Hyperclarté nucale et hygroma cervical au premier trimestre de la grossesse : diagnostic prénatal et devenir néonatal

Hyperclarté nucale et hygroma cervical au premier trimestre de la grossesse : diagnostic prénatal et devenir néonatal

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 750–754 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/ Article original Hyperclarté nucale et hygroma cervi...

110KB Sizes 0 Downloads 197 Views

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 750–754 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/

Article original

Hyperclarté nucale et hygroma cervical au premier trimestre de la grossesse : diagnostic prénatal et devenir néonatal Increased nuchal translucency and cystic hygroma in the first trimester: prenatal diagnosis and neonatal outcome G. Ducarme a,*, O. Graesslin b, E. Alanio b, V. Bige c, D. Gaillard b, R. Gabriel a a

Service de gynécologie–obstétrique, institut Mère–Enfant-Alix-de-Champagne, CHU de Reims, 45, rue Cognacq-Jay, 51092 Reims cedex, France b Laboratoire de cytogénétique, hôpital Maison-Blanche, CHU de Reims, 45, rue Cognacq-Jay, 51092 Reims cedex, France c Département d’informatique médicale, hôpital Maison-Blanche, CHU de Reims, 45, rue Cognacq-Jay, 51092 Reims cedex, France Reçu le 20 octobre 2004 ; accepté le 25 juillet 2005 Disponible sur internet le 31 août 2005

Résumé Objectif. – Analyser de façon prospective le devenir des fœtus porteurs d’une hyperclarté nucale (HN) supérieure au 95e percentile pour le terme ou d’un hygroma cervical (HC) entre 10 et 14 SA. Patientes et méthodes. – Les données maternelles (âge, antécédents), fœtales (mesure de la nuque, caryotype, issue de grossesse) et le devenir pédiatrique concernant 223 grossesses uniques avec anomalies de la nuque au premier trimestre (183 fœtus porteurs d’une HN et 40 fœtus porteurs d’un HC) ont été analysées entre 1999 et 2003. Résultats. – La taille moyenne de la nuque était significativement différente entre les deux groupes : 7,4 ± 2,9 mm [3,8–16,9] dans le groupe HC contre 3,7 ± 0,8 mm [3,0–9,0] dans le groupe HN (p < 0,05). Le taux d’aneuploïdies était de 55 % (22/40) dans le groupe HC avec 40,9 % (9/22) de monosomies X contre 14,2 % (26/183) d’aneuploïdies dans le groupe HN avec 57,7 % (15/26) de trisomies 21 (p < 0,05). Le taux d’issues défavorables (FCS, MFIU, IMG, ENV porteurs de malformations) était de 80 % (32/40) dans le groupe HC contre 18 % (33/183) dans le groupe HN (p < 0,05). Parmi les fœtus à caryotype normal, 44,4 % (8/18) des fœtus étaient vivants sans malformations dans le groupe HC contre 93 % (146/157) dans le groupe HN (p < 0,05). Discussion et conclusion. – Ces résultats montrent que le diagnostic échographique du type d’anomalie de la nuque au premier trimestre est primordial car les issues de grossesses diffèrent entre HC et HN, même à caryotype normal, avec un taux de malformations associé très différent. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objective. – A prospective study of pregnancy outcome in fetuses with increased nuchal translucency above the 95th centile (group NT) or cystic hygroma (group CH) at 10 to 14 weeks of gestation was performed. Patients and methods. – Maternal and fetal data (nuchal translucency, caryotype, pregnancy outcome) and infant follow-up of 223 fetuses with first trimester nuchal translucency thickness (183 NT and 40 CH) were analysed. Results. – The measurement of nuchal translucency thickness shows a significant difference between group CH and NT (7.4 ± 2.9 mm compared 3.7 ± 0.8 mm). Chromosomal abnormalities were present in 55% (22/40) in group CH, with 9 cases/22 (40.9%) of Turner syndrome, compared with 14.2% (26/183) in group NT with trisomy 21 in 15 cases/26 (57.7%) (P < 0.05). The rate of unfavourable outcome of pregnancy (spontaneous abortion, elective termination of pregnancy, serious structural anomalies) was 80% (32/40) in group CH compared with 18% (33/183) in group NT (P < 0.05). In chromosomally normal pregnancies, the rate of fetus with no visible serious structural anomalies was 44.4% (8/18) in group CH compared with 93% (146/157) in group NT (P < 0.05).

