Pathologie aortique thoracique aiguë et chronique : du diagnostic au traitement

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Presse Med. 2019; 48: 706–713 Mise au point RADIOLOGIE INTERVENTIONNELLE : 2 E PARTIE en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.s...

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Presse Med. 2019; 48: 706–713

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RADIOLOGIE INTERVENTIONNELLE : 2 E PARTIE

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Dossier thématique

Pathologie aortique thoracique aiguë et chronique : du diagnostic au traitement Alexandre Sadate 1, Julien Frandon 1, Jean Goupil 1, Eric Picard 2, Guillaume Cayla 3, Pascal Branchereau 2, Jean-Paul Beregi 1

Disponible sur internet le : 28 mai 2019

1. CHU de Nîmes, université Montpellier, radiologie et imagerie médicale, 30029 Nîmes, France 2. CHU de Nîmes, université Montpellier, chirurgie vasculaire, 30029 Nîmes, France 3. CHU de Nîmes, université Montpellier, cardiologie, 30029 Nîmes, France

Correspondance : Jean-Paul Beregi, CHU Caremeau, service de radiologie et imagerie médicale, place du Professeur-Robert-Debré, 30029 Nîmes cedex 9, France. [email protected]

Résumé Les innovations de l'imagerie diagnostique et de la radiologie interventionnelle ont permis l'optimisation de la prise en charge des patients atteints de pathologies aortiques. Au stade aigu, le risque vital est à considérer en priorité. La visualisation par scanner de toute l'aorte permet de décider de la meilleur option entre chirurgie et radiologie interventionnelle (fenestration, endoprothèse couverte, endoprothèse périphérique). Les algorithmes décisionnels, basés sur la compréhension des complications et risques évolutifs, ont été modifiés notamment pour les dissections aortiques. Au stade chronique, le médecin vasculaire et le généraliste doivent surveiller l'aorte et les facteurs de risques cardiovasculaires afin d'éviter les complications. L'IRM est alors indiquée.

Summary Acute and chronic pathologies of the thoracic aorta: From diagnosis to treatment

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Aortic pathologies benefit from imaging innovation and interventional radiology developments in order to improve patient management. At the early phase, vital risk should be considered. Whole body CT scan evaluate the complete aorta and its branches to assess the pathology and to choose the best approach between surgery or interventional radiology (fenestration, stentgraft, peripheral stenting). Algorithms, based on the understanding of the complications mechanisms and evolutive risk, modified the management specifically for aortic dissection. At chronic phase, GPs and angiologists should follow their patients in order to detect aortic complications and to treat cardiovascular risk factors. MRA is well indicated if possible.

tome 48 > n86 > juin 2019 https://doi.org/10.1016/j.lpm.2019.05.003 © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

