La maladie de Hodgkin de l’enfant dans le Nord Tunisien : étude clinique et thérapeutique

La maladie de Hodgkin de l’enfant dans le Nord Tunisien : étude clinique et thérapeutique

Cancer/Radiothérapie 16 (2012) 627–632 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Article original La maladie de Hodgkin de l’enfant dans le No...

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Cancer/Radiothérapie 16 (2012) 627–632

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Article original

La maladie de Hodgkin de l’enfant dans le Nord Tunisien : étude clinique et thérapeutique Pediatric Hodgkin disease in North Tunisia: Clinical and therapeutic study L. Kochbati a,∗ , F. Fdhila b , I. Belaid c , H. Rifi c , S. Barsaoui b , N. Ben Romdhane d , Z. Bel Hadj Ali e , A. Mezlini f , F. Oubich b , M. Maalej a a

Service radiothérapie, institut Salah-Azaiz, boulevard Bab-Saadoun, rue Jebel-Lakhdher, 1006 Tunis, Tunisie Service de pédiatrie, hôpital d’enfants, Tunis, Tunisie c Unité d’oncologie pédiatrique, service d’oncologie médicale, institut Salah-Azaiz, Tunis, Tunisie d Service d’hématologie, hôpital La Rabta, Tunis, Tunisie e Service d’hématologie, hôpital Aziza-Othmana, Tunis, Tunisie f Service d’oncologie médicale, institut Salah-Azaiz, Tunis, Tunisie b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : ˆ 2011 Rec¸u le 21 aout Rec¸u sous la forme révisée ˆ 2012 le 25 aout Accepté le 5 septembre 2012 Mots clés : Lymphome Hodgkinien Enfant Traitement Pronostic

r é s u m é Objectif. – Analyser les aspects épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques de la maladie de Hodgkin de l’enfant dans le Nord Tunisien et étudier les facteurs pronostiques. Patients et méthodes. – Étude rétrospective multicentrique d’une série de patients âgés de moins de 18 ans traités consécutivement entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 2004. La chimiothérapie a été administrée dans différents services d’hématologie et d’oncologie du Nord de la Tunisie alors que la radiothérapie était centralisée dans un seul service (de l’institut Salah-Azaïz). Résultats. – Les dossiers de 114 patients ont été colligés. L’âge médian était de 12 ans (4–18 ans) et la sex-ratio de 2,25. Les adénopathies périphériques étaient la circonstance de découverte la plus fréquente (82,5 %). La sclérose nodulaire était le type histologique prédominant (56 %). Le traitement a été basé sur l’association de chimiothérapie et de radiothérapie limitée aux territoires initialement envahis. Avec un recul moyen de 23,5 mois, le taux de rechute était de 12,2 %. Les probabilités de survie globale et de survie sans évènement à cinq ans étaient respectivement de 95 % et 76 %. La probabilité de survie globale était à cinq ans dans les formes localisées de 98,2 % et elle était de 90,8 % dans les formes évoluées. En analyse multifactorielle, les facteurs péjoratifs significatifs de la survie sans événement étaient le stade IV (p = 0,029) et la réponse au traitement initial (p = 0,003) alors que le stade IV était le seul facteur qui a significativement influencé la survie globale (p = 0,002). Les séquelles à long terme étaient peu importantes. Aucune tumeur secondaire n’a été observée. Conclusion. – L’association de chimiothérapie et de radiothérapie des sites initialement envahis a été efficace et bien tolérée, surtout dans les formes de début de la maladie de Hodgkin de l’enfant. Nous recommandons de centraliser la prise en charge des maladies de Hodgkin de stade IV dans une unité spécialisée permettant un traitement plus intensif. Le recul est insuffisant pour juger de la toxicité à long terme. © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).

a b s t r a c t Keywords: Hodgkin disease Children Treatment Prognosis

Purpose. – To assess the epidemiological, clinical and therapeutic aspects of pediatric Hodgkin disease (HD) and to study prognosis factors. Patients and methods. – We retrospectively reviewed the medical records of children (≤ 18 years) with HD treated between 1st January 1994 and 31st December 2004. Chemotherapy was undertaken in different departments of hematology and oncology in the North of the country and radiotherapy was centralized at the Salah-Azaïz National Cancer Institute.

