Place des immunosuppresseurs topiques dans le traitement de la dermatite atopique de l’enfant

Place des immunosuppresseurs topiques dans le traitement de la dermatite atopique de l’enfant

Conférence de consensus Texte des experts Ann Dermatol Venereol 2005;132:1S68-72 Place des immunosuppresseurs topiques dans le traitement de la derm...

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Conférence de consensus Texte des experts

Ann Dermatol Venereol 2005;132:1S68-72

Place des immunosuppresseurs topiques dans le traitement de la dermatite atopique de l’enfant Y. DE PROST

Résumé L’utilisation par voie locale d’immunosuppresseurs au cours du traitement de la dermatite atopique est une innovation importante qui renforce l’arsenal thérapeutique dans cette maladie chronique de l’enfant. Deux produits ont été particulièrement étudiés : le tacrolimus qui existe sous la forme de pommade à 0,1 % et 0,03 % commercialisé sous le nom de Protopic®. C’est la concentration à 0,03 % qui a été étudiée chez l’enfant et obtenue l’AMM à partir de 2 ans. Le pimecrolimus commercialisé sous le nom d’Elidel® sous forme de crème à 1 % a été également très étudié et a une autorisation européenne de mise sur le marché à partir de l’âge de 2 ans. Il n’est malheureusement par encore commercialisé en France, alors qu’il l’est dans pratiquement tous les pays du monde. Ces produits agissent en diminuant la production de cytokines par les lymphocytes T lorsque ceux-ci sont stimulés par l’antigène. Ce mode d’action se fait par l’inhibition de la calcineurine. L’efficacité clinique de ces deux produits a été démontrée par de nombreuses études aux États-Unis et en Europe. Elle a été démontrée à court terme dans des comparaisons contre placebo ou contre corticoïdes de niveau 2 ou 3. Des études à plus long terme (6 mois à un an) ont permis de confirmer cette efficacité. Ces nouveaux traitements ont une bonne tolérance à court terme, elle n’est évidemment pas encore connue à très long terme comme pour tout nouveau traitement. Il existe cependant des études de tolérance après plus de 4 ans d’utilisation. Les effets secondaires le plus souvent rapportés sont des effets secondaires locaux au début du traitement à type d’érythème, de sensation de brûlure et de prurit. Il n’y a pas eu d’augmentation significative du nombre des infections bactériennes et des infections virales par rapport au groupe contrôle. Un doute persiste pour les infections virales d’origine herpétique notamment la maladie de Kaposi-Juliusberg, sans qu’il y ait eu de différence significative par rapport au groupe traité par le placebo. Il n’y a pas eu de retentissement systémique pour ces deux produits ni d’inhibition de l’effet des vaccinations pratiquées chez le nourrisson ou chez l’enfant. Deux précautions doivent être prises : ne pas utiliser le produit en cas d’antécédent de maladie de Kaposi-Juliusberg et prévenir d’éviter tout contact avec un patient porteur d’herpès, des précautions de photoprotection doivent être suivies telles qu’elles sont mentionnées sur la notice d’utilisation du tacrolimus.

Service de Dermatologie, Hôpital Necker, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris. Correspondance : [email protected]

