Manifestations vasculaires des dermatomyosites et polymyosites. Aspects cliniques, capillaroscopiques et histologiques

Manifestations vasculaires des dermatomyosites et polymyosites. Aspects cliniques, capillaroscopiques et histologiques

Rev Mdd Interne (1994) 15,800-807 © Elsevier, Paris 800 Article original Manifestations vasculaires des d e r m a t o m y o s i t e s et polymyosit...

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Rev Mdd Interne (1994) 15,800-807 © Elsevier, Paris

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Article original

Manifestations vasculaires des d e r m a t o m y o s i t e s et polymyosites. Aspects cliniques, capillaroscopiques et histologiques E Leteurtre 1, E Hachulla 1, A Janin 2, py Hatron 1, M Brouillard 1, B Devulder 1 I Service de m~decine interne, CHRU, hOpital Claude-Huriez, 59037 Lille Cedex; 2 service d'anatomie pathologique C, CHRU, h6pital Calmette, 59037 Lille Cedex, France (Re~u le 23 mars 1994; accept6 le 23 juillet 1994)

R6sum6 - Les donndes physiopathologiques rdcentes font de la dermatomyosite et de la polymyosite deux e ntit6s distinctes. La dermatomyosite est une affection primitivement vasculaire avec microangiopathie faisant intervenir l'immunit6 humorale. En revanche, au cours de la polymyosite interviennent les lymphocytes T cytotoxiques (CDS), mdcanisme d6pendant de l'immunit6 cellulaire restreinte par le complexe majeur d'histocompatibilit6 de classe I. Nous avons 6valu6 la fr6quence des signes vasculaires chez 17 patients ayant une dennatomyosite et 15 patients ayant une polymyosite d6finies selon les crit~res de Bohan et Peter. Les signes vasculaires ont 6t6 ddfinis selon les donn6es cliniques, capillaroscopiques et histologiques (biopsie musculaire et biopsie de glandes salivaires accessoires). Sur la base des donn6es cliniques, cinq des 17 dermatomyosites avaient un phdnom~ne de Raynaud contre six des 15 polymyosites. Une n6crose digitale 6tait observ6e chez deux des 17 dermatomyosites et deux des 15 polymyosites. En capillaroscopie, 14 des 17 dermatomyosites avaient une microangiopathie avec ou sans mdgacapillaires, contre sept des 15 polymyosites mais sans jamais de mdgacapillaires. Sur les donndes de l'histologie musculaire, dix des 16 dermatomyosites avaient des signes 6voquant un processus vasculaire avec infiltrat p6rimysial ou pdrivasculaire contre quatre des 13 polymyosites ; trois des 16 dermatomyosites avaient une atrophie pdrifasciculaire contre deux des 13 polymyosites. A la biopsie de glandes salivaires accessoires, une atteinte vasculaire 6tait notde chez deux des 11 dermatomyosites et chez une des huit polymyosites. En conclusion, si l'atteinte vasculaire est sp6cifique des dermatomyosites des formes sine dermatitis pourraient exister, remettant ainsi en question les crit~res diagnostiques de Bohan et Peter. La diff6renciation des deux affections n'est pas sans cons6quence, notamment concernant le risque relatif de cancer associ6 sup6rieur au cours de la dermatomyosite. dermatomyosite / polymyosite ! vascularite / capillaroscopie ! biopsie de glandes salivaires accessoires / biopsie musculaire