es pathologies aortiques sont variées dans leurs causes [1] mais moins dans leur symptomatologie et dans leur prise en charge. L'organisation de cet article suit les motifs de consultation en phase aiguë ou en phase chronique. Les pathologies aortiques à la phase aiguë (dissection aortique, hématome intramural, ulcère aortique pénétrant, rupture d'anévrysme aortique et rupture isthmique) regroupées sous le terme « syndrome aortique aigu » sont des urgences diagnostiques et thérapeutiques car elles mettent en jeu le pronostic vital. Les pathologies aortiques de la phase chronique sont la conséquence de l'amélioration du pronostic à la phase aiguë mais aussi de l'augmentation des découvertes fortuites par les examens d'imagerie. Elle nécessite un suivi attentif du fait des complications potentielles menaçant le pronostic vital. Elle inclut la dissection aortique à sa phase chronique et l'anévrisme aortique. Le médecin généraliste a un rôle clé dans le suivi des patients avec les spécialistes pour suivre ces pathologies et leur traitement et dépister les complications tardives. L'imagerie a un rôle central [2,3] dans la prise en charge de la pathologie aortique. Le scanner est à privilégier à la phase aiguë du fait de sa disponibilité et de la possibilité d'établir des diagnostics différentiels (embolie pulmonaire, pneumopathie, ischémie mésentérique. . .). Le scanner injecté avec acquisition au temps artériel est devenu l'examen de référence avec une sensibilité et spécificité proche de 100 % [4] liés aux améliorations techniques (rotation rapide, acquisition longue, résolution temporelle et spatiale, gating (synchronisation du scanner avec le rythme cardiaque du patient), multidétecteurs. . .). L'aorte doit être considérée comme un organe qui ne saurait être étudié par moitié (thoracique/abdominale). Ainsi toute douleur thoracique suspecte de pathologie aortique doit conduire à réaliser un scanner de l'intégralité de l'aorte et de ses branches (de la base du cou jusqu'au scarpa incluant les têtes fémorales) avec éventuel gating cardiaque sur l'aorte thoracique. Un passage sans injection permet de mettre en évidence un hématome intramural, un hémothorax, un hémopéricarde, un hémomédiastin grâce au caractère spontanément hyperdense du sang. Une acquisition au temps artériel confirme l'atteinte aortique et détecte d'éventuelles complications (malperfusion, rupture). Parfois une acquisition au temps veineux est nécessaire par exemple pour opacifier un chenal circulant très lentement ou pour vérifier la perfusion d'un organe qui serait retardée. L'IRM est l'examen de choix pour le suivi en phase chronique en raison de son caractère non irradiant, reproductible, 3D et permettant de visualiser les parties circulantes, la paroi et les organes. Sa technique impose une couverture de 50 cm qui doit être répétée pour couvrir l'ensemble de l'aorte. Les acquisitions d'angiographie par résonance magnétique (sans ou avec injection d'un produit à base de gadolinium) étudient le flux circulant et sont complétées par des acquisitions pour analyser la

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paroi aortique (par exemple une inflammation péri-aortique). Les contre-indications sont classiques et les artefacts des endoprothèses gênent considérablement l'examen si les matériaux sont ferromagnétique (acier par exemple).

Phase aiguë La présence d'une douleur thoracique aiguë conduit systématiquement en urgence le médecin à chercher 4 causes cardiovasculaires : infarctus du myocarde, embolie pulmonaire, péricardite, syndromes aortiques aigus (dissection aortique, hématome disséquant, ulcère aortique pénétrant, anévrisme aortique, rupture isthmique).

Dissection aortique Elle est causée par une déchirure intimale qui devient la porte d'entrée de la fausse lumière. Le principal facteur de risque identifié est l'hypertension artérielle qui est présente dans 75 % des cas, suivi du tabagisme [5]. Le symptôme le plus souvent présent est la douleur thoracique. L'évolution de la dissection se fera de façon antérograde ou rétrograde avec implication ou non de la valve aortique et des branches troncs supra aortiques. Deux types de complications majeures peuvent survenir, le syndrome de malperfusion et la rupture du faux chenal, à l'origine de plusieurs symptomatologies. Le syndrome de malperfusion est une entité relativement récente. Elle correspond à une extension de la dissection (mécanisme statique le plus souvent) ou à une obstruction par la dissection (mécanisme dynamique) de certaines artères entraînant une ischémie d'organes et des symptômes en liaison avec l'artère concernée, en particulier les artères coronaires (infarctus du myocarde), les troncs supraaortiques (AVC), l'artère d'Adamkiewicz (paraplégie), les artères digestives (infarctus mésentérique avec défense et douleur abdominale), les artères rénales (insuffisance rénale, HTA) (figure 1) et aux membres inférieurs (ischémie) [6]. La rupture du faux chenal est une complication gravissime à l'origine d'un hémomédiastin ou d'un hémothorax. La rupture dans le péricarde entraîne une tamponnade et l'extension sur la valve aortique entraîne une insuffisance aortique aiguë. Le scanner a remplacé l'échographie transœsophagienne et l'IRM par sa capacité d'analyse de toute l'aorte dans un délai rapide (mode hélicoïdal) avec une présence dans tous les SAU d'un équipement ouvert 24/24. Traitement : il est important de savoir que l'on ne meurt pas de dissection aortique, on meurt de ses complications. Le traitement a ainsi été modifié ces dernières années par la meilleure connaissance des mécanismes de dissection aortique et par l'arrivée de différentes techniques endovasculaires de radiologie interventionnelle. Le traitement spécifique de la dissection basé initialement sur la classification de Stanford (traitement chirurgical pour les dissections de type A et traitement médical pour les dissections de type B) est remplacé aujourd'hui par un