∗ Auteur correspondant. Faculté de médecine de Tunis, université Tunis-El-Manar, Tunis Tunisie. Adresses e-mail : lotfi[email protected], belaid [email protected] (L. Kochbati). 1278-3218/$ – see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2012.09.002

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Results. – One hundred fourteen consecutively treated patients were collected. Median age was 12 years (4–18 years) and sex-ratio was 2.25. Peripheral lymphadenopathy was the predominant circumstance of HD detection (82.5%). The predominant histologic type was nodular sclerosing (56%). Treatment included chemotherapy and involved-field radiotherapy. With a mean follow-up of 23.5 months, relapse rate was 12.2%. Five-year overall survival (OS) and event-free survival (EFS) rates were 95% and 76%, respectively. Five-year OS was 98.2% and 90.8% for early and advanced stages respectively. In multivariate analysis, stage IV (P = 0.029) and early response to initial treatment (P = 0.003) retained statistical significance for EFS whereas the only prognostic factor for OS was stage IV (P = 0.002). The long-term side effects were rare. No secondary tumor was noted. Conclusion. – Combined-modality therapy using chemotherapy and involved-field radiotherapy was effective and well-tolerated in early stage pediatric HD. Stage IV patients should be referred to specialized units for intensive treatment. The short median follow-up in our study cannot allow considering long-term effects. © 2012 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).

1. Introduction La maladie de Hodgkin, connue aujourd’hui sous le nom de lymphome de Hodgkin, représente 15 à 30 % des lymphomes malins de l’enfant et 5 à 10 % des malades atteints de cette affection sont des enfants [1]. Sa prise en charge a connu des progrès majeurs permettant d’espérer la guérison de plus de 90 % des patients. La maladie de Hodgkin de l’enfant diffère peu de celle de l’adulte, mais elle présente quelques particularités anatomocliniques et thérapeutiques. Notre objectif était de décrire les particularités de la maladie de Hodgkin chez l’enfant dans le Nord Tunisien sur le plan épidémiologique, clinique et thérapeutique et d’étudier ses facteurs pronostiques.

2. Patients et méthodes 2.1. Patients Il s’agit d’une étude rétrospective multicentrique des dossiers de tous les enfants de moins de 18 ans chez qui le diagnostic de maladie de Hodgkin a été prouvé histologiquement et qui ont été traités consécutivement entre janvier 1994 et décembre 2004 dans un même centre de radiothérapie (service de radiothérapie carcinologique de l’institut Salah-Azaïz). En revanche, la chimiothérapie a été administrée dans différents services d’oncopédiatrie ou d’hématologie du Nord du pays (hôpital d’enfants, institut SalahAzaïz, hôpital Aziza-Othmana, hôpital la Rabta et hôpital militaire de Tunis). 2.2. Méthodes Le recueil des informations s’est fait sur une fiche standard où ont été précisées les données épidémiologique, cliniques, thérapeutiques et évolutives. Le diagnostic histopathologique a été exprimé selon la classification de Lukes-Rye [2] et a comporté obligatoirement une étude immuno-histochimique avec au minimum les anticorps pan-B, pan-T, EMA, CD15 et CD30. Un bilan d’extension a été réalisé pour tous les patients, permettant de préciser le stade selon la classification d’Ann-Arbor. Ce bilan a comporté, outre l’examen clinique, un examen ORL, une numération formule sanguine, un dosage de la LDH (lacticodéshydrogénase), une vitesse de sédimentation, une radiographie du thorax, une scanographie cervico-thoraco-abdomino-pelvienne et une radiographie osseuse en cas de douleur osseuse. Une scintigraphie au technetium a été systématiquement pratiquée dans les stades IIIB et IV et en cas de douleur osseuse. Une biopsie médullaire a été pratiquée chez les enfants atteints de maladie de Hodgkin de stade III ou IV ou en cas de signes généraux (classés B).