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Summary The use of topical immunosuppressors during treatment of atopic dermatitis is an important innovation that reinforces the therapeutic arsenal in this chronic disease in children. Two products have been studied in depth: tacrolimus, which exists in pomade form at a concentration of 0.1 and 0.03% under the trademark Protopic®. It is the 0.03% concentration that has been studied in children and obtained official indication in children aged over 2. Pimecrolimus marketed under the trademark Elidel® in the form of a 1% cream has also been studied in depth and obtained European marketing authorisation for prescription in children aged over 2. Unfortunately it is not yet available in France, although it is marketed in nearly all countries worldwide. These products decrease the production of cytokines by the T-cell lymphocytes when stimulated by the antigen. This effect is produced by the inhibition of calcineurine. The clinical efficacy of these two products has been demonstrated in many studies in the United States and in Europe. Short term efficacy has been demonstrated in comparisons versus a placebo or versus grade 2 or 3 corticosteroids. Longer term studies (6 months to one year) have confirmed the efficacy. Short-term tolerance to these new treatments has been shown, although, as with any new product, the long-term results are unknown. Nevertheless, tolerance studies after more than 4 years’ use exist. The side effects most often reported are local, erythema-like at the start of treatment with burning and pruritus. There has been no significant increase in the number of bacterial and viral infections compared with control groups. Doubt remains regarding viral infections of herpetic origin, notably Kaposi-Juliusberg’s disease, although no significant difference has been observed compared with the placebo-treated. No systemic impact has been reported with these two products or inhibition of the effect of vaccinations made in infants or children. However, care should be taken: not to use the products in patients with a history of KaposiJuliusberg’s disease and any contact with a patient exhibiting herpes should be avoided; the photoprotection measures should be respected as instructed in the patient insert for the use of tacrolimus.

The place of topical immunosuppressors in the treatment of atopic dermatitis in children Y. DE PROST Ann Dermatol Venereol 2005;132:1S68-72

Place des immunosuppresseurs topiques dans le traitement de la DA de l’enfant

arrivée récente des immunosuppresseurs topiques au cours du traitement de la dermatite atopique (DA) de l’enfant fait partie des innovations importantes dans la prise en charge de cette affection chronique de plus en plus fréquente dans les pays occidentaux. Les premières utilisations de thérapies immunosuppressives au cours de la DA ont été par voie systémique surtout dans les formes sévères de l’adulte. Il est à retenir que dans les formes très sévères, c’est encore la cyclosporine qui reste le traitement le plus utilisé [1]. Les effets secondaires importants des immunosuppresseurs par voie systémique, à court et à moyen terme (néphropathie, hypertension artérielle, infections diverses...) ou à long terme (survenue de lymphomes) ont incité à utiliser les immunosuppresseurs par voie locale. Le mécanisme d’action de ces immunosuppresseurs sur la DA a été rendu logique par la découverte récente du rôle des récepteurs à IgE sur les cellules dendritiques, du rôle des lymphocytes T et des cytokines et enfin, plus récemment, du rôle des mastocytes. Tout ceci a été développé précédemment. L’utilisation locale des immunosuppresseurs remonte maintenant à une vingtaine d’années. Plusieurs équipes dont la nôtre et celle de Aldridge étudiaient l’effet de la cyclosporine en topique (pommade, gel ou crème) au cours de la DA. Notre étude unilatérale droite-gauche randomisée contre placebo portait sur 20 patients avec un gel de cyclosporine à 10 p. 100 utilisé deux fois/jour [2]. Les résultats à J14 ont montré un score moyen plus bas du côté traité et une efficacité modérée indiscutable nettement inférieure à celle des dermocorticoïdes. Cette très faible efficacité de la cyclosporine par voie locale est vraisemblablement expliquée par une mauvaise pénétration du produit qui est peut être dégradé lors de son passage. Des auteurs ont récemment démontré que l’on pouvait augmenter l’efficacité in vivo chez la souris de la cyclosporine par conjugaison avec un oligomère d’arginine. Les immunosuppresseurs les plus récents sont des dérivées de macrolides qui agissent également en inhibant la calcineurine. Deux sont chefs de file et ont été étudiés maintenant depuis plusieurs années : le tacrolimus commercialisé par le laboratoire Fujisawa sous le nom de Protopic® et le pimecrolimus commercialisé par le laboratoire Novartis sous le nom de Elidel®.

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Mécanismes d’action de ces produits On peut résumer leur mode d’action : la production de cytokines dans le lymphocyte T après contact avec l’information antigénique est expliqué de la manière suivante : l’antigène, lorsqu’il se lie aux récepteurs du lymphocyte T, va l’activer entraînant un flux de libération de calcium dans le cytoplasme du lymphocyte. Ce calcium se lie à la calmoduline qui active la calcineurine (phosphatase). La calcineurine a pour rôle de désphophoryler le facteur nucléaire (NF-AT) et lui permettre de pénétrer le noyau pour promouvoir la synthèse d’IL2, d’IL3, IL4 de TNF... Ces inhibiteurs bloquent donc la calcineurine l’empêchant de déphosphoryler le facteur nucléaire [3].

