Kystes hydatiques du lobe de Spiegel : particularités cliniques et thérapeutiques

Kystes hydatiques du lobe de Spiegel : particularités cliniques et thérapeutiques

Presse Med. 2007; 36: 1732–7 © 2007 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés. en ligne sur / on line on Article original www.masson.fr/revues/pm K...

204KB Sizes 1 Downloads 98 Views

Presse Med. 2007; 36: 1732–7 © 2007 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.

en ligne sur / on line on

Article original

www.masson.fr/revues/pm

Kystes hydatiques du lobe de Spiegel : particularités cliniques et thérapeutiques Mohamed Issam Beyrouti, Ramez Beyrouti, Mahdi Bouassida, Mohamed Ben Amar, Foued Frikha, Khalil Ben Salah, Bassem Abid, Ahmed Guirat, Ali Ghorbel, Jamel Mnif, Ali Ayadi

Service de chirurgie générale, EPS Habib Bourguiba, 3029 Sfax, Tunisie Reçu le 14 novembre 2006 Accepté le 14 mars 2007

Correspondance :

Disponible sur internet : le 31 octobre 2007

Mohamed Issam Beyrouti, Service de chirurgie générale, EPS Habib Bourguiba, Sfax 3029, Tunisie. Tél. : 00 216 74 240 188 Fax : 00 216 74 243 427. [email protected]

■ Summary

■ Résumé

Hydatid cysts of the spigelian lobe (segment I) of the liver: Clinical and therapeutic particularities

Objectif > Les kystes hydatiques du lobe du Spiegel ou “segment I” du foie sont rares et ont des particularités cliniques et thérapeutiques que nous avons analysées dans notre service. Méthodes > Nous avons recherché rétrospectivement les kystes hydatiques du foie opérés dans notre service du 1er janvier 1994 au 31 décembre 2005. Les techniques d’explorations étaient l’échographie abdominale systématique, le scanner abdominal recommandé par l’échographiste devant la découverte d’un kyste du segment I, la cholangiographie peropératoire systématique, la sérologie hydatique utilisant 3 techniques : une technique qualitative, l’électrosynérèse, et 2 techniques quantitatives, l’hémagglutination et l’Elisa (EnzymeLinked-Immuno-Sorbet-Assay). Le traitement de la cavité kystique était fait par le sérum hypertonique. Les techniques chirurgicales, réalisées par plusieurs opérateurs spécialistes, étaient la résection du dôme saillant associée parfois à une omentoplastie (épiplooplastie), la vidange drainage simple, et la périkystectomie subtotale. Résultats > Nous avons opéré 44 kystes hydatiques du “segment I” du foie. Le sex ratio était de 0,29. L’âge moyen était de 40,6 ans. Des antécédents hydatiques ont été notés dans 10 cas (22,7 %). Des accidents évolutifs ont été constatés, à l’admission, dans 45 % des cas. L’intervention chirurgicale s’est déroulée à froid dans 39 cas (88,6 %). L’exploration peropératoire a confirmé l’existence d’une compression vasculaire dans 17 cas (38,6 %) et une communication

1732

Objective > Hydatid cysts of the spigelian lobe, that is, segment I of the liver, are rare. We analyzed their clinical and therapeutic particularities. Methods > We conducted a retrospective search for the hydatid cysts of the liver treated surgically in our department from January 1, 1994, through December 31, 2005. Cases were identified and confirmed with the following investigatory techniques: routine abdominal ultrasonography, abdominal computed tomography recommended by the ultrasound operator when a cyst was discovered in segment I, routine intraoperative cholangiography, and three separate serological techniques: electrosyneresis, hemaglutination and ELISA (enzyme-linkedimmunosorbent assay)(the latter two being quantitative). The cystic cavity was treated with hypertonic serum. Several surgeons performed different combinations of the following techniques: deroofing, sometimes with omentoplasty, simple drainage, and subtotal pericystectomy. Results > We treated 44 hydatid cysts of segment I surgically in 10 men and 34 women, with a mean age of 40.6 years. Ten patients (22.7%) had a history of hydatid cysts. Symptoms or complications were noted at admission in 45% of cases. Only five cases (11.4%) required emergency surgery. Surgical examination confir-

tome 36 > n° 12 > décembre 2007 > cahier 1 doi: 10.1016/j.lpm.2007.03.047

M

algré la diversité des localisations topographiques de l’hydatidose, au sein du parenchyme hépatique, le kyste hydatique du lobe de Spiegel ou “segment I” du foie a été peu décrit dans la littérature. La situation anatomique de ce segment, en particulier ses rapports intimes avec les structures vasculaires et les voies biliaires principales, explique la fréquence accrue des complications

