La microlithiase alvéolaire pulmonaire : à propos de quatre cas

La microlithiase alvéolaire pulmonaire : à propos de quatre cas

Revue de Pneumologie clinique (2008) 64, 221—224 ARTICLE ORIGINAL La microlithiase alvéolaire pulmonaire : à propos de quatre cas Pulmonary alveolar...

534KB Sizes 157 Downloads 477 Views

Revue de Pneumologie clinique (2008) 64, 221—224

ARTICLE ORIGINAL

La microlithiase alvéolaire pulmonaire : à propos de quatre cas Pulmonary alveolar microlithiasis: Report of four cases K. Marc a,∗, J.E. Bourkadi a, A. Jahid c, N. Cherradi d, J. Benamor a, N. Mahassini c, M.T. Fassy b, G. Iraqi a a

Service de pneumologie, hôpital Moulay-Youssef, CHU Ibn-Sina, Rabat, Maroc Service de pneumologie, hôpital Avicenne, CHU Ibn-Sina, Rabat, Maroc c Service d’anatomie pathologique, hôpital Avicenne, CHU Ibn-Sina, Rabat, Maroc d Service d’anatomie pathologique, hôpital d’Enfants, CHU Ibn-Sina, Rabat, Maroc b

Disponible sur Internet le 26 octobre 2008

MOTS CLÉS Microlithiase alvéolaire pulmonaire

KEYWORDS Pulmonary alveolar microlithiasis



Résumé Introduction. — La microlithiase alvéolaire pulmonaire est une maladie rare caractérisée par la formation et le dépôt de microlithe phosphocalcique au niveau pulmonaire. C’est une affection autosomique récessive dans laquelle la mutation du gène SLC34A2, responsable de la maladie, a été récemment identifiée. Observations. — Nous rapportons quatre observations de microlithiase alvéolaire pulmonaire. Trois patients étaient asymptomatiques : le diagnostic était retenu après confirmation histologique chez trois patientes et sur l’imagerie thoracique chez un patient. L’évolution était marquée par le décès d’une patiente. Conclusion. — La microlithiase alvéolaire pulmonaire est une affection rare et le diagnostic est évoqué à la tomodensitométrie thoracique haute résolution. Celle-ci permet de préciser le caractère calcique et la distribution des lésions pouvant éviter la confirmation histologique. Nous proposons une revue de la littérature. © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Summary Introduction. — Pulmonary alveolar microlithiasis is a rare disease characterised by the formation and deposition of calcium phosphate microliths in the lung. It is an autosomal recessive disorder, for which mutation in the SLC34A2 gene was recently found to be responsible for the disease.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : kar [email protected] (K. Marc).

0761-8417/$ — see front matter © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.pneumo.2008.06.011

222

K. Marc et al. Observations. — We report on four cases of pulmonary alveolar microlithiasis. Three patients were asymptomatic. The diagnosis was made after histological confirmation in three patients. The outcome was marked by the death of one patient. Conclusion. — Pulmonary alveolar microlithiasis is a rare disease. Diagnosis is made with highresolution computed tomography, which exhibits the calcic character and distribution of the lesions, thus avoiding the need to perform lung biopsy. We suggest that a literature review be performed. © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Introduction La microlithiase alvéolaire pulmonaire est une maladie rare de cause inconnue. Elle est caractérisée par la formation et le dépôt phosphocalcique au niveau alvéolaire. Longtemps asymptomatique, la maladie est souvent découverte lors d’examen radiologique systématique [1]. Récemment, l’anomalie du gène responsable de la maladie a été identifiée [2,3]. Nous rapportons quatre observations de microlithiase alvéolaire pulmonaire avec une revue de littérature.

Observations Nous rapportons quatre observations de microlithiase alvéolaire pulmonaire colligées dans les deux services de pneumologie du CHU Ibn-Sina à Rabat au Maroc entre 1996 et 2006. Il s’agissait de quatre patients marocains : trois femmes et un homme. L’âge variait de 19 à 40 ans. Il y avait une notion de tabagisme chez une patiente et un antécédent de tuberculose pulmonaire sans confirmation bactériologique traitée cinq ans auparavant chez une autre patiente (Tableau 1). La découverte était fortuite chez trois patients. Elle a été révélée grâce à un bilan préopératoire pour hydrosalpinx chez la patiente 1, un dépistage autour d’un cas de tuberculose pulmonaire chez la patiente 2, une complication respiratoire en postpartum chez la patiente 3 et une radiographie d’embauche chez le patient 4. L’examen clinique était normal chez un patient et mettait en évidence des râles crépitants chez les trois patientes. La radiographie thoracique montrait une fine miliaire avec des micronodules calcifiés (Fig. 1) et la tomo-

Figure 1. Radio du thorax de face montrant une fine miliaire de tonalité calcique (patiente 2).

