Manifestations cardiaques au cours la granulomatose de Wegener : à propos de quatre observations et revue de la littérature

Manifestations cardiaques au cours la granulomatose de Wegener : à propos de quatre observations et revue de la littérature

La Revue de médecine interne 31 (2010) 135–139 Communication brève Manifestations cardiaques au cours la granulomatose de Wegener : à propos de quat...

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La Revue de médecine interne 31 (2010) 135–139

Communication brève

Manifestations cardiaques au cours la granulomatose de Wegener : à propos de quatre observations et revue de la littérature Cardiac involvement in Wegener’s granulomatosis: Report of four cases and review of the literature G. Sarlon a,∗ , C. Durant b , Y. Grandgeorge c , E. Bernit c , V. Veit c , M. Hamidou b , N. Schleinitz c , J.-R. Harlé c a

Service de chirurgie et médecine vasculaire, faculté de médecine de Marseille, université de la méditerranée, hôpital La Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France b Service de médecine interne, Hôtel-Dieu, CHRU, BP 1005, 44035 Nantes cedex 01, France c Service de médecine interne, faculté de médecine de Marseille, université de la méditerranée, hôpital La Conception, 147, boulevard Baille, 13385 Marseille cedex 05, France Disponible sur Internet le 23 septembre 2009

Résumé Introduction. – Il existe une discordance entre le faible nombre de cas d’atteintes cardiaques symptomatiques au cours de la granulomatose de Wegener (GW) rapportés dans la littérature et la fréquence de ces atteintes dans les séries autopsiques. Observations. – Quatre observations de GW avec manifestation cardiaque sont rapportées, associées à une atteinte des voies aériennes (trois fois), rénale (trois fois) ou pulmonaire (trois fois). Il s’agissait d’une cardiomyopathie dilatée chez deux patients, d’un bloc auriculoventriculaire complet avec péricardite (un patient) et d’une myopéricardite (un patient). Un patient était asymptomatique. Chez trois patients, l’atteinte cardiaque était contemporaine de la découverte de la GW. L’évolution était défavorable pour trois patients. Conclusion. – La fréquence des manifestations cardiaques dans la GW est probablement sous-estimée en raison de la grande variabilité de la présentation clinique. Ces manifestations sont associées à un mauvais pronostic. Un dépistage cardiologique (clinique, électrocardiographique et échocardiographique) systématique et régulier est donc nécessaire. © 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Granulomatose de Wegener ; Cardiomyopathie dilatée ; Bloc auriculoventriculaire ; Péricardite ; Myocardite

Abstract Introduction. – Discordance exists between the results of post-mortem studies and the low number of clinical reported cases of cardiac involvements in Wegener’s granulomatosis. Case reports. – Data from four patients were studied retrospectively. Three patients had associated airway localization and three had kidney involvement. All patients had positive test for anti-PR3 antineutrophil antibodies. Two patients presented with dilated cardiomyopathy (one with terminal cardiac failure), another patient with complete atrioventricular block and pericarditis, and the remaining one with myopericarditis. One patient was asymptomatic. For three of these patients, the cardiac manifestations were contemporary of the diagnosis of Wegener’s granulomatosis and had a severe disease course. Conclusion. – Cardiac events in Wegener’s granulomatosis are probably underestimated, given the various type of heart damage and the clinical presentation. Cardiac involvement seems to be associated with a poor prognosis. Thus, we recommend systematic and regular cardiac assessment in the follow-up of patients with Wegener’s granulomatosis. © 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Wegener’s granulomatosis; Dilated cardiomyopathy; Atrioventricular block; Pericarditis; Myocarditis



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Sarlon).

0248-8663/$ – see front matter © 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2009.06.007

