Le granulome pulmonaire hyalinisant : à propos de deux cas

Le granulome pulmonaire hyalinisant : à propos de deux cas

J Radiol 2004;85:1074-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2004 fait clinique thorax Le granulome pulmonaire hyalinisant : à propos de deu...

235KB Sizes 17 Downloads 212 Views

J Radiol 2004;85:1074-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2004

fait clinique

thorax

Le granulome pulmonaire hyalinisant : à propos de deux cas S Hantous-Zannad (1) A Zidi (1), F Boussema (2), I Mestiri (1), R Ben Hassine (3), O Cherif (2), N Kammoun (4) et K Ben Miled-M’rad (1)

Abstract

Résumé

Pulmonary hyalinizing granuloma: review of two cases J Radiol 2004;85:1074-6 Pulmonary hyalinizing granuloma is a rare fibrosing nodular disease of the lung characterized by solitary or multiples pulmonary nodules. This report describes two cases of this rare disorder. MRI was available in one case. For the first case, the stability of the lesions and past history of retroperitoneal fibrosis suggested the diagnosis. For the second case, open lung biopsy was required for diagnosis. When multiple nodules are present, metastatic disease cannot be excluded and biopsy may be required. Evolution is usually benign but follow up is necessary.

Les granulomes pulmonaires hyalinisants sont des lésions nodulaires fibrosantes du parenchyme pulmonaire, uniques ou multiples. Les auteurs rapportent deux nouveaux cas de cette affection rare, dont l’un a été exploré par une imagerie par résonance magnétique (IRM). Le diagnostic a été retenu chez le premier patient sur la stabilité des lésions avec un recul de 6 ans et l’association à une fibrose rétro péritonéale et chez le second patient sur les données d’une biopsie chirurgicale. Le granulome pulmonaire hyalinisant pose dans sa forme multiple, des problèmes de diagnostic différentiel avec des lésions secondaires souvent résolus par la biopsie chirurgicale. L’évolution est en général bénigne mais la surveillance est de mise.

Key words: Pulmonary hyalinizing granuloma. Benign tumor. Retroperitoneal fibrosis. CT scan. MRI. Surgical biopsy.

Mots-clés : Granulome pulmonaire hyalinisant. Tumeur pulmonaire bénigne. Fibrose rétro-péritonéale. TDM. IRM. Biopsie chirurgicale.

e granulome pulmonaire hyalinisant est une lésion bénigne exceptionnelle d’étiologie inconnue, décrite pour la première fois en 1977 par Engleman (1). Depuis la description principale, 71 cas ont été rapportés (2, 3). Nous en rapportons deux nouveaux cas dans la forme multinodulaire dont l’un a été exploré par une IRM thoracique.

L

Observation n°° 1 Une femme âgée de 50 ans, ayant dans ses antécédents un kyste hydatique du foie opéré en 1981 et une fibrose rétropéritonéale en 1994 traitée par corticothérapie pendant 2 ans, consultait en 1996 pour des douleurs thoraciques persistantes. La radiographie du thorax montrait de multiples opacités parenchymateuses, arrondies, denses, mal limitées pour certaines. La tomodensitométrie (TDM) thoracique mettait en évidence des nodules bilatéraux, hypodenses, confluents pour certains et an-

(1) Service d’Imagerie thoracique, Hôpital Abderrahmane Mami, Ariana, Tunisie. (2) Service de Médecine Interne, Hôpital Habib Thameur. (3) Service de Pneumologie, Hôpital de Zaghouan. (4) Service d’AnatomoPathologie Hôpital Abderrahmane Mami. Correspondance : S Hantous-Zannad E-mail : [email protected]

giocentrés. La biopsie des glandes salivaires était normale de même que le dosage de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Un traitement antituberculeux a été institué sans preuve bactériologique et sans amélioration radiologique. À l’IRM, ces nodules présentaient un signal intermédiaire sur les séquences pondérées T1 (fig. 1a), un hypersignal hétérogène en T2 et étaient rehaussés de façon modérée et hétérogène par l’injection de Gadolinium. L’IRM montrait par ailleurs à l’étage abdominal la persistance d’une fibrose rétropéritonéale non rehaussée par l’injection de produit de contraste paramagnétique. Une biopsie transpariétale n’était pas contributive et la patiente refusait la biopsie chirurgicale. Le diagnostic de granulome pulmonaire hyalinisant a été évoqué devant les antécédents de fibrose rétropéritonéale, et l’aspect radiologique. Le contrôle tomodensitométrique en 2001 (fig. 1b) et radiologique en 2002 ont montré une discrète régression puis une stabilité des lésions.