Les jeunes enfants (moins de 15 ans) ont été traités selon le protocole MDH 90 [3] avec une chimiothérapie de type VBVP (étoposide, bléomycine, vinblastine et prednisone si le stade était stade I ou II). Les maladies de Hodgkin de stade III ont été traitées par deux cycles de MOPP/ABVP (méchlorethamine, vincristine, procarbazine, prednisone/adriablastine, bléomycine, vinblastine, prednisone) et celles de stade IV par deux cures d’OPPA (vincristine, procarbazine, prednisone, adriamycine) et quatre cures de COPP (cyclophosphamide, vincristine, procarbazine, prednisone). Une radiothérapie de 20 Gy a été délivrée si la rémission est au moins de 70 %. Dans le cas contraire, les malades rec¸oivent une chimiothérapie de rattrapage de type MINE (mitoguazone, ifosfamide, vinorelbine et étoposide) consolidée par une chimiothérapie à forte dose. Les adolescents (âgés de 15 ans et plus) ont été traités selon le protocole de maladie de Hodgkin de l’adulte avec une chimiothérapie de type MOPP/ABV (méchlorethamine, vincristine, procarbazine, prednisone, doxorubicine, bléomycine, et vinblastine). La radiothérapie a été délivrée dans les sites initialement atteints à la dose de 20 Gy en cas de réponse satisfaisante et à la dose de 40 Gy en cas de réponse insuffisante. Une réponse satisfaisante a été définie par une réponse clinique, biologique et radiologique d’au moins 70 %. L’étude statistique a été faite grâce au logiciel SPSS 11 (IBM, Londres). La survie globale et la survie sans événements ont été évaluées à partir de la date de la fin du traitement. Les courbes de survie ont été calculées selon la méthode de Kaplan–Meier. L’étude en analyse unifactorielle selon le test de Log-Rank et multifactorielle selon le modèle de Cox a permis de rechercher l’intrication de différents facteurs (cliniques, biologiques, radiologiques, type histologique, traitement, réponse au traitement initial) dans le pronostic (p significatif si ≤ 0,05).

3. Résultats 3.1. Caractéristiques de la population Nous avons colligé 114 cas de maladie de Hodgkin de l’enfant en 11 ans. L’âge moyen était de 11,5 ans (quatre à 18 ans), l’âge médian de 12 ans et la sex-ratio de 2,25. Les caractéristiques des patients sont représentées dans le Tableau 1. Le diagnostic histologique a été obtenu dans la quasi-totalité des cas par des biopsies ganglionnaires (113/114). Une biopsie péricardique sous-thoracotomie réalisée pour une pleuro-péricardite a permis de retenir le diagnostic de maladie de Hodgkin dans un cas. La lecture histopathologique a été centralisée chez une même équipe (équipe d’anatomie pathologique de l’institut Salah-Azaïz). Selon la classification histologique de Lukes-Rye, le type scléronodulaire a été retrouvé dans 56 % des cas, le type cellularité mixte

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Tableau 1 Caractéristiques des patients. Patient characteristics. Caractéristique

Nombre

Âge médian (années)

12 (4–18)

%

Patients de sexe masculin

79

69

Patients de sexe féminin

35

31

Délai médian de consultation (jours)

120 (15–1456)

Signes B

62

54

Adénopathies périphériques à l’examen

109

95,6

Lactico-déhydrogénase élevée

62

54,3

Vitesse de sédimentation élevée

72

63,1

Hémoglobine < 10,5 g/dL

52

45,6

Index médiastinothoracique > 0,33

43

37,7

Type histologique Sclérose nodulaire Cellularité mixte Prédominance lymphocytaire Non précisé

64 41 4 5

56 36 4 4

Stade I II III IV

10 55 33 16

8,8 48,2 28,9 14

Localisations viscérales Foie Poumon Os Plèvre Moelle

7 6 5 4 3

6,1 5,2 4,3 3,5 2,6

Traitement Dose médiane de radiothérapie (Gy) Durée médiane de l’étalement (jours) Délai médian entre fin de chimiothérapie– début de radiothérapie (jours)

