Modalités pratiques et techniques de hiérarchisation des risques professionnels au sein d’une Pharmacie à Usage Intérieur

Modalités pratiques et techniques de hiérarchisation des risques professionnels au sein d’une Pharmacie à Usage Intérieur

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Modalités pratiques et techniques de hiérarchisation des risques professionnels au sein d’une Pharmacie à Usage Intérieur Practical and technical modalities for occupational risks ranking in an hospital pharmacy

MOCKLY-POSTAL Hélène 1, Praticien Attaché FOURNEL Cécile 1, Interne DES MANTEAUX Christine 2, Praticien Hospitalier GUIOT Alain 2, Praticien Hospitalier PACAUD-TRICOT Mireille 3, Directeur LIMAT Samuel 1, 5, Maître de Conférence Universitaire – Praticien Hospitalier GRUMBLAT Anne 1, Praticien Hospitalier PIDOUX Hervé 1, Praticien Hospitalier WORONOFF-LEMSI Marie-Christine 1, 4, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier

1. Département pharmaceutique, CHU Besançon, 2. Médecine du travail, CHU Besançon, 3. Direction de la Qualité et de l’Accueil des Malades, CHU Besançon, 4. UFR Sciences Médicales et Pharmaceutiques – Université de FrancheComté, Besançon, 5. INSERM EPI106, Dijon Auteur correspondant : MOCKLY-POSTAL Hélène, Département pharmaceutique, CHU de Besançon-Bd Fleming, 25030 BESANCON CEDEX [email protected] Article reçu le 06/10/06 Accepté le 18/05/07 Pharm Hosp 2007; 42 (170) : 117-126 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Résumé Objectif : L’évaluation des risques professionnels est une obligation faite à tout employeur. S’intégrant dans une démarche institutionnelle, l’évaluation menée au sein du département pharmaceutique a pour objectif d’identifier et de hiérarchiser les risques professionnels auxquels peuvent être soumis ses agents, afin d’obtenir un tableau de bord par secteur d’activité, utilisable comme outil de management. Méthode : La méthodologie retenue est dérivée de la méthode AMDEC (Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité). La cotation des situations potentiellement dangereuses (SPD) définit un indice de criticité permettant leur hiérarchisation. Résultats : Le département pharmaceutique regroupe 130 personnes. On dénombre 409 SPD, soit 68 (16,6 %) pour des risques liés aux organisations, 31 (7,6 %) pour des risques liés aux relations (interprofessionnelles ou autres), 263 (64,3 %) pour des risques physiques, 37 (9,0 %) pour des risques chimiques et 10 (2,4 %) pour des risques biologiques indirects. Ces situations sont, pour 2 tiers, considérées comme maîtrisées. Conclusion : Cette évaluation ne peut se faire sans l’implication du personnel et permet au-delà de l’obligation réglementaire, une hiérarchisation des investissements matériels et humains visant à l’amélioration continue des conditions de travail du personnel. Mots-clés : Pharmacie à Usage Intérieur, Risques professionnels, Évaluation, Méthode. Summary Objective: In France, it is compulsory for all employers to assess occupational risks. As part of an institutional approach, the evaluation carried out within the Pharmaceutical Department aims to identify and prioritize the professional risks to which its officials can be exposed, in order to set up a sectorial monitoring system which can be used as a management tool. Method: The methodology is based on the FMECA (Failure Modes Effects and Critically Analysis). The ranking of Potentially Dangerous Situations

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(PDS) defines a critical index, which makes it possible to prioritize them. Results: The Pharmaceutical Department has a staff of 130. There are 409 PDSs, including 68 (16.6%) for organizational risks, 31 (7.6%) for relational risks (interprofessional or otherwise), 263 (64.3%) for physical risks, 37 (9.0%) for chemical risks and 10 (2.4%) for indirect biological risks. Twothirds of these situations are under control. Conclusion: This evaluation is only possible with the full involvement of the staff and can lead, beyond regulatory requirements, to setting priorities for financial and human investment in the ongoing improvement of working conditions. Key-words: Hospital pharmacy, Occupational risks, Assessment, Method.