Observation n°° 2 Un homme âgé de 57 ans, employé dans une cimenterie pendant 30 ans, consultait en 1993 pour une dyspnée d’effort d’apparition progressive. La radiogra-

phie du thorax (fig. 2a) montrait de multiples nodules homogènes, bien limités, bilatéraux, réalisant un aspect « en lâcher de ballon ». La TDM thoracique (fig. 2b) mettait en évidence des nodules bilatéraux, bien limités, mesurant de 8 à 30 mm de diamètre dont la plupart présentaient des calcifications centrales. L’étude anatomopathologique de la biopsie chirurgicale a montré une fibrose hyalinisée nodulaire (fig. 2c). La coloration au rouge Congo était négative. L’évolution sans traitement sur 6 ans a montré une stabilité des lésions radiologiques.

Discussion Le granulome pulmonaire hyalinisant est une affection inflammatoire et fibrosante rare de l’adulte touchant de façon à peu près équivalente les deux sexes (1, 2). Il s’agit d’une affection encore mal définie : tumeur bénigne, processus inflammatoire ou post-inflammatoire à une réaction de nature inconnue ? Pour certains auteurs, elle serait due à une réaction hyperimmune chronique vis à vis d’un agent infectieux (tel que l’histoplasmose, la tuberculose ou la coccidioidomycose) ou autre (4, 5). Les manifestations révélatrices sont pulmonaires dans 44 % des cas (2), générales dans environ 20 % des cas, ou plus rarement liées à une fibrose

S Hantous-Zannad et al.

Le granulome pulmonaire hyalinisant : à propos de deux cas

1075

a b

Fig. 1 : a b

Coupe axiale pondérée T1 (TR : 790 ms, TE : 12 ms) passant par les bases pulmonaires. Nodules du lobe inférieur droit à contours irréguliers en signal intermédiaire. TDM thoracique de contrôle : Coupe axiale en fenêtre parenchymateuse. Persistance des nodules du lobe inférieur droit.

Fig. 1: a b

Axial MRI T1 weighted image (TR: 790 ms, TE: 12 ms) at the lower thoracic level. Right lower lobe nodules of intermediate signal intensity. Follow-up chest CT, lung window setting. Persistent right lower lobe nodules.

a b c

Fig. 2 : a

b

c

Radiographie du thorax de face. Multiples nodules parenchymateux bien limités du lobe supérieur droit, des lobes inférieurs droit et gauche (flèches) réalisant un aspect en « lâcher de ballon ». TDM thoracique : coupe axiale en fenêtre médiastinale sans injection intraveineuse de produit de contraste. Deux nodules du lobe inférieur gauche, le plus volumineux présente une calcification centrale. Examen histologique de la biopsie chirurgicale, coloration au trichrome de Masson (× 200). Bandes hyalines fasciculées entre lesquelles sont dispersées quelques cellules inflammatoires centrées par une artériole à paroi hyalinisée.

Fig. 2: a b c

Chest radiography. Multiples well defined nodules in the right upper lobe and in the right and left lower lobes (arrows). Chest CT scan, mediastinal window setting: Two nodules of the left lower lobe, the largest showing central calcification. Histological examination of the surgical biopsy, with Masson trichrome staining (×200). Hyaline fascicles intermingled with inflammatory cells surrounding an arteriole with hyalinized wall.

J Radiol 2004;85

1076

Le granulome pulmonaire hyalinisant : à propos de deux cas

rétropéritonéale ou médiastinale (6). Dans 40 % des cas, l’affection peut être découverte sur une radiographie pulmonaire systématique (6). Le bilan biologique trouve fréquemment une élévation de la vitesse de sédimentation et une hypergammaglobulinémie diffuse ou oligoclonale. L’aspect réalisé à la radiographie du thorax est plus fréquemment nodulaire multiple parfois bilatéral de contours mal définis, ressemblant à des « boules de coton » dont la taille varie de quelques millimètres à 15 cm. Des formes alvéolaires ont aussi été décrites. Les excavations et les calcifications mouchetées, comme chez notre deuxième patient, sont exceptionnelles, rapportées dans deux cas seulement (4, 7). Mieux individualisées par la TDM, les lésions siègent à distance des grosses structures vasculaires et aériennes expliquant leur latence clinique. Il n’existe pas d’envahissement ganglionnaire ou pleural. Elles ont le plus souvent tendance à croître lentement et à confluer. Elles peuvent aussi rester stables pendant des années voire régresser, et croître secondairement. L’aspect en IRM n’a pas été décrit dans la littérature à notre connaissance. Celui que nous rapportons est fait de nodules ou de masses en signal intermédiaire en séquence pondérée T1, en hypersignal hétérogène en séquence pondérée T2 et se rehaussant modérément après injection de Gadolinium témoignant du caractère inflammatoire des lésions. Le tableau radioclinique ainsi réalisé est souvent initialement confondu avec des lésions néoplasiques pulmonaires primitives ou surtout secondaires notamment dans la forme multifocale. D’autres diagnostics peuvent aussi être évoqués tels qu’une maladie de Wegener, une granulomatose lymphomatoïde, une sarcoïdose à forme macronodulaire, une amylose pulmonaire, des nodules rhumatoïdes ou encore une histoplasmose (8, 9). Le diagnostic est souvent apporté par une biopsie chirurgicale. Microscopiquement, le centre de la masse est fait de lamelles de collagène hyalinisées ayant un arrangement parallèle assez régulier, concentrique autour d’un gros vaisseau. Des lymphocytes et des cellules mononuclées polymorphes à cytoplasme éosinophile