Ce qui était connu • La localisation de l’hydatidose au niveau du lobe du Spiegel “segment I” du foie est rare. • Les spécificités anatomiques du segment I rendent cette localisation pourvoyeuse de difficulté, tant sur le plan diagnostique que thérapeutique. • Les complications vasculaires et biliaires sont engendrées par un processus expansif.

Ce qu’apporte l’article • Les techniques modernes d’imagerie ont facilité le diagnostic. • L’attitude thérapeutique nécessite une bonne connaissance de ce carrefour vasculaire hépato-sus hépato-cave. • Une exposition parfaite du “segment I”, une large expérience de la chirurgie du kyste hydatique et des gestes chirurgicaux simples facilitent le traitement.

tome 36 > n° 12 > décembre 2007 > cahier 1

biliokystique dans 17 cas (38,6 %). Le traitement chirurgical a consisté en une résection du dôme saillant dans 37 cas (84,1 %), avec omentoplastie dans 54 % des cas, une périkystectomie subtotale dans 3 cas et un drainage simple dans 4 cas. Les fistules biliaires larges et > 5 mm ont été traitées par un drainage bipolaire dans 2 cas et un drainage interne trans-fistulo-oddien dans 3 cas. Des incidents peropératoires hémorragiques ont été observés dans 5 cas, et une rupture du kyste dans la cavité péritonéale dans 1 cas. Un traitement médical par l’albendazole a été prescrit en postopératoire chez 9 patients. Un décès peropératoire a été rapporté, consécutif à une hémorragie par une érosion de la veine cave inférieure. La morbidité était de 25 %. Cinq malades ont eu une récidive hépatique en dehors du segment I, avec un recul moyen de 32 mois. Conclusion > Le “segment I” du foie, localisation rare et particulière de la maladie hydatique, est fréquemment responsable des complications vasculaires et biliaires. Sa prise en charge nécessite une bonne connaissance du carrefour vasculaire hépato-sus hépatocave, une large expérience de la chirurgie du kyste hydatique et surtout des gestes chirurgicaux simples.

vasculaires et biliaires, et est surtout pourvoyeuse de difficultés thérapeutiques. Notre objectif était de dégager les particularités cliniques et thérapeutiques de cette localisation hydatique particulière.

Méthodes Nous avons recherché tous les kystes hydatiques opérés dans notre service entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 2005. Nous avons analysé les kystes hydatiques du “segment I” du foie. Dans notre étude, nous nous sommes fondés sur les constatations opératoires objectivant la présence d’un kyste hydatique du “segment I” du foie. Les observations exclues de notre étude ont été celles des patients ayant des kystes hydatiques du foie chevauchant sur le “segment I”, sans pour autant prendre origine à partir de ce segment. Pendant cette période de 12 ans, les techniques d’explorations ont été : • l’échographie abdominale, systématique, réalisée par plusieurs opérateurs spécialistes des secteurs privé et hospitalier ; • la tomodensitométrie (TDM) abdominale, souvent recommandé par l’échographiste devant la découverte d’un kyste du segment I ; • la cholangiographie peropératoire, réalisée d’une façon systématique ; • l’écho-Doppler couleur (réalisé dans 1 cas) ; • la sérologie hydatique, qui a eu recours aux 3 techniques : une technique qualitative – l’électrosynérèse – et 2 techniques