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1. Introduction La granulomatose de Wegener (GW) est une vascularite nécrosante associant une inflammation de la paroi vasculaire et une granulomatose péri- et extravasculaire. Au plan clinique, elle se caractérise dans sa forme complète par une atteinte des voies aériennes, une atteinte pulmonaire et une atteinte rénale [1]. D’autres manifestations systémiques peuvent également être présentes, notamment une atteinte cardiaque dont la fréquence anatomique est de l’ordre de 25 % dans les séries autopsiques [2]. Cette fréquence contraste avec celle rapportée dans les études cliniques, inférieure à 8 % [3]. Cette discordance anatomoclinique associée à la sévérité de l’évolution des patients atteints d’une cardiopathie au cours d’une GW incite à connaître et à dépister les différentes atteintes cardiaques et présentations cliniques possibles. Nous avons revu rétrospectivement les observations de patients atteints de GW avec manifestations cardiaques et suivis dans deux services de médecine interne aux CHU de Marseille et de Nantes. Le diagnostic de GW était retenu lorsqu’au moins deux des quatre critères de l’American College of Rheumatology (ACR) étaient présents. L’atteinte cardiaque imputable à la GW était définie par la présence de signes électrocardiographiques ou échographiques, non expliqués par une autre cause. Quatre patients ont répondu à ces critères. Nous avons effectué une analyse descriptive des caractéristiques de la GW de ces patients et des manifestations cardiaques présentées, à partir des données colligées dans les dossiers médicaux. Nous avons ensuite fait le point sur les données actuelles de la littérature concernant l’atteinte cardiaque au cours de la GW. 2. Observations Les caractéristiques de la GW et de l’atteinte cardiaque des patients ont été résumées dans le Tableau 1. 2.1. Observation 1 Le diagnostic de GW était retenu en 1992 chez un patient âgé de 62 ans devant des épistaxis répétées invalidantes, une atteinte musculaire et articulaire, et une hématurie microscopique sans insuffisance rénale. Il était diabétique de type 2, obèse, tabagique et dyslipidémique. Les ANCA (anticorps anticytoplasme des polynucléaires) était positifs à un titre supérieur à 200 UI/l et de spécificité anti-PR3. Il n’existait pas de preuve histologique. Un traitement par corticothérapie et méthotrexate à faible dose était débuté. En 2002, il développait une leucémie aiguë myéloïde de type III obligeant à l’arrêt du traitement immunosuppresseur. Une chimiothérapie par anthracyclines était alors entreprise à des doses cumulées inférieures aux doses cardiotoxiques. Du fait d’un épisode de précordialgie, un bilan cardiologique était effectué concluant à une myopéricardite sans dysfonction ventriculaire gauche. Deux ans plus tard, une récidive de l’épistaxis motivait la reprise d’un traitement immunosuppresseur par corticothérapie orale et méthotrexate. Devant la persistance d’un syndrome inflammatoire biologique, un bilan préthérapeutique complet avant introduction de rituximab était

effectué. Alors que le patient était asymptomatique au niveau cardiaque, l’échocardiographie dépistait une cardiomyopathie dilatée avec dysfonction ventriculaire gauche sévère (fraction d’éjection ventriculaire gauche [FEVG] à 30 %). La coronarographie ne retrouvait pas de lésions artérielles significatives. Parallèlement, une fibrose rétropéritonéale avec obstruction urétérale gauche était diagnostiquée par la tomodensitométrie abdominopelvienne, nécessitant la pose d’une sonde double J. Un traitement immunosuppresseur par bolus mensuels de cyclophosphamide et un traitement par diurétique de l’anse et inhibiteur de l’enzyme de conversion à faible dose étaient introduits. Quatre mois après, le patient faisait une décompensation cardiaque globale favorisée par une mauvaise observance des règles hygiénodiététiques, qui régressait après intensification du traitement diurétique. 2.2. Observation 2 Un homme âgé de 53 ans présentait une dyspnée évoluant depuis plusieurs mois d’aggravation aiguë associée à une altération de l’état général motivant son admission en urgence. Le seul antécédent notable était un tabagisme actif à 50 paquetsannée. Le diagnostic de GW était retenu devant des nodules pulmonaires à l’examen tomodensitométrique et une atteinte rénale avec insuffisance rénale aiguë et hématurie microscopique (Fig. 1). Les ANCA étaient positifs à un titre de 72 UI/l et de spécificité anti-PR3. Une biopsie d’un nodule pulmonaire était réalisée mais peu contributive, ne retrouvant pas de granulome ou d’inflammation vasculaire. L’électrocardiogramme retrouvait un hémibloc antérieur gauche associé à un bloc de branche droit complet. Un traitement par corticothérapie intraveineuse en bolus associé à du cyclophosphamide intraveineux était débuté. La dyspnée s’aggravant malgré ce traitement, une échocardiographie détectait une cardiomyopathie dilatée avec dysfonction ventriculaire gauche sévère (FEVG 30 %) (Fig. 2). L’insuffisance cardiaque évoluait rapidement vers un état de choc cardiogénique nécessitant un transfert en service de réanimation, l’introduction d’un traitement par amines et diurétiques intraveineux à fortes doses, puis la réalisation d’une assistance circulatoire mécanique. L’évolution était rapidement fatale malgré la prise en charge maximale intensive cardiologique et immunosuppressive. 2.3. Observation 3 Un homme âgé de 77 ans était hospitalisé en juillet 2002 pour bilan de lipothymie secondaire à un bloc auriculoventriculaire complet nécessitant l’implantation d’un stimulateur cardiaque. Il décrivait, par ailleurs, des épisodes de fièvre avec frissons et sueurs depuis un mois et, depuis l’implantation du stimulateur, la fièvre persistait, avec une asthénie, un amaigrissement et une dyspnée d’effort. Les examens biologiques retrouvaient un syndrome inflammatoire et une hyperéosinophilie. Les prélèvements bactériologiques étaient négatifs. L’échocardiographie retrouvait une insuffisance mitrale, un épanchement péricardique de 10 mm, l’absence de végétation sur les sondes de pacemaker. La radiographie thoracique retrouvait un discret