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choix thérapeutique fonction de la présence ou non de complications [7–9] (Algorithme A – figure 2). La dissection aortique à la phase aiguë reste une urgence thérapeutique car elle met en jeu le pronostic vital, dans tous les cas, un traitement médical devra être initié, en particulier le traitement de la douleur, le contrôle de la pression artérielle et la surveillance en réanimation ou en unité de soins intensifs. Il est à retenir que la mortalité d'une dissection aortique de type B est de 10 % à un mois et nécessite le dépistage des complications précoces et une surveillance rapprochée.

Hématome intra mural Il représente entre 5 à 30 % des syndromes aortiques aiguës [10]. Cet hématome est dû à un saignement dans le média de la paroi aortique. L'évolution initiale est imprévisible et peut entraîner par la suite une rupture aortique ou une dissection aortique. L'hypertension est le principal facteur de risque. La douleur thoracique ou dorsale est présente chez 80 % des patients [11]. Le diagnostic repose sur l'angioscanner thoracique sans et avec injection avec 94 % de sensibilité et 99 % de spécificité [12]. L'acquisition sans injection met en évidence le caractère spontanément hyperdense de l'hématome (> 80 UH), l'acquisition injectée visualise l'absence de rehaussement et la présence de complications. Le traitement repose sur l'hospitalisation en urgence et une prise en charge relativement superposable à celle de la dissection aortique. La phase initiale impose une surveillance renforcée en hospitalisation car propice à des complications par évolution rapide vers la dissection et la rupture ou la malperfusion.

Ulcère aortique pénétrant

Figure 1

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Dissection aortique mise en évidence par une angioscanographie thoraco-abdo-pelvienne avec porte d'entrée située dans la crosse aortique (a), hématome disséquant descendant sur l'aorte ascendante et présence sur l'aorte descendante du flap intimal avec un vrai chenal plus petit et avec une meilleure opacification (b), extension de la dissection aortique sur l'aorte abdominale avec malperfusion du rein gauche (c)

Il correspond à une ulcération de plaque d'athérosclérose qui va faire irruption dans le média en passant à travers l'intima. L'aorte thoracique descendante est la localisation préférentielle, en lien le plus souvent avec une athéromatose calcifiante importante. Dans la majorité des cas il est asymptomatique, il peut se révéler par des douleurs thoraciques. Le principal risque est la formation d'un pseudoanévrysme que l'on peut assimiler à une rupture contenue qui peut se rompre de nouveau secondairement. Le traitement est chirurgical quand il est localisé au niveau de l'aorte ascendante du fait d'un risque élevé de rupture [13]. En cas de localisation dans l'aorte thoracique descendante, un traitement endovasculaire par pose d'une endoprothèse couverte est de plus en plus souvent indiqué [14]. La difficulté réside dans la présence de lésions athéromateuses associées sur les axes iliaques empêchant la montée d'une endoprothèse ou nécessitant un traitement spécifique. Dans tous les cas, une prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires est essentielle pour prévenir les autres complications de l'athérosclérose.