Le secteur dispositif médical différencie la Centrale d’Approvisionnement en Matériel Stérile et Pansements ou CAMSP (21 % du personnel) et la stérilisation centrale (31 % du personnel). Dans la conduite de leur démarche qualité, ces unités fonctionnelles (UF) bénéficient de l'aide méthodologique d'une Cellule qualité composée d'un pharmacien responsable qualité et d'un interne.

INTRODUCTION L’évaluation des risques professionnels est un concept issu de la directive européenne du 12 juin 1989 qui fonde les principes généraux de prévention et d’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs au travail. La loi du 31 décembre 1991 transcrit en droit français (article L230-2 du code du travail) cette notion d’évaluation des risques professionnels. Elle a été précisée par le décret du 5 novembre 2001, portant création d’un document unique relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, et par la circulaire du 18 avril 2002, prise en application de ce décret. Elle décrit les exigences de forme de cet inventaire et précise les conditions de réactualisation et de mise à disposition du document et les sanctions pénales encourues par l'employeur si celles-ci ne sont pas respectées [1-4]. L’évaluation des risques professionnels est une obligation faite à tout employeur et représente donc une nécessité au sein d’une Pharmacie à Usage Intérieur (PUI). La démarche présentée a pour objectif de proposer une méthode d’identification et de hiérarchisation des risques professionnels auxquels peuvent être soumis les agents des différents secteurs du département pharmaceutique. Elle constitue la première étape indispensable à l’instauration d’une démarche de prévention des risques et devrait permettre la mise en place d’un tableau de bord par secteur, utilisable comme outil de management des risques professionnels.

La démarche à l'échelle de l'établissement L’évaluation des risques professionnels et la rédaction d’un document unique sont coordonnées au sein du CHU par la Direction de la Qualité et de l’Accueil des Malades (DQAM). Un groupe pilote « risques professionnels » pluridisciplinaire (médecins, cadres de santé, ingénieurs…), animé par les membres de la DQAM, a été chargé d'identifier les principaux risques professionnels au sein de l'établissement. Pour cela, le groupe pilote a subdivisé l'établissement en unités de travail, élaboré une méthodologie de travail commune et un planning prévisionnel de conduite de la démarche. Les modalités techniques d’une évaluation des risques professionnels n’étant pas précisées par le décret du 5 novembre 2001 ou la circulaire du 18 avril 2002, le choix d’une méthodologie est donc laissé à chaque établissement. Celle retenue dans cette étude est dérivée de la méthode AMDEC [5]. Le groupe pilote sur le CHU de Besançon a déterminé le contenu de la grille de recueil et le barème de cotation : – La grille de recueil identifie cinq grands types de risques : les risques liés aux organisations, les risques liés aux relations (interprofessionnelles ou autres), les risques physiques, les risques biologiques (directs et indirects), et les risques chimiques. Cette classification a été établie à partir de la bibliographie existante sur les risques professionnels ou des exemples de démarches réalisées dans d’autres établissements [5-10]. – Le barème de cotation est défini selon trois axes (gravité, fréquence et maîtrise du risque) cotés 1, 4, 7 ou 10 (tableau I). Le produit de ces termes définit un indice de criticité (IC). L’échelle de cotation s’étend donc de 1 à

MÉTHODE Le CHU de Besançon offre une capacité d'accueil de 1285 lits et places d'hospitalisation. Environ 5 700 agents assurent son fonctionnement. Le département pharmaceutique emploie 130 personnes et est composé d'un secteur médicament et d'un secteur dispositif médical. Le secteur médicament (48 % du personnel) regroupe les unités de dispensation aux services de soins, de production, de rétrocessions et essais cliniques.

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des risques professionnels au sein du département pharmaceutique en tant qu’étude test avant le déploiement sur l’ensemble de l’établissement (cf. planning prévisionnel figure 1).