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Tableau 1 Principales caractéristiques des quatre patients rapportés ayant une atteinte cardiaque au cours d’une maladie de Wegener. Sexe

Âge (ans)a

Durée d’évolutionb

Atteinte ORL

Atteinte pulmonaire

Atteinte rénale

Atteinte cardiaque

Symptômes

Suivi

1

H

62

15 ans

Oui

Non

Oui

Aucun

Poussée

2

H

53

Contemporain

Non

Oui

H

77

Contemporain

Oui

BAV, IM, péricardite

4

F

35

Contemporain

Oui, biopsie négative Oui, biopsie positive

Oui

Non

Myopéricardite, thrombose carotidienne

Dyspnée NYHA IV Lipothymie, dyspnée NYHA II AVC

Décès

3

Oui, biopsie négative Oui

Myopéricardite, CMD BB, CMD

Rémission

Poussée

H : homme ; F : femme ; BB : bloc de branche ; CMD : cardiomyopathie dilatée ; BAV : bloc auriculoventriculaire ; IM : insuffisance mitrale ; AVC : accident vasculaire cérébral. a Au moment du diagnostic de l’atteinte cardiaque. b De la GW au moment du diagnostic de l’atteinte cardiaque.

Fig. 1. Tomodensitométrie thoracique coupes parenchymateuses millimétriques : atteinte pulmonaire avec des opacités et des infiltrats bilatéraux, et un épanchement pleural droit (observation 2).

épanchement pleural. L’examen ORL objectivait une otite séreuse et le patient signalait une rhinite croûteuse évoluant depuis plusieurs mois. La tomodensitométrie thoracique retrouvait un nodule intraparenchymateux de 7 mm de diamètre. Les ANCA étaient alors positifs à un titre de 46 UI/l et de spécificité anti-PR3. L’atteinte rénale était mineure avec une hématurie microscopique et une protéinurie à 0,5 g/24 heures, sans insuffisance rénale. Il n’existait malheureusement pas de preuve histologique, le nodule pulmonaire étant trop petit pour être biopsié et les biopsies ORL et musculaires se révélant négatives. Le diagnostic de GW compliquée de trouble conductif avec péricardite et insuffisance mitrale était retenu. Le traitement d’attaque consistait en un traitement corticoïdes intraveineux puis oral à 1 mg/kg et des bolus de cyclophosphamide intraveineux, permettant une rémission clinique et biologique à six mois. Un traitement d’entretien par azathioprine était entrepris.

positivité des ANCA de titre 287 UI/l et de spécificité antiPR3. La patiente avait alors refusé toute prise en charge. Un mois plus tard, elle était hospitalisée en neurologie pour une hémiplégie droite complète fébrile. L’imagerie cérébrale

2.4. Observation 4 Une femme âgée de 35 ans présentait une paralysie faciale périphérique secondaire à une otite moyenne aiguë gauche atypique. Le diagnostic de GW était posé sur une biopsie septale retrouvant une vascularite nécrosante et sur la

Fig. 2. Échocardiographie (coupe parasternale grand axe) : cardiopathie dilatée avec dysfonction ventriculaire gauche (observation 2).