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Figure 2 Algorithme A

L'anévrisme de l'aorte thoracique correspond à une dilatation anormale permanente de l'aorte thoracique dont la principale cause est l'athérosclérose. Il est défini par un diamètre supérieur à 4 cm au niveau de la partie moyenne de l'aorte thoracique ascendante et supérieur à 3 cm au niveau de l'aorte thoracique descendante [15]. Les tailles d'indications interventionnelles sont de 60 mm ou une évolution rapide du diamètre ou une suspicion de rupture. En cas de maladie du tissu élastique de la paroi comme dans la maladie de Marfan, l'indication opératoire préventive est posée dès un diamètre de 50 mm. Il est important de différencier les « vrais anévrismes » des « faux anévrismes » ou « pseudo-anévrismes ». Les « vrais anévrismes », souvent fusiformes, contiennent les trois couches pariétales (intima, média et adventice) et sont causés principalement par l'athérosclérose. Les faux-anévrismes, souvent sacciformes, ne comportent pas de paroi et sont le plus souvent d'origine post-traumatique ou compliquant un ulcère aortique pénétrant ou une infection [16]. La principale complication est la rupture dont le risque augmente avec la taille de l'anévrisme [15]. Cette rupture peut se produire dans le médiastin, la plèvre, le péricarde (tamponnade), dans les voies aériennes (hémoptysie) ou digestives (rectorragies). La deuxième complication est la compression des organes de voisinage en particulier la veine cave supérieure (syndrome

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cave supérieur), les voies aériennes supérieures (dyspnée), les nerfs (dysphonie) ou l'œsophage (dysphagie) [17]. Diagnostic différentiel Deux variantes anatomiques miment un anévrisme aortique, le diverticule aortique et le renflement aortique. Le diverticule aortique correspond à un renflement antérieur de la région isthmique de la crosse aortique et ne doit pas être confondu avec un pseudo-anévrisme post traumatique [15]. Le renflement aortique correspond quant à lui à une dilatation fusiforme congénitale de la première portion l'aorte thoracique descendante. Traitement Le traitement d'un anévrisme aortique thoracique est en principe chirurgical. Il est indispensable en cas de lésion du tissu élastique de la paroi aortique (comme dans la maladie de Marfan). Ce n'est qu'en cas de contre-indications liées aux facteurs de risques opératoires qu'une solution endovasculaire est envisagée. Une évaluation anatomique précise de l'anévrisme (collets supérieur et inférieur, collatéralité, longueur à couvrir, courbure. . .) et surtout accès iliaque et fémorale ou par les vaisseaux du cou (exceptionnellement aorte abdominale). De multiples modèles d'endoprothèses couvertes, y compris fenestrées, existent actuellement permettant de s'adapter à des anatomies variées. Une chirurgie dite hybride, combinant reconstruction chirurgicale et endovasculaire peut

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Anévrisme de l'aorte thoracique

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être proposée dans des centres d'expertise combinant radiologie interventionnelle et chirurgie cardiovasculaire. Cette approche combinée s'adresse aux anévrismes pour lesquels la chirurgie est contre-indiquée et d'anatomie complexe comme les anévrismes thoraco-abdominaux.

Traumatisme aortique Le traumatisme aortique résulte le plus souvent d'accidents de la route en lien avec une brutale décélération. La localisation la plus fréquente est l'isthme (90 %) suivie des atteintes péridiaphgramatiques, de l'aorte ascendante, de la crosse aortique et des troncs supra-aortiques (10 %) [18].

Classification La classification de Vancouver simplifiée est la plus utilisée notamment du fait de sa facilité d'utilisation, sa faible variabilité inter-individuelle et sa corrélation avec le pronostic clinique [19] :  grade I : flap intimal, thrombus ou hématome intramural < 1 cm ;  grade II : flap intimal, thrombus ou hématome intramural > 1 cm ;  grade III : pseudo-anévrysme sans extravasation ;  grade IV : rupture, fuite de produit de contraste (avec ou sans pseudo-anévrysme).