Gravité de l’incident : 1 - Blessure bénigne 4 - Maladie curable, blessure grave 7 - Maladie chronique, absence de traitement, séquelles/handicap 10 - Décès Fréquence d’exposition au danger/individu : 1 - Rare, moins d’une fois par an 4 - Au moins une fois par an 7 - Au moins une fois par mois (pour les toxiques cumulatifs au moins une fois par an) 10 - Tous les jours (pour les toxiques cumulatifs au moins une fois par mois)

La démarche à l'échelle du département pharmaceutique Une réunion avec l’ensemble des cadres de santé du département pharmaceutique a permis dans un premier temps de découper le département en unités de travail (une grille par unité de travail) et d’établir ensuite la composition des groupes de travail et leur champ d’action (tableau II), ainsi que le planning des réunions. La durée maximale de réunion a été fixée à deux heures. Les réunions des groupes de travail se sont déroulées schématiquement comme suit : – présentation du projet au sein de l’établissement, puis au niveau du département pharmaceutique, et présentation de la grille d’évaluation servant de support de travail, avec quelques exemples de risques pour guider la réflexion des participants, – affichage des différentes tâches ou activités associées à l’unité de travail (préalablement identifiées avec les cadres de santé sur la base des fiches de poste), – 15 à 30 minutes de « remue-méninges » pour permettre l’identification des SPD par les acteurs, – relecture des différentes SPD identifiées, explicitation (recherche d’incidents et de données factuelles) et validation par le groupe, – cotation des trois paramètres du score IC (gravité, fréquence, protection/maîtrise) et obtention d’un consensus.

Maîtrise du risque et moyen de protection du personnel : 1 - Nos moyens de protection sont efficaces et utilisés (la survenue des accidents avec la protection est exceptionnellement rare/ impossible) 4 - Nos moyens de protection sont partiellement efficaces - Nos moyens de protection sont efficaces mais pas utilisés systématiquement (la survenue des accidents avec la protection est possible) 7 - Nos moyens de protection sont de faible efficacité - Nos moyens de protection sont efficaces mais ne sont pas utilisés (la survenue des accidents avec la protection est fréquente) 10 - Pas de moyen de protection - Pas de maîtrise

Tableau I. Barèmes de cotation des SPD. Table I. PDS scores.

1000, permettant la hiérarchisation de situations potentiellement dangereuses (SPD). Les membres de la Cellule qualité du département ont participé à l’élaboration de la méthodologie au sein du groupe pilote. Bénéficiant, par ailleurs, d'une expérience dans l'animation de réunion et le déroulement d'une AMDEC, ils ont conduit la mise en place de l’évaluation

Figure 1. Planning prévisionnel de conduite de la démarche. Figure 1. Estimated planning of the process.

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Secteurs du dispositif médical

Secteurs du médicament Découpage Groupes de travail

UF UF UF Essais UF Pharmaco- Distribution cliniques CAMSP technie logistique Consultants externes

Unités de travail (grilles) Réunions de travail Nombre de réunions Durée totale Nombre participants SPD identifiées Nombre total

Groupes transversaux

UF Stérilisation Centrale

Secrétariat Comptabilité

Gardes astreintes encadrement

Entretien des locaux

2

2

1

2

9

1

1

1

1

2*

1

2**

2***

1

1

1

2h

4h

2h

4h

4h

2h

2h

2h

8

8 et 7

7

7 et 7

9 et 8

8

7

8

39

82

28

41

140

32

27

20

Risques physiques N = 262

16

54

12

27

111

26

2

15

Risques chimiques N = 37

16

5

4

9

1

2

2

1

4

1

Risques biologiques N = 10

2

Risques liés aux organisations N = 68

5

13

8

6

11

1

21

Risques liés aux échanges professionnels N = 31

2

8

2

7

5

3

4

3

* Groupe 1  Groupe 2 

Distribution aux services de soins Logistique (réception, déballage, stockage, livraison)

** Groupe 1  Groupe 2 

Logistique (réception, déballage, stockage, livraison) Activités pharmaceutiques et commandes des dispositifs médicaux

*** Groupe 1

Lavage des dispositifs médicaux, déchargement des lave-instruments, conditionnement de sets de soins, conditionnement à la thermoformeuse, stérilisation par oxyde d’éthylène Recomposition des plateaux de blocs opératoires, conduite des stérilisateurs à vapeur, validation et libération des charges, distribution collecte et stockage des dispositifs médicaux

Groupe 2 

Tableau II. Descriptif du découpage en unités de travail et typologie des SPD identifiées. Tableau II. Organisation in working units and typology of the PDS identified.

