Manifestations de la maladie cœliaque de l’adulte

Manifestations de la maladie cœliaque de l’adulte

Pathologie Biologie 61 (2013) e47–e51 Revue ge´ne´rale Manifestations de la maladie cœliaque de l’adulte Clinical manifestations of adult celiac dis...

276KB Sizes 0 Downloads 137 Views

Pathologie Biologie 61 (2013) e47–e51

Revue ge´ne´rale

Manifestations de la maladie cœliaque de l’adulte Clinical manifestations of adult celiac disease G. Malamut a,b, C. Cellier a,b,* a b

Universite´ Paris Descartes, 12, rue de l’E´cole-de-Me´decine, 75006 Paris, France Service d’he´pato-gastroente´rologie, hoˆpital europe´en Georges-Pompidou, AP–HP, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 1 mars 2011 Accepte´ le 23 mars 2011

La maladie cœliaque (MC) est une maladie inflammatoire intestinale secondaire a` l’ingestion de gluten survenant chez des patients ge´ne´tiquement pre´dispose´s (HLA DQ2/DQ8). Sa pre´valence est estime´e a` environ 1/100 en Europe et aux E´tats-Unis. Il s’agit d’une maladie extreˆmement prote´iforme dont les seules manifestations peuvent eˆtre une ane´mie ferriprive, une aphtose buccale re´cidivante, une ame´norrhe´e ou des manifestations oste´oarticulaires. Le diagnostic repose sur la mise en e´vidence histologique d’une atrophie villositaire du greˆle proximal et la pre´sence d’anticorps se´riques spe´cifiques. Le traitement repose sur l’e´viction a` vie du gluten alimentaire. Il permet de pre´venir les complications ne´oplasiques telles que les ade´nocarcinomes et lymphomes du greˆle et l’oste´ope´nie. La principale cause de l’e´chec du re´gime est sa mauvaise observance. Dans le cas contraire, les complications graves de la MC, sprue re´fractaire clonale et lymphome T intestinal, doivent eˆtre recherche´es. ß 2011 Publie´ par Elsevier Masson SAS.

Mots cle´s : Maladie cœliaque Diarrhe´e Malabsorption Atrophie villositaire Re´gime sans gluten Sprue re´fractaire Lymphome T

A B S T R A C T

Keywords: Celiac disease Diarrhea Malnutrition Villous atrophy Gluten free diet Refractory celiac disease T-cell lymphoma

Celiac disease is an enteropathy due to gluten intake in genetically predisposed persons (HLA DQ2/DQ8). Celiac disease occurs in adults and children at rates approaching 1% of population in Europe and USA. Celiac disease is extremely various and anaemia, oral aphthous stomatis, amenorrhea or articular symptoms may be the only revealing symptoms. Diagnosis releases on evidence of histological villous atrophy in proximal small bowel and presence of specific serum antibodies. Treatment relies on eviction of gluten. Gluten free diet allows prevention of malignant complications such as small bowel adenocarcinoma and lymphoma and osteopenia. The main cause of resistance to gluten free diet is its bad observance. On the contrary, serious complications of celiac disease, such as clonal refractory celiac sprue and intestinal T-cell lymphoma need to be screen. ß 2011 Publie´ par Elsevier Masson SAS.

1. E´pide´miologie La fre´quence de la maladie cœliaque (MC) a longtemps e´te´ sousestime´e, en raison des formes silencieuses, paucisymptomatiques ou atypiques qui sont actuellement majoritaires [1]. Des e´tudes se´roe´pide´miologiques re´centes font e´tat d’une pre´valence d’environ 1/200 a` 1/100 en Europe et aux E´tats-Unis [1–3]. La MC affecte essentiellement les sujets de type caucasien. La MC reste exceptionnelle chez les Noirs africains, les Chinois et les Japonais [4]. En revanche, la pre´valence de la MC en Afrique du Nord est proche de celle observe´e en Europe [5]. La MC a deux pics

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Cellier). 0369-8114/$ – see front matter ß 2011 Publie´ par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.patbio.2011.03.012

de fre´quence avec une re´ve´lation soit dans l’enfance ou a` l’aˆge adulte le plus souvent entre 20 et 40 ans. La majorite´ des diagnostics se font actuellement a` l’aˆge adulte et les formes a` re´ve´lation tardive sont en constante augmentation [1,4,6]. Cette maladie est deux a` trois fois plus fre´quente chez la femme [4]. 2. Pre´sentation clinique Les signes classiques de la MC sont en relation avec une malabsorption de l’intestin greˆle : diarrhe´e avec ste´atorrhe´e, amaigrissement, de´nutrition, asthe´nie et douleurs abdominales. Les anomalies biologiques sont une ane´mie par carence en fer, folates, vitamine B12, un de´ficit en facteurs vitamino-K de´pendants (II, VII et X), une hypoalbumine´mie, une hypocalce´mie, une hypomagne´se´mie et un de´ficit en zinc [4]. Cette forme classique est