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Le tacrolimus ou Protopic® Son nom provient d’une montagne japonaise (Tsukuba pour le T, Acrol, car il s’agit d’un macrolide et Imus un immunosuppresseur). Il agit comme inhibiteur de la calcineurine et inhibe donc la production de nombreuses cytokines. Il bloque également l’activation et la prolifération des cellules T. Le tacrolimus a également une action sur les cellules de Langherans, sur les éosinophiles et sur les mastocytes. Il a été démontré par deux équipes que le tacrolimus avait une action antistaphylococcique localement. La densité de la colonisation par des staphylocoques dorés qui est toujours augmentée au cours de la DA diminue après traitement par tacrolimus à partir du 7e jour de traitement [4, 5]. Cette action est vraisemblablement liée à l’amélioration des lésions de DA induite par le tacrolimus. Elle peut être comparée à l’action des corticoïdes locaux sur les colonisations bactériennes au cours de l’atopie. Il a été également démontré que le tacrolimus n’inhibait pas la synthèse de collagène et n’avait pas d’effet atrophogène [6]. L’efficacité clinique du tacrolimus a été démontrée par de nombreuses études aux France et en Europe qui regroupent plus de 13 000 patients dont 3 000 enfants. Cette efficacité a été démontrée à court terme dans des études de 6 semaines dans des comparaisons contre placebo ou contre corticoïdes de niveau II [7]. Le produit a également été utilisé en long terme (6 mois et un an) chez l’adulte comme chez l’enfant à partir de l’âge de deux ans. L’efficacité du tacrolimus chez l’enfant comparé aux excipients dans des études parallèles en double aveugle a été prouvée par de nombreuses études. Une des plus importantes est une étude américaine sur 23 centres dirigés par A. Paller [8]. La série a été randomisée en traitement par le véhicule (N = 116), en traitement par de la pommade 0,03 p. 100 (N = 117) et 0,1 p. 100 (N = 118). La moyenne d’âge des enfants dans chaque groupe était d’environ 5 ans. Une amélioration sur le score global d’au moins 75 p. 100 a été obtenue chez 55,6 p. 100 des enfants traités par 0,03 p. 100, chez 56,8 p. 100 des enfants traités par 0,1 p. 100 et chez 17,9 p. 100 des patients traités par excipient. Si l’on prend une amélioration de 50 p. 100 sur ces mêmes critères, on observe cette amélioration chez 72,6 p. 100 des patients traités par tacrolimus contre 26,7 p. 100 des patients traités par excipients. Le score utilisé dans ces études était le EASI (Eczema Area and Severity Index). Ce score diminue rapidement après le début du traitement. En 4 jours, il y a une réduction moyenne de 10 points et de 14 points après 12 semaines de traitement. L’efficacité du tacrolimus a été également comparée à la corticothérapie locale chez l’enfant dans une étude comportant 27 centres européens et canadiens chez 560 enfants âgés de 2 à 15 ans. Les corticoïdes choisis étaient de l’acétate d’hydrocortisone à 1 p. 100 avec 3 bras randomisés à 0,03 p. 100 de tacrolimus, 0,1 p. 100 de tacrolimus et de l’hydrocortisone. Le produit a été appliqué deux fois/jour pendant trois semaines. Le critère majeur principal d’efficacité était le EASI et cette étude montre une efficacité significativement supérieure du tacrolimus à 0,03 p. 100 et à 0,1 p. 100 par rapport à l’hydrocortisone après trois semaines de 1S69