À l’issue des réunions, la synthèse a été réalisée selon deux niveaux de lecture : – Des grilles de recueil complétées (liste exhaustive des SPD) servant de support à une gestion continue des risques professionnels au sein du département. – Un tableau de bord présentant les SPD identifiées sur le département pharmaceutique. Il intègre un facteur de pondération de l’indice de criticité : le pourcentage de personnes exposées. À l’issue des résultats, deux seuils (IC = 120 et IC = 350) ont été retenus pour hiérarchiser la mise en œuvre des actions d’amélioration. Ces valeurs ne correspondent pas à des scores mais permettent de délimiter trois catégories. Le seuil de 120 est fixé selon la règle suivante : 2 critères cotés 7 et/ou 10 et le troisième différent de 1. Les SPD présentant

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un IC inférieur à 120 seront considérées comme maîtrisées. Le seuil de 350 est fixé pour visualiser les SPD d’extrême criticité : SPD cotées 490, 700, ou 1 000 (combinaisons des cotations suivantes : 7-7-10, 7-10-10, 10-10-10).

RÉSULTATS Le recueil des données s’est déroulé de février à mars 2005 dans le respect du planning initial. Cinquante-six membres du personnel ont participé aux groupes de travail, soit 34 % du personnel de la stérilisation centrale, 52 % de la CAMSP et 50 % du secteur médicament. Dix-neuf grilles de recueil ont été complétées pour le département pharmaceutique (tableau II).

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Résultats à l'échelle du département

Résultats par activités

Sur le département pharmaceutique, 409 SPD ont été identifiées, soit 68 (16,6 %) pour les risques liés aux organisations, 31 (7,6 %) pour les risques liés aux échanges professionnels, 263 (64,3 %) pour les risques physiques, 37 (9,0 %) pour les risques chimiques et 10 (2,4 %) pour les risques biologiques indirects. Deux cent soixantedouze (66,5 %) SPD identifiées présentent un risque considéré comme maîtrisé (IC < 120). Cent trente-sept (33,5 %) SPD dépassent ce seuil, dont 32 (7,8 %) présentent un IC supérieur au seuil de 350. La répartition des SPD en fonction de la criticité et selon les différentes typologies est présentée dans la figure 2. On identifie 325 (79,5 %) SPD de gravité cotée 1 ou 4, et 84 (20,5 %) SPD de gravité cotée 7 ou 10. La répartition des SPD en fonction de la gravité de l'effet et selon les différentes typologies est présentée dans le graphique (figure 2). Parmi les 84 SPD de gravité cotées 7 ou 10, 39 (46,4 %) ont un IC inférieur à 120 (SPD considérées comme maîtrisées) et 45 (53,6 %) un indice supérieur à 120.

Cent quatre-vingt-une SPD sont identifiées sur le secteur du dispositif médical, soit 140 pour la stérilisation centrale, 41 pour la CAMSP et 149 pour le secteur médicament. Les différentes SPD sont synthétisées dans le tableau III. Une cartographie par secteur des SPD en fonction de la gravité de l’effet et de la fréquence d’exposition est présentée figure 3. Un tableau de bord tenant compte des effectifs est également élaboré pour l’équipe d’encadrement du département. Selon la loi de Pareto les effectifs sont classés en trois classes : moins de 20 %, entre 20 % et 80 % et plus de 80 % du personnel du département.

DISCUSSION Le décret sur l’évaluation des risques professionnels fait obligation à l’employeur d’évaluer les risques professionnels et de les retranscrire par écrit en un document unique. La démarche menée au CHU a permis de répondre à ces

Figure 2. Répartition des SPD par typologie de risques en fonction de la criticité et de la gravité de l'effet. Figure 2. PDS distribution classified by typology of risks according to critical index and severity.