20 (19,8–40) 16 (10–91) 53 (15–213)

dans 36 % et le type à prédominance lymphocytaire dans 4 %. Le type histologique nˇıa pas été précisé dans cinq cas (4 %). Une vitesse de sédimentation de plus de 40 mm à la première heure a été notée dans 63,2 % des cas et une concentration d’hémoglobine inférieure à 10,5 g/dL dans 46,1 %. Une biopsie médullaire a été pratiquée dans 64 cas (56 %) et était pathologique dans trois. Cinq biopsies du cavum ont été réalisées, une seule était positive. Le bilan d’extension radiologique a révélé une atteinte hépatique chez sept enfants (6,1 %), une atteinte pulmonaire chez six (5,2 %), une atteinte osseuse chez cinq (4,3 %) et une atteinte pleurale chez quatre (3,5 %). À noter que des patients avaient des atteintes viscérales synchrones. Les formes localisées représentaient 57 % des cas (dix de stade I et 55 de stade II) et les formes étendues 43 % (33 de stade III et 16 de stade IV). Les signes B étaient présents dans 30 % des maladies de Hodgkin de stade I (3/10), 32,7 % de stade II (18/55), 51,5 % de stade III (17/33) et 87,5 % de stade IV (14/16). 3.2. Traitement et résultats thérapeutiques Quatre-vingt-douze de nos patients ont été traités selon le protocole MDH 90. Le protocole national des adultes a été appliqué chez les autres enfants (n = 22). Le traitement a comporté une chimiothérapie exclusive pour dix patients, une radiothérapie exclusive pour un, et l’association des deux pour la majorité (103 patients). Une greffe de cellules souches hématopoïétiques a été réalisée pour trois patients. Le premier patient était en situation de progression après une ligne de

Fig. 1. Survie globale. Overall survival.

chimiothérapie. Le deuxième patient était en situation de réponse partielle après une chimiothérapie de rattrapage pour une rechute survenue à trois mois de la fin du traitement. Le troisième patient a été greffé après échec de trois lignes de chimiothérapie. Après traitement initial, la réponse était satisfaisante dans 83,3 % des cas (n = 95), partielle dans 12 cas, il n’y avait pas de réponse dans un cas et une progression dans six. Une réponse satisfaisante a été obtenue dans 100 % des maladies de Hodgkin de stade I (n = 10) et de stades II (n = 55), 78,8 % de celles de stade III (n = 26) et 25 % de celles de stade IV (n = 4). La dose médiane de radiothérapie chez les 103 enfants irradiés était de 20 Gy et la dose moyenne de 23,9 Gy (19,8–40 Gy). La plupart des malades ont rec¸u une dose de 20 Gy (n = 76), seuls six enfants (en situation de mauvaise réponse) ont rec¸u une radiothérapie à la dose de 40 Gy. Pour les autres, la dose délivrée était comprise entre 19,8 et 40 Gy. Quatre vingt dix sept patients (94,1 %) ont rec¸u une irradiation par photons X de 6 MV d’un accélérateur de particules LINAC 1800 (VARIAN), à raison cinq séances de 1,8 Gy par semaine. Chez les six patients restants, la radiothérapie a été délivrée à raison par cinq séances de 2 Gy par semaine. Il s’agissait d’une radiothérapie bidimensionnelle, utilisant l’accélérateur linéaire et des caches personnalisés à partir des films de simulation. Le simulateur utilisé avait pour référence Philips SLC. Des moyens simples de contention ont été utilisés, à type de masque thermoformé pour les localisations ganglionnaires cervicales hautes, des cales sous le cou et des reposes genoux. Les adénopathies périphériques ont été cerclées par des fils de plomb lors de la prise des clichés de simulation. À l’issue de la chimiothérapie et de la radiothérapie, 110 patients (94,5 %) étaient en situation de rémission complète et quatre de poursuite évolutive. Avec un recul moyen de 23,5 mois (8–82), le taux de rechute était de 12,2 %. Les probabilités de survie globale (Fig. 1) et de survie sans événements à cinq ans étaient respectivement de 95 % et 76 %. Celle de survie globale à cinq ans était si la maladie de Hodgkin était de stade I ou II de 98,2 % et de 90,8 % si elle était de stade III ou IV. Les probabilités de survie globale et de survie sans évènement à deux ans étaient respectivement de 95,07 % et 81,12 %. En analyse unifactorielle, les facteurs qui avaient un impact significatif sur la survie globale (Tableau 2) étaient le sexe féminin (p = 0,0482) et le stade (p = 0,0005). La probabilité de survie globale était de 100 % au stade I, 98 % au stade II, 100 % au stade III et 74 % au stade IV.