Summary - Dermatomyositis and polymyositis are thought to have a distinct pathogenetic mechanism. Polymyositis is characterized by a T-cell-mediated and MHC-l-restricted cytotoxic process, whereas dermatomyositis is a primitively vascular disease with microangiopathy mediated by the complement C5b-9 membranolytic attack complex. We have tried to estimate the frequency of vascular abnormalities in polymyositis as defined by Bohan and Peter. We have retrospectively studied 17 patients with dermaomyositis and 15 patients with polymyositis. Vascular abnormalities have been defined by clinical, capillaroscopic and histologic (muscle biopsy and minor salivary glands biopsy).[eatures. ?~fter clinical features, 5/17 dermaomyositis had a Raynaud's phenomenon, against 6/15 polymyositis. Digital necrosis has been observed Jbr 2/17 dermatomyositis and 2/15 polymyositis. In capillaroscopy, 14/17 dermatomyositis had a microangiopathy with or no enlarged capillary loops, against 7/15 polymyositis. None of these polymyositis had enlarged capillary loops. The muscle biopsy showed a predominantly perivascular or perimysial inflammatory infiltrate (vascular process)for 10/16 dermatomyositis against 4/13 polymyositis; a perifascicular atrophy for 3/16 dermatomyositis against 2/13 polymyositis. The histological study of minor salivary glands, showed vascular lesions .for 2/11 dermatomyositis and for 1/8 polymyositis. Finally, Bohan and Peter's classification is now inadequate to distinguish between dermatomyositis and polymyositis. Indeed, some dermatomyositis sine dermatitis, may exist and be recognized by their vascular features. To distinguish between dermatomyositis and polymyositis is important, to evaluate the risk of cancer which is more frequent in dermatomyositis. dermatomyositis / polymyositis / vasculitis / capUlaroscopy / minor salivary glands biopsy / muscle biopsy

Manifestations vasculaires des dermatomyosites et polymyosites

Les d e r m a t o m y o s i t e s ( D M ) et p o l y m y o s i t e s ( P M ) 6taient c l a s s i q u e m e n t considdrdes c o m m e apparten a n t ~t un m e m e groupe pathologique ddfini par les crit~res d i a g n o s t i q u e s de B o h a n et Peter [1]. Les d o n n d e s r d c e n t e s de la littdrature les c o n s i d ~ r e n t c o m m e deux entitds distinctes sur le plan physiopathologique [2-4]. Dalakas et al out r 6 c e m m e n t fait la synthbse des donndes de la littdrature [5]. La D M m e t en jeu le systbme du c o m p l d m e n t par l ' i n t e r m 6 d i a i r e du c o m p l e x e d'attache m e m b r a n a i r e C5b-9 qui prov o q u e u n e m i c r o a n g i o p a t h i e m u s c u l a i r e , source de ndcrose des fibres et d ' a t r o p h i e pdrifasciculaire. l'inverse, la P M pr6sente u n e atteinte des fibres m u s c u l a i r e s s e c o n d a i r e 5 l ' a c t i o n des l y m p h o c y t e s T cytotoxiques (CD8) darts le cadre de l ' i m m u n i t 6 cellulaire m e t t a n t en j e u les macrophages, la reconnaissance de l ' a n t i g b n e (non vasculaire) 6tant restreinte p a r le c o m p l e x e m a j e u r d ' h i s t o c o m p a t i b i l i t 6 de classe i. E n fait, dbs 1960 B o y l a n et al signalaient [6] l ' e x i s t e n c e de 16sions vasculaires au cours des derm a t o m y o s i t e s . Le travail de B a n k e r et a l e n 1966 avait aussi bien mis e n 6vidence sur le p l a n m i c r o scopique l ' e x i s t e n c e d ' u n e <~ dans les dermatomyosites de l ' e n f a n t [7]. N o u s a v o n s 6 t u d i 6 de f a q o n r 6 t r o s p e c t i v e u n e p o p u l a t i o n de 32 p a t i e n t s p o r t e u r s de D M ou P M selon les crit~res de B o h a n et Peter. Le but de l ' 6 t u d e 6tait de ddcrire les anomalies vasculaires rencontrdes au cours de ces deux pathologies, sur des a r g u m e n t s c l i n i q u e s , c a p i l l a r o s c o p i q u e s et h i s t o p a t h o l o g i q u e s (biopsie m u s c u l a i r e et biopsie de glandes salivaires accessoires) et de discuter les limites des crit~res de B o h a n et Peter ~t la lumibre des connaissances physiopathologiques actuelles de ces deux affections.