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Ducarme). 1297-9589/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.gyobfe.2005.07.031

G. Ducarme et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 750–754

751

Discussion and conclusion. – Our data show ultrasonographic evaluation of the fetal nuchal translucency thickness at the first trimester is actually indispensable. Neonatal outcome and malformation rate in fetuses with increased nuchal translucency or cystic hygroma are different, even with normal karyotype. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hygroma cervical ; Hyperclarté nucale ; Issues néonatales Keywords: Cystic hygroma; Nuchal translucency; Fetal outcome

1. Introduction L’échographie fœtale du premier trimestre par voie abdominale ou endovaginale, outre l’avantage qu’elle a de dater la conception, d’identifier les grossesses multiples, de dépister des anomalies majeures, permet un examen morphologique de qualité [1]. L’étude échographique de la nuque fœtale à la fin du premier trimestre a pris un grand intérêt du fait d’une relation bien démontrée entre les anomalies de la nuque fœtale (hygroma cervical et hyperclarté nucale) et l’existence d’anomalies chromosomiques fœtales [2–6]. Une pathologie de la nuque entre 10 et 14 semaines d’aménorrhée (SA) est retrouvée dans 0,5 à 1,75 % des grossesses de la population générale [7] et dans 3 à 6 % des grossesses à risque d’anomalies chromosomiques [8]. De plus, chez les fœtus à caryotype normal, l’existence d’une anomalie de la nuque est associée à un risque élevé de pertes fœtales, de malformations cardiaques, squelettiques ou pulmonaires et de pathologies à révélation postnatale tardive tel que le syndrome de Noonan [9,10]. Une question n’est pas encore clairement élucidée dans la littérature : l’hyperclarté nucale et l’hygroma cervical sontils deux entités différentes ou représentent-ils un continuum anatomique ? C’est dans cette optique que nous avons étudié de façon prospective observationnelle le diagnostic et le devenir de fœtus porteurs d’anomalies de la nuque (hygroma cervical ou hyperclarté nucale) dépistées lors de l’échographie du premier trimestre entre 1999 et 2003. Nous avons cherché à corréler la nature et l’importance des anomalies avec le caryotype fœtal et avec les issues de grossesses : fausses couches spontanées (FCS) du premier trimestre ou mort fœtale in utero (MFIU) du deuxième et troisième trimestre, interruptions médicales de grossesse (IMG) ou enfants nés vivants (ENV) avec ou sans malformations.

les structures occipitovertébrales hautes dont la mesure est supérieure au 95e percentile pour l’âge gestationnel. L’hygroma cervical était défini comme une zone rétro- et latérocervicale hypo- ou anéchogène au sein de laquelle sont identifiées une ou plusieurs cloisons sagittales médianes visibles sur des coupes transversales et sagittales médianes et paramédianes de la tête et du cou du fœtus. Dans le cadre de ces anomalies de la nuque, toutes les patientes ont bénéficié de l’étude du caryotype fœtal (amniocentèse ou biopsie de villosités choriales). Dans certains cas, un bilan infectieux (sérologies virales maternelles cytomégalovirus ou parvovirus, recherche de virus sur liquide amniotique) ou génétique supplémentaire (recherche de délétion 4p) était pratiqué. En l’absence d’anomalie fœtale, nous nous sommes adressés au service d’origine afin de connaître le devenir de ces grossesses. Pour chaque dossier étudié, nous avons noté l’âge de la patiente au moment du diagnostic, la présence d’un éventuel antécédent d’aneuploïdie, le type d’anomalie de la nuque visualisée (hyperclarté nucale ou hygroma cervical) ayant justifié les explorations complémentaires (amniocentèse ou biopsie de villosités choriales), la taille de cette anomalie et le résultat du caryotype obtenu. Nous avons analysé, en fonction du type d’anomalie nucale, le devenir de ces grossesses (IMG, FCS et ENV sans ou avec malformations) et la présence des malformations enregistrées (cardiaques ou autres) chez les ENV à caryotypes normaux. Les analyses statistiques ont été réalisées grâce au logiciel SAS ® (SAS Institute Inc., Cary, NC, État-Unis). La distribution de la variable épaisseur de la nuque ne suivant pas une loi normale et étant une variable quantitative, il a été utilisé le test statistique de Kruskal-Wallis. Les analyses sont considérées comme significatives pour p < 0,05.