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traitement [9]. S. Kang a publié une étude multicentrique américaine de longue durée du tacrolimus chez 255 enfants traités deux fois/jour pendant un an [10]. Les moyennes en jour de traitement sur les lésions étaient de 279 jours. Cette étude a démontré que l’efficacité était présente dés le début et était rapidement constante pendant l’année de traitement. La tolérance au long cours a été jugée très bonne par ces auteurs. TOLÉRANCE ET SÉCURITÉ DU TACROLIMUS CHEZ L’ENFANT L’effet secondaire le plus souvent rencontré au cours de toutes les études est l’apparition rapide dans les 3 à 4 premiers jours de traitement d’une sensation désagréable de brûlures et d’irritation sur les zones d’application. Cet effet secondaire est en général modéré et ne dure que les quelques premiers jours du traitement. Il semble que la guérison rapide des lésions soit en relation avec la disparition de cet effet secondaire. Le risque de survenue d’infection au cours du traitement par le tacrolimus, notamment au long cours, a été particulièrement bien étudié du fait des propriétés immunosuppressives du tacrolimus et du potentiel plus important de risques infectieux au cours de la DA. L’ensemble des études ne permet pas de montrer une augmentation des infections bactériennes cutanées dans les études comparant le tacrolimus au placebo ou aux corticoïdes. Ceci est valable pour les infections virales qui ont la même fréquence dans le groupe de comparaison et le tacrolimus, sauf pour l’herpès et la maladie de Kaposi-Juliusberg qui restent encore un point d’interrogation, car il y a eu quelques cas décrits, notamment au Japon, mais l’augmentation de fréquence de cette maladie virale grave n’a pas été confirmée par toutes les études. Quelques cas ont également été décrits chez l’adulte par Lübbe avec l’utilisation de tacrolimus au cours de la DA [11]. La tolérance biologique du produit a toujours été parfaite. Le dernier problème concernant la sécurité du produit est celui d’une éventuelle cancérogenèse, car il s’agit d’un produit avec des propriétés immunosuppressives. La photocarcinogénécité a été étudiée in vitro. Elle est négative dans la majorité des tests, sauf un test chez la souris albinos soumise à des doses d’irradiation croissante où on mesure le délai d’apparition de cancers induits par rapport à un témoin. Ce test aurait montré l’augmentation d’apparition de cancers cutanés avec le tacrolimus et avec son excipient. C’est ce test qui a déclenché les recommandations de photoprotection lorsque le tacrolimus est utilisé en période solaire. Les études de surveillance au long cours qui sont maintenant de plus de 4 ans d’utilisation n’ont montré aucune manifestation photo-induite ou carcinologique. Le passage systémique de la pommade au tacrolimus est très faible et les taux sanguins sont restés toujours dans les limites raisonnables très basses [12].

Le pimecrolimus ou Elidel® C’est le deuxième traitement immunomodulateur mis récemment sur le marché par les laboratoires Novartis. Il est auto1S70