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Tableau 2 Facteurs prédictifs de décès (analyse univariée). Predicting death factors (univariate analysis).

3.3. Étude de la toxicité

Facteurs prédictifs de décès

p

Sexe (féminin/masculin)

0,0482

Délai de consultation inférieur ou supérieur à 120 jours

0,38

Signes B (oui/non)

0,15

Sites ganglionnaires < 3 ou > 3

0,79

Lactico-déhydrogénase

0,21

Stades cliniques

0,0005

IM (inférieur à 0,33/supérieur à 0,33)

0,5762

Type histologique

0,856

MDH90/protocole adulte

0,3153

Délai RT-CT (inférieur ou supérieur à 53 jours)

0,25

Étalement RT sus-diaphragmatique

0,6362

Dose de radiothérapie

0,6

IM : indice médiastinothoracique supérieur ; RT : radiothérapie ; CT : chimiothérapie.

Tableau 3 Facteurs prédictifs d’événements (analyse univariée). Predicting event factors (univariate analysis). Facteurs prédictifs d’événements

p

Sexe (féminin/masculin)

0,5929

Délai

0,07

Signes B (oui/non)

0,15

Sites ganglionnaires < 3 ou > 3

0,79

Hémoglobine (inférieur/supérieur 10 g/dL)

0,0096

Vitesse de sédimentation (supérieure 50 mm/inférieure 50 mm)

0,0057

Lactico-déhydrogénase

0,17

Stades cliniques

0,0011

IM (supérieure 0,33/inférieure 0,33)

0,123

Type histologique

0,948

MDH90/protocole adulte

0,1475

Étalement RT sus-diaphragmatique

0,7297

Étalement RT sus- et sous-diaphragmatique

0,8277

Dose de radiothérapie

0,41

Réponse au traitement (mauvaise/bonne)

0,0008

IM : indice médiastinothoracique supérieur ; RT : radiothérapie.

Seul le stade IV a significativement influencé la survie globale en analyse multifactorielle (p = 0,002). Les facteurs prédictifs d’événements étaient, en analyse unifactorielle (Tableau 3) la concentration d’hémoglobine (p = 0,0096), la vitesse de sédimentation (p = 0,0057), le stade IV (p = 0,0011) et la réponse au traitement initial (p = 0,0008). La probabilité de survie sans événement à 5 ans passait de 100 % au stade I à 85 % au stade II, 65,7 % au stade III et 47 % au stade IV (p = 0,0011). En analyse multifactorielle, les seuls facteurs péjoratifs significatifs pour la survie sans évènement étaient le stade IV (p = 0,029) et la réponse au traitement initial (p = 0,003). La survie a été comparée selon le lieu de chimiothérapie rec¸ue : il n’y avait pas de différence significative de survie globale ni sans évènements entre ces différents groupes (respectivement p = 0,3153 et 0,1475). Il n’existait donc pas d’effet centre significatif sur les résultats thérapeutiques.