M a t d r i e l

et

m 6 t h o d e s

Cette 6tude rStrospective concernait une population de 32 patients comprenant 15 hommes et 17 femmes pour lesquels le diagnostic de DM ou PM a 6tS port6 entre 1985 et 1993, darts le service de mSdecine interne du CHRU de Lille. Out 6tS exclus de l'Stude un patient prSsentant une myosite ~t Sosinophile, sept patients ayant une PM ou une DM dans le cadre d'une connectivite mixte et un patient ayant une myosite localisSe. La rdpartition des patients en deux groupes est faite ~t partir des crit~res de Bohan et Peter [1, 8] : - A : d6ficit musculaire proximal symStrique et non sdlectif ; B : Sruption cutan6e typique de la DM, c'est-5-dire un oed~me Sryth6mateux, avec un caractOre de photosensibilit6, localis6 an visage, aux paupi~res, au d6colletS et Stendu aux faces d'extension des membres. Les papules de

801

Gottrou sont caractSristiques en regard des articulations interphalangiennes des mains ainsi que la prSsence d'une hyperSmie ungu6ale ; C : 616vation enzymatique : CPK (valeurs normales de 5 ~t 130 U/l) ; LDH (138 ~t 276 U/l) ; aldolase (0,5 ~ 3,1 U/l) ; TGO (0 5 25 U/I) ; TGP (0 ~ 30 U/l). Les dosages ont StS rdalisSs dans le m6me laboratoire ; D : 61ectromyogramme rSalis6 par le m~me opSrateur entrainS, qualifiS et concluant ~ la pr6sence ou non d'un syndrome myositique ; E : biopsie musculaire : le diagnostic est posS devant l'existence de ldsions des fibres musculaires 5 type de d6gSn6rescence,,~n6crose ou rSgdndration, associ6s ~ un infiltrat inflammat0ire de l'endo- ou du pSrimysium (toutes les lames out St6 vues ou revues ~t l'occasion de ce travail par le m~me examinateur). Selon ces m~mes auteurs, la DM est d6finie au-dela de trois crit~res, probable avec deux crit~res et possible avec un critbre (plus l'Sruption cutande typique). La PM est quant ~t elle d6finie au-del~t de quatre crit~res, probable avec trois, possible avec deux (sans Sruption cutande). Toute autre cause d'atteinte musculaire a 6t6 exclue ; de m~me nous n'avons pas retenu les patients qui prSsentaient un syndrome de chevauchement. Dans un deuxi~me temps ont 6tS recherchSs les signes vasculaires prdsents dans chacun des deux groupes.

Signes cliniques [9-15] I1 s'agit de : signe de vascularite ~ type de purpura infiltr6, nodule sous-cutan6, vascularitS urticarienne ou livedo ; - phSnom~ne de Raynaud ; signes de ndcrose digitale en l'absence de pathologie associSe (hSmopathie, artdrite, diab~te) ; - signes de nScrose cutanSe sur les plages Srythdmateuses de DM. -

Signes capillaroscopiques Les r6ponses sont donn6es selon une grille standardis6e : - dystrophies mineures en hombre sup6rieur ~ 15% ; - diminution du nombre des capillaires (< 9 par ram) avec pr6sence de zones avasculaires ; - existence de nSovaisseaux ; - prSsence de mSgacapillaires. La prSsence d'au moins un des critbres ci-dessus permettrait de conclure ~ la prdsence ou non d'une microangiopathie organique avec ou sans mSgacapillaires [16-18].

Biopsie musculaire La biopsie de muscle est orient6e par les donn6es de l'61ectromyogramme et r6p6t6e pour 4 patients qui avaient initia-

802

E Leteurtre et al

lement une biopsie norale. Pour 2 d'entre eux (n ° 14 DM, n ° 4 PM), la biopsie r t p t t t e respectivement 14 et 4 mois plus tard 6tait anormale. Le positionnement exact des aiguilles a toujours 6t6 pr6cis6 en regard de la peau de fa~on ~t 4viter une biopsie sur le site marne de l'61ectromyogramme, afin d'6viter les faux positifs. Les crit~res 4mdits sont les suivants [19] : - fibres 16s6es en groupe au sein du faisceau musculaire ; - fibres 16stes 6parpilltes ou isol6es au sein de ce faisceau ; - existence d'une atrophie ptrifasciculaire ; existence d'un infiltrat inflammatoire de topographie ptrivasculaire ou diffuse dans le ptrimysium ; localisation de l'infiltrat inflammatoire dans l'endomysium ; - atteinte des vaisseaux (n6croses capillaires, microthrombie, 16sion des cellules endothtliales).

