Formes cliniques inhabituelles des colobomes du segment postérieur : à propos de 2 cas

Formes cliniques inhabituelles des colobomes du segment postérieur : à propos de 2 cas

Journal français d’ophtalmologie (2014) 37, e75—e77 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com LETTRE À L’ÉDITEUR Formes cliniques...

1MB Sizes 5 Downloads 66 Views

Journal français d’ophtalmologie (2014) 37, e75—e77

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

LETTRE À L’ÉDITEUR Formes cliniques inhabituelles des colobomes du segment postérieur : à propos de 2 cas Unusual clinical forms of posterior segment colobomas: Report of 2 cases Introduction Les colobomes sont des malformations congénitales de l’œil secondaires à une anomalie de fermeture de la fente fœtale. Toutes les structures de l’œil peuvent être touchées [1]. Les yeux atteints peuvent présenter une microphtalmie venant aggraver le pronostic visuel qui semble être essentiellement lié à la localisation du colobome, les formes atteignant le segment postérieur étant de plus mauvais pronostic [2]. Certaines formes anatomiques peuvent prêter à confusions avec une duplication papillaire qui est une anomalie très rare. Nous présentons 2 cas de colobome papillaire et choriorétinien simulant un aspect de double papille optique. Observations Observation 1 Il s’agit d’une fille de 7 ans admise dans notre service pour une leucocorie de l’œil droit (OD) évoluant depuis la naissance. L’examen à l’admission notait au niveau de l’OD une acuité visuelle (AV) réduite à voit bouger la main avec une forte hypermétropie de +10 dioptries. L’acuité visuelle n’étant pas améliorable par la correction optique du vice réfractif. L’AV au niveau de l’œil gauche (OG) était à 8/10e avec une légère hypermétropie de +1 dioptrie. L’examen du segment antérieur note un colobome irien de pleine épaisseur au niveau des deux yeux. Le reste de l’examen clinique est sans particularités au niveau de l’OG. L’examen du fond d’œil (FO) de l’OD notait un colobome choriorétinien très étendu, allant de 5 h à 8 h englobant la papille optique qui est dysversée ; au centre du colobome se trouvait une dépression de ½ diamètre papillaire environ livrant passage à de petits troncs vasculaires qui semblaient y plonger rappelant un aspect de double papille optique (Fig. 1). Une échographie oculaire en mode B a été réalisée montrant la présence d’un seul nerf optique au niveau de la cavité orbitaire, avec une longueur axiale de l’OD à 19 mm. Une angiographie à la fluorescéine a été réalisée montrant un remplissage précoce des troncs vasculaires d’une manière

centrifuge confirmant leur caractère artériel (Fig. 2). Une OCT a également été réalisée ayant montré un aspect de cratère correspondant à la dépression notée au FO, sans soulèvement du neuroépithélium qui paraissait atrophique. Vu l’AV très basse enregistrée, nous n’avons pas réalisé de périmètrie. L’examen clinique général confié à un confrère pédiatre n’a pas montré d’anomalies systémiques. Cet examen a été complété par un bilan paraclinique, fait d’une IRM cérébrale, un électrocardiogramme, une échocardiographie et une échographie rénale, qui n’ont pas montré d’anomalies. Observation 2 Il s’agit d’une jeune fille de 6 ans admise aux urgences pour traumatisme de l’OD, l’examen clinique découvrait fortuitement un colobome papillaire de l’OD au fond duquel on notait une dépression livrant passage à 3 troncs vasculaires dont deux grêles rappelant des artères et un tronc épais ressemblant à une veine, le tout évoquant un aspect de double papille (Fig. 3). L’AV au niveau de cet œil est à 5/10e ave une réfraction automatique montrant une hypermétropie de +6 dioptries. Une échographie oculaire de l’OD a confirmé la présence d’un seul nerf optique au niveau de la cavité orbitaire avec une longueur axiale à 20 mm. L’angiographie à la fluorescéine a confirmé le caractère artériel des petits troncs vasculaires et veineux du tronc épais (Fig. 4). L’examen OCT n’a pas montré de soulèvement rétinien autour du colobome. La réalisation de la périmètrie cinétique s’est révélée difficile (enfant non coopérant). L’examen de l’OG est par ailleurs sans anomalies décelables. L’examen général, réalisé par un médecin pédiatre, n’a pas montré d’anomalies cliniquement décelables. Le même bilan para-clinique que chez la 1ère patiente a été demandé, n’ayant pas montré de particularités. Discussion Les colobomes sont des malformations congénitales secondaires à un défaut de fermeture de la fente colobomique ou fœtale qui s’opère entre la 5e et la 7e semaine de vie embryonnaire. Schématiquement on oppose les colobomes du segment antérieur à ceux du segment postérieur [3]. Qu’ils soient antérieurs ou postérieurs, ils peuvent être associés à une microphtalmie de sévérité variable [4] ; si le colobome, d’une part, et la microphtalmie et l’anophtalmie, d’autre part, sont souvent vus comme des entités pathologiques