Nous avons relevé 16 cas de toxicité hématologique de grade 3 ou 4, sept de toxicité digestive (deux radiomucites, deux dysphagies et trois hépatites toxiques) et deux de toxicité cutanée (un cas d’eczéma déclenché par la bléomycine et un de pustulose exanthématique aiguë après administration d’une chimiothérapie de type MOPP). Quatre décès iatrogéniques ont été notés (trois au stade IV et un au stade II), tous dus à une aplasie fébrile non jugulée après une chimiothérapie de type BEACOPP (doxorubicine, bléomycine, vincristine, cyclophosphamide, procarbazine, étoposide, prednisone), VIP (étoposide, ifosfamide et cisplatine), MOPP ou COPP. Les explorations à la recherche de séquelles iatrogènes tardives ont été réalisées uniquement en cas de signes d’appel. Dix cas de toxicité chronique ont été retrouvés : un cas de toxicité cardiaque (une cardiomyopathie dilatée due aux anthracyclines sur 12 patients ayant eu une échographie cardiaque), deux syndromes restrictifs (sur cinq patients ayant eu une exploration fonctionnelle respiratoire, toxicité de grade 3 selon l’échelle Subjective-Objective-Management-Analytic – Late Effects of Normal Tissues [SOMA–LENT]), un cas de neuropathie optique, un cas de polyradiculonévrite, trois cas de retard pubertaire et deux cas de dysthyroïdie (sur six enfants explorés). Aucune tumeur secondaire n’a été observée.

4. Discussion Dans cette série, nous avons relevé certaines particularités épidémiologiques, histologiques et cliniques par rapport aux séries publiées dans les pays en voie de développement [4,5] et émergeants [6,7]. En effet, un âge moyen élevé (plus de dix ans), un type histologique scléronodulaire prédominant et des formes débutantes (de stades I et II) plus fréquents rejoignent les chiffres rapportés dans les séries occidentales [3,8,9]. Ces différences pourraient être expliquées en partie par la différence des critères de définition des séries pédiatriques allant jusqu’à 18 ans, l’amélioration de la lecture histologique avec le recours systématique à l’immuno-histochimie et la facilité d’accès aux soins. Avant 1975, l’objectif principal du traitement de la maladie de Hodgkin était d’améliorer la probabilité de survie des patients, en associant une chimiothérapie (habituellement de type MOPP et/ou ABVD) et une radiothérapie. Ce traitement était alors similaire chez l’enfant et l’adulte [10]. L’irradiation couvrait l’ensemble des territoires ganglionnaires, envahis ou non initialement, avec des doses totales d’irradiation de 35 à 45 Gy. L’amélioration des probabilités de survie globale et de survie sans récidive a été spectaculaire, en particulier dans les stades de début (moins de 90 %), mais les séquelles tardives étaient responsables d’une morbidité et une mortalité jugées inacceptables, particulièrement dans la population pédiatrique où elles sont plus importantes. Une analyse récente a montré que 25 % de la mortalité des enfants atteints de maladie de Hodgkin était liée aux séquelles tardives des traitements [11]. Ces constatations ont poussé les grands groupes coopérateurs à mettre en place des protocoles pédiatriques différents de ceux de l’adulte depuis le début des années 1980 [12,13]. Ils avaient pour objectifs de maintenir au moins ces mêmes taux de guérison avec une réduction des séquelles tardives. Ces protocoles sont basés sur une désescalade des doses et des volumes de radiothérapie (passant des irradiations lymphoïdes totales de 40 Gy à l’irradiation des sites initialement envahis de 20 Gy en cas de réponse satisfaisante), d’une part, et à la suppression des chimiothérapies leucémogènes et gonadotoxiques, d’autre part. Cette désescalade a été adoptée de manière collégiale pour nos patients et nous nous sommes inspirés