peuvent s’interposer entre les fibres de collagène. La présence de cellules inflammatoires semble être en rapport avec un aspect actif des lésions. Des faux positifs au rouge Congo ont été rapportés pouvant prêter à confusion avec des lésions d’amylose, mais la microscopie électronique et l’immunohistochimie permettent de redresser le diagnostic (2, 5, 9). L’association du granulome pulmonaire hyalinisant aux fibroses systémiques est fréquente, rapportée dans 28 % des cas : fibrose médiastinale, rétropéritonéale (comme ce fut le cas de notre première patiente) et thyroïdite de Riedel (2, 10). La fréquence de cette association et la similitude de certains aspects histologiques évoquent un mécanisme physiopathogénique semblable (6). L’association à une fibrose cervicocéphalique et des membres a été récemment rapportée (2). Les granulomes hyalinisants pulmonaires sont habituellement des lésions bénignes, d’évolution lente et de bon pronostic. L’association possible à une fibrose rétropéritonéale ou à une médiastinite sclérosante peut poser des problèmes additionnels et compromettre le pronostic vital. Récemment, une association de granulome pulmonaire hyalinisant à un lymphome lymphocityque type MALT a été décrite par Ren Y et al. (3). L’hypothèse d’une transformation des lymphocytes et des follicules lymphoïdes situés autour du granulome en un lymphome lymphocytique a été évoquée sur les modifications histologiques. L’apparition d’un épanchement ou d’un épaississement pleural, d’adénomégalies, d’un infiltrat périlésionnel doivent attirer l’attention. L’hypothèse d’un envahissement fibreux médiastinal par contiguïté justifie l’ablation des lésions juxta-médiastinales. Pour les lésions périphériques, l’expectative peut se justifier. Une amélioration clinique et même radiologique a été rapportée sous corticothérapie (4). Le granulome pulmonaire hyalinisant est une affection rare qu’il faut évoquer parmi la gamme des nodules pulmonaires uniques ou multiples posant dans ce dernier cas un problème de diagnostic différentiel avec des lésions secondaires. La symptomatologie clinique peu bruyante, l’évolution lente et l’association à des pa-

S Hantous-Zannad et al.

thologies particulières telles qu’une fibrose rétropéritonéale ou une médiastinite sclérosante permettent d’évoquer le diagnostic. Celui-ci est dans la plupart des cas fait par la biopsie chirurgicale. L’évolution est habituellement favorable sauf pour les lésions juxta-médiastinales. Toutefois la surveillance est de mise en raison du risque de transformation lymphomateuse récemment évoqué (3).

Références 1.

Engleman P, Liebow AA, Gmelich J, Friedman PJ. Pulmonary hyalinizing granuloma. Am Rev Respir Dis 1977; 115: 997-1008. 2. Laraki R, Wechsler B, Bourgeon B, Wechsler J, Charlotte F, Piette JC. Le granulome pulmonaire hyalinisant: à propos de deux observations originales avec localisations cervico-faciale et orbitaire. Rev Med Interne 2001; 22: 284-91. 3. Ren Y, Raitz EA N, Lee KR, Pingleton SK, Tawfik O. Pulmonary small lymphocytic lymphoma (mucosa-associated lymphoid tissue type) associated with pulmonary hyalinizing granuloma. Chest 2001; 120: 1027-30. 4. Van Custem O, Ledent C, Mairesse M. Le granulome hyalinisant du poumon. Rev Mal Resp 1990; 7: 279-82. 5. Guccion JG, Rohatgi PK, Saini N. Pulmonary hyalinizing granuloma; Electron microscopic and immunologic studies. Chest 1984; 85: 571-3. 6. Lhote F, Chapelon C, Piette JC, Andrien JM, Chomette G, Godeau P. Les granulomes hyalinisants pulmonaires, a propos de deux nouveaux cas. Rev Mal Resp 1991; 8: 246-48. 7. Patel Y, Ishikowa S, Macdonnel KF. Pulmonary hyalinizing granuloma presenting as multiple cavitary calcified nodules. Chest 1991; 100: 1720-1. 8. John PG, Rahman J, Payne CB. Pulmonary hyalinizing granuloma: An unusual association with multiple sclerosis. Southern Medical Journal 1995; 88: 10767. 9. Ikard RW. Pulmonary hyalinizing granuloma. Chest 1988; 93: 871-2. 10. Dent RG, Godden DJ, Stovin PGI, Stark JE. Pulmonary hyalinizing granuloma in association with retroperitoneal fibrosis. Thorax 1983; 38: 955-6.

J Radiol 2004;85