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SPD liées aux organisations e g a c s d p r g a c g

d

Densité d’activité/Interruption de tâches/Pluriactivité Manutention de charges : responsabilité vis-à-vis d’un tiers

s

Stress vis à vis d’un changement de pratique (informatisation)

s d p r

Responsabilité vis-à-vis des actes

g

Travail en milieu isolé (malaise, agression physique…) SPD liées aux relations interprofessionnelles et autres

g a c s d p r

Échanges professionnels internes/services de soins/public/fournisseurs/livreurs SPD à risque physique

e g a c s d p r

Port de charges lourdes

e

Contraintes posturales et articulaires (station debout, piétinement, travail en hauteur…)

a c s d p r c

e

d

a c s d p c

e

Chute de matériels Manipulation de matériel piquant/coupant

d

Manipulation d’appareils de manutention et de levage

a c s d p r

Exposition aux nuisances sonore/thermique/olfactive

a c s d p r

Travail sur écran d’ordinateur (Contraintes visuelles)

c s d p e g a e

Éclairage artificiel (Contraintes visuelles)

s d p

Manipulation de matériel chauffant (thermoformeuse, thermosoudeuses, stérilisateurs…)

s

Manipulation d’appareils électriques

s

Manipulation d’équipement sous pression

e

c s d

e

c s d c

e

Conduite de véhicules/Emprunt des voies de circulation

s d p r

Exposition aux poussières (champs tissu, carton…) Travail sur sol mouillé

d

r

Manipulation de matériel susceptible d’être dangereux (armoires rotatives, sertisseuses…)

s d p

Risque incendie/explosion (inflammables, réactifs de laboratoire)

s

Exposition à la vapeur d’eau (tunnel de lavage)

Sans objet

Rayonnements ionisants SPD à risque biologique indirect

a c s d

r

Manipulation de matériels souillés (Dispositifs médicaux explantés contenant une pile, ampoules vides…) SPD à risque chimique

e a

s

Exposition à l’oxyde d’éthylène

s

Manipulation des produits lessiviels/solutions de pré-désinfection

s d p

Manipulation de soude, eau de javel et acides forts

d p

Exposition au peroxyde d’hydrogène

p

Exposition au latex

d p e : entretien des locaux g : activité garde/astreinte

Exposition à des substances toxiques (médicaments, cytotoxiques, déchets médicamenteux…)

p

Manipulation de solvants organiques, dérivés halogénés et autres réactifs a : secteur administratif c : CAMSP

s : stérilisation centrale d : médicament/distribution

p : médicament/production r : médicament/rétrocession

Tableau III. Synthèse des catégories de SPD identifiées au sein du département pharmaceutique. Table III. Summary of the class of PDS identified in pharmaceutical department.

les risques professionnels aux acteurs, internes (bulletin d’information…) ou externes, légalement concernés.

exigences. Elle respecte les notions de commodité d’utilisation, de traçabilité des risques professionnels et de réalisation d’un inventaire préalablement à l’analyse des risques. De plus, pour répondre à la demande du décret de remise à jour annuelle des données, le projet a été intégré dans une démarche continue d’amélioration de la qualité. L’inscription dans une démarche institutionnelle a permis la mise à disposition des informations obtenues sur

Découpage en unités de travail et conditions de mise en œuvre Le découpage en unités de travail d’un établissement de santé peut varier selon les démarches menées, notamment

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Figure 3. Cartographie par secteur des SPD en fonction de la gravité et de la fréquence d’exposition. Figure 3. PDS graphic for each unit according to severity and exposure frequency.

