Les kystes

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3 les essentiels 3 Feuillets de Radiologie 2007, 47, n° 1,29-36 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Fiche n° 2 imagerie thoracique Le...

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3 les essentiels 3

Feuillets de Radiologie 2007, 47, n° 1,29-36 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Fiche n° 2 imagerie thoracique

Les kystes M. Ronot 1, A.-S. Rangheard 1, F.-X. Blanc 2, Y. Menu 1 1. Service de radiologie Broca, hôpital de Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex. 2. Service de médecine interne, unité de pneumologie, hôpital de Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex. Correspondance : A.-S. Rangheard, à l’adresse ci-contre. Email : [email protected]

S

avoir reconnaître un kyste pulmonaire peut s’avérer délicat, la confusion avec une lésion emphysémateuse étant la plus fréquente. En s’aidant du contexte clinique, de l’aspect de la ou des lésions kystiques, de leur localisation dans les deux champs pulmonaires, plusieurs gammes diagnostiques vont se dégager.

Définition Un kyste pulmonaire est une formation aérée à parois fines d’épaisseur classiquement inférieure à 4 mm, entourée de parenchyme pulmonaire sain.

Classification des kystes pulmonaires Les kystes vrais uniques ou multiples Les kystes vrais congénitaux (la séquestration, le kyste bronchogénique, l’atrésie bronchique ou la malformation adénoïde kystique) sont rares et nous les excluons de notre discussion. Les kystes acquis sont beaucoup plus fréquents et recouvrent les bulles (lésion centimétrique parenchymateuse résultant de la destruction alvéolaire), les blebs (intra-pleurales viscérales, apicales, à l’origine de pneumothorax spontanés), les pneumatocèles (fig. 1) (cicatrices de traumatisme ou d’infection en particulier à staphyloccoque) et de rares infections (pneumocystose, hydatidose…) (fig. 2).

Enjeu Savoir reconnaître un kyste et approcher l’étiologie en connaissant les principales gammes diagnostiques.

Pré-réquis Le kyste se distingue de la lésion cavitaire ou excavée qui a volontiers des parois plus épaisses, irrégulières, et s’associe à un parenchyme pathologique. Le kyste est à priori bénin, à l’inverse des cavités qui sont plus suspectes. Ainsi, les lésions dont la paroi mesure moins de 4 mm d’épaisseur sont bénignes dans 92 % des cas (100 % pour un seuil de 1 mm), celles dont la paroi est mesurée à plus de 15 mm sont malignes dans 95 % des cas.

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Figure 1. Pneumatocèle post-infectieuse dans le cadre d’une pneumopathie à pneumocoque : cavité à parois fines avec un petit niveau liquidien (flèche). Foyer de condensation alvéolaire adjacent (tête de flèche).

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A

B

C

Figure 2. Pneumocystose kystique chez un sujet infecté par le VIH. Lésions kystiques de contours irréguliers (A) (tête de flèche). La topographie lésionnelle est péri-hilaire, bilatérale et symétrique, respectant la périphérie des champs pulmonaires (B, C) (flèches).

A

B

C

Figure 3. Lymphangioléiomyomatose chez une femme de 34 ans. Multiples lésions kystiques à contours réguliers (A, B). Une artère centrolobulaire est visible en périphérie de chacune de ces lésions (C) (flèche).

Maladies pulmonaires kystiques diffuses Elles intéressent les deux champs pulmonaires de façon diffuse. Il s’agit de pneumopathies infiltratives diffuses (PID). Parmi les PID, plusieurs d’entre elles peuvent se manifester par des lésions kystiques [1, 2]. La lymphangioléiomyomatose (1 % des PID) touche exclusivement la femme de 17 à 50 ans. Elle correspond à une prolifération des cellules musculaires lisses conduisant à des formations kystiques rondes régulières de petite taille (2 mm-2 cm) dans un parenchyme sain. La maladie s’associe souvent à des lésions extra-pulmonaires à type d’angiomyolipomes, de lymphangiomyomes. Les manifestations pulmonaires (le plus souvent à type de pneumothorax spontané) révèlent la maladie dans plus de 85 % des cas. Il existe une association inconstante avec la sclérose tubéreuse de Bourneville [3-5] (fig. 3 à 5). L’histiocytose langerhansienne (ou histiocytose X, 0,8 à 3 % des PID) est très souvent associée (90 %) au tabac. Elle touche électivement l’adulte jeune entre 20 et 50 ans, avec un pic de fréquence entre 30 et 40 ans et un sex-ratio homme/ femme d’environ 1,5/1. Un pneumothorax spontané, parfois bilatéral ou itératif, est révélateur dans environ 10 % des cas. Les lésions initiales sont des granulomes inflammatoires

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Figure 4. Lymphangioléiomyomatose chez une femme de 50 ans. Il s’agit d’une forme plus évoluée, dans laquelle les lésions deviennent confluentes et aboutissent à une destruction du parenchyme pulmonaire (flèche). Le diagnostic sera plus facilement évoqué dans les territoires les moins atteints, où l’on peut identifier les kystes (tête de flèche).

apparaissant tout d’abord nodulaires de topographie centrolobulaire, et s’excavant secondairement pour devenir des kystes à contours irréguliers, mesurant de 1 à 10 mm et prédominant dans les apex. Au cours de leur évolution, ces kystes deviennent confluents et réalisent un aspect en carte de géographie [6-8] (fig. 6 à 9).