0181-5512/$ — see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.06.009

e76

Lettre à l’éditeur

Figure 3. Aspect du fond de l’œil gauche montrant un colobome papillaire avec au centre une dépression prenant l’aspect d’une pseudo papille livrant passage a des vaisseaux.

Figure 1. Aspect du fond de l’œil droit montrant un large colobome chorio-rétinien avec au centre une dépression prenant l’aspect d’une pseudopapille livrant passage à de fins tronc vasculaires (flèche).

Figure 4. L’angiographie à la fluorescéine permet de reconnaitre deux artères qui émergent de la pseudopapille qui également empruntée par une veine.

Figure 2. Aspect angiographique au temps précoce confirmant le caractère artériel des vaisseaux émergeant de la pseudopapille.

totalement distinctes, certains auteurs ont émis l’hypothèse d’une origine génétique commune [5]. Nous avons noté que nos deux patientes ont présenté une microphtalmie relative, en effet des gènes impliqués dans la genèse d’anophtalmie et de microphtalmie (RX, Bmp7, Bmp4. . .) peuvent interagir ou réguler des gènes rentrant dans le groupe des CGN (coloboma gene network), qui est un groupe de gènes codant pour un réseau complexe de protéines de signalisation extracellulaire et des facteurs de transcription [5], qui permettent, en contrôlant le cycle cellulaire, de réguler la prolifération la migration et l’apoptose des cellules embryonnaires ; ce qui expliquerait la possibilité d’association d’un colobome à une microphtalmie ou d’autres malformations oculaires ou extra-oculaires. Les colobomes du segment postérieur regroupent : les colobomes choriorétiniens et choroïdiens, qui sont souvent

confondus, et les colobomes papillaires qui ont tous en commun un pronostic relativement moins favorable [3]. Ils peuvent revêtir différentes présentations cliniques, tout en sachant que les associations colobomes papillaires et choriorétiniens sont possibles, comme c’était le cas de nos 2 patientes. Certaines présentations restent rares et posent des problèmes diagnostiques. Le colobome choriorétinien peut en effet se présenter sous forme de multiples zones pathologiques séparées de zones de rétine normale [3] ; prenant parfois un aspect circulaire simulant une papille rentrant dans le cadre d’une pseudoduplication de la papille optique [6]. Cet aspect de double papille peut également être rencontré au sein d’une zone colobomateuse choriorétinienne ou papillaire sous forme d’une petite dépression livrant passage à des vaisseaux rétiniens [7]. Nos patientes s’inscrivent dans ce dernier cas de figure ; la réalisation d’une échographie oculaire en mode B n’a cependant pas montré de duplication du nerf optique dans les deux cas ; L’angiographie à la fluorescéine peut également être utile dans ces cas, en confirmant l’absence d’un double système vasculaire rétinien [8], mais elle est souvent d’interprétation difficile, en effet les véritables duplications du nerf optique sont exceptionnelles [9]. Une surveillance clinique étroite s’impose chez ces patients, aussi bien sur le plan général que sur le plan ophtalmologique. En effet les colobomes peuvent être associés à

