Prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire non conventionnels chez les sujets diabétiques tunisiens

Prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire non conventionnels chez les sujets diabétiques tunisiens

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Article original

Presse Med. 2014; 43: e9–e16 ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire non conventionnels chez les sujets diabétiques tunisiens Habib Ben Ahmed1, Kahena Bouzid2, Meriam Hassine3, Olfa Saadi4, Afef Bahlous2, Jaouida Abdelmoula2, Hedi Baccar1, Faika Ben Mami Ben Miled3

1. 2. 3. 4.

Hôpital Hôpital Institut Institut

Charles-Nicolle, service de cardiologie, Tunis, Tunisie Charles-Nicolle, laboratoire de biochimie clinique, Tunis, Tunisie National de nutrition, Tunis, Tunisie Salah Azaiz, service de radiologie, Tunis, Tunisie

Correspondance : Habib Ben Ahmed, Faculté de médecine de Tunis, hôpital Charles-Nicolle, service de cardiologie, boulevard 9-Avril, Tunis Bab Saâdoun, Tunisie. [email protected]

Summary Prevalence of non-conventional cardiovascular risk factors in Tunisian diabetics Background > The cardiovascular risk appears very early in the history of diabetes mellitus and is related not only to hyperglycemia but mainly to the other risk factors associated to diabetes mellitus. Objective > To evaluate the prevalence of non-conventional cardiovascular risk factors in a Tunisian diabetic population. Patients and methods > The prospective study enrolled 120 type 2 diabetic patients recently diagnosed and 60 healthy people, sex and age matched. All have benefited from blood sampling in order to analyze biological parameters routinely undertaken in diabetes. Non-conventional cardiovascular risk factors were also determined such as: microalbuminuria of 24 hours, high sensitivity C-reactive protein (hs CRP), homocysteinemia, vitamin B12, folate and insulinemia. The participants have also benefited from abdominal echography to search nonalcoholic hepatic steatosis. Results > Diabetics were aged 51.4  8.9 years in comparison with healthy people (50.1  6.39 years). A positive

tome 43 > n81 > janvier 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.019

Résumé Introduction > Le risque cardiovasculaire apparaît très tôt dans l’histoire du diabète, il est lié à l’hyperglycémie mais surtout aux autres facteurs de risque fréquemment associés. Objectif > Évaluation de la prévalence des facteurs et des marqueurs de risque cardiovasculaire non conventionnels dans une population de diabétiques tunisiens. Méthodes > Nous avons inclus dans une étude prospective des patients diabétiques de type 2 récemment diagnostiqués et des témoins non diabétiques appariés selon l’âge et le sexe. Parallèlement au bilan biologique classique, une analyse des facteurs de risque cardiovasculaires non traditionnels a été réalisée : microalbuminurie des 24 heures, C réactive protéine ultrasensible (CRPus), homocystéine, vitamine B12, folates et insulinémie. Tous les participants ont bénéficié de plus d’une échographie abdominale à la recherche d’une stéatose hépatique. Résultats > L’âge moyen des 120 patients diabétiques (51,4  8,9 ans) était comparable à celui des 60 témoins (50,1  6,39 ans). Une microalbuminurie était retrouvée chez 27,5 % des diabétiques et 6,9 % des témoins (OR = 5,1 ; p = 0,001). Les deux tiers des diabétiques avaient un syndrome

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Disponible sur internet le : 11 décembre 2013

H Ben Ahmed, K Bouzid, M Hassine, O Saadi, A Bahlous, J Abdelmoula et al.

microalbuminuria was observed in 27.5% of diabetics versus 6.9% in healthy people (OR = 5.1; P = 0.001). The two third of diabetics had metabolic syndrome versus 25% of healthy people (OR = 6.0; P < 0.001) and insulinoresistance evaluated by HOMA-IR, was 3.4  0.2 in diabetics versus 2  0.1 in healthy people; P < 0.001. HsCRP level was significantly higher in diabetics in comparison with healthy people (3.7  0.2 mg/ L versus 1.9  0.3 mg/L; P < 0.001) and hyperhomocysteinemia was more frequently found in diabetics. Also, we noted that 69.6% of patients had hepatic steatosis versus only 24.6% of healthy people (OR = 7.1; P < 0.001). Conclusion > The non-conventional cardiovascular risk factors were more frequently found in early diagnosed type 2 diabetic patients than in healthy people. These non-conventional factors could be helpful in stratification of the cardiovascular risk level and also in the screening of ischemic heart diseases.