Tableau I. Fr6quence des crit6res de Bohan et Peter dans la population 6tudi6e. Critkres de B o h a n et Peter

D6ficit musculaire l~mption cutande l~ltvation enzymatique l~lectromyogramme Biopsie musculaire

DM n = 17 (%)

PM n = 15 (%)

16 (94) 17 (100) 15 (88) 13 (76) 13 (76)

15 (100) 0 (0) 15 (100) 14 (93) 11 (73)

-

-

Tableau II. Classification selon les crit~res de Bohan et Peter des DM-PM.

Biopsie de glandes salivaires accessoires [20]

La recherche est r6aliste par incision de la l~vre inftrieure apr~s anesth6sie locale. Trois glandes salivaires sont recueillies permettant les recherches suivantes : - recherche de syndrome de Gougerot-Sj0gren : la r6ponse est ntgative quand l'infiltrat lymphoplasmocytaire est de stade 1 ou 2 selon la classification de Chisholm [21]. La r6ponse est positive en prtsence d'un stade 3 ou 4 de cette m~me classification (focus score _> 1) ; - recherche de signes de vascularite : 16sions exsudatives, endoth61ium turgescent, prtsence de cellules inflammatoires dans les parois capillaires ; localisation ptrivasculaire d'un infiltrat inflammatoire. -

R 6 s u l t a t s

La population de 32 patients, selon leur age, se rtpartit a v e c une m o y e n n e ?~ 56 ans (22 ~t 82 ans), et autour d ' u n e classe modale (60, 70 ans). I1 s'agit tous de p a t i e n t s c a u c a s i e n s ~t l ' e x c e p t i o n d ' u n p a t i e n t asiatique. D'aprhs les crithres de Bohan et Peter cette population se rtpartit en deux groupes : 17 D M et 15 PM. Les D M p r t s e n t e n t un age m o y e n de 55 ans avec sept hommes et dix femmes. Les PM forment un groupe d ' a g e m o y e n de 55 ans qui comprend huit hommes et sept femmes (tableau I): Le plus souvent le diagnostic 4tait parfaitement dtfini (tableau II). Les deux groupes prtsentent des signes cliniques, capillaroscopiques et histopathologiques r t p e r t o r i t s dans le tableau III. Sur les 32 patients, trois patients n ' o n t pas eu de biopsie musculaire et 13 n ' o n t pas eu de biopsie de glandes salivaires accessoires (six D M et sept PM). On constate qu'il n ' y a pas de difftrence significative enter les P M et D M pour les signes cli-

Dtfinie Probable Possible

DM n = 17(%)

PM n = 15(%)

15 (88) 1 (6) 1 (6)

11 (73) 3 (20) 1 (7)

DM dtfinie : > quatre crit~res ; probable : trois crit~res ; possible : deux crittres dont l'atteinte cutante. PM d4finie : > quatre critbres ; probable : trois crit~res ; possible : deux critbres.

niques dtfinis prtc6demment. I1 en est de m~me pour les donntes de la biopsie musculaire et la biopsie de glandes salivaires accessoires. En revanche, il existe une difftrence statistiquement significative pour les signes capillaroscopiques : 70% des D M pr6sentent des mtgacapillaires contre 0% des PM (P < 0,001) ; 82% des D M prtsentent une microangiopathie organique contre 46% des PM (P < 0,05) ; ( m t t h o d e du ~2 avec correction de Yates pour les petits effectifs). P a r a i l l e u r s , il est i n t 6 r e s s a n t de n o t e r que cinq patients ayant une PM pr4sentent des signes histopahologiques h la biopsie musculaire qui sont caracttristiques de la D M (patients 1 h 5, tableau IV) : un patient a une atrophie pdrifasciculaire ; trois ont un infiltrat ptrivasculaire ou p t r i m y s i a l ; un prdsente h la fois une atrophie pdrifasciculaire et un infiltrat p t r i v a s c u l a i r e ou p6rimysial. Sur ces cinq patients, trois ont des signes cliniques ou capillaroscopiques pathologiques. Parmi les patients porteurs de D M (tableau V), dix p r t s e n t e n t un infiltrat du p d r i m y s i u m h la b i o p s i e musculaire associ6 pour trois d'entre eux 5 une atrophie ptrifasciculaire et 14 (dont les dix citds ci-dessus) ont une microangiopathie h la c a p i l l a r o s c o p i e