3. Résultats 2. Patientes et méthodes Une étude prospective observationnelle du devenir de 223 fœtus porteurs d’anomalies de la nuque dépistées lors de l’échographie du premier trimestre entre 10 et 14 SA, chez des patientes adressées au centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal du CHU de Reims en cas d’anomalies fœtales (caryotypiques ou anatomiques) a été effectuée sur la période 1999 à 2003. L’hyperclarté nucale correspondait à une zone anéchogène rétrocervicale située entre la peau et

Entre 1999 et 2003, 223 patientes enceintes ont été explorées au cours de leur grossesse unique car le fœtus était porteur d’une anomalie de la nuque visualisée lors de l’échographie du premier trimestre. Il s’agissait dans 40 cas d’un hygroma cervical (HC : 17,9 %) et dans 183 cas (HN : 82,1 %) d’une hyperclarté nucale supérieure au 95e percentile pour le terme de l’échographie (estimé sur la longueur craniocaudale du fœtus). L’âge moyen des patientes au moment du diagnostic était de 28,9 ± 5,1 ans (extrêmes : 18–42 ans) avec un

752

G. Ducarme et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 750–754

âge moyen de 28,9 ans dans le groupe HC et de 29,0 ans dans le groupe HN (p > 0,05). La taille moyenne de la nuque était significativement différente entre les deux groupes avec 7,4 ± 2,9 mm (extrêmes : 3,8–16,9 mm) dans le groupe HC contre 3,7 ± 0,8 mm (extrêmes : 3,0–9,0 mm) dans le groupe HN (p < 0,05). Les explorations complémentaires permettant l’analyse du caryotype fœtal ont consisté en une amniocentèse (189/223) ou une biopsie de villosités choriales (34/223) et ont retrouvé 48 caryotypes anormaux sur les 223 fœtus (21,5 %). Nous avons constaté un taux d’aneuploïdies de 55 % (22/40) dans le groupe HC contre 14,2 % (26/183) d’aneuploïdies dans le groupe HN. Le taux d’aneuploïdies était significativement différent entre les deux groupes (p < 0,05). La répartition des anomalies chromosomiques était différente entre les deux groupes avec 40,9 % (9/22) de monosomies X et 31,8 % (7/22) de trisomies 21 dans le groupe HC et 0 % de monosomies X et 57,7 % (15/26) de trisomies 21 dans le groupe HN. Les trisomies 18 et 13 étaient en nombre comparable dans les deux groupes avec respectivement 3/22 et 2/22 dans le groupe HC et 4/26 et 2/26 dans le groupe HN. Concernant le groupe HC, nous avons constaté une nette prédominance de filles (trois filles pour un garçon) et pour le groupe HN, une répartition globalement homogène du sexe fœtal avec huit filles pour dix garçons. Nous avons constaté que l’âge moyen des patientes présentant un fœtus à caryotype normal porteur d’une anomalie de la nuque était de 28,5 ± 4,7 ans contre 30,6 ± 5,9 ans chez les patientes porteuses d’un fœtus aneuploïde. La différence était statistiquement significative (p < 0,05). Aucune infection maternofœtale n’a été détectée chez ces 223 patientes. Secondairement, nous avons étudié les issues de grossesses dans les deux groupes (Tableau 1). Nous avons considéré comme issues défavorables les FCS du premier trimestre, les MFIU du deuxième et troisième trimestre, les IMG d’indication fœtale et les enfants nés vivants (ENV) porteurs de malformations [11]. Nous avons constaté un taux cumulé d’issues défavorables de 29 % (65/223) avec 80 % (32/40) d’issues défavorables dans le groupe HC contre 18 % (33/183) dans le groupe HN (p < 0,05). Concernant les fœtus porteurs d’anomalies de la nuque à caryotype normal (Tableau 2), 44,4 % (8/18) des fœtus étaient vivants sans malformations dans le groupe HC contre 93 % Tableau 1 Issue gravidique des 223 fœtus étudiés FCS MFIU IMG ENV avec anomalies Issues défavorables ENV sans malformations