1733

med vascular compression in 17 cases (38.6%) and a biliary fistula in 17 cases (38.6%). Surgical treatment consisted of deroofing in 37 cases (84,1%), with omentoplasty in 23 (54%), subtotal pericystectomy in 3 and simple drainage in 4. Large biliary fistulas (> 5 mm) were treated with bipolar drainage in 2 cases and internal transfistulary drainage in 3. Some hemorrhaging occurred during surgery in 5 cases, and one cyst ruptured in the peritoneal cavity. Albendazole was prescribed postoperatively for nine patients. There was one intraoperative death, secondary to hemorrhage resulting from erosion of the inferior vena cava. Morbidity was 25%. After a mean follow-up of 32 months, five patients had recurrences in the liver but outside segment I. Conclusion > Segment I of the liver is a rare site for hydatid disease, and a site where vascular and biliary complications are frequent. Its management requires a good knowledge of the vascular anatomy of the liver and wide experience of hydatid cyst surgery and especially of simple surgical procedures.

Article original

Kystes hydatiques du lobe de Spiegel : particularités cliniques et thérapeutiques

Beyrouti MI, Beyrouti R, Bouassida M, Ben Amar M, Frikha F, Ben Salah K et al.

quantitatives, l’hémagglutination et l’Elisa (Enzyme-LinkedImmuno-Sorbet-Assay). Le traitement de la cavité kystique par une solution scolicide (sérum hypertonique), était fait à cavité ouverte. Les techniques chirurgicales, réalisées par plusieurs opérateurs spécialistes, ont été la résection du dôme saillant associée parfois à une omentoplastie (épiplooplastie), la vidange drainage simple, et la périkystectomie subtotale en préservant un segment de la paroi kystique contre la structure vasculaire. Le traitement médical (dérivés benzimidazolés “albendazole”) a été prescrit pendant les 4 dernières années dans 9 cas, avec une dose moyenne de 12 mg/kg de poids/jour, pendant une période de 3 semaines. Lorsque le kyste avait récidivé, une 2e cure de 3 semaines était faite après un arrêt de 3 semaines.

Résultats

1734

Parmi les 828 kystes hydatiques hépatiques, 44 étaient dans le segment I. L’âge moyen des patients était de 40,6 ans, avec des extrêmes allant de 5 à 78 ans. Il s’agissait de 34 femmes et de 10 hommes. Le sex ratio était de 0,29. Des antécédents d’hydatidose existaient dans 10 cas (22,8 %). La découverte du kyste hydatique du segment I du foie avait été fortuite dans 3 cas, dans le cadre du bilan de surveillance d’un kyste hydatique du foie ou du poumon opéré. Les symptômes du kyste ont été des douleurs de l’hypochondre droit ou de l’épigastre dans 15 cas (34,1 %), une hépatomégalie dans 3 cas. Une angiocholite grave a été observée 3 fois, une circulation veineuse collatérale abdominale et une ascite dans 1 cas, une température isolée > 38 °C dans 10 cas. L’échographie abdominale systématique a évoqué le diagnostic du kyste hydatique dans 39 cas (88,6 %), elle a contribué aussi au diagnostic topographique du kyste hydatique du “segment I” dans 18 cas (40,9 %). L’échographie a mis en évidence certaines complications inhérentes au kyste hydatique du segment I : la compression vasculaire dans 9 cas (20,5 %). L’ouverture du kyste hydatique dans les voies biliaires a été évoquée par l’échographie dans 5 cas. Une TDM abdominale, réalisée dans 9 cas, a évoqué le diagnostic étiologique et topographique d’un kyste hydatique du foie dans 7 cas, et elle a contribué à l’étude des rapports vasculaires du kyste. L’écho-Doppler couleur, réalisée dans 1 cas, a montré un flux cave conservé. La sérologie hydatique réalisée chez 21 patients était positive dans 19 cas (90,5 %). Le traitement médical (dérivés benzodiazolés), en association à la chirurgie, a été prescrit en postopératoire dans 9 cas, avec une dose moyenne d’albendazole de 12 mg/kg de poids/jour, et une durée moyenne de 21 jours. L’intervention s’est déroulée à froid dans 39 cas (88,6 %) ; 5 patients ont été opérés en urgence, après brève réanimation, ne dépassant pas les 72 heures. Parmi les 5 patients opérés en urgence, 3 avaient une angiocholite grave, et 2 un syndrome infectieux sévère.