G. Malamut, C. Cellier / Pathologie Biologie 61 (2013) e47–e51

e48

Tableau 1 Principales manifestations cliniques et paracliniques de la maladie cœliaque de l’adulte. Manifestations

Signes cliniques

Digestives Cutane´o-muqueuses Ge´nitales

Diarrhe´e, douleurs abdominales, amaigrissement Alope´cie, aphtose buccale, purpura Ame´norrhe´e primaire ou secondaire Puberte´ tardive, me´nopause pre´coce Infertilite´, fausses couches, hypotrophie fœtale Crampes, te´tanie, atrophie musculaire Ataxie, atteinte pe´riphe´rique E´pilepsie Douleurs osseuses, oste´oporose, fracture spontane´e, arthrite Ane´mie par carence en fer, folates, vitamine B12 Thrombocytose, thrombope´nie (moins fre´quente) De´ficit en facteurs vitamino-K de´pendants Hypo-albumine´mie, hypocalce´mie, hypomagne´se´mie, de´ficit en zinc E´le´vation des transaminases

Neuromusculaires

Oste´o-articulaires Biologiques

actuellement minoritaire [7] et les formes atypiques, paucisymptomatiques ou silencieuses, repre´sentent actuellement la majorite´ des cas diagnostique´s chez l’adulte [6] (Tableau 1). Le diagnostic de MC peut eˆtre e´voque´ devant une augmentation des transaminases [8], voire une he´patopathie se´ve`re inexplique´e [9], une ane´mie isole´e [4], une aphtose buccale re´cidivante [4] ou encore des troubles fonctionnels intestinaux [1]. Ainsi une e´tude sugge`re que certains cas de syndromes de l’intestin irritable avec diarrhe´e et bilans endoscopiques et histologiques normaux pourraient eˆtre secondaires a` une MC latente. Parmi les sujets atteints de troubles fonctionnels, 35 % avaient le ge´notype HLA-DQ2 pre´sent chez 95 % des cœliaques et 23 % avaient une hyperlymphocytose intrae´pithe´liale [10]. Aucun n’avait d’anticorps se´riques spe´cifiques de´tectables, mais 30 % avaient des anticorps pre´sents dans le liquide duode´nal [10]. Il faut noter e´galement qu’environ 30 % des patients nouvellement diagnostique´s aux E´tats-Unis ont une surcharge ponde´rale [7]. Des manifestations extradigestives sont e´galement fre´quemment re´ve´latrices de la maladie telles qu’une de´mine´ralisation osseuse diffuse ou des arthralgies. Ainsi une MC asymptomatique a e´te´ observe´e chez 1 a` 5 % des patients souffrant d’une oste´oporose idiopathique qui peut eˆtre la seule manifestation de la malabsorption intestinale du calcium et de la vitamine D [11]. Le risque de fractures au niveau des membres serait augmente´ chez les malades cœliaques, en particulier chez les patients non encore diagnostique´s [12,13]. Parfois seuls des troubles neurologiques (e´pilepsie, neuropathie pe´riphe´rique d’origine carentielle, migraine ou ataxie), [14] voire une cardiomyopathie dilate´e idiopathique [15] peuvent re´ve´ler la maladie. Les troubles de la reproduction (ame´norrhe´e, infertilite´, hypotrophie fœtale ou fausses couches a` re´pe´tition) sont fre´quents chez les patients cœliaques [16]. Ainsi, une MC me´connue a e´te´ de´tecte´e chez pre`s de 1,2 % des femmes enceintes syste´matiquement de´piste´es et e´tait responsable de fausses couches a` re´pe´tition ou d’une hypotrophie fœtale dans plus de la moitie´ des cas [16]. La physiopathoge´nie de ces atteintes extra-intestinales n’est pas parfaitement e´lucide´e. Elle pourrait eˆtre lie´e aux carences d’absorption et a` des me´canismes auto-immuns. Il existe un risque accru de MC chez les apparente´s au premier degre´ de malades cœliaques (10 %), chez les patients atteints de dermatite herpe´tiforme ou d’autres maladies auto-immunes (diabe`te, thyroı¨dite, cirrhose biliaire primitive, alope´cie, psoriasis, vitiligo, ataxie. . ..) (Tableau 2). Les alle`les DQ2/DQ8 sont aussi des alle`les de susceptibilite´ pour certaines maladies auto-immunes tels que le diabe`te de type I et la maladie d’Addison ce qui explique probablement l’augmentation du risque de ces maladies chez les patients cœliaques [17]. En the´orie, une MC, meˆme latente est