Formes cliniques inhabituelles des colobomes du segment posterieur plusieurs anomalies extra-oculaires notamment d’ordre neurologique [10], imposant un bilan clinique et paraclinique adapté. Chez nos deux patientes le bilan général était sans anomalies. Sur le plan ophtalmologique, les colobomes choriorétiniens peuvent constituer le lit d’un certain nombre de complications, dont le décollement de rétine, qui est l’une des plus communes [11], Il est souvent secondaire à des déchirures rétiniennes situées, en général, au niveau de la rétine adjacente à la zone colobomateuse. Les néovascularisations sous-rétiniennes peuvent également compliquer l’évolution d’un colobome, et se développent souvent au niveau du bord supéro-temporal de ce dernier [12]. Pour finir, rappelons que les colobomes choriorétiniens se caractérisent par leur extrême variabilité anatomo-clinique [3], prenant parfois l’aspect d’une pseudoduplication de la papille optique. La prise en charge de tels cas doit respecter les mêmes règles générales, notamment une élimination d’une atteinte systémique associée et la surveillance régulière sur le plan ophtalmologique pour dépister d’éventuelles complications ; l’élimination des véritables duplications du nerf optique pouvant se faire à l’aide d‘examens radiologiques (échographie et/ou IRM). Conclusion Les colobomes choriorétiniens peuvent revêtir plusieurs formes anatomo-cliniques, cependant les formes associées à une pseudoduplication papillaire restent rares. La conduite devant ces formes reste la même que celle adoptée devant tout colobome du segment postérieur se basant essentiellement sur une surveillance clinique afin de traiter précocement toute éventuelle complication. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article. Références [1] Gunderson CA, Stone R, Peiffer R, Freedman S. Corneal coloboma, aphakia and retinal neovascularization with

[2]

[3] [4] [5]

[6]

[7]

[8]

[9] [10]

[11]

[12]

e77

anterior segment dysgenesis (Peters anomaly). Ophthalmologica 1996;210:361—6. Olsen TW, Summers CG, Knobloch WH. Predicting visual acuity in children with colobomas involving the optic nerve. J Pediatr Ophthalmol Strabismus 1996;33:47—51. Onwochei BC, Simon JW, Bateman JB, Couture KC, Mir E. Ocular colobomata. Surv Ophthalmol 2000;45:175—94. Warburg M. Classification of microphthalmos and coloboma. J Med Genet 1993;30:664—9. Jean D, Ewan K, Gruss P. Molecular regulators involved in vertebrate eye development. Mech Dev 1998;76: 3—18. Kamath GG, Prasad S, Patwala YJ, Watts MT. Peripapillary coloboma simulating double optic disc. Br J Ophthalmol 1999;83:1207. Vedantham V, Double Optic Discs. Optic disc coloboma, and pit: spectrum of hybrid disc anomalies in a single eye. Arch Ophthalmol 2005;123:1450—2. Brink JK, Larsen FE. Pseudodoubling of the optic disc. A fluorescein angiographic study of a case with coloboma. Acta Ophthalmol (Copenh) 1977;55:862—70. Lamba PA. Doubling of the papilla. Acta Ophthalmol (Copenh) 1969;47:4—9. Denis D, Girard N, Levy-Mozziconacci A, Berbis J, Matonti F. Ocular coloboma and results of brain MRI: preliminary results. J Fr Ophtalmol 2013;36:210—20. Wang K, Hilton GF. Retinal detachment associated with coloboma of the choroid. Trans Am Ophthalmol Soc 1985;83: 49—62. Brodsky MC, Ford RE, Bradford JD. Subretinal neovascular membrane in an infant with a retinochoroidal coloboma. Arch Ophthalmol 1991;109:1650—1.

Z. Hafidi ∗ , H. Handor , M. Laghmari , H. Elouarradi , K. Naciri , A. Ghita , K. Saloua , O. Lezrek , R. Daoudi Service d’ophtalmologie A de l’hôpital des spécialités, université Mohammed V Souissi, centre hospitalier universitaire, hay irfane, Rabat, Maroc ∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail : zouheirhafi[email protected], [email protected] (Z. Hafidi)

Disponible sur Internet le 1 avril 2014