L’exploration peropératoire a confirmé l’existence du “segment I”. La taille du kyste a varié de 4 à 30 cm avec une moyenne de 11 cm. Le contenu du kyste était eau de roche dans 27 cas (61,4 %), bilieux dans 9 cas (20,5 %), infecté dans 4 cas, mastic dans 3 cas. Le kyste était vide dans 1 cas. Le kyste était univésiculaire dans 28 cas (63,6 %). Il était unique dans 18 cas (40,9 %), et associé à d’autres localisations hydatiques hépatiques dans 26 cas (59,1 %) et spléniques dans 1 cas. L’exploration peropératoire a montré une compression vasculaire dans 17 cas (38,6 %). Les vaisseaux comprimés étaient la veine cave inférieure dans 11 cas (25 %), le tronc porte dans 4 cas et les veines sus-hépatiques dans 1 cas. Un saignement s’est déclaré brutalement après la ponction du kyste et le décollement de la membrane proligère provenant d’une érosion de 3 cm de la face antérieure de la veine cave dans 1 cas, et d’une perte de substance de 1 cm du bord gauche de la veine porte dans un autre cas. Une communication bilikystique a été retrouvée dans 17 cas (38,6 %) : il s’agissait d’une large fistule dans 5 cas, et de petites fistulettes de taille < 5 mm dans 12 cas (27,3 %). Les autres complications de découverte opératoire ont été la compression des voies biliaires dans 4 cas, et l’infection du kyste dans 6 cas. Le traitement de la cavité kystique par une solution scolicide (sérum hypertonique) était fait à cavité ouverte. Le traitement de la cavité résiduelle était conservateur “résection du dôme saillant” dans 37 cas (84,1 %). L’artifice technique le plus fréquemment associé était l’omentoplastie dans 24 cas (54,5 %). Dans 4 cas, aucun geste sur le kyste n’a été possible, en dehors d’une stérilisation, d’une évacuation de la membrane avec une vidange simple du contenu hydatique, et un drainage externe. Le recours à une périkystectomie subtotale, préservant prudemment un segment de la paroi kystique contre la structure vasculaire, n’a été possible que dans 3 cas. Nous n’avons noté aucune suppuration postopératoire. La vidange simple associée à un drainage a été utilisée dans 4 cas de notre série. La cholangiographie peropératoire systématique, après cholécystectomie, a mis en évidence les fistules biliaires. Leur traitement a été en fonction de leur taille : simple aveuglement des fistulettes de taille < 5 mm dans 9 cas, drainage bipolaire avec fermeture de la fistule dans 2 cas, et drainage interne trans-fistulo-oddien dans 3 cas. La compression de la veine porte était constatée, en peropératoire, dans 5 cas (11,4 %). Des incidents peropératoires ont été décrits dans 6 cas, dominés par les décapsulations hépatiques dans 5 cas, et une rupture d’un kyste hydatique dans la cavité péritonéale. Un décès peropératoire a été rapporté, consécutif à une hémorragie par une érosion colmatée par la membrane proligère de la veine cave inférieure. La morbidité était de 25 %, soit 11 cas. La survenue d’une fistule biliaire externe dans 4 cas (9,1 %) était à tome 36 > n° 12 > décembre 2007 > cahier 1