Tableau 2 Principales associations morbides de la maladie cœliaque de l’adulte. Maladies auto-immunes et dysimmunitaires Dermatite herpe´tiforme Diabe`te insulinode´pendant, dysthyroı¨die, maladie d’Addison Myasthe´nie, polymyosite, polyarthrite rhumatoı¨de, sarcoı¨dose et scle´rose en plaques Ane´mie he´molytique et purpura thrombope´nique auto-immuns Vascularite syste´mique et cutane´e, lupus e´rythe´mateux diffus, syndrome de Sjo¨gren Cirrhose biliaire primitive, cholangite scle´rosante Maladie de Crohn, rectocolite he´morragique De´ficit en IgA Ne´phropathie a` IgA Maladies immuno-allergiques Atopie et asthme, maladie du poumon de fermier, maladie des e´leveurs d’oiseaux Syndromes malformatifs Trisomie 21 Syndrome de Turner

pre´sente chez tous les patients ayant une dermatite herpe´tiforme. Les facteurs de susceptibilite´ HLA DQ2/DQ8 y ont d’ailleurs la meˆme re´partition que dans la MC [18]. Le recours aux tests se´rologiques, anticorps antigliadine, antiendomysium [19] et antitransglutaminase (tTG), doit eˆtre facile qu’il s’agisse d’e´tayer le diagnostic de symptoˆmes e´vocateurs, de clarifier l’origine de symptoˆmes atypiques, mais aussi de rechercher la maladie dans les groupes a` risque, en particulier chez les apparente´s du premier degre´, et chez les patients atteints de maladies auto-immunes. L’utilisation de la transglutaminase humaine pour l’e´laboration des kits de de´tection a permis d’augmenter leur sensibilite´ et spe´cificite´ [20]. Il est actuellement recommande´ de rechercher les tTG et AEM seuls ou conjointement dans le bilan d’une MC. Le recours aux anticorps anti-gliadine [21] reste pre´conise´ en cas de de´ficit en IgA (2 a` 3 % des cœliaques) et chez les patients de moins de 18 ans. Des tests base´s sur la de´tection des anticorps antigliadine de´amide´e avec une tre`s bonne sensibilite´ et spe´cificite´ sont en cours de de´veloppement [22–24]. Actuellement des e´tudes se portent sur des tests plus pratiques comme les tests se´rologiques salivaires [25] ou les tests re´alisables au doigt [26] base´s sur la de´tection des tTG [27]. Dans tous les cas, le diagnostic doit eˆtre confirme´ par la re´alisation de biopsies duode´nales indispensables avant la prescription d’un re´gime sans gluten a` vie. Au plan histologique, les le´sions intestinales pre´dominent logiquement dans la partie proximale de l’intestin greˆle, site ou` les prote´ines non dige´re´es du gluten peuvent entrer en contact avec la muqueuse et stimuler la re´ponse immune (cf. ci-dessous). La classification de Marsh [28] modifie´e par Oberhuber et al. [29] reconnaıˆt de´sormais a` coˆte´ des le´sions se´ve`res classiques d’atrophie villositaire totale (Marsh IIIc) des le´sions d’atrophie villositaire partielle, voire chez certains patients des le´sions subtiles se re´sumant a` une augmentation de la taille des cryptes et du nombre des lymphocytes intrae´pithe´liaux (LIE) (Marsh II), celle-ci pouvant meˆme eˆtre isole´e (Marsh I). Cette classification de Marsh a e´te´ prise en compte dans la de´finition des diffe´rentes formes de MC. Ainsi les formes latentes, de´tecte´es chez des sujets a` risque par les tests se´rologiques, sont des formes asymptomatiques et sans atrophie villositaire mais souvent associe´es a` une augmentation des LIE (Marsh I) [30]. Il faut noter que la distribution et l’intensite´ des le´sions histologiques sont souvent irre´gulie`res, justifiant la re´alisation de quatre a` six biopsies pour assurer le diagnostic. L’hypothe`se d’une corre´lation entre la se´ve´rite´ des le´sions muqueuses et l’intensite´ du syndrome de malabsorption et des symptoˆmes cliniques serait se´duisante mais ne semble pas e´taye´e par des e´tudes re´centes a` l’exception d’un aˆge