HN 0 (0 %) 1 (0,5 %) 26 (14,2 %) 6 (3,3 %) 33 (18 %) 150 (82 %)

HC 10 (25 %) 1 (2,5 %) 20 (50 %) 1 (2,5 %) 32 (80 %) 8 (20 %)

p < 0,05 NS p < 0,05 NS p < 0,05 p < 0,05

HN : hyperclarté nucale. HC : hygroma cervical. FCS : fausse couche spontanée du premier trimestre. MFIU : mort fœtale in utero du deuxième et du troisième trimestre. IMG : interruption médicale de grossesse. ENV : enfants nés vivants.

Tableau 2 Issue gravidique des fœtus à caryotype normal Nombre de fœtus IMG (anomalies cardiaques) FCS, MFIU ENV sans anomalies n (%) ENV : anomalies cardiaques anomalies urinaires pathologies postnatales

HN 157 5 0 146 (93 %) 3 3 0

HC 18 5 4 8 (44,4 %) 0 0 1 (Noonan)

p < 0,05

HN : hyperclarté nucale. HC : hygroma cervical. FCS : fausse couche spontanée du premier trimestre. MFIU : mort fœtale in utero du deuxième et du troisième trimestre. IMG : interruption médicale de grossesse. ENV : enfants nés vivants.

(146/157) dans le groupe HN (p < 0,05). Parmi les 157 fœtus porteurs d’une HN à caryotype normal, il y a eu cinq IMG pour anomalies cardiaques (hypoplasie du cœur gauche, myocardiopathie hypertrophique) et 152 ENV à caryotype normal dont trois enfants avec des anomalies cardiaques (deux enfants porteurs d’une communication interventriculaire et un enfant porteur d’une communication atrioventriculaire) et trois enfants avec des anomalies urinaires (deux enfants porteurs d’une hydronéphrose unilatérale et un enfant porteur d’un rein unique). Parmi les 18 fœtus porteurs d’un HC à caryotype normal, l’issue a été défavorable dans neuf cas avec cinq IMG et quatre FCS ou MFIU. Neuf enfants sont nés vivants dont une fille était atteinte d’un syndrome de Noonan et les autres enfants âgés de trois mois à trois ans étaient actuellement en bonne santé. Parmi les 223 fœtus étudiés, 13 présentaient une anomalie cardiaque soit 5,8 %. L’âge maternel moyen était de 28,7 ± 6,2 ans (20–38). Il s’agissait de huit fœtus porteurs d’une hyperclarté nucale et cinq fœtus porteurs d’un hygroma cervical. Le caryotype était anormal dans trois cas (tous appartenant au groupe HN) avec deux cas de trisomie 21 et un cas de trisomie 13. Cela a conduit à dix IMG et trois ENV.

4. Discussion L’hyperclarté nucale en fin de premier trimestre correspond à une image échographique clairement définie par Nicolaides et al. [6,12]. Elle est corrélée à l’âge gestationnel chez un fœtus normal [13,14]. Après 14 SA, il existe une disparition spontanée de cette hyperclarté nucale [15], phénomène surtout visible chez le fœtus à caryotype normal, alors qu’en cas d’aneuploïdies, elle tend à augmenter [16]. L’hygroma cervical est une entité différente de définition précise : zone rétro- et latérocervicale hypo- ou anéchogène au sein de laquelle sont identifiées une ou plusieurs cloisons sagittales médianes visibles sur des coupes transversales et sagittales médianes et paramédianes de la tête et du cou [4,12]. La plupart des études anglo-saxonnes englobent l’ensemble des anomalies de la nuque visualisées lors de l’échographie du premier trimestre, sans faire de différence entre HN et HC [2,4,6,9–12]. Les taux d’aneuploïdies de notre étude avec 55 % dans le groupe HC et 14,2 % dans le groupe HN