Manifestations vasculaires des dermatomyositeset polymyosites

avec pr6sence de m 6 g a c a p i l l a i r e s p o u r 12 d ' e n t r e eux. Enfin deux sujets atteints de D M ont des signes cliniques de vascularite et deux autres pr6sentent des ndcroses cutan6es. Par ailleurs, deux sujets poss~dent des 16sions de vascularite et un infiltrat p6rivasculaire ~t la B G S A en association avec un infiltrat du pdrimysium ~t la biopsie musculaire. I1 faut rioter qu'il n'existe pas de diffdrence statistiquement significative entre les deux groupes (PM et DM) en ce qui concerne la survenue de cancer ou de fibrose pulmonaire (trois des 17 D M pr6sentent une fibrose pour deux des 15 PM ; quatre des 17 D M prdsentent un cancer pour deux des 15 PM). De plus les ndcroses digitales sont associ6es ~ un cancer pour un patient atteint de PM et un atteint de D M ; et t o u s l e s patients ayant des n6croses digitales (deux P M et deux D M ) ont un m i c r o a n g i o p a t h i e organique.

Discussion Les D M sont classiquement consid6r6es c o m m e un syndrome comportant des anomalies cutandes, musculaires et viscdrales qui s ' a s s e m b l e n t pour former une mosa'l'que, variable avec chaque patient et rendant difficile une description schdmatique [8]. D e plus en plus, les donndes de la littdrature consid~rent D M et PM comme deux entitds distinctes. Leur physiopathologie met en j e u des mdcanismes diff6rents comme l ' o n rdsum6 Dalakas et al [5, 19] : - l a D M est c a r a c t 6 r i s 6 e p a r l ' e x i s t e n c e d ' u n e microangiopathie intramusculaire qui est le rdsultat de l ' a c t i o n du c o m p l e x e c y t o l y t i q u e m e m b r a n a i r e (C5b-9) entrainant la perte des capillaires, une isch6mie musculaire, une ndcrose des fibres musculaires en groupe et une atrophie p6rifasciculaire (en rapport avec une syst6matisation vasculaire) ; - la PM, en revanche, r6sulte d ' u n e raise en jeu de l'immunit6 cellulaire par le biais des lymphocytes T cytotoxiques (CD8) qui reconnaissent des antigbnes musculaires restreints par le complexe majeur d'histocompatibilit6 de classe 1, ce qui aboutit h une phagocytose et h une ndcrose des fibres, de fa~on isolde dans le fascicule. Ainsi, le facteur p r 6 d o m i n a n t des D M serait la pr6sence d ' u n e vdritable myopathie isch6mique alors qu'au cours des P M , les 16sions musculaires seraient cons6cutives h l'envahissement des muscles par les lymphocytes cytotoxiques. En fait darts le travail de Kissel et al [22], il est prdcis6 que le complexe cytolytique membranaire (C5 b-9) a un r61e fondamental

803

Tableau III. Caractdristiques cliniques, capillaroscopiques et histopathologiques des sujets atteints de DM ou PM.

Clinique Vascularite Raynaud Ndcroses digitales Ndcroses cutandes Fibrose pulmonaire Cancer Capillaroscopie Dystrophies mineures > 15% Diminution du nombre de capillaires avec plages ddsertes Ndovaisseaux Mdgacapillaires Microangiopathie organique

DM Nbre (%)

PM Nbre (%)

17 2 (11) 5 (29). 2 (11) 2 (11) 3 (17) 4 (23)

15 1 (6) 6 (40) 1 (13) 1 (6) 2 (13) 2 (13)

NS NS NS NS NS NS

8 (47)

3 (20)

NS

12 (70) 4 (23) 12 (70)