G. Malamut, C. Cellier / Pathologie Biologie 61 (2013) e47–e51

de re´ve´lation plus tardif pour les formes avec atrophie villositaire partielle (Marsh IIIa) [31,32]. Il est cependant possible, qu’a` terme, l’utilisation de techniques comme la vide´o-capsule permette de mieux appre´cier l’e´tendue et l’intensite´ des le´sions intestinales et de ce fait d’e´tablir des corre´lations plus pertinentes avec la gravite´ des symptoˆmes cliniques. Dans un certain nombre de cas douteux devant une ente´ropathie mal comprise et alors que les se´rologies sont ne´gatives, il peut eˆtre utile d’appuyer le diagnostic sur une e´tude des groupes HLA. Celle-ci a essentiellement une valeur pre´dictive ne´gative. En effet, la de´tection d’un haplotype a` risque (HLA DQ2/8) ne permet pas d’affirmer le diagnostic de MC comptetenu de leur grande fre´quence dans la population ge´ne´rale (35 %) mais leur absence permet d’e´liminer ce diagnostic. Une fois le diagnostic de MC pose´, un certain nombre d’examens comple´mentaires sont re´alise´s pour comple´ter l’exploration du syndrome de malabsorption et de´pister d’e´ventuelles complications : NFS, dosage du fer se´rique, des folates, de la vitamine B12, des facteurs de la coagulation (TP), calce´mie et magne´se´mie, tests he´patiques pour rechercher une he´patopathie associe´e. En revanche, les tests d’absorption (D-xylose, dosage des graisses fe´cales, test de Schilling), le transit du greˆle, la coloscopie ou la tomodensitome´trie sont rarement ne´cessaires. Tout patient atteint de MC devrait be´ne´ficier de la recherche d’une oste´ope´nie par la re´alisation d’une oste´odensitome´trie osseuse. Le seul traitement actuel de la MC est un re´gime sans gluten (RSG) strict a` vie. Ce re´gime permet chez la grande majorite´ des patients la gue´rison des symptoˆmes digestifs [4], mais e´galement la re´gression de manifestations extradigestives telles que la de´mine´ralisation osseuse [33,34] ou les cytolyses he´patiques [9]. En effet, l’oste´ope´nie re´gresse plus ou moins comple`tement chez 80 % des malades apre`s 12 mois d’un RSG bien suivi [12,35]. L’augmentation des transaminases associe´e a` la MC, re´gresse totalement dans 90 % des cas apre`s un an d’e´viction du gluten et une biopsie he´patique n’est requise qu’en cas d’e´chec du re´gime bien suivi [8]. Quelques cas d’he´patopathies se´ve`res justifiant d’une transplantation he´patique et associe´es a` une MC ont meˆme e´te´ spectaculairement ame´liore´es par un RSG [9]. Les troubles neurologiques centraux, a` type d’ataxie ou de migraine, ou pe´riphe´riques a` type de neuropathie semblent aussi be´ne´ficier de l’e´viction du gluten [14]. En revanche, le be´ne´fice du RSG en cas de troubles de la reproduction n’est pas clairement de´montre´, mais a e´te´ rapporte´ [16]. Ce re´gime ne permet pas de gue´rir des maladies auto-immunes e´tablies comme un diabe`te de type I ou` les le´sions tissulaires au moment du diagnostic sont irre´versibles, mais son efficacite´ pour pre´venir leur apparition chez les patients symptomatiques a re´cemment e´te´ de´montre´e [36]. Ce re´gime permet aussi de pre´venir l’apparition d’une oste´ope´nie/oste´oporose [33] et les complications malignes [37–39]. De fac¸on inte´ressante, la disparition spontane´e de l’atrophie villositaire a pu eˆtre de´montre´e chez un petit nombre de patients adultes diagnostique´s dans l’enfance et ayant repris un re´gime normal bien tole´re´ cliniquement. Cependant, la persistance d’une augmentation des LIE et souvent de se´rologies positives ne permet pas chez ces patients de conclure a` une restauration comple`te de la tole´rance au gluten mais plutoˆt au retour vers une forme latente de MC ne´cessitant un suivi a` long terme pour ve´rifier l’absence de rechute ou complications [40]. Il faut en outre souligner que dans cette e´tude, la majorite´ des sujets reste´s asymptomatiques malgre´ le re´gime normal pre´sentaient une atrophie villositaire se´ve`re tre`s souvent associe´e a` une oste´ope´nie, qui a conduit a` restaurer un RSG. En effet, bien que le risque de fractures, de complications auto-immunes ou malignes chez les patents silencieux ne soit pas e´tabli pre´cise´ment, la prescription d’un RSG est actuellement conside´re´e comme ne´cessaire en cas d’atrophie villositaire pour en re´duire le risque potentiel. En l’absence d’atrophie villositaire histologique (MC latente), la prescription du RSG reste de´battue [40].

e49

Tableau 3 Principales causes de re´sistance au re´gime sans gluten [1]. Mauvaise observance au re´gime sans gluten Erreur diagnostique, exclure les autres causes d’atrophie villositaire (de´ficit immunitaire commun variable, ente´ropathie auto-immune, maladie de Whipple, sprue tropicale. . .) Colite collage`ne Ade´nocarcinome du greˆle, sprue cœliaque re´fractaire, lymphome intestinal