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de résonance magnétique (IRM) objectivait une thrombose de l’artère carotide interne gauche, une pluie d’emboles cérébraux et une sinusite maxillo-ethmoïdale. La tomodensitométrie thoracique retrouvait des opacités alvéolo-interstitielles bilatérales évoquant une hémorragie intra-alvéolaire et un épanchement pleural. L’électrocardiogramme montrait une onde de nécrose en DIII et AVF, associée à une négativation de l’onde T dans le même territoire. L’échocardiographie objectivait une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG 45 %) avec un trouble de la cinétique en territoire postérieur, une dysfonction ventriculaire droite sans hypertension artérielle pulmonaire, un épanchement péricardique modéré, l’ensemble faisant évoquer une myopéricardite. Il existait une anémie microcytaire normochrome avec un syndrome inflammatoire biologique, la fonction rénale était normale. L’atteinte pulmonaire nécessitait son transfert en réanimation. Devant cette poussée sévère de GW, une corticothérapie ainsi que des bolus de cyclophosphamide et des échanges plasmatiques étaient débutés. Un bilan cardiologique plus poussé était réalisé après stabilisation de l’état clinique : une scintigraphie myocardique retrouvait un ventricule gauche de taille normale, une hypofixation transmurale de la paroi latérale réversible. La coronarographie retrouvait un réseau coronaire normal. Le traitement consistait en huit bolus mensuel de cyclophosphamide, puis un relais par azathioprine devant la persistance d’un nodule pulmonaire. Après deux ans, la patiente rechutait avec réapparition de l’asthénie, d’un syndrome inflammatoire biologique et la progression des nodules pulmonaires et de l’épaississement sinusien. 3. Discussion Nous rapportons quatre cas de GW avec complications cardiaques de présentation clinique très différente. Le premier patient avait une myopéricardite, puis une cardiomyopathie dilatée à coronaires saines, il n’avait pas de symptômes cardiaques lors du diagnostic d’altération de la fonction ventriculaire gauche alors qu’il présentait une poussée de sa GW. Le deuxième patient avait une cardiomyopathie dilatée aiguë sévère, se manifestant par une décompensation cardiaque globale évoluant rapidement vers un choc cardiogénique et aboutissant au décès. Le troisième patient avait un bloc auriculoventriculaire complet associé à une insuffisance mitrale et une péricardite, découverts lors d’un bilan d’altération de l’état général associée à une dyspnée d’effort et un épisode lipothymique. Enfin, la dernière patiente avait une myopéricardite et une thrombose carotidienne, révélées par un accident vasculaire cérébral. Il est difficile en l’absence de confirmation histologique de retenir formellement l’imputabilité de la GW dans l’atteinte cardiaque chez ces quatre patients. Cependant, les données cliniques, biologiques et d’imagerie nous permettent de penser qu’elle est hautement probable chez les patients 2 et 4 et suspectée chez les patients 1 et 3. Les observations rapportées dans la littérature soulignent la diversité des atteintes et des symptômes cardiaques au cours de la GW. En effet, dans une étude rétrospective de 27 patients avec une GW et des manifestations cardiaques, Forstot et al. retrouvent qu’il s’agit de péricardites dans 50 % des cas, de