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le découpage des activités d’une PUI peut être plus ou moins fin [9-11]. Pour le CHU de Besançon, l’existence d’un département pharmaceutique a conduit à regrouper les activités de stérilisation, de gestion des dispositifs médicaux et de gestion des médicaments. La démarche sur le département a nécessité un découpage en unités de travail plus fin (tableau II). Par exemple, la stérilisation structurée selon le processus de stérilisation, a pu être découpée très précisément. De plus, les aidessoignants étant polyvalents sur les postes de travail de ce processus, la réalisation des grilles de cotation en deux réunions, a pu être possible. L’objectif n’étant pas de comparer le nombre de SPD entre les secteurs du département, mais d’avoir un support par secteur pour conduire un plan d’amélioration, ce découpage doit être au plus proche des organisations et des pratiques de terrain.

Les groupes de travail La composition des groupes de travail a été réalisée avec la volonté de regrouper les agents en fonction de situations de travail et d’exposition aux différents risques comparables. Le découpage selon les différentes UF du département pharmaceutique a été secondairement pris en compte. Chaque catégorie professionnelle devait être représentée au sein des groupes. L’appui des cadres de santé pour leur constitution était essentiel grâce à leur proximité vis à vis des agents et leur connaissance du fonctionnement quotidien de chacun des secteurs. Les groupes ont été volontairement limités entre sept et neuf personnes ; nombre idéal de participants pour permettre l’expression libre et sans retenue, et que chaque réunion puisse être conduite dans les délais impartis. L’adhésion des acteurs à cette démarche d’évaluation a été importante. Ainsi, le travail préalable aux réunions effectué spontanément par les agents participants, dans le but de réunir les avis de l’ensemble de leurs collègues, est un facteur de succès. Différents travaux soulignent l’importance d’une démarche collective [11, 12]. La notion de risque présente deux facettes : l’une objective (que l’on peut calculer), l’autre subjective (il s’agit de la perception d’un danger). Cette dernière facette est le moteur principal des comportements. Moulaire, dans une démarche identique, parle d’être à l’écoute des employés [10]. La réunion des Sociétés de médecine du travail de Paris et de l’Ile-de-France insiste sur l’importance de la participation des intervenants. « …Ne pas écouter le vécu et les remarques des uns et des autres conduirait à une impasse… » [12]. Aussi, certaines SPD comme le stress lié à un changement logiciel n’apparaissent pas être des situations dangereuses. Mais, il était important à ce moment donné, de laisser s’exprimer les agents tout en restant objectif quant à la cotation. Cette souffrance psychique des agents face aux change-

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ments est un des constats des observateurs de la santé au travail [13]. La loi précise bien dans son libellé que cette démarche vise à promouvoir l’amélioration de la sécurité mais aussi de la santé au travail [1]. Lors de la mise à jour annuelle du document, il est vraisemblable que certaines de ces SPD disparaissent. Les agents attendaient également des réponses précises du médecin du travail sur les risques encourus, notamment lors de la manipulation des médicaments anticancéreux, mais aussi sur l’efficacité des moyens de protection en place.

Animation de groupe L’animation des groupes de travail a été prise en charge par les membres de la Cellule qualité du département, avec l’aide et l’expertise des médecins du travail. Le recours à d’autres experts de sécurité n’a pas été utile, mais la recherche d’informations complémentaires pour étayer le débat a été nécessaire auprès de spécialistes de l’établissement (ingénieur biomédical, ingénieur des services techniques, hygiéniste…). Pour certaines situations particulières, le groupe s’en est remis à l’expertise des pharmaciens responsables des unités pour garantir le niveau de maîtrise du risque (toxicité des anticancéreux, qualification des équipements sous pression…), en complément de celle des médecins du travail. Plusieurs notions ont guidé la mise en place et la conduite des réunions : – réunion a minima, tenue des délais, et découpage évitant les doublons d’activités, donc de participation d’une même personne à plusieurs réunions ; cela dans un souci de perturber au minimum l’activité quotidienne des agents, – conduite rapide et soutenue de la démarche, afin d’obtenir une mobilisation maximale des agents au projet et de « frapper les esprits » par la mise en place rapide d’améliorations face aux problèmes soulevés lors des réunions.