3. Les maladies cœliaques re´sistantes au re´gime sans gluten L’e´chec du RSG impose d’abord et avant tout la re´e´valuation du diagnostic initial de MC (Tableau 3). Si le diagnostic initial de MC est confirme´, la principale cause de mauvaise re´ponse au RSG est une observance incorrecte de celui-ci dans plus de 50 % des cas [41]. Une analyse re´alise´e par une die´te´ticienne avertie et les dosages se´riques d’anticorps anti-transglutaminase et antigliadine doivent eˆtre pratique´s. La positivite´ des anticorps cœliaques doit alors faire suspecter une mauvaise observance du re´gime. Si la diarrhe´e persiste, alors que l’atrophie villositaire a re´gresse´, il faut rechercher une cause associe´e, en particulier une colite collage`ne ou lymphocytaire [1]. Si cette colite microscopique n’est pas toujours ame´liore´e par le RSG, elle peut ne´anmoins be´ne´ficier d’un traitement spe´cifique tels que les aminosalicyle´s ou les corticoı¨des [42]. Finalement, apre`s avoir exclu une mauvaise observance du re´gime, une re´sistance primitive ou secondaire au RSG doit faire suspecter une complication grave telle que la sprue re´fractaire clonale, voire un lymphome T intestinal [43]. La sprue re´fractaire correspond a` une MC primitivement ou secondairement re´sistante au RSG. Il s’agit d’un type I lorsqu’il n’existe pas d’anomalie phe´notypique des LIE ou d’un type II, en cas de prolife´ration clonale de LIE de phe´notype anormal avec persistance d’une expression intracellulaire de CD3 mais absence d’expression en surface du re´cepteur T et des mole´cules CD3, CD8 ou CD4 [44]. La pre´sentation clinique de la sprue re´fractaire de type II (SR II) est ge´ne´ralement bruyante avec une ente´ropathie exsudative se´ve`re lie´e a` la fre´quente je´junite ulce´reuse associe´e. Au diagnostic les patients ont d’ailleurs une hypoalbumine´mie nettement plus se´ve`re qu’en cas de sprue re´fractaire de type I (SR I) [45]. Alors que le pronostic des SR I avoisine celui des MC non complique´es, le pronostic de la SR II est nettement plus sombre avec une e´volution vers un lymphome T invasif dans environ 50 % des cas et une survie a` cinq ans de 40 a` 50 % [45,46]. Le traitement de la sprue re´fractaire n’est pas codifie´ et repose en pratique sur la corticothe´rapie prolonge´e, l’utilisation d’immunosuppresseurs, voire sur l’autogreffe de cellules souches he´matopoı¨e´tiques pour la SR II [47]. La SR II, caracte´rise´e par une prolife´ration clonale de petits LIE anormaux [43], est conside´re´e comme un lymphome intrae´pithe´lial de bas grade avec atteinte digestive diffuse mais e´galement extradigestive fre´quentes et constitue une forme de passage entre MC et lymphome T invasif [43,45]. Cependant la SR II n’est pas une e´tape obligatoire puisque des lymphomes T ont e´te´ de´crits sur des MC non complique´es, souvent re´ve´lateurs de l’ente´ropathie sousjacente [46,48,49] et e´galement au cours des SR I [45]. Apre`s avoir e´te´ sure´value´, le risque relatif de lymphome malin non hodgkinien associe´ a` la MC a e´te´ ramene´ a` 6 d’apre`s les dernie`res e´tudes [38]. Il s’agit dans la majorite´ des cas d’un lymphome de phe´notype T, EATL (enteropathy associated T cell lymphoma), et exprimant en surface le marqueur CD103, spe´cifique des LIE dont il est issu [43]. Le diagnostic de lymphome invasif repose sur l’ente´roscopie pousse´e, la capsule endoscopique, la tomodensitome´trie abdominale voire le Pet-scan [50]. Dans certains cas, le diagnostic histologique n’est obtenu qu’apre`s une laparotomie. Dans un cas sur deux, le lymphome est re´ve´lateur d’une MC silencieuse et se manifeste par une complication chirurgicale (he´morragie, perforation ou occlusion intestinale) [51]. Le pronostic clinique de l’EATL