coronarites dans 50 % des cas, de myocardites dans 25 % des cas, de valvulopathies ou d’endocardites dans 21 % des cas, de troubles de conduction dans 17 % des cas et d’infarctus du myocarde dans 11 % des cas [4]. Les péricardites peuvent être isolées ou associées à un trouble de la conduction ou une myocardite. Elles peuvent être asymptomatiques ou évoluer vers une tamponnade ou une constriction péricardique [5]. Elles sont rarement secondaires à un infarctus du myocarde ou à une insuffisance rénale urémique. Les coronarites sont liées à des sténoses inflammatoires des artères de moyen et petit calibre, qui restent le plus souvent asymptomatiques mais peuvent évoluer vers l’infarctus du myocarde et le décès [6]. Les myocardites sont dues à l’atteinte granulomateuse du myocarde, elles peuvent être diagnostiquées sur un épisode de décompensation cardiaque ou de précordialgie, ou être asymptomatique mais évoluer lentement vers une cardiomyopathie dilatée [7]. L’atteinte valvulaire peut être primaire, liée à une inflammation des tissus [5], ou secondaire à une endocardite [8] ou une dilatation aortique ou ventriculaire gauche. Les troubles de conduction sont dus à une atteinte granulomateuse ou inflammatoire des tissus de conduction. Différentes anomalies ont été décrites : du bloc de branche asymptomatique au bloc auriculoventriculaire complet nécessitant l’implantation définitive d’un stimulateur cardiaque [4]. Les arythmies atriales et ventriculaires sont le symptôme d’une anomalie sous-jacente à rechercher : péricardite, infarctus ou encore endocardite [8]. De rares cas de cardiomyopathie dilatée isolée ont été rapportés, sans myocardite préalable [9]. L’existence de masse intracardiaque pouvant mimer un thrombus ou un myxome a été aussi décrite [7]. Il peut, par ailleurs, au niveau vasculaire exister une atteinte artérielle inflammatoire à l’origine de dissection ou d’anévrisme [10], l’inflammation aortique abdominale pouvant être responsable d’une fibrose rétropéritonéale. Enfin, une étude récente a retrouvé une augmentation du risque de manifestations thrombœmboliques veineuses dans la GW sans augmentation du risque d’hypertension artérielle pulmonaire [11]. L’atteinte cardiaque est reconnue comme un facteur de mauvais pronostic d’une GW notamment parce qu’elle témoigne le plus souvent d’une atteinte systémique diffuse de la vascularite. Une étude rétrospective sur 108 patients atteints de GW avec complications rénales retrouvait un taux de mortalité globale de 24 %. Trente-cinq pour cent de ces décès étaient secondaires à une atteinte cardiaque (infarctus du myocarde ou mort subite) [12]. Nous retrouvons cette tendance malgré les limites évidentes de ce travail (analyse rétrospective et faible échantillon). En effet, parmi nos quatre patients, trois ont évolué défavorablement malgré l’intensification des traitements : deux ont présenté des poussées de GW et un est décédé d’insuffisance cardiaque terminale rapidement évolutive. Cette gravité encourage à dépister précocement les anomalies cardiaques infracliniques afin d’adapter la prise en charge [7]. Dans ce but, une étude rétrospective sur 85 patients a colligé les différentes anomalies échocardiographiques [13]. Elles ont été dépistées chez 73 patients (86 %) et mises directement en relation avec la GW pour 26 de ces 73 patients (36 %). Parmi ces 26 patients, 17 (65 %) avaient un trouble de cinétique segmentaire. Une altération de la fonction ventriculaire gauche était retrouvée chez

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13 patients (50 %) et un épanchement péricardique chez cinq patients (19 %). D’autres anomalies ont été retrouvées : valvulopathies (insuffisance mitrale, aortique et tricuspide), anévrisme du ventricule gauche, masse et thrombus intracardiaque. Une augmentation significative du taux de mortalité était retrouvée en comparaison aux patients avec atteinte cardiaque non rapportée à la GW. En parallèle du dépistage échocardiographique, plusieurs cas rapportés récemment suggèrent l’intérêt de l’IRM cardiaque dans la GW [14]. L’IRM semble en effet plus sensible que l’échocardiographie pour le diagnostic et le suivi de l’atteinte myocardique inflammatoire liée à la GW, ce qui permettrait de guider les décisions thérapeutiques. À la différence d’un infarctus du myocarde, les anomalies de signal sont diffuses et ne correspondent pas à un territoire artériel coronaire précis. La tomographie par émissions de positons pourrait aider au dépistage des complications cardiovasculaires de la GW, mais l’apport de cette technique d’imagerie, récente dans cette indication, reste à préciser [15]. Enfin, ces examens de dépistage s’ils s’avèrent positifs doivent encourager si possible à la réalisation d’un examen anatomopathologique de confirmation. Ce dernier peut mettre en évidence des lésions de vascularite nécrosante ou des granulomes qui confirmeront alors l’imputabilité de la GW dans l’atteinte cardiaque. En effet, il ne faut pas oublier d’éliminer les autres étiologies possibles d’atteintes cardiaques lors d’une GW. Elles sont essentiellement représentées par les complications des traitements immunosuppresseurs, comme le cyclophosphamide ou le rituximab, et les lésions coronariennes d’athérosclérose, qui si elles sont suspectées devront mener à la réalisation d’une coronarographie. 4. Conclusion Les atteintes cardiaques compliquant une GW sont diverses, avec des présentations cliniques très hétérogènes allant de l’absence de symptômes à la défaillance cardiaque terminale. L’atteinte cardiaque peut être la conséquence de la vascularite ou de l’atteinte granulomateuse et doit être si possible confirmée par une analyse anatomopathologique. La présence d’une cardiopathie même infraclinique est un facteur de mauvais pronostic de la GW. Certains traitements immunosuppresseurs peuvent soit induire, soit être contre-indiqués en présence d’une cardiopathie. En pratique, à la lueur des résultats de la littérature ainsi que de nos observations, nous suggérons un dépistage cardiologique, clinique, électrocardiographique et échocardiographique, systématique et régulier des patients atteints de GW pour permettre une prise en charge thérapeutique précoce et adaptée. Dans cette indication de dépistage, la place de l’IRM cardiaque avec