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Figure 6. Récidive d’histiocytose X chez un patient de 49 ans transplanté à gauche pour insuffisance respiratoire chronique. Destruction parenchymateuse du champ pulmonaire droit par des lésions kystiques devenues confluentes. À gauche, récidive de la maladie se manifestant sous forme de nodules de topographie péribronchiolaire (donc au centre du lobule pulmonaire) (flèche), s’excavant secondairement (tête de flèche).

Figure 5. Lymphangioléiomyomatose chez une patiente de 45 ans. Lésions kystiques bien arrondies disséminées dans les deux champs pulmonaires. Il s’y associe un chylothorax bilatéral, scissural à droite.

La pneumonie lymphoïde interstitielle (LIP), consistant en

des épaississements et des signes de tractions (bronche-

une hyperplasie lymphoïde diffuse touche le plus souvent les

ctasies, bronchiolectasies, déformation des scissures et des

patients immundéprimés (VIH). En imagerie, on retrouvera

plèvres).

des nodules volontiers centrolobulaires plutôt périphériques irréguliers de 3 à 30 mm associées à des plages de verres

Diagnostic différentiel

dépolis [9].

Les bronchectasies kystiques Les bronchectasies kystiques viennent au premier plan.

Microkystes

Elles sont trompeuses lorsque diffuses et on cherche alors à prouver leur connexion avec l’arbre bronchique (fig. 11).

Une place particulière est à réserver aux images dites en

L’étude des coupes adjacentes montre bien l’anatomie

rayon de miel, qui correspondent à des lésions microkysti-

bronchique de ces lésions, et les signes comme le signe

ques bien limitées de 1 à 3 mm de diamètre, sous pleurales

des rails ou des bagues à châton sont bien utiles. Elles

et dont la taille décroît en expiration. La cause la plus fré-

entrent classiquement dans le cadre de la mucoviscidose

quente est la fibrose pulmonaire idiopathique (fig. 10). Elle

(fibrose kystique), les syndromes de Mounier-Khun et

associe ces images en rayon de miel (souvent plus larges) à

Williams-Campbell.

A

B

Figure 7. Histiocytose X chez un homme de 35 ans, tabagique. Multiples kystes de petite taille disséminés dans les deux champs pulmonaires (B) (flèche).

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A

B

D

E

C

Figure 8. Histiocytose X chez un homme de 43 ans, tabagique. Lésions kystiques diffuses respectant les bases pulmonaires (A, B, C). Leurs contours sont irréguliers (D) (flèche), elles sont toutes au contact d’une artère centrolobulaire (tête de flèche). Par endroits, les lésions deviennent confluentes, réalisant un aspect de carte de géographie (flèche) (E).

Cavités uniques ou multiples Il s’agit soit de lésions tumorales, soit d’infections. Les lésions tumorales primitives pulmonaires s’excavent dans 9 à 15 % des cas. Il s’agit de carcinomes épidermoïdes dans 2/3 des cas, les adénocarcinomes venant en seconde position. Les métastases pulmonaires s’excavent dans 4 % des cas. Elles sont classiquement multiples, de petite taille, et intéressent le tiers externe du parenchyme pulmonaire. Dans 69 % des cas, il s’agit de métastases de carcinome épidermoïde. Le tiers restant est constitué Figure 9. Histiocytose X compliquée d’un pneumothorax droit (flèche).

d’adénocarcinomes colorectaux, plus rarement pancréatiques, rénaux, mammaires. Beaucoup plus rarement, il s’agira de métastases de sarcome des parties molles, ou encore d’ostéo- ou d’angiosarcomes, un pneumothorax

L’emphysème

survenant chez 5 à 7 % des patients porteurs d’ostéosar-

L’emphysème est caractérisé par un élargissement anormal des espaces aérés pulmonaires en aval des bronches terminales associé à des destructions des parois alvéolaires. Il ne s’agit donc pas d’une maladie kystique. On distingue :

come (fig. 14 et 15).

• la forme centrolobulaire chez les fumeurs : destructions autour des bronchioles (fig. 12) ;

invasive se manifeste par des lésions où le verre dépoli

• la forme paraseptale : altération sélective des acini à la périphérie du lobule secondaire (fig. 13) ;

candidose ou la coccidiomycose sont d’autres diagnostics

• la forme panlobulaire ;

primés, il faudra penser en première intension à la tuber-

• la forme cicatricielle.

culose et aux infections à staphyloccoque (fig. 16).