e50

G. Malamut, C. Cellier / Pathologie Biologie 61 (2013) e47–e51

est sombre avec une survie infe´rieure a` 20 % a` cinq ans principalement en raison de l’habituelle chimiore´sistance et de la de´nutrition lie´e a` l’ente´ropathie sous-jacente [48,52,53]. La MC favorise e´galement la survenue d’ade´nocarcinomes du greˆle [54], de cancers ORL et he´patiques [38,53,55]. De nombreuses e´tudes rapportent une diminution du risque de pathologies malignes, y compris lymphomateuses, chez les patients cœliaques suivant bien leur RSG [37,38,56]. 4. Conclusion Le profil clinique de la MC de l’adulte a change´ au cours de la dernie`re de´cennie, avec la mise en e´vidence d’une pre´valence e´leve´e de la maladie lie´e a` l’existence de formes cliniques atypiques ou avec manifestations extradigestives. L’e´mergence d’un nombre tre`s important des formes asymptomatiques ou peu symptomatiques pose maintenant le proble`me du de´pistage et du be´ne´fice attendu [57]. Actuellement le de´pistage doit porter sur des groupes a` risque, tels les patients souffrant de symptoˆmes digestifs minimes ou ayant des manifestations extra-intestinales. Il semble e´galement licite de le proposer aux sujets asymptomatiques a` haut risque (enfants des sujets atteints de MC, maladies auto-immunes, oste´oporose inexplique´e) chez lesquels un de´pistage et un RSG permettent de pre´venir ou corriger les complications. Le RSG reste actuellement le seul traitement de la MC et doit eˆtre prescrit a` vie [58]. Les complications malignes associe´es a` la MC, principalement la sprue re´fractaire clonale et lymphome T intestinal, restent rares mais redoutables. De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Green PH, Cellier C. Celiac disease. N Engl J Med 2007;357:1731–43. [2] Maki M, Mustalahti K, Kokkonen J, Kulmala P, Haapalahti M, Karttunen T, et al. Prevalence of celiac disease among children in Finland. N Engl J Med 2003;348:2517–24. [3] Fasano A, Berti I, Gerarduzzi T, Not T, Colletti RB, Drago S, et al. Prevalence of celiac disease in at-risk and not-at-risk groups in the united states: a large multicenter study. Arch Intern Med 2003;163:286–92. [4] Farrell RJ, Kelly CP. Celiac sprue. N Engl J Med 2002;346:180–8. [5] Catassi C, Ratsch IM, Gandolfi L, Pratesi R, Fabiani E, El Asmar R, et al. Why is coeliac disease endemic in the people of the sahara? Lancet 1999;354:647–8. [6] Rampertab SD, Pooran N, Brar P, Singh P, Green PH. Trends in the presentation of celiac disease. Am J Med 2006;119. 355.e359–314. [7] Murray JA, Van Dyke C, Plevak MF, Dierkhising RA, Zinsmeister AR, Melton 3rd LJ. Trends in the identification and clinical features of celiac disease in a north american community, 1950-2001. Clin Gastroenterol Hepatol 2003;1:19–27. [8] Trivin F, Cellier C. Diagnosis of symptom-free celiac disease in a patient with persistent hypertransaminasemia of obscur origin. Gastroenterol Clin Biol 2001;25:553–4. [9] Kaukinen K, Halme L, Collin P, Farkkila M, Maki M, Vehmanen P, et al. Celiac disease in patients with severe liver disease: gluten-free diet may reverse hepatic failure. Gastroenterology 2002;122:881–8. [10] Wahnschaffe U, Ullrich R, Riecken EO, Schulzke JD. Celiac disease-like abnormalities in a subgroup of patients with irritable bowel syndrome. Gastroenterology 2001;121:1329–38. [11] Nuti R, Martini G, Valenti R, Giovani S, Salvadori S, Avanzati A. Prevalence of undiagnosed coeliac syndrome in osteoporotic women. J Intern Med 2001;250:361–6. [12] Vasquez H, Mazure R, Gonzalez D, Flores D, Pedreira S, Niveloni S, et al. Risk of fractures in celiac disease patients: a cross-sectional, case-control study. Am J Gastroenterol 2000;95:183–9. [13] Jafri MR, Nordstrom CW, Murray JA, Van Dyke CT, Dierkhising RA, Zinsmeister AR, et al. Long-term fracture risk in patients with celiac disease: a populationbased study in olmsted county, minnesota. Dig Dis Sci 2008;53:964–71. [14] Luostarinen LK, Collin PO, Peraaho MJ, Maki MJ, Pirttila TA. Coeliac disease in patients with cerebellar ataxia of unknown origin. Ann Med 2001;33:445–9. [15] De Bem RS, Da Ro Sa Utiyama SR, Nisihara RM, Fortunato JA, Tondo JA, Carmes ER, et al. Celiac disease prevalence in brazilian dilated cardiomyopathy patients. Dig Dis Sci 2006;51:1016–9.