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injection de gadolinium est prometteuse en permettant une détection encore plus sensible que l’échocardiographie des lésions inflammatoires et de leur évolution. Enfin, l’apport de la tomographie par émissions de positons semble aussi intéressant mais reste à préciser. 5. Conflits d’intérêts Les auteurs n’ont pas transmis de conflits d’intérêts. Références [1] Leavitt RY, Fauci AS, Bloch DA, Michel BA, Hunder GG, Arend WP, et al. The American College of Rheumatology 1990 criteria for the classification of Wegener’s granulomatosis. Arthritis Rheum 1990;33:1101–7. [2] Walton EW. Giant-cell granuloma of the respiratory tract (Wegener’s Granulomatosis) BMJ 1958;2:265–70. [3] Hoffman GS, Kerr GS, Leavitt RY, Hallahan CW, Lebovics RS, Travis WD, et al. Wegener granulomatosis: an analysis of 158 patients. Ann Intern Med 1992;116:488–98. [4] Forstot JZ, Overlie PA, Neufeld GK, Harmon CE, Forstot SL. Cardiac complications of Wegener’s granulomatosis: a case report of complete heart block and review of the literature. Semin Arthritis Rheum 1980;10:148–54. [5] Grant SCD, Levy RD, Venning MC, Ward C, Brooks NH. Wegener’s granulomatosis and the heart. Br Heart J 1994;71:82–6. [6] Lazarus MN, Khurana R, Sethi AS, Naughton MA. Wegener’s granulomatosis presenting with an acute ST-elevation myocardial infarct (STEMI). Rheumatology 2006;45:916–8. [7] Goodfield NE, Bhandari S, Plant WD, Morley-Davies A, Sutherland GR. Cardiac involvement in Wegener’s granulomatosis. Br Heart J 1995;73:110–5. [8] Jimenez Caballero PE, Segura Martin T. Cardioembolic stroke secondary to non-bacterial endocarditis in Wegener disease. Eur J Neurol 2007;14:683–5. [9] Delevaux I, Hoen B, Selton-Suty C, Canton P. Relapsing congestive cardiomyopathy in Wegener’s granulomatosis. Mayo Clin Proc 1997;72:848–50. [10] Arlet JB, Le Thi Huong D, Marinho A, Cluzel P, Wechsler B, Piette JC. Arterial aneurysms in Wegener’s granulomatosis: case report and literature review. Semin Arthritis Rheum 2008;37:265–8. [11] Merkl PA, Lo GH, Holbrook JT, Tibbs AK, Allen NB, Davis Jr JC, et al. Wegener’s Granulomatosis Etanercept Trial Research Group. Brief communication: high incidence of venous thrombotic events among patients with Wegener granulomatosis: the Wegener’s Clinical Occurrence of Thrombosis (WeCLOT) Study. Ann Intern Med 2005;142:620–6. [12] Aasarod K, Iversen BM, Hammerstrom J, Bostad L, Vatten L, Jorstad S. Wegener’s granulomatosis: clinical course in 108 patients with renal involvement. Nephrol Dial Transplant 2000;15:611–8. [13] Oliveira GH, Seward JB, Tsang TS, Specks U. Echocardiographic findings in patients with Wegener granulomatosis. Mayo Clin Proc 2005;80:1435–40. [14] Brihaye B, Aouba A, Pagnoux C, Vignaux O, Le Hello C, Guillevin L. Rituximab reversed cardiac involvement of Wegener’s granulomatosis: magnetic resonance imaging assessment. Presse Med 2008;37:412–5. [15] Beggs AD, Hain SF. F-18 FDG-positron emission tomographic scanning and Wegener’s granulomatosis. Clin Nucl Med 2002;27:705–6.