densitométrie thoracique révélait des calcifications micronodulaires parenchymateuses, au niveau des septas et sous-pleurales (Fig. 2). L’endoscopie bronchique réalisée chez trois patientes était normale. Cependant, la recherche de microlithes au lavage bronchoalvéolaire n’a pas été réalisée par manque de moyens (absence de laboratoire spécialisé). La recherche du bacille de Koch était négative dans l’aspiration bronchique et les biopsies bronchiques étagées en faveur de remaniements inflammatoires. L’exploration fonctionnelle respiratoire était normale chez trois patients et mettait en évidence un trouble restrictif modéré chez une patiente avec une CPT à 65 %. La

Tableau 1 Patients

Sexe

Âge (ans) /diagnostic

Symptôme

Imagerie thoracique

EFR

Histologie

Évolution

Recul

1

F

14

Non

Évocatrice

Poumon

Très restrictif

5 ans

2

F

40

Non

Évocatrice

Poumon

Stable

6 ans

3

F

37

Dyspnée

Évocatrice

Poumon

Décès/HTAP

4 ans

4

M

21

Non

Évocatrice

VEMS :90 % CV :92 % VEMS :91 % CV : 88 % CPT : 65 % DLCO : 53 % VEMS : 92 % CV : 87 %

Non faite

Perdu de vue

Microlithiase alvéolaire pulmonaire

Figure 2. TDM thoracique en fenêtre médiastinale montrant des calcifications microdulaires, sous-pleurales et septales.

DLCO était diminuée à 53 %. L’échographie abdominale était normale. Enfin, la fonction rénale et le bilan calcique étaient normaux chez les quatre patients et le dosage de la parathormone réalisé chez deux patientes était normal. Le diagnostic était retenu après confirmation histologique sur une biopsie transbronchique chez une patiente, une biopsie pulmonaire chez deux patientes (Fig. 3 et 4) et l’aspect scannographique chez un patient. L’enquête familiale réalisée chez trois patients n’avait pas mis en évidence de cas similaires dans la famille. L’évolution était marquée par le décès d’une patiente, quatre ans après le diagnostic, dans un tableau d’insuffisance respiratoire chronique avec hypertension artérielle pulmonaire estimée à 65 mmHg à l’échodoppler cardiaque, une stabilité clinique et radiologique chez une patiente à six ans, un trouble restrictif modéré avec une CPT à 67 % chez une patiente cinq ans plus tard, alors qu’un patient était perdu de vue.

Figure 3.

TDM thoracique montrant des calcifications.

223

Figure 4. Biopsie pulmonaire (patiente 1), présence de calcosphérites au niveau alvéolaire pulmonaire.

Discussion La microlithiase alvéolaire pulmonaire est une maladie rare. Depuis les premières descriptions par Harbitz en 1918 et Puhr en 1933 [1], 576 cas ont été répertoriés jusqu’en 2004 dans la littérature [4]. C’est une affection ubiquitaire qui connaît une fréquence élevée en Turquie. L’âge moyen de survenue est compris entre 20 et 50 ans. Les extrêmes sont rapportés chez un nouveau-né et un patient de 80 ans. Il n’existe pas de prédilection de sexe et un caractère familial est retrouvé dans 50 % des cas [4], de même que l’absence de facteur environnemental [2,3]. Récemment, Huqun et Corut ont mis en évidence, respectivement chez six et sept patients, la mutation du gène SLC34A2 responsable de la maladie : il s’agit d’une anomalie autosomique monogènique récessive à pénètrance complète [2,3]. En effet, le gène est fortement exprimé au niveau du poumon fœtal et adulte ainsi qu’au niveau urogénital, mais à un degré plus faible. Le gène SLC34A2 joue un rôle majeur dans l’homéostasie du phosphate inorganique : il code pour un cotransporteur du phosphate de sodium type II. L’absence de protéines est compatible avec la formation de microlithe phosphocalcique et son dépôt au niveau des voies aériennes ainsi qu’au niveau des septas interlobulaires et de la plèvre [2,3]. Longtemps asymptomatique, la maladie est découverte lors d’un examen radiologique systématique dans plus de 50 % des cas [4—6]. La radiographie du thorax montre une fine miliaire de densité calcique effac ¸ant les bords du cœur et du diaphragme, prédominant aux parties moyenne et inférieure. La TDM thoracique permet d’apprécier le caractère calcifié, la localisation parenchymateuse, souspleurale, au niveau des septas interlobulaires et de la plèvre scissurale [5—9]. La biologie n’est pas spécifique et il n’existe pas d’anomalie du métabolisme calcique. Sur le plan diagnostique, la discordance radioclinique est un élément d’orientation [5]. L’imagerie thoracique est suffisamment évocatrice du diagnostic, permettant d’éviter une confirmation histologique [4]. Celle-ci, initialement décrite sur des autopsies, est obtenue par la biopsie transbronchique ou la biopsie