5 (33) 0 (0) 0 (0)

< 0,05 NS < 0,001

14 (82)

7 (46)

< 0,05

P

Biopsie musculaire Fibres 16s6es en groupe Atrophie pdrifasciculaire Infiltrat pdrimysial ou p6rivasculaire Atteinte des vaisseaux Fibres 16sdes isol6es Infiltrat endomysial Atteinte diffuse des fibres

16 0 (0) 3 (19)

13 0 (0) 2 (15)

NS NS

10 (63) 0 (0) 2 (12) 7 (44) 6 (38)

4 (30) 0(0) 4 (30) 6 (46) 3 (23)

NS NS NS NS NS

BGSA Chisholm > 3 Atteinte des vaisseaux Infiltrat p6rivasculaire

11 3 (27) 2 (18) 2 (18)

8 1 (12) i (12) 2 (25)

NS NS NS

BGSA : biopsie de glandes salivaires accessoires ; DM : dermatomyosite ; PM : polymyosite. Test de comparaison de pourcentages par le Z2 ; NS : non significatif. darts l'atteinte vasculaire de la D M mais une telle anomalie a surtout 6t6 retrouv6e dans les formes de l ' e n f a n t et il n ' e s t pas encore acquis de faqon certaine que le m6canisme pathog6nique de la D M de l ' e n f a n t et de l ' a d u l t e soit tout a f a i t i d e n t i q u e . Cependant sur ces donndes physiopathologiques diff6rentes faisant bien la distinction entre D M et PM il para~t difficile comme cela est sugg6r6 par la classification de Bohan et Peter [1] de faire de la D M une P M avec signes cutan6s. N o u s avons donc voulu dans ce travail appr6cier d ' u n e part la fr6quence des

804

E Leteurtre et al

Tableau IV. Descriptif des patients porteurs de polymyosite.

Age

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

56

53

82

65

62

46

37

70

60

30

69

71

59

71

42

X

X X X

X X

X

X

X

X

X

Clinique

Vascularite Raynaud N6croses digitales Ndcroses cutan6es Fibrose pulmonaire Cancer

X

X

X

Capillaroscopie

Dystrophies minem-es > 15% Diminution du nbre de capillaires avec plages ddsertes N6ovaisseaux Mdgacapillaires Microangiopathie organique

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

Biopsie musculaire

Fibres 16s6es groupdes Atrophie p6rifasciculaire Infiltrat p6rimysial ou p6rivasculaire Atteinte vasculaire Fibres 16s6es isoldes Infiltrat endomysial Atteinte diffuse des fibres

X

X

X

X

X

X

X

X

X X X

X X X

X

X

X X

NR NR NR

X

X

NR NR

NR NR

NR NR NR NR NR

NR NR NR NR NR

NR NR NR

X

BGSA

Chisholm>_ 3 Atteinte des vaisseaux Infiltrat p6rivasculaire

NR NR NR

NR NR NR

NR NR NR

NR NR NR

NR NR NR

X X

BGSA : biopsie de glandes salivaires accessoires ; X : prdsence de la tdsion ; NR : examen non rfialis6.

signes d'atteinte vasculaire dans la D M h partir des donn6es c l i n i q u e s , c a p i l l a r o s c o p i q u e s et h i s t o l o giques, mais d ' a u t r e part aussi r e c h e r c h e r la frdquence de ces signes au cours de la PM, ce qui sugg6rerait que certaines PM ont un support vasculaire comme les D M et d6noterait la possibilit6 l'existence d'authentiques D M sans signe cutan6. Sur le plan critique, certains auteurs [9] ont ddcrit des signes de vascularite cutande (ulc6ration n6crotiques en r e g a r d des articulations, aux extr6mit6s digitales et en pdriungudal) darts 39,4% des D M et dans 17,6% des PM sur une population de 50 patients d6finis selon les crit~res de Bohan et Peter. Feldman et al [10] ont montr6 qu'il existe une relation statistiquement significative entre les ldsions de vascularite