[16] Martinelli P, Troncone R, Paparo F, Torre P, Trapanese E, Fasano C, et al. Coeliac disease and unfavourable outcome of pregnancy. Gut 2000;46:332–5. [17] Liu E, Rewers M, Eisenbarth GS. Genetic testing: Who should do the testing and what is the role of genetic testing in the setting of celiac disease? Gastroenterology 2005;128:S33–7. [18] Zone JJ. Skin manifestations of celiac disease. Gastroenterology 2005;128:S87– 91. [19] Di Sabatino A, Pickard KM, Gordon JN, Salvati V, Mazzarella G, Beattie RM, et al. Evidence for the role of interferon-alfa production by dendritic cells in the th1 response in celiac disease. Gastroenterology 2007;133:1175–87. [20] Wong RC, Wilson RJ, Steele RH, Radford-Smith G, Adelstein S. A comparison of 13 guinea pig and human anti-tissue transglutaminase antibody elisa kits. J Clin Pathol 2002;55:488–94. [21] Connon JJ, McFarland J, Kelly A, Biggart JD, McLoughlin J. Acute abdominal complications of coeliac disease. Scand J Gastroenterol 1975;10:843–6. [22] Sugai E, Vazquez H, Nachman F, Moreno ML, Mazure R, Smecuol E, et al. Accuracy of testing for antibodies to synthetic gliadin-related peptides in celiac disease. Clin Gastroenterol Hepatol 2006;4:1112–7. [23] Niveloni S, Sugai E, Cabanne A, Vazquez H, Argonz J, Smecuol E, et al. Antibodies against synthetic deamidated gliadin peptides as predictors of celiac disease: prospective assessment in an adult population with a high pretest probability of disease. Clin Chem 2007;53:2186–92. [24] Liu E, Li M, Emery L, Taki I, Barriga K, Tiberti C, et al. Natural history of antibodies to deamidated gliadin peptides and transglutaminase in early childhood celiac disease. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2007;45:293–300. [25] Ocmant A, Mascart F. Effective detection of celiac disease using salivary antitransglutaminase. Am J Med 2007;120:e15 [author reply e17]. [26] Raivio T, Kaukinen K, Nemes E, Laurila K, Collin P, Kovacs JB, et al. Self transglutaminase-based rapid coeliac disease antibody detection by a lateral flow method. Aliment Pharmacol Ther 2006;24:147–54. [27] De Chaisemartin L, Malamut G, Cellier C, Dragon-Durey M. Evaluation of a whole blood-based rapid test for iga anti-transglutaminase detection in celiac disease. Gastroenterology 2008;134:A214. [28] Marsh M. Gluten, major histocompatibility complex, and the small intestine. A molecular and immunologic approach to the spectrum of gluten sensitivity (celiac sprue). Gastroenterology 1992;102:330–54. [29] Oberhuber G, Granditsch G, Vogelsang H. The histopathology of coeliac disease: time for a standardized report scheme for pathologists. Eur J Gastroenterol Hepatol 1999;11:1185–94. [30] Rostom A, Murray JA, Kagnoff MF. American gastroenterological association (aga) institute technical review on the diagnosis and management of celiac disease. Gastroenterology 2006;131:1981–2002. [31] Brar P, Kwon GY, Egbuna II, Holleran S, Ramakrishnan R, Bhagat G, et al. Lack of correlation of degree of villous atrophy with severity of clinical presentation of coeliac disease. Dig Liver Dis 2007;39:26–9 [discussion 30–22]. [32] Malamut G, Matysiak-Budnik T, Grosdider E, Jais JP, Morales E, Damotte D, et al. Adult celiac disease with severe or partial villous atrophy: a comparative study. Gastroenterol Clin Biol 2008;32:236–42. [33] Bai JC, Gonzalez D, Mautalen C, Mazure R, Pedreira S, Vazquez H, et al. Longterm effect of gluten restriction on bone mineral density of patients with coeliac disease. Aliment Pharmacol Ther 1997;11:157–64. [34] Mora S, Barera G, Beccio S, Proverbio MC, Weber G, Bianchi C, et al. Bone density and bone metabolism are normal after long-term gluten-free diet in young celiac patients. Am J Gastroenterol 1999;94:398–403. [35] Cellier C, Flobert C, Cormier C, Roux C, Schmitz J. Severe osteopenia in symptom-free adults with a childhood diagnosis of coeliac disease. Lancet 2000;355:806. [36] Cosnes J, Cellier C, Viola S, Colombel JF, Michaud L, Sarles J, et al. Incidence of autoimmune diseases in celiac disease: protective effect of the gluten-free diet. Clin Gastroenterol Hepatol 2008;6:753–8. [37] Holmes GK, Prior P, Lane MR, Pope D, Allan RN. Malignancy in coeliac diseaseeffect of a gluten free diet. Gut 1989;30:333–8. [38] Askling J, Linet M, Gridley G, Halstensen TS, Ekstrom K, Ekbom A. Cancer incidence in a population-based cohort of individuals hospitalized with celiac disease or dermatitis herpetiformis. Gastroenterology 2002;123: 1428–35. [39] Haines ML, Anderson RP, Gibson PR. Systematic review: The evidence base for long-term management of coeliac disease. Aliment Pharmacol Ther 2008; 28:1042–66. [40] Matysiak-Budnik T, Malamut G, Patey-Mariaud de Serre N, Grosdidier E, Seguier S, Brousse N, et al. Long term follow-up of 61 coeliac patients diagnosed in childhood: evolution toward latency is possible on a normal diet. Gut 2007;56:1379–88. [41] Vahedi K, Mascart F, Mary JY, Laberenne JE, Bouhnik Y, Morin MC, et al. Reliability of antitransglutaminase antibodies as predictors of gluten-free diet compliance in adult celiac disease. Am J Gastroenterol 2003;98: 1079–87. [42] Fine KD, Meyer RL, Lee EL. The prevalence and causes of chronic diarrhea in patients with celiac sprue treated with a gluten-free diet. Gastroenterology 1997;112:1830–8. [43] Cellier C, Delabesse E, Helmer C, Patey N, Matuchansky C, Jabri B, et al. Refractory sprue, coeliac disease, and enteropathy-associated t-cell lymphoma. French coeliac disease study group. Lancet 2000;356:203–8. [44] Cellier C, Patey N, Mauvieux L, Jabri B, Delabesse E, Cervoni JP, et al. Abnormal intestinal intraepithelial lymphocytes in refractory sprue. Gastroenterology 1998;114:471–81.