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du protocole MDH90 même si les résultats définitifs n’étaient pas encore connus. La probabilité de survie globale à cinq ans dans notre série, tous stades confondus, était de 95 %, ce qui est comparable aux résultats retrouvés dans la littérature [14] sauf pour le stade IV (74 % contre 78–88 %). Cette faible probabilité de survie dans ce groupe de patients pourrait être expliquée par l’hétérogénéité des protocoles de chimiothérapie administrés dans différents centres d’oncologie et d’hématologie, dont deux seulement étaient spécialisés en oncopédiatrie. Une centralisation de la prise en charge des maladies de Hodgkin de stade IV dans une unité spécialisée ayant accès aux traitements intensifs pourrait améliorer ces résultats. Dans les formes évoluées, des traitements sans alkylants ont été tentés mais cette stratégie a été un échec [15]. Une tentative de substitution de la procarbazine par du méthotrexate a été aussi insatisfaisante dans une étude allemande, interrompue en raison du taux de progression et de rechute précoce trop élevé [16].En 2003, la SFOP (Société franc¸aise d’oncologie pédiatrique) a proposé des recommandations MDH03 de prise en charge des lymphomes de Hodgkin de l’enfant en distinguant trois groupes : les stades favorables (GMH1), intermédiaires (GMH2) et avancés (GMH3) [17].Une scanographie était réalisée après quatre cures. En cas de réponse inférieure à 75 %, une chimiothérapie complémentaire était indiquée. Tous les patients ont eu une radiothérapie complémentaire à la dose de 20 Gy dans les sites initialement envahis avec ou sans boost. Les résultats sont encourageants. Soixante pour cent des patients ont rec¸u moins de 160 mg/m2 d’anthracyclines et une irradiation de 20 Gy.Pour les formes évoluées, l’utilisation d’un protocole avec une intensité de dose élevée tel que le protocole BEACOPP a été testé avec succès chez l’enfant, mais le suivi est encore insuffisant pour évaluer la toxicité tardive de ce schéma [18]. Chez l’adulte, une étude de phase III publiée en 2011 [19] a montré que le taux de survie sans progression à sept ans était meilleur après une chimiothérapie par BEACOPP que par ABVD (85 % contre 73 % ; p = 0,004). Il n’y avait cependant pas de différence de survie globale entre les deux protocoles après un traitement de rattrapage par intensification et autogreffe de cellules souches périphériques au prix d’une majoration des toxicités sévères dans le bras BEACOPP. Ainsi et du moment que la guérison n’est pas compromise et que les traitements de rattrapage sont disponibles et efficaces, l’évaluation de la réponse doit être globale (après le traitement de rattrapage) et non pas après le traitement initial, en prenant en compte la toxicité précoce et tardive du traitement [20].Depuis 2008, un protocole européen (EuroNet-Paediatric Hodgkin’s Lymphoma Group) cherche à évaluer l’intérêt de ne pas réaliser une radiothérapie complémentaire en cas de bonne réponse (IR1 et IR2) déterminée par la tomographie par émission de positons (TEP) et la scanographie. Ce protocole randomise également le remplacement de la procarbasine par de la dacarbazine avec pour objectif de diminuer la toxicité gonadique dans les formes évoluées de la maladie. Contrairement à la maladie de Hodgkin de l’adulte, les facteurs pronostiques chez l’enfant ne sont pas consensuels et ont fait l’objet de peu d’études. La plus grande série dans laquelle les facteurs pronostiques ont été étudiés tous stades confondus (334 patients) est celle de l’hôpital Saint-Jude [14] qui a révélé en analyse multifactorielle, cinq facteurs de pronostic péjoratif : sexe masculin, stades IIB–IIIB–IV, volumineuse atteinte médiastinale, leucocytes en nombre supérieur ou égal à 13 500 et concentration d’hémoglobine inférieure à 11 g/dL. Dans notre série, seul le stade IV a significativement influencé la survie globale en analyse multifactorielle (p = 0,002). Oberlin et al. ont clairement démontré que la réponse précoce à la chimiothérapie initiale était un facteur prédictif important pour la survie [21]. La réponse au traitement était un facteur pronostique