Figure 3

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Rupture isthmique post-traumatique vue en angioscanographie avec sur la coupe axiale transverse (a) un hématome médiastinal et une image d'addition sur la paroi aortique ; la reconstruction sagittale (b) analyse l'extension en hauteur et la localisation par rapport à l'artère sous-clavière gauche ; après traitement par endoprothèse couverte, disparition de l'hématome (c) et bonne perméabilité de l'endoprothèse avec préservation de la perméabilité de l'artère sous-clavière gauche en sagittale (d)

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Diagnostic Il est posé le plus souvent lors du scanner (figure 3) corps entier réalisé chez des patients polytraumatisés. Il a une sensibilité de 98 % et une spécificité de 100 % [20]. Il montre des signes directs comme le flap intimal, le thrombus ou l'hématome intramural ainsi que des signes indirects comme un hémomédiastin. Traitement Il dépend du grade de la classification de Vancouver simplifiée. Les atteintes aortiques de grade I doivent faire l'objet d'un traitement conservateur avec contrôle de la pression artérielle et surveillance rapprochée au début. Les atteintes de grades II et III doivent bénéficier d'un traitement endovasculaire par Stentgraft en urgence en cas de stabilité hémodynamique et dans tous les cas avant 24 heures. Le traitement endovasculaire est à privilégier car il évite une thoracotomie tout en ayant une plus faible morbi-mortalité que le traitement chirurgical [21]. Le grade IV est souvent pré-mortem, la voie endovasculaire peut être tentée. En conclusion : la prise en charge aiguë des pathologies aortiques thoraciques, l'analyse scanographique complète, la meilleure compréhension des complications, l'avancée des possibilités thérapeutiques par voie endovasculaire ont permis de proposer une approche personnalisée afin de réduire la mortalité de ces pathologies toujours graves et souvent mortelles.

Phase chronique Si la phase aiguë concerne principalement les radiologues interventionnels, les urgentistes, les cardiologues et chirurgiens cardiothoraciques et vasculaires, la phase chronique concerne d'avantage les médecins dont les médecins généralistes. Elle est souvent méconnue. Du fait de l'amélioration des prises en charges immédiates, de plus en plus de patients survivent cependant avec des lésions aortiques et des traitements qu'il convient de surveiller. L'évolution vers une récidive ou une extension de la pathologie sont à dépister. De même, les traitements endovasculaires ou chirurgicaux ont leurs complications propres qu'il faut dépister.

Dissection aortique et ulcère aortique pénétrant

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Figure 4 Contrôle scanographique à 2 ans d'un traitement de dissection aortique par chirurgie sur l'aorte ascendante avec ré-implantation des troncs supra-aortiques et extension sur la crosse et l'aorte descendante par 2 endoprothèses couvertes. Vérification de l'intégrité des endoprothèses (a) avec absence de fracture ou de migration et vérification de l'absence d'ectasie de la portion initiale de l'aorte (sinus de Valsava) qui n'a pas été remplacée (b) ; à noter la perméabilité du faux chenal, partiellement thrombosé, sur l'aorte thoracique descendante sans ectasie

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Après le traitement de l'épisode aigu de dissection aortique par un traitement médical, endovasculaire ou chirurgical, ou suite à une découverte fortuite, la dissection passe à la phase chronique (6 à 12 semaines après le diagnostic initial fait en urgence) durant laquelle le patient ne peut être considéré comme guéri. L'information qui doit lui être délivrée concerne sa pathologie aortique et le fait qu'il doit continuer à être surveillé même si les complications de l'épisode aiguë ont pu être gérées. On doit détecter : la rupture secondaire, le syndrome de malperfusion chronique, la complication du traitement initial et toute maladie associée aux autres localisations athéromateuses (coronaires, troncs supra-aortiques). La détection de ces complications repose sur des arguments cliniques, une douleur thoracique doit faire suspecter une tension pariétale et donc un risque de rupture ;