Discussion La localisation du kyste hydatique au niveau du lobe de Spiegel ou “segment I” du foie est rare [1]. Cette localisation est particulière, ceci est dû à la situation anatomique du segment I du foie, en particulier aux rapports intimes qu’entretient ce segment avec les structures vasculaires : la veine cave inférieure notamment, mais également les veines portes et le réseau veineux sus-hépatique. Le “segment I” est proche du hile hépatique et des voies biliaires principales et notamment de la convergence biliaire supérieure [2]. Ces particularités anatomiques expliquent la fréquence accrue des complications vasculaires et biliaires, engendrées par un processus expansif, développé au sein du “segment I” [3]. Le kyste hydatique du segment I peut se révéler d’emblée par une complication. Les compressions vasculaires engendrées par le kyste hydatique entraînent des modifications circulatoires au niveau du foie parasité et aboutissent à l’installation d’une hypertension portale [1, 4, 5]. Il s’agit soit d’une hypertension portale par compression de la veine porte ou de l’une de ses branches (un cas dans notre série), soit d’un syndrome de Budd Chiari secondaire par compression des veines sus-hépatiques (un cas dans notre série), soit une thrombose portale ou enfin des œdèmes des membres inférieurs par compression de la veine cave inférieure [5, 6]. L’échographie, couplée au Doppler couleur, permet dans la plupart des cas d’évaluer l’importance des phénomènes compressifs, de préciser leur point d’impact, et d’établir une cartographie vasculaire fonctionnelle [7-9]. L’angioscanner et plutôt l’IRM sont plus performants dans l’analyse du système veineux intra et extra-hépatique et pour la mise en évidence du périkyste [8, 10]. En peropératoire, cette compression peut se manifester par la découverte d’une congestion hépatique, d’une ascite, d’une splénomégalie, de dilatations veineuses au niveau du pédicule hépatique, d’un cavernome portal, ou de la constatation directe à l’exploration manuelle d’une compression ou d’un refoulement vasculaire par un kyste [1, 7]. La compression de la veine cave inférieure est habituellement responsable d’un syndrome cave inférieur [1]. La compression des veines sus-hépatiques pourrait être responsable d’un syndrome de Budd Chiari secondaire [1, 7, 11], associant des veines hépatiques sténosées ou thrombosées, ayant une lumière irrégulière, une circulation veineuse collatérale intra-hépatique et une hypertrophie du segment I du foie [1]. Le diagnostic est confirmé à l’angioscanner qui est l’examen le plus sensible pour la détection précoce de cette compression [8]. L’ouverture du kyste hydatique dans les gros vaisseaux et l’érosion tome 36 > n° 12 > décembre 2007 > cahier 1

des vaisseaux adjacents sont très rares [4, 5]. Elles sont habituellement de découverte peropératoire et sont létales dans 50 % des cas [1]. Cette rupture se fait habituellement dans la veine cave inférieure, dans les veines hépatiques et rarement dans la veine rénale droite [1, 7], la rupture dans la veine porte n’a pas été rapportée dans la littérature. La rupture dans la veine cave inférieure aboutit au tableau d’embolie pulmonaire hydatique de pronostic redoutable [1]. Les complications biliaires dépendent du stade évolutif du kyste. La rupture du kyste dans les voies biliaires compliquerait 5 à 15 % des kystes hydatiques sains et 43 % des kystes hydatiques symptomatiques [6, 12-14]. Elle se manifeste par un ictère associé parfois à une angiocholite, à un prurit ou à une réaction allergique en cas de fistulisation. L’ictère traduit plus fréquemment une fistulisation intrabiliaire du kyste hydatique qu’une simple compression extrinsèque des voies biliaires [15-17]. Ce mode de révélation varie de 4 à 10 % [12, 18]. La rupture du kyste dans les voies biliaires est objectivée à l’échographie dans 45 à 75 % des cas [7, 9]. Elle se traduit par un aspect affaissé du kyste, une dilatation des voies biliaires intra- et/ou extrahépatiques, la présence de matériel hydatique dans les voies biliaires et par l’existence d’une communication kystobiliaire. Le tableau échographique complet réunissant tous ces signes n’est trouvé que dans 25 % des cas. L’IRM est plus performante que la TDM pour détecter les complications, en particulier dans la rupture du kyste dans les voies biliaires [10]. La cholangioIRM a remplacé la cholangiographie endoscopique rétrograde dont la seule indication est thérapeutique [10]. Elle consiste en une sphinctérotomie endoscopique afin de réaliser un geste de drainage nasobiliaire urgent [19]. La cholangiographie peropératoire s’impose devant tout kyste hydatique du foie associé à un ictère ou lorsqu’on découvre pendant l’intervention un kyste hydatique à contenu bilieux [9]. La cholangiographie est susceptible de faire découvrir dans certains cas des ruptures dans les voies biliaires [9]. La compression des voies biliaires, le plus souvent modérée et bien tolérée, peut entraîner des manifestations de gravité variée [18, 20]. Les kystes comprimant le hile du foie, tels que les kystes hydatiques du segment I [18], peuvent être à l’origine d’un ictère par rétention et des poussées d’angiocholite [1, 11]. L’échographie peut objectiver une dilatation locale ou étendue des voies biliaires intra-hépatiques [7, 9]. L’infection peut rester longtemps latente [11] et être de découverte peropératoire devant un liquide hydatique trouble, biliopuriforme ou franchement purulent. Dans 5 à 8 % des cas, l’infection est symptomatique suite à la prolifération massive de germes pyogènes réalisant un tableau infectieux torpide avec une altération de l’état général et même un état de choc septique grave [1, 7]. L’inoculation par des germes anaérobies transforme le kyste hydatique en une collection pyogazeuse [3, 5]. L’échographie est souvent peu contributive dans le diagnostic de cette complication [7]. Elle peut montrer un kyste