G. Ducarme et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 750–754

sont comparables à ceux de l’étude de Snijders où les fœtus ayant une nuque entre 3,5 et 4,4 mm (ce qui pourrait correspondre à notre groupe HN où la nuque moyenne est de 3,7 mm) avaient un taux d’aneuploïdies de 21,1 % et ceux ayant une nuque supérieure à 6,5 mm (ce qui pourrait correspondre à notre groupe HC où la nuque moyenne est de 7,4 mm) un taux d’aneuploïdies de 64,4 % [6]. Nos résultats sont également comparables avec ceux des rares études concernant uniquement l’hygroma cervical qui retrouvent un taux d’aneuploïdies entre 56 et 61 % [17,18]. Concernant l’hygroma cervical, plus son volume est important plus le pronostic fœtal est compromis [4,10]. Il faut alors vérifier systématiquement le caryotype puisque des anomalies chromosomiques lui sont fréquemment associées ; il s’agit de monosomies X, trisomies 21 ou trisomies 18 [17,18]. Même en cas de caryotype normal, de très nombreuses malformations associées, notamment cardiaques dans 62,2 % des cas [19], et syndromes polymalformatifs géniques létaux ou à pronostic sévère ont été décrits [20–23]. Pour notre part, nous avons constaté 80 % d’issues défavorables dans le groupe HC (vs 18 % dans le groupe HN) avec seulement neuf enfants nés vivants sur 40 HC dont une fille porteuse d’un syndrome de Noonan. Souka rapporte la plus grande série cumulée avec 1320 fœtus porteurs d’une anomalie de la nuque au premier trimestre à caryotype normal [11]. Il retrouve 7,1 % d’issues défavorables (IMG, FCS, MFIU ou ENV avec malformations) en cas de nuque entre 3,5 et 4,4 mm (comparable à notre groupe HN) et 61,7 % en cas de nuque supérieure à 6,5 mm (comparable à notre groupe HC). Pour notre part, nous retrouvons 7 % d’issues défavorables dans le groupe HN à caryotype normal et 55,6 % dans le groupe HC à caryotype normal. Pour Souka, lorsqu’une anomalie du caryotype a été éliminée et que l’échographie est normale à 20 SA mais que persiste un épaississement de la nuque, une issue défavorable est observée dans 10 à 40 % des cas selon que la nuque est inférieure ou supérieure à 6,5 mm lors de l’échographie du premier trimestre. Les anomalies fœtales le plus souvent associées à une anomalie de la nuque sont les cardiopathies malformatives avec un taux de l’ordre de 7 à 8 % chez les fœtus dont la clarté nucale était supérieure à 3,5 mm entre 10 et 14 SA [11,24]. Pour notre part, nous avons retrouvé 5,8 % (13/223) de fœtus porteurs d’une anomalie cardiaque. Le caryotype était anormal dans trois cas (tous appartenant au groupe HN) avec deux cas de trisomie 21 et un cas de trisomie 13. Récemment, une méta-analyse reprenant huit études indépendantes comprenant 58 492 grossesses a montré une efficacité modeste de l’ordre de 30 % dans le dépistage des anomalies cardiaques par une HN au premier trimestre [25]. Certaines études montrent une concordance relative concernant le nombre d’enfants porteurs d’un retard de développement, tous degrés de gravité confondus, de l’ordre de 10 % bien que ces études rétrospectives n’utilisent pas la même méthodologie [10,26,27]. La cohorte de Souka est la plus importante et ne relève que 2,24 % d’évolution neurologique péjorative sans préciser la