Grille d’évaluation et items retenus Le choix des items de la grille a été approuvé au sein du comité de pilotage dans un souci de respecter la contrainte d’un document unique (donc d’un format unique) pour l’établissement. La catégorisation des risques professionnels retenue par le groupe de travail de l’établissement peut être discutée. En effet, au lieu de risques liés aux organisations et de risques liés aux relations (interprofessionnelles ou autres), il aurait été possible de parler de risques psychosociaux [5]. Cependant, la notion de risque lié aux organisations ou de risque lié aux relations retenue par l’établissement est plus facilement perceptible par le personnel. Le choix de prendre en compte les facteurs liés aux relations sociales et à l’organisation du travail est une problématique importante à cibler dès le début de la démarche [12]. Les risques liés aux comportements individuels ne

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font pas partie stricto sensu de l’ensemble que constitue les risques professionnels, mais leur importance en terme de déterminants de santé et leurs effets aggravant et potentialisateur d’autres risques sont indéniables [13, 14].

évaluations annuelles ultérieures. De même, un seuil différent pourrait être envisagé selon les secteurs du département. Concernant la subjectivité de la cotation, l’animateur et l’intervention d’experts, notamment les médecins du travail, ont permis de la limiter. La prise en compte de la population concernée par le danger est une donnée complémentaire utile pour la prise de décision [10, 12]. Elle a été utilisée uniquement pour la représentation graphique des résultats.

Outils d’évaluation Le principe de base d’une AMDEC (cotation de la criticité) a été conservé dans notre démarche d’évaluation, puisque que l’on recherche l’identification et la hiérarchisation de modes de défaillance. Cependant, l’échelle de cotation a été adaptée pour mener à bien l’évaluation des risques professionnels. Premièrement, la notion de gravité a été conservée dans l’échelle de cotation retenue. Ce sont les médecins du travail qui ont évalué la cotation de cet item, en prenant en compte la gravité maximale de chaque risque. Les paramètres de maladie chronique et de séquelle ou handicap ont été pris en compte. Nous avons utilisé une grille de cotation de la gravité simple, à une modalité. Le groupe pilote de l’établissement n’avait pas souhaité retenir d’autres modalités, comme celles proposées par la CNAM, de type durée de l’arrêt de travail ou taux d’incapacité permanente. Seules des modélisations statistiques complexes permettent d’apprécier plusieurs composantes de la gravité [15]. La méthodologie retenue a privilégié la simplicité de la mesure. Deuxièmement, la notion d’occurrence (c’est-à-dire de probabilité d’apparition) a été modifiée dans l’échelle de cotation retenue afin de faire apparaître la notion de fréquence d’exposition des professionnels à un danger. Et enfin, la notion de non-détection de l’incident a été modifiée en terme de moyens de protection existants et de maîtrise de risque ou, si cette notion ne suffisait pas, en terme de fréquence de survenue de l’incident (traduisant en fait la non-maîtrise du risque). De plus, la notion de moyens de protection existants mais non utilisés a permis de ne pas masquer des risques pouvant être considérés, à tort, comme maîtrisés. La difficulté reste dans la définition des niveaux de cotation et de leurs frontières [15]. Au centre hospitalier d’Aubenas [10], chaque critère (gravité, fréquence et sécurité) est à trois modalités, cotées 1-2-3. Notre parti pris a été d’instaurer des modalités en nombre pair (quatre) afin de positionner les cotations de part et d’autre de la moyenne. La cotation 1-4-7-10 permet également une discrimination plus poussée des indices [5]. De même, lors de la réalisation du tableau de synthèse, la question du seuil de criticité s’est posée. Il a été fixé pour le département pharmaceutique à 120, les SPD inférieures identifiées étant considérées comme maîtrisées. Mais un seuil fixé à 100, par exemple, aurait fait ressortir un certain nombre d’autres SPD, considérées alors comme non maîtrisées. Cette notion de seuil est évidemment évolutive, et l’on peut diminuer le seuil de criticité lors des