1735

l’origine d’une prolongation du séjour hospitalier. À distance de l’intervention, 5 malades ont eu une récidive hépatique en dehors du “segment I”. Le délai moyen de découverte était de 32 mois (extrêmes : 19 à 61 mois).

Article original

Kystes hydatiques du lobe de Spiegel : particularités cliniques et thérapeutiques

Beyrouti MI, Beyrouti R, Bouassida M, Ben Amar M, Frikha F, Ben Salah K et al.

hydatique à contenu hétérogène et à limites floues [7]. L’IRM est plus intéressante en cas de surinfection de la cavité kystique, par la mise en évidence d’un signal intermédiaire sur les séquences pondérées en T1 [10]. La rupture dans la cavité péritonéale est une complication grave dont la fréquence varie de 1,7 à 13 % des cas [21, 22]. La rupture peut être massive, mais les fissurations kystiques minimes sont les plus fréquentes. La rupture massive se voit dans 20,5 % des cas [21]. L’état de choc anaphylactique signe la péritonite perforative et l’inondation brutale du péritoine par le liquide hydatique qui est parfois infecté. Les simples fissurations, plus fréquentes, se font à bas bruit et, en l’absence de traitement, évoluent vers une hydatidose péritonéale dans 75 % des cas [22]. Le scanner abdominal est un examen sensible pour la détection précoce de la rupture du kyste [8]. Il est aussi utile pour le dénombrement des kystes en cas d’hydatidose multiple, pour l’étude des rapports du kyste et du degré de diffusion de la maladie [7, 8]. Malgré la localisation profonde du kyste hydatique du “segment I” du foie, d’autres complications peuvent survenir au cours de son évolution, telle que la rupture dans le thorax, apanage des kystes hydatiques du dôme [1, 5], ou la rupture dans le tube digestif [18, 23]. Les particularités anatomiques, spécifiques de ce segment, sont pourvoyeuses des difficultés thérapeutiques, avec notamment un abord chirurgical malaisé et un accès difficile, voire dangereux dans certains cas [2]. Les limites du “segment I” sont assez imprécises, car il ne possède pas de pédicule unique et appartient par ses pédicules vasculaires glissoniens au foie droit et au foie gauche. Il repose sur la veine cave rétro-hépatique et possède de nombreuses veines sus-hépatiques qui se jettent directement dans la veine cave. Cette situation particulière fait toute la difficulté des résections segmentaires du lobe de Spiegel [24] ; en effet, il existe un risque de plaie cave lors de la section des veines spiegéliennes [2]. Une bonne connaissance de ce carrefour vasculaire hépato-sus hépato-cave, une exposition parfaite du “segment I”, une large expérience de la chirurgie du kyste hydatique et surtout des gestes simples sont indispensables [25, 26].

