Myosites inflammatoires de l’enfant : diagnostic et prise en charge

Myosites inflammatoires de l’enfant : diagnostic et prise en charge

Table ronde Myopathies constitutionnelles et myosites inflammatoires chez l’enfant : comment en faire le diagnostic ? Myosites inflammatoires de l’en...

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Table ronde

Myopathies constitutionnelles et myosites inflammatoires chez l’enfant : comment en faire le diagnostic ?

Myosites inflammatoires de l’enfant : diagnostic et prise en charge B. Bader-Meuniera, *, C. Bodermerb aService

d’Immunologie et Rhumatologie pédiatrique, AP-HP, Hôpital Necker, Paris, France de Dermatologie et Dermatologie pédiatrique, AP-HP, Hôpital Necker, Paris ; Université Paris Descartes, Paris. bService

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es myosites inflammatoires de l’enfant sont rares et comportent essentiellement la dermatomyosite juvénile (DMJ) (85 % des cas), et plus rarement une myosite de chevauchement (3-10 %) ou une polymyosite (2-5 %) [1]. L’atteinte cutanée présente dans la grande majorité des cas est l’élément clé pour orienter le diagnostic. La prise en charge de ces pathologies est multidisciplinaire et souvent difficile.

1. Quand évoquer le diagnostic de myosite inflammatoire chez l’enfant ? La DMJ est la myosite inflammatoire la plus fréquente chez l’enfant. Elle se caractérise par une atteinte inflammatoire non infectieuse des muscles et de la peau liée à une vascularite qui représente l’élément physiopathologique prédominant. Elle peut être très sévère et ses complications sont nombreuses. L’âge médian de début des dermatomyosites de l’enfant est de 7 ans environ, mais la maladie commence avant l’âge de 4 ans dans un quart des cas. Il s’agit d’une maladie rare dont l’incidence a été estimée entre 3 et 4 cas par million d’habitants aux États-Unis et en Grande Bretagne. Le diagnostic est porté suivant les critères de Bohan, bien que leur sensibilité et spécificité n’aient pas été validées chez l’enfant (Tableau 1).

Tableau I Critères diagnostiques pour la dermatomyosite juvénile d’après Peter et Bohan. – Éruption du visage « héliotrope », vascularite des faces d’extension des petites articulations (nodules de Gottron) et des grosses articulations (coudes, genoux). – Atteinte musculaire proximale et symétrique. – Élévation du taux d’au moins un enzyme musculaire. – Signes d’atteinte myogène à l’électromyogramme. – Biopsie musculaire caractéristique. Le diagnostic est certain en présence des signes cutanés et 3 des 4 autres critères.

*Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

Le début de la maladie est le plus souvent progressif, insidieux. Plus rarement des complications aiguës peuvent être révélatrices et nécessiter un traitement urgent.

1.1. L’examen clinique est essentiel L’examen clinique est essentiel pour orienter le diagnostic en raison de l’association de signes cutanés à l’atteinte musculaire : • l’atteinte musculaire est proximale prédominant au niveau du tronc, de la ceinture scapulaire et de la ceinture pelvienne, et de façon symétrique avec difficultés à monter une marche, à se lever d’une chaise à l’aide de ses bras pour se mettre debout (signe du tabouret, signe de Gower), à se relever d’une position accroupie, à se relever du plan du lit en position allongée. Le bilan de l’atteinte musculaire doit se faire selon une échelle standardisée (CMAS (childhood myositis assessment scale), MMT (Manual Muscle Testing)). Une douleur à la pression des masses musculaires est possible, mais elle n’a généralement pas l’intensité de celle observée au cours des myosites aiguës. Une sensation de fermeté musculaire témoigne de la participation œdémateuse. Dans les formes graves, la faiblesse musculaire est diffuse, atteignant également les muscles distaux. Dans ces formes, une atteinte des muscles lisses est possible entraînant des troubles de la déglutition, une voix nasonnée. Les risques de fausse-route sont alors importants ; • les signes cutanés sont caractéristiques de la DMJ. Ils sont d’intensité variable, parfois très discrets à rechercher attentivement devant un déficit musculaire. Les signes caractéristiques sont : une coloration érythémateuse voire violacée des paupières supérieures, un érythème fréquent des pommettes parfois du front et des tempes, d’aspect rouge violacé « héliotrope », des lésions maculo-papuleuses, érythémateuses et/ou squameuses en regard des faces d’extension des articulations, en particulier des articulations interphalangiennes proximales (nodules de Gottron) des coudes, des genoux. L’existence de télangiectasies péri-unguéales parfois visibles à l’œil nu, et de télangiectasies gingivales est également évocatrice du diagnostic. D’autres lésions moins spécifiques peuvent être présentes  : érythème squameux, ulcérations, phénomène de Raynaud, poïkilodermie, formes œdémateuses. Les autres atteintes comportent  : une atteinte articulaire fréquente (23-58  % des cas), une atteinte cardio-pulmonaire (dyspnée, pneumopathie interstitielle, atteintes cardiaques infra-