Évaluation des risques professionnels en milieu hospitalier Les résultats obtenus semblent identiques aux évaluations publiées dans le domaine de la santé en France et à l’étranger [16-17]. Caillard et al. relèvent sur leur hôpital les mêmes grandes classes de SPD : biologique, toxique, radiations ionisantes et non ionisantes (sans objet pour notre département pharmaceutique), risques électriques, incendie, explosions, conditions environnementales, travail sur écran, chutes et glissades, charges de travail, violence au travail. Dans une étude dans le secteur tertiaire [12], les risques associés aux secteurs administratifs sont le bruit, la charge mentale et la charge optique. L’Association nationale de médecine du travail et d’ergonomie du personnel des hôpitaux retient pour les hôpitaux la problématique de la violence, de la manipulation des cytotoxiques et antiviraux et les troubles musculo-squelettiques des membres supérieurs et du rachis [16].

Facteurs de succès de la démarche La démarche a suivi les principes de base de réussite promus par les sociétés savantes [12] : à l’échelle de l’établissement, un engagement fort de la direction de l’établissement et une participation des instances de prévention, et à l’échelle du département, une démarche proche du terrain avec les salariés et un outil adapté. Grâce au tableau de bord, l’inscription de la démarche dans la durée et la répétitivité avec un contrôle de l’efficacité n’ont pas été omis.

Apport de la démarche pilote à celle de l’établissement Cette étude pilote a mis en évidence l’importance d’être à l’écoute des agents dans ce type d’approche. Néanmoins, la charge de travail pour le déploiement de la démarche à l’échelle de l’établissement est conséquente. Il s’agit donc de trouver un compromis entre ces deux facteurs. La solution envisagée comporte une remise à jour annuelle du document unique avec un programme de rotation des services sur trois ou quatre ans. L’outil a montré son efficacité et l’adhésion des utilisateurs. Il nécessite une équipe d’animateurs formés, avec le

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Modalités pratiques et techniques de hiérarchisation des risques professionnels au sein d’une Pharmacie à Usage Intérieur

recours à un médecin du travail faisant bénéficier le groupe de son expertise. À l’échelle de l’établissement, l’homogénéité des grilles des différents secteurs, et donc l’homogénéité finale du document unique, dépendent de la cotation. Il est donc important que les animateurs soient formés à la conduite de ces réunions et cotent avec les membres des différents groupes de travail de façon identique. Il ressort également de cette évaluation une forte demande des acteurs de terrain concernant le devenir et les actions entreprises à la suite de la démarche. Un plan de communication autour du projet, sur les actions entreprises et le lien avec les instances, est un des éléments pour pérenniser la démarche.

des risques professionnels représente une composante essentielle de la gestion des risques en établissement de santé et figure en bonne place dans les objectifs des experts visiteurs de la Haute Autorité de Santé [18]. D’autre part, cette évaluation contribue à la poursuite d’une culture d’évaluation continue des risques auprès des agents hospitaliers. À travers les risques professionnels, elle permet d’appréhender, dans de nombreuses situations, l’évaluation de pratiques professionnelles. En effet, elle met en avant la non utilisation de moyens de protection, les dépassements de tâche et les éventuels changements ou dérives de pratique. Une révision annuelle de la cotation des SPD est prévue pour suivre les actions d’amélioration engagées et poursuivre le plan d’action de maîtrise des risques.

CONCLUSION Remerciements

Cette démarche d’évaluation présente un enjeu qualité pour un établissement de santé. D’une part, l’évaluation

RÉFÉRENCES 1.

2.

3.

4.

5. 6.

Directive du Conseil 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. JOCE L-183 du 29 juin 1989. Loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail. JORF n° 5 du 7 janvier 1992. Décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001 portant création d’un document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. JORF n° 258 du 7 novembre 2001. Circulaire DRT n° 6 du 18 avril 2002 prise pour l’application du décret n° 2001-1016 portant création d’un document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité. BO n° 2002/10 du 5 juin 2002. Landy G. AMDEC – Guide pratique AFNOR. Paris, France : AFNOR, 2002 : 1-207. Ministère de la jeunesse, de l’éducation et de la recherche - CNRS. Évaluation des risques professionnels-Document Unique-

Les auteurs tiennent à remercier tous les agents du département pharmaceutique pour leur active participation.

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