224 pulmonaire. De même que le lavage bronchoalvéolaire, elle met en évidence la présence de calcosphérites au niveau du tissu pulmonaire [5,6]. Dans nos observations, dont deux ont déjà été rapportées [10], la confirmation histologique est obtenue par biopsie pulmonaire chirurgicale chez deux patientes et par biopsie transbronchique chez une patiente, alors que l’imagerie thoracique a suffi au diagnostic chez le dernier patient. Les principaux diagnostics différentiels sont la miliaire tuberculeuse, l’hémosidérose, la silicose, la sarcoïdose à micronodules calcifiés et les métastases pulmonaires calcifiées [8,11,12]. En effet, dans la revue de Mariotta et al. portant sur 576 cas de microlithiase alvéolaire pulmonaire [4], le diagnostic de tuberculose ou de sarcoïdose est porté à tort dans 88 cas, soit 15 % des cas ; dans notre série de quatre observations, une patiente a également été traitée pour tuberculose pulmonaire non confirmée. L’évolution est lente : un survivant italien a, par exemple, été rapporté 50 ans après le diagnostic [6,7]. Une revue récente de Deniz et al. [8] a permis de mettre en évidence une corrélation entre la profusion des micronodules et l’altération du parenchyme pulmonaire, ainsi que de la fonction respiratoire. Néanmoins, l’évolution n’est pas uniforme et non prévisible. L’altération fonctionnelle respiratoire est plus rapide chez les fumeurs [3]. Les décès surviennent dix à 15 ans après le diagnostic, le plus souvent dans un tableau d’insuffisance respiratoire chronique et d’hypertension artérielle pulmonaire [5,6] ; celle-ci est secondaire à l’hypoxie chronique [13,14]. Les possibilités thérapeutiques sont limitées. La corticothérapie et le disodium etidronate ont été essayés sans succès [2] et seule la transplantation pulmonaire peut améliorer la survie [15]. La mise en évidence du gène responsable de la microlithiase alvéolaire pulmonaire pourrait constituer un espoir thérapeutique, notamment à travers le développement de thérapie génique, de même qu’un diagnostic génétique précoce des formes familiales [2,3,16].

Références [1] Lauta VM. Pulmonary alveolar microlithiasis: an overview of clinical and pathological features together with possible therapies. Respir Med 2003;97:1081—5. [2] Huqun, Izumi S, Miazawa H, Ishi K, Uchiayama B, Ishida T, et al. Mutations in the SLC34A2 gene are associated with the

K. Marc et al.

[3]

[4]

[5]

[6]

[7] [8]

[9] [10]

[11]

[12]

[13]

[14]

[15]

[16]

pulmonary alveolar microlithiasis. Am J Respir Crit Care Med 2007;175:263—8. Corut A, Senyigit A, Ugur SA, Ozcelik U, Calisir H, Yildirim Z, et al. Mutations in SCL34A2 cause pulmonary alveolar microlithiasis and are possibly associated with testicular microlithiasis. Am J Hum Genet 2006;79: 650—6. Mariotta S, Ricci A, Papale M, De Clementi F, Sposato S, Guidi L. Pulmonary alveolar microlithiasis: report on 576 cases published in the literature. Sarcoidosis Vasc Diffuse Lung Dis 2004;3:173—81. Castellana G, Lamorgese V. Pulmonary alveolar microlithiasis: world cases and review of the literature. Respiration 2003;70:549—55. Castellana G, Castellana R, Lamorgese V, Florio C. Pulmonary alveolar microlithiasis: clinical and radiological course of three cases according to Conventional radiology and HRCT. A hypothesis for radiological classification. Radiol Med (Torino) 2003;106:160—8. Prakash UB. Pulmonary alveolar microlithiasis. Semin Respir Crit Care Med 2002;23:103—13. Deniz O, Ors F, Tozkoparan E, Ozcan A, Gumus S, Bozlar U, et al. High resolution computed tomographic features of pulmonary alveolar microlitiasis. Eur J Radiol 2005;55: 452—60. Leclerc JC, Debelle L, Cannard L, Laurent V, Beot S, Régent D. Quid. J Radiol 2002;83:659—60. Marc K, Benamor J, Lazreq I, Bouraquadi A, Ftouh M, Mouline S, et al. Microlithiase alvéolaire pulmonaire à propos de 2 cas. Presse Med 2004;28:33. Chan ED, Morales DV, Welsh CH, Mcdermott MT, Shwarz MI. Calcium deposition with or without bone formation in the lung. Am J Respir Crit Care Med 2002;165: 1654—69. Weinstein DSJ. Pulmonary sarcoidosis: calcified micro nodular pattern simulating pulmonary alveolar microlithiasis. J Thorac Imaging 1999;14:218—20. Synetos A, Stefanadis C. The incidence of pulmonary hypertension in patients with microlithiasis pulmonary alveolar. Int J Cardiol 2007;117:132. Synetos A, Dilaveris P, Gialafos E, Giannopoulos G, Stefanadis C. Severe pulmonary hypertension due to pulmonary alveolar microlithiasis. Int J Cardiol 2006;106:396—7. Stamatis G, Zerkowski HR, Doetch N, Greschuchna D, Konietzko N, Reidemeister JC. Sequential bilateral lung transplantation for pulmonary alveolar microlithiasis. Ann Thorac Surg 1993;56:972—5. Radosavljevic G, Rebic P, Mandaric D. Pulmonary alveolar microlithiasis in 2 brothers. Rev Pneumol Clin 1988;44: 202—4.