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Les infections avec cavitation intéressent essentiellement les patients immunodéprimés, exposés aux infections fungiques. Chez le patient neutropénique, l’aspergillose aiguë domine, s’excavant fréquemment lors de la guérison. La possibles. Chez les patients débilités mais non immunodé-

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A

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Figure 10. Fibrose pulmonaire idiopathique ou UIP (usual interstitial pneumonia). Les lésions microkystiques s’étalent en plusieurs couches dans la périphérie des champs pulmonaires au contact de la plèvre (flèches), avec une prédominance dans les territoires antérieurs des champs pulmonaires supérieurs et postérieurs dans les champs pulmonaires inférieurs. L’aspect multistratifié est un élément essentiel du diagnostic différentiel avec l’emphysème paraseptal.

Autres lésions cavitaires : en dehors de ces cas fréquents, les cavités sont présentes dans de nombreuses pathologies à substratum immunologique telles la maladie de Wegener ou la polyarthrite rhumatoïde et plus exceptionnellement dans l’embolie pulmonaire où il existe un infarcissement de la zone parenchymateuse ischémique dans 15 % des cas (la cavitation survenant dans 5 % de ces infarctus).

Figure 12. Emphysème centrolobulaire. Lésion aérique ne possédant pas de paroi, centrée par une artère centrolobulaire (flèche).

Figure 11. Bronchectasies kystiques. Cavités arrondies à parois fines pouvant contenir un niveau hydro-aérique correspondant à des impactions mucoïdes (flèche).

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Figure 13. Emphysème paraseptal. Multiples lésions sous-pleurales s’étalant en une seule couche (flèche).

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A

B

Figure 14. Multiples cavités à parois fines, entourées d’un halo de verre dépoli, disséminés dans les deux champs pulmonaires (flèches). Rupture d’une lésion du segment ventral du lobe supérieur droit réalisant un pneumothorax de la grande cavité (B) (tête de flèche).

Figure 15. Emboles septiques. Opacités pulmonaires sous-pleurales excavées.

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Figure 16. Caverne tuberculeuse. Cavité à paroi irrégulière, communiquant avec l’arbre bronchique (flèche).

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Les trucs du pneumologue • Tabagisme : un patient adulte non fumeur est très rarement porteur d’une histiocytose X. De même, le diagnostic de sarcoïdose est plus inhabituel chez les sujets fumeurs. • Sexe : la lymphangioléiomyomatose touche exclusivement les femmes avec une exception pour les hommes porteurs d’une sclérose tubéreuse de Bourneville. • Fièvre : en-dehors d’un terrain immunodéprimé, évoquer, selon le caractère unique ou multiple, un infarctus pulmonaire surinfecté, un cancer bronchique nécrosé, une maladie de Wegener, une tuberculose. • Immunodépression : selon la présentation, pneumocystose, LIP, aspergillose aiguë invasive, candidose.

Références 1.

Lenoir S, Grenier P, Brauner MW, Frija J, Remy-Jardin M, Revel D, Cordier JF. Pulmonary lymphangiomyomatosis and tuberous sclerosis: comparison of radiographic and thin section CT findings. Radiology 1990; 175: 329-34.

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Aberle DR, Hansell DM, Brown K, Tashkin DP. Lymphangiomyomatosis: CT, chest radiographic, and functional correlations. Radiology 1990; 176: 381-7. Müller NL, Chiles C, Kullnig P. Pulmonary lymphangiomyomatosis: correlation of CT with radiographic and functional findings. Radiology 1990; 175: 335-9. Brauner MW, Grenier P, Tijani K, Battesti JP, Valeyre D. Pulmonary Langerhans’cell histiocytosis: evolution of lesions on CT scans. Radiology 1997; 204: 497-502. Brauner MW, Grenier P, Mouelhi MM, Mompoint D, Lenoir S. Pulmonary histiocytosis X: evaluation with high-resolution CT. Radiology 1989; 172: 255-8. Moore ADA, Godwin JD, Müller NL, et al. Pulmonary histiocytosisX: comparison of radiographic and CT findings. Radiology 1989; 172: 249-54. Johkoh T, Muller NL, Pickford HA, Hartman TE, Ichikado K, Akira M, et al. Lymphocytic interstitial pneumonia: thin-section CT findings in 22 patients. Radiology 1999; 212: 567-72. Lee KH, Lee JS, Lynch DA, Song KS, Lim TH. The radiologic differential diagnosis of diffuse lung diseases characterized by multiple cysts or cavities. J Comput Assist Tomogr 2002; 26: 5-12. Raghu G. Interstitial lung disease: a diagnostic approach. AM J Respir Crit Care Med 1995; 151: 909-14.

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2test de formation médicale continue

Qu’avez-vous retenu de cet article ? Testez si vous avez assimilé les points importants de cet article en répondant à ce questionnaire sous forme de QCM. 1. Dans quelle(s) pathologie(s) rencontre-t-on des kystes pulmonaires ? A : Les bronchectasies kystiques ; B : L’histiocytose langheransienne ; C : La pneumonie lymphoïde interstitielle ; D : La fibrose pulmonaire ; E : La lymphangioléiomyomatose.

Réponses : p. 68

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2. Quels éléments cliniques et radiologiques orientent vers le diagnostic d’histiocytose X ? A : L’intoxication tabagique ; B : L’association de kystes et de nodules troués ; C : Des lésions kystiques à contours réguliers ; D : Des lésions kystiques respectant les bases pulmonaires.