La résection du dôme saillant est le geste le plus salvateur et le plus simple, puisque dans cette localisation déclive du kyste, elle expose à un faible risque de collection résiduelle [4, 27]. La périkystectomie subtotale est menée comme la périkystectomie totale, mais on ménage dans la partie la plus profonde et la plus dangereuse de la coque une portion d’adventice destinée à protéger les gros éléments vasculobiliaires [18, 24, 27]. La vidange simple du kyste associée à un drainage est indiquée en cas de difficulté technique de dissection à type de décapsulation, particulièrement chez les multiopérés, en cas de syndrome de Budd Chiari ou en cas d’un cavernome porte rendant l’accès au “segment I” très dangereux [4, 25]. Les gestes radicaux, la périkystectomie totale ou les résections hépatiques n’ont pas de place dans le traitement du kyste du “segment I”, puisqu’ils exposent inutilement et presque inévitablement à un danger vital [24, 26, 28]. La ponction-aspiration-injection-réaspiration est contre-indiquée en cas de kyste hydatique profond ou inaccessible de siège à risque [29-31]. Nous n’avons pas eu recours à cette technique vu les rapports vasculaires et biliaires intimes qu’entreprend un kyste hydatique dans cette localisation. Le traitement médical du kyste hydatique repose sur les dérivés benzimidazolés administrés per os à forte dose en cas d’hydatidose viscérale en raison de leur faible coefficient d’absorption digestive (12 à 15 mg/kg/j pour l’albendazole et 70 mg/kg/j pour le mébendazole) [31, 32]. Le traitement médical diminue la taille du kyste hydatique et réduit la fréquence des rechutes, mais n’entraîne la guérison complète que dans 30 % des cas [31]. Classiquement, il est réservé à l’hydatidose disséminée maligne, aux malades multiopérés et à la prévention d’une éventuelle dissémination en cas de ponction accidentelle ou de rupture peropératoire d’un kyste hydatique [33]. Comme dans les autres localisations du kyste hydatique du foie, le délai de récidive pourrait aller jusqu’à 10 à 15 ans [1, 5, 13]. Conflits d’intérêts : aucun

Références 1 2

3

1736

4

Koltz F, Nicolas X, Debbone JM. Kystes hydatiques du foie. EMC Hépatologie. 2000: 16 (7-023-A-10). Castaing D, Bismuth H, Borie D. Résections segmentaires hépatiques. EMC Techniques chirurgicales - Appareil digestif. 1999; 10: 40-765. Kayaalp C, Bzeizi K, Demirbag A, Akoglu M. Biliary Complications After Hydatid Liver Surgery: Incidence and Risk Factors. J Gastrointest Surg. 2002; 6: 706-12. Franco D, Vons C. Traitement chirurgical des kystes hydatiques du foie. EMC Techniques

5

6

chirurgicales – Appareil digestif. 1999; 11: 40-775. Hernando E, Garcia Calleja JL, Cordoba E, Lahuerta L, Del Rio F, Ferreira V. Hepatic hydatidosis. Review of a series of 677 surgically treated patients. Gastroenterol Hepatol. 1996; 19: 140-5. Zaouche A, Haouet K, Jouini M, El Hchaichi A, Dziri C. Management of liver hydatid cyst with large biliocystic fistula: tric retrospective study. World J Surg. 2001; 25: 28-39.

7

8

9

Sayek I, Onat D. Diagnosis and treatment of uncomplicated hydatid cyst of the liver. World J Surg. 2001; 25: 21-7. Ozturk A, Ozturk E, Zeyrek F, Sirmatel F. Late ultrasonographic findings in cases operated for hydatid cyst of the liver. Eur J Radiol. 2005; 56: 91-6. Zagar A, Khuroo S, Ahmad B, Youssuf M, Al Sultan M. Intrabilary rupture of hepatic hydatic cyst: sonographic and cholangiographic appearances. Gastrointes Radiol. 1992; 17: 41-5.