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significatif uniquement pour la survie sans évènement dans notre série. Pour Carde et Cosset, la réponse précoce à la chimiothérapie initiale reflétait l’agressivité et l’activité de la tumeur [22]. C’est en effet un outil nécessaire qui permet d’adapter le traitement : continuer un traitement peu toxique en cas de réponse satisfaisante et intensifier ou modifier un traitement en cas de mauvaise réponse. L’intérêt de la TEP dans l’évaluation de la réponse au traitement est en cours d’étude [23]. Aucune tumeur secondaire n’a été rapportée dans notre série, ce qui pourrait être expliqué en partie par un recul relativement court. Dans une série précédente portant sur des maladies de Hodgkin traitées entre 1975 et 1991, nous avons rapporté un taux de 4,2 % de tumeurs secondaires avec un délai moyen de survenue de 114,5 mois (40–276 mois) [24]. 5. Conclusion Les aspects épidémiologiques, cliniques, histologiques et les résultats thérapeutiques dans notre série sont comparables à ceux des séries occidentales. La stratégie de désescalade thérapeutique a permis d’obtenir de bons résultats en termes de probabilités de survie globale et de survie sans événement (95 % et 76 % respectivement à cinq ans) mais une évaluation à long terme est nécessaire afin d’évaluer l’impact de ces modifications thérapeutiques sur la survenue des rechutes et de la toxicité tardive. Les résultats restent faibles pour les maladies de Hodgkin de stade IV (probabilités de survie globale et de survie sans événement respectivement de 74 % et 47 % à cinq ans). Nous recommandons de centraliser leurs traitements dans une unité spécialisée avec des traitements intensifs. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Jaglowski SM, Linden E, Termuhlen AM, Flynn JM. Lymphoma in adolescents and young adults. Semin Oncol 2009;36:381–418. [2] Lukes RJ, Craver LF, Hall TC, Rappaport H, Ruben P. Report of nomenclature committee. Cancer Res 1966;26:1311. [3] Landman-Parker J, Pacquement H, Leblanc T, Habrand JL, Terrier-Lacombe MJ, Bertrand Y, et al. Localized childhood Hodgkin’s disease: response-adapted chemotherapy with etoposide, bleomycin, vinblastine and prednisone before low-dose radiation therapy. Results of the French Society of Pediatric Oncology Study MDH90. J Clin Oncol 2000;18:1500–7. [4] Khanfir A, Toumi N, Masmoudi A, Hdiji S, Elloumi M, Makni S, et al. Maladie de Hodgkin de l’enfant dans le sud tunisien : étude de 23 cas. Cancer Radiother 2007;11:241–6. [5] Alebouyeh M, Vossough P. Hodgkin disease in Iranian children. Eur J Pediatr 1993;152:21–3. [6] Faria SL, Vassalo J, Cosset JM, Brandalise SR. Childhood Hodgkin’s disease in Campinas, Brasil. Med Pediatr Oncol 1996;26:90–4. [7] Engel M, Essop MF, Close P, Hartley P, Pallesen G, Sinclair-Smith C. Improved prognosis of Epstein-Barr virus associated childhood Hodgkin’s lymphoma: study of 47 South African cases. J Clin Pathol 2000;53:182–6. [8] Cramer P, Schaison G, Andrieu JM, Boiron M, Bernard J. Maladie de Hodgkin de l’enfant. Résultats à long terme du traitement. Arch Fr Pediatr 1982;39: 223–9. [9] Claviez A, Carme C, Dierickx D, Stein J, Badell J, Pession A, et al. Allogeneic hematopoietic stem cell transplantation in children and adolescents with recurrent and refractory Hodgkin lymphoma: an analysis of the European Group for Blood and Marrow Transplantation. Blood 2009;114:2060–7. [10] Bonadonna G, Zucali R, Monfardini S, De Lena M, Uslenghi C. Combination chemotherapy of Hodgkin’s disease with adriamycin, bleomycin, vinblastine, and imidazole carboxamide versus MOPP. Cancer 1975;36:252–9. [11] Aleman BM, van den Belt-Dusebout AW, Klokman WJ, Van’t Veer MB, Bartelink H, van Leeuwen FE. Long-term cause-specific mortality of patients treated for Hodgkin’s disease. J Clin Oncol 2003;21:3431–9. [12] Claudea L, Schell M. Maladie de Hodgkin : spécificités de la prise en charge en pédiatrie. Cancer Radiother 2009;13:527–9.

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