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une claudication des membres inférieurs doit faire évoquer une anomalie des axes iliaques ou aortiques ; une douleur post prandiale et une hypertension artérielle réfractaire témoignent d'une atteinte des vaisseaux viscéraux [6]. La confirmation diagnostique est réalisée grâce à la réalisation d'une imagerie en coupes. Dans tous les cas quelque ait été le traitement initial choisi, un suivi rapproché est recommandé la première année. La surveillance par imagerie (figure 4), si possible dans le même centre, est recommandée à 3, 6 et 12 mois puis annuellement (voir tous les 3 ans) en cas de stabilité. Un suivi par angiographie par résonance magnétique ou angioscanner est possible mais l'IRM est l'examen de choix du fait de son caractère non irradiant et de la possibilité de réalisation de séquences de paroi pour évaluer le thrombus. En cas de traitement par endoprothèse, un suivi par IRM est possible en cas de matériel en nitinol [3]. En fonction des éléments d'évolutivité, un traitement est proposé par endoprothèse couverte pour les dissections aortiques de type B (figure 5 – algorithme B) aujourd'hui encore il n'est pas systématique. Une prise en charge de la maladie athéromateuse sous-jacente est également primordiale en particulier du fait de la morbidité des localisations coronaires et des troncs supra-aortiques. Le traitement médical par statine, inhibiteur de l'enzyme de conversion et bêtabloquant doit être envisagé ainsi qu'une prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire.

Hématome intra mural Après la phase aiguë, deux situations sont possibles. Soit le patient a eu une prise en charge chirurgicale avec la pose d'un Stentgraft et il doit bénéficier d'une surveillance par IRM. Soit le patient a eu un traitement médical et le suivi de cet hématome par angioscanner thoracique est indispensable. En effet, il peut dans le meilleur des cas se résorber spontanément mais aussi se transformer en dissection aortique.

Anévrisme aortique Alors que le traitement des anévrismes de l'aorte thoracique ascendante repose sur la chirurgie ouverte [22], le traitement à privilégier pour les anévrismes de l'aorte thoracique descendante est maintenant le traitement endovasculaire par endoprothèse couverte. Il doit être discuté en cas d'anévrysme symptomatique ou supérieur à 5–6 cm de diamètre [23] et a montré sa supériorité en termes de morbi-mortalité en comparaison au traitement chirurgical [24]. L'endofuite prothétique, qui peut être classée en 4 stades en fonction de la localisation de la fuite de produit de contraste, est la principale complication du traitement endovasculaire. Elle est détectée par la réalisation d'un scanner injecté qui devra être réalisé systématiquement de façon annuelle ou en cas d'apparition d'une symptomatologie évocatrice (douleur thoracique, malaise).

Figure 5

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Algorithme B

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En cas d'anévrismes en lien avec de l'athérome, la recherche d'autres localisations (cœur, cerveau, membres inférieurs et artères viscérales) est nécessaire avec traitement approprié (arrêt des facteurs de risques, activité physiques, traitement médical). Une localisation d'anévrismes sur l'aorte abdominale, les fémorales communes, les poplitées pourra être trouvée en échographie doppler.

Traumatisme aortique En cas de rupture isthmique passée inaperçue, l'apparition d'un faux anévrysme, qu'il faut traiter, est possible dans les années qui suivent le traumatisme. Par ailleurs si le patient est porteur d'un Stentgraft thoracique, un suivi par IRM est indispensable pour détecter les fractures de l'endoprothèse ou les fauxanévrismes sur la partie proximale ou distale de la prothèse ; il en est de même en cas de réparation chirurgicale avec

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répartition par patch ou` les lésions anévrismales surviennent en moyenne 18 ans après réparation (suivi des réparations des coarctations aortiques opérées dans l'enfance).

Conclusion

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La phase aiguë des pathologies aortiques est la plus connue car ayant un risque vital immédiat. Cependant cette phase ne représente que la partie émergée de l'iceberg et les médecins doivent connaître la phase chronique pour suivi et traitement si besoin. La mortalité à un an d'une dissection aortique de type B est de 20 %. Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.

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