/RCPCH; 1997. [6] Weissman DE, Meier DE. Identifying patients in need of a palliative care assessment in hospital setting — a consensus report from the center it advance palliative care. J Palliat Med 2011;14:17—23. [7] Observatoire national de la fin de vie (ONFV). Accompagnement de fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux. Paris: ONFV; 2016 [à paraître]. [8] Haute Autorité de santé (HAS). Audition publique : accès aux soins des personnes en situation de handicap, Rapport de la commission d’audition du 23 janvier 2009. Saint-Denis: HAS; 2008. [9] Cedias Île-de-France, Barreyre J-Y, Asencio A-M, Peintre C. Recherche action nationale : les situations de handicap complexe, besoins, attentes et modes d’accompagnement des personnes avec altération des capacités de décision et d’action dans les actes essentiels de la vie quotidienne. Paris: Cedias; 2013. [10] Dujin A, Maresca B. Vingt ans après les premières unités, un éclairage sur le développement des soins palliatifs en France : le secteur médicosocial. Paris: Credoc; 2008. [11] Circulaire no DGOS/R4/DGCS/2013/107 du 18 mars 2013 relative à l’intervention des établissements d’hospitalisation à domicile dans les établissements d’hébergement à caractère ¸aise, minissocial ou médicosocial. Paris: République franc tère des Affaires sociales et de la Santé; 2013 [Consultable en ligne à l’adresse : http://circulaire.legifrance.gouv.fr/ pdf/2013/03/cir 36720.pdf]. [12] Observatoire national de la fin de vie (ONFV). Une fin de vie invisible : la fin de vie dans les établissements pour personnes adultes handicapées. Paris: ONFV; 2013.

Pour citer cet article : Falconnet M, et al. Fin de vie des enfants et des adolescents polyhandicapés en établissements médicosociaux. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2016.09.003