tome 36 > n° 12 > décembre 2007 > cahier 1

11 12

13

14

15

16

Laghi A, Pavone P, Di Girolamom Catalano C, Panebianco V, Grossi A et al. Usefulness of the new sequences of magnetic resonance in the study of hepatic hydatidosis. EMC Radiol Med. 1996; 92: 600-4. Sakhri J, Ben Ali A. Le kyste hydatique du foie. J Chir (Paris). 2004; 141: 381-9. Beyrouti I, Kharrat M, Elleuch S, Affés N, Gargouri F, Karoui A et al. Drainage interne trans-fistulo-oddien des kystes hydatiques ouverts dans les voies biliaires. Presse Med. 2001; 30: 1863-7. Chautems R, Bühler L, Gold B, Giostra E. Surgical management and long-term outcome of complicated liver hydatid cysts caused by Echinococcus granulosus. Surgery. 2005; 137: 312-6. Kama NA, Sahin M, Göçmen E, Bayrak M, Kulaçog˘lu H, Akat AZ. The results of surgical techniques in hepatic hydatidosis: treatment with drainage versus treatment without drainage–a 6-year experience. J R Coll Surg Edinb. 1998; 43: 254-6. Atli M, Kama NA, Yuksek YN, Doganey M, Gozalan U, Kologlu M et al. Intrabiliary rupture of a hepatic hydatid cyst. Arch Surg. 2001; 136: 1249-55. Daali M, Fakir Y, Hssouda R, Hajji A, Ada A. Les kystes hydatiques du foie rompus dans les voies biliaires. À propos de 64 cas. Ann Chir. 2001; 126: 242-5.

tome 36 > n° 12 > décembre 2007 > cahier 1

17

18

19

20

21

22

23 24

Kayaalp C, Bostanci B, Yol S, Akoglu M. Distribution of hydatid cysts into the liver with reference to cystobiliary communications and cavity-related complications. Am J Surg. 2003; 185: 175-9. Blairon L, Derbel F, Ben Hadj Hamida R, Delmée M. Le kyste hydatique du foie. Approche clinique et thérapeutique. A propos de 97 cas opérés dans un CHU de Tunisie centrale. Med Mal Infect. 2000; 30: 641-9. Rodriguez AN, Sanchez Del Rio AL, Alguacil LV, De Dios Vega JF, Fugarolas GM. Effectiveness of endoscopic sphincterotomy in complicated hepatic hydatid disease. Gastrointest Endosc. 1998; 48: 593-7. Koksal N, Muftuoglu T, Gunerhan Y, Uzun MA, Kurt R. Management of intrabilary ruptured hydatid disease of the liver. HepatoGastroEnterol. 2001; 48: 1094-109. Beyrouti I, Beyrouti R, Abbes I, Kharrat M, Ben Amar M, Frikha F et al. Rupture aiguë du kyste hydatique dans le péritoine. Presse Med. 2004; 23: 378-84. Larbi N, Hedfi S, Selmi N, Ben Salah K. La rupture aiguë du kyste hydatique du foie dans le péritoine. Ann Chir. 2002; 127: 487-8. Taunat O, Priollet P. Hydatidose hépatique. Presse Med. 2004; 33: 30. Bourgeon R, Guntz M, Mouiel J, Borelli JP, Isman H. A propos des résections hépatiques,

25

26

27

28

29 30

31

32 33

celles relatives au kyste hydatique. Chirurgie. 1982; 108: 466-7. Dervenis C, Delis S, Avgerinos C, Madariaga J, Milicevic M. Changing Concepts in the Management of Liver Hydatid Disease. J Gastrointest Surg. 2005; 9: 869-77. Balik AA, Basoglu M, Çelebi F, Oren D, Polat KY, Atamanalp SS. Surgical treatment of hydatid disease of the liver. Arch Surg. 1999; 134: 166-9. Kayaalp C, Bostanci B, Yol S, Akoglu M. Distribution of hydatid cysts into the liver with reference to cystobiliary communications and cavity-related complications. Am J Surg. 2003; 185: 175-9. Menezes da Silva A. Hydatid cyst of the liver: criteria for the selection of appropriate treatment. Acta Trop. 2003; 85: 237-42. Benazzouz M, Essaid E. Traitement percutané du kyste hydatique du foie. EMC. 2004 (7-023-A-12). Kabaalioglu A, Ceken K, Alimoglu E, Apaydin A. Percutaneous imaging-guided treatment of hydatid liver cysts: Do longterm results make it a first choice? Eur J Radiol. 2006; 59: 65-73. Smego RA, Sebanego P. Treatment options for hepatic cystic echinococcosis. Int J Infect Dis. 2005; 9: 69-76. El On J. Benzimidazole treatment of cystic echinococcosis. Acta Trop. 2003; 85: 243-52. Saimot AG. Medical treatment of liver hydatisosis. World J Surg. 2001; 25: 15-20.

1737

10

Article original

Kystes hydatiques du lobe de Spiegel : particularités cliniques et thérapeutiques