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risé dans pratiquement tous les pays, mais n’a pas encore été définitivement autorisé en France. C’est également un inhibiteur de la calcineurine, son action est donc très proche de celle du tacrolimus, il aurait cependant in vitro une action plus antiinflammatoire et moins immunosuppressive que ce dernier [13]. Le pimecrolimus n’agit pas sur les cellules de Langerhans. Il n’est pas retrouvé au niveau des ganglions. Comme son concurrent, il a fait l’objet de très nombreuses études aux France et en Europe, études qui sont soit à court terme d’une durée de 6 semaines le plus souvent contre placebo, ou à long terme le plus souvent d’un an sur la prévention et la diminution du nombre des poussées. Chez l’enfant, les essais à court terme ont été réalisés chez les enfants plus jeunes que dans les séries précédentes, puisqu’il s’agissait d’enfants à partir de l’âge de 3 mois. D’autres études ont eu lieu également chez l’enfant plus âgé et l’adolescent [14]. Plusieurs études sur l’efficacité du pimecrolimus au cours de la DA sont sur 6 semaines, elles sont européennes et américaines. L’étude américaine publiée par Ho a été effectuée avec de la crème à 1 p. 100 comparée aux véhicules en application deux fois/jour sur une durée de 6 semaines chez 186 enfants âgés de 3 à 23 mois porteurs d’une DA d’intensité modérée à moyenne [15]. Son efficacité principale était le IGA (score global retenu par l’investigateur), le critère secondaire étant le EASI. À la fin des 6 semaines de traitement, 54,5 p. 100 dans le groupe pimecrolimus et 23,8 p. 100 dans le groupe véhicule étaient guéris ou nettement améliorés. Les résultats sont rapidement significatifs, notamment sur le prurit qui diminue très nettement dans les premiers jours du traitement. Dans les études à long terme, il y a eu deux grandes études, l’une chez les nourrissons de 3 à 23 mois et une chez les enfants de 2 à 17 ans [16, 17]. Le but de ces deux études à long terme était de montrer une diminution des poussées de DA lorsque l’on administre de la crème pimecrolimus deux fois/jour dès les premiers symptômes d’aggravation de la DA. L’étude a été menée contre un placebo. En cas d’aggravation des poussées, les patients étaient mis systématiquement sous corticothérapie locale. L’efficacité a été jugée sur le nombre des poussées et sur la consommation de corticoïdes utilisés en cas de poussées résistantes au pimecrolimus ou à l’excipient. Ces études ont permis de montrer sur une série de 713 enfants et une série de 850 nourrissons une différence significative dans le groupe pimecrolimus avec une diminution nette des poussées par rapport au groupe traité par excipient et une diminution de la consommation de corticothérapie locale. TOLÉRANCE ET SÉCURITÉ DU PIMECROLIMUS Comme pour le tacrolimus, les effets secondaires le plus souvent rapportés sont des effets secondaires locaux au début du traitement à type d’érythème, de sensation de brûlure et de prurit chez l’enfant comme chez l’adulte. Il n’y a pas eu d’augmentation significative du nombre des infections bactériennes et des infections virales par rapport au groupe contrôle. Une discussion reste comme pour l’autre produit par rapport aux infections virales d’origine herpétique et notamment aux maladies de Kaposi-Juliusberg et, là encore, il n’y a pas eu de

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réelle différence par rapport au groupe traité par placebo. Il n’y a jamais eu avec un recul de plus de trois ans dans les études au plus long terme d’autres effets secondaires, notamment cancérologiques. Il a été montré par plusieurs études pharmacocinétique chez l’enfant comme chez l’adulte que le taux de pimecrolimus dans le sang était extrêmement faible au cours de toutes ces études [18]. Il n’y a pas de retentissement systémique, le pimecrolimus n’inhibe pas l’effet des vaccinations pratiquées chez le nourrisson ou chez l’enfant, les vaccinations contre la rubéole, la diphtérie, les oreillons et le tétanos ont été étudiées.

Avantages des inhibiteurs de la calcineurine par rapport aux dermocorticoïdes Ces traitements locaux ont montré une efficacité au moins égale, si ce n’est supérieure aux dermocorticoïdes suivant leur niveau d’intensité. Un des éléments majeurs est l’absence d’atrophie et d’effets secondaires locaux rencontrés par rapport aux dermocorticoïdes. Ceci permet donc une utilisation de ces produits sur des localisations particulières comme le visage, les paupières, les fesses et les grands plis, zones où les dermocorticoïdes entraînent en particulier au long cours des effets secondaires à type d’atrophie, de télangiectasie, de troubles de la pigmentation et des phanères et de vergetures chez l’adolescente. Ces produits permettent en outre une alternative thérapeutique aux dermocorticoïdes, notamment en cas d’échec du traitement de ceux-ci. Leur rôle sur la prévention des poussées devrait être intéressant du fait de l’absence d’effets secondaires de ces produits.