27 © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2012;19:27-28

B. Bader-Meunier, et al.

Archives de Pédiatrie 2012;19:27-28

cliniques, troubles de conduction), une atteinte digestive parfois très sévère (dysphagie, ulcérations, perforations, hémorragies digestives, malabsorption). La fièvre est absente ou modérée. Rarement des formes aiguës peuvent être révélatrices : formes œdémateuses, fuite capillaire, hémorragie, perforation digestive, atteinte myocardique, dyspnée aiguë, micro-angiopathie thrombotique. Contrairement à ce qui est observé dans les DM de l’adulte, l’association à un cancer est exceptionnelle chez l’enfant.

• La polymyosite est rare chez l’enfant. Elle se manifeste par un déficit musculaire proximal et distal, souvent associé à une atteinte articulaire. • La biopsie musculaire est indispensable dans ces 2 types de myosite.

1.2. Les examens complémentaires sont d’un apport variable

La DMJ est une pathologie sévère entraînant des séquelles dans 60  % des cas  [2]  : atteinte musculaire, cutanée, articulaire, digestive, retard de croissance  ; les atteintes plus spécifiques comportent une calcinose et une lipodystrophie. Elle nécessite une prise en charge pluridisciplinaire spécialisée. Elle repose sur une corticothérapie à fortes doses initialement, associée d’emblée pour certains à un traitement par méthotrexate qui permettrait une épargne cortisonique. D’autres traitements se discutent en fonction de l’évolution : ciclosporine, mycophénolate mofétyl, rituximab, cyclophosphamide, perfusions d’immunoglobulines polyvalentes. Un essai randomisé initié par le PRINTO (Pediatric Rheumatology International trials organization) en 2008, compare un traitement par corticoïdes seuls, une association corticoïdes et méthotrexate, et une association corticoïdes et ciclosporine Des échanges plasmatiques sont indiqués dans certaines formes aiguës. L’association à une rééducation pour prévenir les attitudes vicieuses et permettre un renforcement musculaire est indispensable.

• Examens biologiques : le syndrome inflammatoire est absent ou modéré ; les auto-anticorps sont présents dans 40 % des cas environ (FAN surtout) ; l’élévation d’au moins un enzyme musculaire (CPK, aldolase, LDH, ASAT) est fréquente mais non constante (absente dans 10 % des cas environ). • Electromyogramme  : il est peu réalisé et montrerait une atteinte myogène. • Imagerie par résonance magnétique : elle est utilisée de façon récente avec une bonne sensibilité pour mettre en évidence une atteinte inflammatoire musculaire et des fascia. • Capillaroscopie  : elle peut montrer un épaississement des capillaires du pourtour unguéal, avec une raréfaction des anses, des hémorragies et des mégacapillaires ; cet aspect n’est cependant pas spécifique de la DMJ. • Biopsie musculaire  : elle doit être systématique en cas de signes cutanés absents ou peu typiques. Dans les autres cas, son indication, systématique ou non, diffère selon les équipes. Elle montre 4 types de lésions, communes à la DM, aux myosites de chevauchement et à la myosite lupique : i) atteinte inflammatoire  : inflammation perimysiale, endomysiale, périvasculaire  : lymphocyte et macrophages ; ii) atteinte vasculaire : perte capillaire, épaississement endothélium artère/artériole ; iii) atteinte musculaire  : régénération/dégénérescence/atrophie des fibres musculaires, réexpression des molécules HLA classe I ; iv) fibrose endo- et périmysiale.

1.3. Les autres causes de myosite inflammatoire sont plus rares chez l’enfant • Les myosites de chevauchement sont caractérisées par l’association de signes cliniques et biologiques présents dans le lupus systémique, la sclérodermie et la DM. Les signes cutanéomuqueux sont donc très fréquents et leur recherche rigoureuse oriente également souvent le diagnostic.

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2. Prise en charge des myosites inflammatoires

3. Conclusion Le diagnostic de myosite inflammatoire est donc très souvent orienté par la recherche attentive d’une atteinte cutanée, concernant notamment les mains, paupières, coudes, genoux et bouche. Le traitement est parfois urgent et doit être posé en lien avec une équipe spécialisée.

Références [1] Feldman BM, Rider LG, Reed AM, et al. Juvenile dermatomyositis and other idiopathic inflammatory myopathies of childhood. Lancet 2008;371:2201-12. [2] Ravelli A, Trail L, Ferrari C, et al. Long-term outcome and prognostic factors of juvenile dermatomyositis: a multinational, multicenter study of 490 patients. Arthritis Care Res (Hoboken) 2010;62:63-72.