métabolique contre un quart des témoins (OR = 6,0 ; p < 0,001), et l’insulinorésistance, évaluée par le HOMA-IR, était de 3,4  0,2 chez les diabétiques contre 2,0  0,1 chez les témoins (p < 0,001). Le taux moyen de la CRPus était significativement plus élevé chez les diabétiques comparés aux non diabétiques (3,7  0,2 mg/L vs 1,9  0,3 mg/L ; p < 0,001). Une hyperhomocystéinémie était plus fréquemment observée chez les diabétiques et 69,6 % d’entre eux étaient atteints de stéatose hépatique contre 24,6 % du groupe témoin (OR = 7,1 ; p < 0,001). Conclusion > Les facteurs de risque cardiovasculaire non traditionnels étaient plus fréquemment observés chez les sujets ayant un diabète de type 2 de découverte récente que dans la population témoin. Ces facteurs non conventionnels peuvent être utiles pour la stratification du niveau du risque et pour guider la stratégie de dépistage des cardiopathies ischémiques.

S

Méthodes

elon les dernières estimations épidémiologiques, le nombre de diabétiques dans le monde devrait dépasser 300 millions en 2025, soit une prévalence de 6,3 % de la population mondiale [1]. Le diabète est responsable d’une morbi-mortalité cardiovasculaire. Le risque cardiovasculaire apparaît très tôt dans l’histoire du diabète, il est lié à l’hyperglycémie mais surtout aux autres facteurs de risque. Une plus grande fréquence de facteurs de risque dits non traditionnels, tels que le syndrome métabolique, l’insulinorésistance et l’hyperhomocystéinémie pourrait rendre compte de cet excès de risque. Nous avons évalué prospectivement la prévalence de ces facteurs de risque chez des diabétiques tunisiens.

Ce qui e´tait connu 

Le diabète est responsable d’une morbi-mortalité cardiovasculaire.



Le risque cardiovasculaire est lié à l’hyperglycémie et aux autres facteurs de risque fréquemment associés au diabète.

Ce qu’apporte l’e´tude 

Bien que l’étude ait porté sur des patients dont le diabète était de découverte récente (< 5 ans), la prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire non conventionnels était élevée (60 % avaient une CRPus augmentée et 69,6 % une stéatose hépatique).



La prise en charge optimale du diabétique repose sur une évaluation

e10

du risque cardiovasculaire global dès la découverte de la maladie.

Il s’agissait d’une étude transversale cas-témoin incluant 120 patients ayant un diabète de type 2 de découverte récente et 60 témoins non diabétiques appariés selon l’âge et le sexe.

Population Le recrutement des patients a été effectué dans les consultations externes de l’Institut National de Nutrition de Tunis, sur une période de 6 mois (janvier à juillet 2011). Le groupe témoin était recruté parmi le personnel médical et paramédical de l’Institut de Nutrition et de l’hôpital Charles-Nicolle de Tunis. Ont été inclus tous les patients âgés de plus de 30 ans avec un diabète évoluant depuis moins de 5 ans et traité par antidiabétiques oraux et/ou régime antidiabétique seul. Nous avons exclu les patients ayant une insuffisance coronaire, ceux atteints d’une maladie inflammatoire chronique, ou ayant une pathologie susceptible de modifier le bilan lipidique ainsi que les sujets alcooliques. Tous les participants ont donné leur consentement éclairé pour participer à l’étude.

Paramètres mesurés Patients et témoins ont eu un examen clinique complet avec détermination des paramètres anthropométriques suivants : indice de masse corporelle (IMC), mesure du tour de taille (TT) et du pourcentage de masse grasse (MG) et de masse maigre (MM) par impédancemétrie. Un bilan biologique conventionnel (glycémique, lipidique et rénal) et une analyse des facteurs de risque cardiovasculaire non traditionnels ont été réalisés comportant un dosage de la microalbuminurie des 24 heures, de la C réactive protéine ultrasensible (CRPus) avec une valeur seuil pathologique de 3 mg/L, de l’homocystéine, de la vitamine B12 et des folates par méthode immunologique microparticulaire par chimioluminescence et un dosage de l’insulinémie par tome 43 > n81 > janvier 2014

chimioluminescence. L’index Homeostasis Model Assessment of insulin resistance (HOMA-IR) [2] a été calculé par la formule suivante : insulinémie à jeun (mUI/L)  glycémie à jeun (mmol/L)/22,5. Une valeur supérieure à 2,6 était considérée comme marqueur d’insulinorésistance. Une échographie abdominale a été faite à jeun et la stéatose hépatique diagnostiquée devant un aspect hyperéchogène du foie par rapport au cortex rénal. La stéatose hépatique non alcoolique était définie par un excès de lipides dans les hépatocytes supérieur à 5 % du poids du foie, constitué essentiellement de triglycérides.