753

durée de suivi [11]. Toutes ces études de cohorte de fœtus porteurs d’anomalies de la nuque confirment que la pathologie de la nuque est un point d’appel pour des pathologies extrêmement diverses (neurologiques, cardiaques, rénales, pulmonaires, osseuses) avec, selon les pathologies, des explications physiopathologiques encore imparfaitement connues mais non univoques (anomalies lymphatiques, immobilité fœtale, malformations cardiovasculaires). Devant ces chiffres très différents concernant les issues de grossesse et la répartition des aneuploïdies rencontrées, nous pensons qu’il pourrait bien s’agir de deux entités différentes. Mais, en regardant la taille moyenne de l’épaisseur de la nuque dans chaque groupe qui va du simple au double dans notre étude et la physiopathologie encore mal connue de ces deux entités dont les hypothèses se rejoignent [18,28], on peut s’interroger sur la notion d’un éventuel continuum anatomique entre ces deux anomalies de la nuque : l’hygroma cervical serait la forme la plus sévère des anomalies de la nuque au premier trimestre avec un stade intermédiaire qui serait représenté par l’hyperclarté nucale. Cette hypothèse est renforcée par la constatation de l’augmentation du taux d’issues défavorables des grossesses en cas d’augmentation de l’épaisseur de la nuque [2,4,9–12].

5. Conclusion Ces résultats montrent que le diagnostic échographique du type d’anomalie de la nuque au premier trimestre est primordial car les issues de grossesse diffèrent entre hyperclarté nucale et hygroma cervical, même à caryotype normal et le pronostic néonatal s’avère très différent. Mais, d’autres études prospectives avec un suivi pédiatrique sont nécessaires pour répondre à la question : l’hyperclarté nucale et l’hygroma cervical sont-ils une même entité ou deux pathologies différentes ? Une surveillance échographique et échocardiographique à 18–22 SA chez les fœtus avec anomalies de la nuque au premier trimestre à caryotype normal s’avère nécessaire pour la recherche de malformations associées.

Références [1]

[2]

[3]

[4]

[5]

Rottem S, Bronshtein M, Thaler I, Brantes JM. First trimester transvaginal sonographic diagnosis of fetal anomalies. Lancet 1989;2: 444–5. Nicolaides KH, Azar G, Byrne D, Mansur C, Marks K. Fetal nuchal translucency: ultrasound screening for chromosomal defects in first trimester of pregnancy. BMJ 1992;304:867–9. Economides DL, Whitlow BJ, Kadir R, Lazanakis M, Verdin SM. First trimester sonographic detection of chromosomal abnormalities in a unselected population. Br J Obstet Gynaecol 1998;105:58–62. Zalen-Sprock RM, Van Vugt JM, Van Geijn HP. First-trimester diagnosis of cystic hygroma course and outcome. Am J Obstet Gynecol 1992;167:94–8. Taipale P, Hiilesmaa V, Salonen R, Ylostalo P. Increased nuchal translucency as a marker for fetal chromosomal defects. N Engl J Med 1997;337:1654–8.

754 [6]

[7]

[8]

[9] [10]

[11]

[12] [13]

[14]

[15]

[16]