cutan6e et la D M alors que cela n'est pas vdrifi6 pour la PM (population de 76 sujets suivis sur 11 ans). Les l d s i o n s de v a s c u l a r i t e c u t a n d e c o m p r e n a i e n t des nodules sous-cutands, des ulcdrations digitales, des i n f a r c t u s p 6 r i u n g u d a u x . S a m s [12] a d d c r i t des ldsions de vascularite cutan6e h type d ' u l c d r a t i o n s survenant sur les zones 6ryth6mateuses et/ou atrophides de sujets atteints de DM. Le p h d n o m b n e de R a y n a u d , r e c h e r c h 6 sur des p o p u l a t i o n s ddfinies par les crit~res de B o h a n et Peter, est retrouv6 dans 41,2% des PM et 27,3% des D M [9]. Un cas de D M se c o m p l i q u a n t d'art6rite digitale avec pr6sence de ldsions cyanotiques douloureuses et parfois ulc6rdes des deux mains et des deux pieds a 6t6 ddcrit par Castanet et al [ 11 ]. Ces auteurs

Manifestations vasculaires des dermatomyositeset polymyosites

805

Tableau IV. Descriptif des patients porteurs de polymyosite. 1

Age

2

63 21

3

4

5

36 29 65

6

7

8

9

10

1!

12

13

14

15

16

17

80 32 72 58 62

67

80

45

47

69

66

49

Clinique

Vascularite Raynaud N6croses digitales N6croses cutandes Fibrose pulmonaire Cancer

X

X

X X X

X

X

X



X

X

X

X

X

X X

X

X

X

X

X

X

X

X X

X

Capillaroscopie

Dystrophies mineures > 15% Diminution du nbre de capillairesavecplagesd6sertes N6ovaisseaux M6gacapillaires Microangiopathieorganique

X

X

X

X

X X

X X

X X X X

X X

X

X

X X

X

X X

X

X

X

X

X

X

X

X

X X

X

X X

X X X X

X X

X

X

X

X X

X X

X X

NR NR NR

X

X

X

X

X X

X X

X X X X

Biopsie musculaire

Fibres 16s6es group6es Atrophie p6rifasciculaire Infiltrat primysial oupdrivasculaire Atteinte vasculaire Fibres lds~es isol~es Infiltrat endomysial Atteinte diffuse des fibres

NR NR

X

NR X NR NR NR X NR X

X

X

X

X

X X

X X X

X

BGSA

Chisholm > 3 Atteinte des vaisseaux Infiltrat pdrivasculaire

X

NR NR NR

NR NR NR

NR NR NR

X X

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BGSA : biopsie de glandes salivaires accessoires ; X : prdsence de la 16sion ; NR : examen non r6alis& r a p p r o c h e n t la survenue d ' u n e artdrite d i g i t a l e du ph6nom~ne de Raynaud et de l'aspect liv6do'ide que l ' o n peut observer darts les DM. Enfin, la survenue de n d c r o s e t e s t i c u l a i r e , d ' i s c h 6 m i e r 6 t i n i e n n e ou mdsent6rique a ddjh 6t6 d6crite et rapport6e h des 16sions de vascularite [23]. L ' a n a l y s e de la litt6rature confirme l'existence de ldsions c a p i l l a r o s c o p i q u e s plus fr6quentes et plus marqu6es chez les sujets atteints de D M par rapport aux PM (56% des D M et 21% des PM pr6sentent des m6gacapillaires et des zones avasculaires qui sont plus marqu6es dans les D M ) [16]. Les a n o m a l i e s capillaroscopiques ont 6t6 bien 6tudides chez l'enfant porteur de D M et semblent corr61des h la prdsence d ' a n o m a l i e s histopathologiques sur la biopsie musculaire [16].