G. Malamut, C. Cellier / Pathologie Biologie 61 (2013) e47–e51 [45] Malamut G, Afchain P, Verkarre V, Lecomte T, Amiot A, Damotte D, et al. Presentation and long-term follow-up of refractory celiac disease: comparison of type I with type II. Gastroenterology 2009;136:81–90. [46] Al-Toma A, Verbeek WH, Hadithi M, von Blomberg BM, Mulder CJ. Survival in refractory coeliac disease and enteropathy associated T cell lymphoma: Retrospective evaluation of single centre experience. Gut 2007;56: 1373–8. [47] Al-Toma A, Visser OJ, van Roessel HM, von Blomberg BM, Verbeek WH, Scholten PE, et al. Autologous hematopoietic stem cell transplantation in refractory celiac disease with aberrant T-cells. Blood 2006;109: 2243–9. [48] Gale J, Simmonds PD, Mead GM, Sweetenham JW, Wright DH. Enteropathytype intestinal t-cell lymphoma: clinical features and treatment of 31 patients in a single center. J Clin Oncol 2000;18:795–803. [49] Novakovic BJ, Novakovic S, Frkovic-Grazio S. A single-center report on clinical features and treatment response in patients with intestinal t cell non-hodgkin’s lymphomas. Oncol Rep 2006;16:191–5. [50] Hoffmann M, Vogelsang H, Kletter K, Zettinig G, Chott A, Raderer M. 18f-fluorodeoxy-glucose positron emission tomography (18f-fdg-pet) for assessment of enteropathy-type t cell lymphoma. Gut 2003;52:347–51.

e51

[51] Egan LJ, Walsh SV, Stevens FM, Connolly CE, Egan EL, McCarthy CF. Celiacassociated lymphoma. A single institution experience of 30 cases in the combination chemotherapy era. J Clin Gastroenterol 1995;21:123–9. [52] Daum S, Ullrich R, Heise W, Dederke B, Foss HD, Stein H, et al. Intestinal nonhodgkin’s lymphoma: a multicenter prospective clinical study from the german study group on intestinal non-hodgkin’s lymphoma. J Clin Oncol 2003;21:2740–6. [53] Howdle PD, Jalal PK, Holmes GK, Houlston RS. Primary small-bowel malignancy in the UK and its association with coeliac disease. QJM 2003;96:345–53. [54] Green PH, Fleischauer AT, Bhagat G, Goyal R, Jabri B, Neugut AI. Risk of malignancy in patients with celiac disease. Am J Med 2003;115:191–5. [55] Rampertab SD, Forde KA, Green PH. Small bowel neoplasia in coeliac disease. Gut 2003;52:1211–4. [56] Corrao G, Corazza GR, Bagnardi V, Brusco G, Ciacci C, Cottone M, et al. Mortality in patients with coeliac disease and their relatives: a cohort study. Lancet 2001;358:356–61. [57] Malamut G, Cellier C. Celiac disease: Mass screening or diagnosis in high risk populations? Gastroenterol Clin Biol 2004;28:863–7. [58] Malamut G, Meresse B, Cellier C, Cerf-Bensussan N. Celiac disease in 2009: a future without gluten-free diet? Gastroenterol Clin Biol 2009;33:635–47.