G. Ducarme et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 750–754 Snijders RJ, Noble P, Sebire N, Souka A, Nicolaides KH. UK multicentre project on assessment of risk of trisomy 21 by maternal age and fetal nuchal-translucency thickness at 10-14 weeks of gestation. Fetal Medicine Foundation First Trimester Screening Group. Lancet 1998; 352:343–6. Hafner E, Schuchter K, Philipp K. Screening for chromosomal abnormalities in a unselected population by fetal nuchal translucency. Ultrasound Obstet Gynecol 1995;6:330–3. Brambati B, Cislaghi C, Tului L, Alberti E, Amidani M, Colombo U, et al. First trimester Down’s syndrome screening using nuchal translucency: a prospective study in patients undergoing chorionic villus sampling. Ultrasound Obstet Gynecol 1995;6:330–3. Nicolaides KH, Heath V, Cicero S. Increased fetal nuchal translucency at 11–14 weeks. Prenat Diagn 2002;22:308–15. Sénat MV, De Keermaecker B, Audibert F, Montcharmont G, Frydman R, Ville Y. Pregnancy outcome in fetuses with increased nuchal translucency and normal karyotype. Prenat Diagn 2002;22:345–9. Souka AP, Krampl E, Kakalis S, Heath V, Nicolaides KH. Outcome of pregnancy in chromosomally normal fetuses with increased nuchal translucency in the first trimester. Ultrasound Obstet Gynecol 2001; 18:9–17. Pandya PP, Santiago C, Snijders RJ, Nicolaides KH. First trimester fetal nuchal translucency. Curr Opin Obstet Gynecol 1995;7:95–102. Pajkrt E, Bilardo CM, Van Lith JMM, Mol BWJ, Bleker OP. Nuchal translucency measurement in normal fetuses. Obstet Gynecol 1995; 86:994–7. Scott F, Boogert A, Sinosich M, Anderson J. Establishment and application of a normal range for nuchal translucency across the first trimester. Prenat Diagn 1996;16:629–34. Hata T, Inubashiri E, Kanenishi K, Akiyama M, Tanaka H, Shiota A, et al. Nuchal translucency thickness and fetal cardiac flow velocity in normal fetuses at 11–13 weeks of gestation. Gynecol Obstet Invest 2002;53:209–13. Zoppi MA, Ibba RM, Floris M, Manca F, Axiana C, Monni G. Changes in nuchal translucency thickness in normal and abnormal karyotype fetuses. Br J Obstet Gynaecol 2003;110:584–8.

[17] Tanriverdi HA, Hendrik HJ, Ertan AK, Axt R, Schmidt W. Hygroma colli cysticum: prenatal diagnosis and prognosis. Am J Perinatol 2001;18:415–20. [18] Paoloni-Giacobino A, Extermann D, Extermann P, Dahoun SY. Pregnancy outcome of 30 fetuses with cystic hygroma diagnosed during the first 15 weeks of gestation. Genet Couns 2003;14:413–8. [19] Sererus E, Huggon IC, Allan LD. Turner’s syndrome in fetal life. Ultrasound Obstet Gynecol 2003;22:264–7. [20] Chervenak FA, Isaacson G, Blakemore KJ, Breg RW, Hobbins JC, Berlowith RL, et al. Fetal cystic hygroma: cause and natural history. N Engl J Med 1983;309:822–5. [21] Ville Y, Lalondrelle C, Doumerc S, Daffos F, Frydman R, Oury JF, et al. First trimester diagnosis of nuchal anomalies: significance and fetal outcome. Ultrasound Obstet Gynecol 1992;2:314–6. [22] Shulman LP, Emerson DS, Grevengood C, Felker RE, Groos SJ, Philips OP, et al. Clinical course and outcome of fetuses with isolated cystic nuchal lesions and normal karyotypes detected in the first trimester. Am J Obstet Gynecol 1994;171:1278–81. [23] Johnson JM, Babul-Hirji R, Chitayat D. First-trimester increased nuchal translucency and fetal hypokinesia associated with Zellweger syndrome. Ultrasound Obstet Gynecol 2001;17:344–6. [24] Ghi T, Huggon IC, Zosmer N, Nicolaides KH. Incidence of major structural cardiac defects associated with nuchal translucency but normal karyotype. Ultrasound Obstet Gynecol 2001;18:610–4. [25] Makrydimas G, Sotiriadis A, Ioannidis JP. Screening performance of first-trimester nuchal translucency fort major cardiac defects: A metaanalysis. Am J Obstet Gynecol 2003;189:1330–5. [26] Hiippala A, Eronen M, Taipale P, Salonen R, Hiilesmaa V. Fetal nuchal translucency and normal chromosomes: a long-term follow-up study. Ultrasound Obstet Gynecol 2001;18:18–22. [27] Baumann C, Delagarde R, Vuillard E, Oury JF. Systematic follow-up after diagnosis of nuchal anomalies at the 1st trimester. European J Hum Genet 2002;1(Suppl 10):286. [28] Haak MC, Van Vugt JM. Pathophysiology of increased nuchal translucency : a review of the literature. Hum Reprod Update 2003; 9:175–84.