Inconvénients des inhibiteurs de la calcineurine par rapport aux corticoïdes Ces nouveaux traitements ont une bonne tolérance à court terme, mais celle-ci n’est pas connue à très long terme comme pour tout nouveau traitement. Nous disposons cependant d’études de surveillance de plus de 4 ans d’utilisation. Ces produits ont des propriétés immunosuppressives et on doit toujours être réservé sur les applications très chroniques en association avec d’autres facteurs de risque pour la survenue éventuelle de carcinome. La surveillance pendant 4 ans est encore insuffisante pour ce dernier point. Il reste un doute également, cependant modéré lorsque l’on compare les patients traités par le produit actif par rapport au groupe placebo quant à la survenue des infections herpétiques ou des maladies de Kaposi-Juliusberg. Enfin, il existe une irritation et un prurit en début de traitement, ces effets secondaires locaux sont passagers, ne durent en général pas plus de 3-4 jours. Les études plus récentes ont montré que ces deux produits entraînaient une augmentation nette de la qualité de vie chez les patients traités. Il reste évidemment le problème du prix qui est nettement plus élevé que celui des anciens dermocorticoïdes. Ce dernier inconvénient financier doit

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cependant être relativisé par l’augmentation de la qualité de vie des atopiques induite par ces nouveaux traitements.

Conclusion et réponses précises aux questions posées au cours de cette conférence de consensus Il y avait quatre questions, les réponses seront rapides, car elles sont développées plus haut. LESQUELS ? Deux produits sont actuellement commercialisés : le tacrolimus qui existe sous la forme de pommades à 0,1 p. 100 et 0,03 p. 100 commercialisées par les laboratoires Fujisawa sous le nom de Protopic®. C’est la concentration à 0,03 p. 100 qui au eu l’AMM chez l’enfant à partir de deux ans. Le pimecrolimus commercialisé sous le nom d’Elidel® sous forme de crème à 1 p. 100 devrait bientôt être commercialisé par les laboratoires Novartis avec une utilisation chez l’enfant à partir de l’âge de deux ans. COMMENT ? Ces produits agissent en inhibant la production de cytokines par les lymphocytes T lorsqu’ils ont été stimulés par l’antigène, cette action se fait par l’inhibition de la calcineurine. QUELS INCONVÉNIENTS ? L’inconvénient le plus fréquent est parfaitement établi, ce sont des effets secondaires en début de traitement par les deux produits à type de sensation de brûlures, de picotements et de prurit. Cette sensation est très passagère et généralement s’arrête en 2 à 4 jours. Le risque infectieux reste encore débattu pour le risque d’herpès et de maladie de Kaposi-Juliusberg. Il ne semble pas exister sur le plan des infections bactériennes et des autres infections virales. Le risque de carcinogenèse cutanée reste hypothétique, mais il ne pourra être levé tant qu’il n’y aura pas un recul d’utilisation de ces produits au très long court. Il apparaît plus prudent de ne pas multiplier les facteurs de risque et de limiter leur utilisation de façon chronique et lors d’expositions solaires. Le dernier inconvénient est celui du prix comparé aux corticoïdes, mais des études en cours ou récemment publiées montrent une amélioration nette de la qualité de vie des patients atteints de DA qui devrait compenser ce dernier inconvénient. QUELLES PRÉCAUTIONS ? Deux précautions essentielles résultent de la question précédente. Il apparaît logique de contre-indiquer ce produit en cas d’antécédents d’herpès et encore plus dans le cadre d’antécédents de maladie de Kaposi-Juliusberg. Il faut prévenir les patients de cette complication et renforcer la règle d’éviter tout contact avec un patient porteur d’un herpès. Les précautions de photoprotection doivent être mentionnées clairement sur la notice d’utilisation. 1S71

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Ces produits ont donc montré une efficacité très intéressante au cours du traitement de la DA de l’enfant avec une tolérance bonne. Il nous manque cependant des études pour mieux définir l’utilisation de cette nouvelle famille thérapeutique. Nous avons besoin d’études montrant le rythme optimal d’utilisation (une ou deux fois/jour) ; comment fautil les arrêter, soit comme des corticoïdes, soit plus brutalement. Vraisemblablement dans les années qui viennent, vont apparaître d’autres produits immunosuppresseurs locaux et peut être d’autres produits immunosuppresseurs par voie orale qui n’auront pas les effets secondaires des immunosuppresseurs actuels.

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