C o m m e le rdsume Dalakas [19], les D M et les PM peuvent atre distingudes selon des crit~res histopat h o l o g i q u e s retrouv6s sur la b i o p s i e m u s c u l a i r e : dans les DM, l ' i n f i l t r a t i n f l a m m a t o i r e p r 6 d o m i n e darts les zones p6rivasculaires ou dans les septa intrafasciculaires (pdrimysium). En revanche, dans les PM, l'infiltrat est e n d o m y s i a l (au sein du faisceau, entre les fibres musculaires). De plus, ils ont observ6 des ldsions vasculaires chez les patients atteints de D M et non dans les PM : hyperplasie endoth61iale, thrombi de fibrine et oblit6ration capillaire. Enfin, dans la D M les f i b r e s m u s c u l a i r e s n6crosdes, en ddg6ndrescence ou en rdg6ndration, sont le plus souvent groupdes au sein du faisceau musculaire car ces 16sions rdsultent d ' u n micro-infarctus. En revanche, dans la PM les fibres 16sdes tendent h ~tre isoldes,

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E Leteurtre et al

6parpi116es au sein des faisceaux. L'atrophie pdrifasciculaire, d6finie par deux ~t dix couches de cellules atrophiques ~ la p6riphdrie du fascicule, permet de porter le d i a g n o s t i c de D M rhyme en l ' a b s e n c e d'infiltrat inflammatoire. Cette atrophie pdrifasciculaire n'est pas retrouv6e dans les PM. Nous avons donc voulu apprdcier la fr6quence des atteintes vasculaires dans une population de PM et DM, d6finie selon les critbres classiques de Bohan et Peter, en 6valuant les signes cliniques, capillaroscopiques et histopathologiques (biopsie musculaire et glandes salivaires accessoires dont l'int6r~t, ~t la recherche de signes d'atteinte vasculaire, avait ddj~t 6t6 signal6 dans le lupus [20]). I1 semble bien que les critbres de Bohan et Peter ne suffisent plus ~i diff6rencier les DM des PM. En effet, certaines PM (cinq cas sur 15, tableau IV, patients 1 ~ 5) ainsi ddfinies poss~dent des anomalies h i s t o p a t h o l o g i q u e s quasi p a t h o g n o m o n i q u e s des DM, ~t savoir une atrophie p6rifasciculaire ou un infiltrat inflammatoire de topographie p6rivasculaire ou p6rimysiale. Trois des patients (patients 3, 4, 5) ont 6galement des signes cliniques ou capillaroscopiques pathologiques. Par ailleurs, les patients 8, 11 et 14 prdsentent des signes cliniques, capillaroscopiques et histopathologiques ~ la biopsie de glandes salivaires accessoires qui pourraient 6galement faire rediscuter le diagnostic initialement port6 de PM selon les critbres de Bohan et Peter. I1 semble donc actuellement n6cessaire de consid6rer les arguments cliniques tels que la pr6sence de vascularite cutande, de n6crose digitale, et les arguments capillaroscopiques avec recherche d'une microangiopathie organique et de mdgacapillaires pour d6finir au mieux les DM. Le phdnombne de Raynaud, du fait de sa fr6quence dans la population g6n6rale, est d'interpr6tation plus difficile. Darts notre sdrie, il appara~t une diffdrence statistiquement significative entre les DM et les PM ddfinies par les critbres de Bohan et Peter, concernant l'existence d'une microangiopathie : 70% des DM pr6sentent des mdcapillaires contre 0% des PM (P < 0,001) ; 82% des DM ont une microangiopathie organique contre 46% des PM (P < 0,05). Ceci est particulibrement int6ressant 6tant donn6 la simplicit6 de la capillaroscopie dans l'attente des rdsultats histopathologiques apportds par la biopsie musculaire. Cependant, ces rdsultats observ6s sur une population de 32 patients mdritent d'etre confirrnds par une 6rude multicentrique pour mettre en 6vidence des liens plus significatifs d'un point de vue statistique.

La distinction PM et DM aura peut-atre ~ terme des consdquences thdrapeutiques. Par ailleurs, la distinction physiopathologique para~t importante ne serait-ce que pour la recherche d ' u n cancer .associ6 qui semble plus fr6quent au cours des DM [19, 24] et dont l'expression clinique peut se faire plus de 1 mois apr~s le diagnotic [25-27]. L'hypoth~se d'une D M s i n e d e r m a t i t i s ou ~t signes cutan6es fugaces semble atre possible sur la base des donndes vasculaires. I1 est donc utile de rechercher une composante vasculaire sur les donndes cliniques, capillaroscopiques et histopathologiques pour tenter de mieux diffdrencier la DM de la PM.

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