quantitatives. L’étude comparative, sur séries indépendantes, a été effectuée à l’aide du test de Student pour les variables quantitatives et le test de Chi2 pour les variables qualitatives, en cas de non-validité de ce test on a utilisé le test exact bilatéral de Fisher. Un ajustement des facteurs de risque non conventionnels sur l’obésité par la méthode de Mantel et Haenszel a été fait avec calcul des odds ratios ajustés. Le seuil de signification a été fixé à 0,05.

Analyse statistique

L’âge moyen des 120 diabétiques (51,4  8,9 ans) était comparable à celui des 60 témoins (50,1  6,4 ans). Une hypertension artérielle (PA > 140/90 mmHg) était observée chez 45 % des diabétiques vs 22 % des témoins (p = 0,002) ; le tabagisme était moins fréquent chez les sujets diabétiques

Les données ont été saisies et analysées par le logiciel SPSS version 15. Nous avons calculé des fréquences simples et des fréquences relatives (pourcentages) pour les variables qualitatives, des moyennes et des écarts-types pour les variables

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Prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire non conventionnels chez les sujets diabétiques tunisiens

Résultats Facteurs de risque classiques

Tableau I Données cliniques et anthropométriques Diabétiques (n = 120)

Témoins (n = 60)

p

51,4 W 8,9 ans

50,1 W 6,4 ans

NS

Hommes n (%)

71 (59)

29 (48)

NS

Femmes n (%)

49 (41)

31 (52)

NS

Ménopause

66 %

43 %

NS

Tabagisme

28 %

35 %

NS

HTA

45 %

22 %

p = 0,002

Coronaropathie familiale

32 %

30 %

NS

Activité physique régulière

29 %

30 %

NS

PAS moyenne (mmHg)

132 W 18

118,9 W 12,9

< 10S4

PAD moyenne (mmHg)

82,7 W 8,3

78,1 W 7,1

< 10S4

30,3 W 5,3 kg/m 2

27,7 W 4,6 kg/m 2

p = 0,002

52,4 %

28,3 %

p = 0,001

Hommes

102 W 10,9

93,1 W 8,43

< 10S4

Femmes

100 W 11,98

94,2 W 12,2

0,04

84 %

70 %

0,02

Âge moyen

IMC moyen IMC  30 kg/m

2

Tour de taille moyen

Obésité androïde Masse maigre Hommes

29,25 W 4,5

30,9 W 3,7

NS

Femmes

23,2 W 2

24,06 W 3,4

NS

Hommes

30,4 W 7,2

25,4 W 5,6

< 10S4

Femmes

43,5 W 7,7

41,2 W 9,3

NS

Masse grasse

tome 43 > n81 > janvier 2014

e11

IMC : indice de masse corporelle ; PAS : pression artérielle systolique ; PAD : pression artérielle diastolique ; NS : non significatif ; HTA : hypertension artérielle.

H Ben Ahmed, K Bouzid, M Hassine, O Saadi, A Bahlous, J Abdelmoula et al.

Tableau II Valeurs des paramètres biologiques classiques Diabétiques (n = 120)

Témoins (n = 60)

p OR (IC 95 %)

Glycémie à jeun (mmol/L)

8,6 W 2,9

5,2 W 0,5

< 10S4

HbA1C (%)

8,08 W 1,9

5,6 W 0,33

< 10S4

Cholestérol élevé (%)

50,8

36,4

0,07

Triglycérides élevés (%)

31,7

18,2

0,05 ; 2 (0,9–2,7)

HDL bas (%)

51,3

41,8

NS

LDL élevé (%)

79,8

9,1

< 0,0001 ; 39 (14–110)

Créatinémie (mmol/L)

72,8 W 14,8

66,5 W 9,8

0,005

Clearance créatinine (mL/min)

113 W 32,7

107 W 22,7

NS

OR : odd ratio ; min : minute ; NS : non significatif ; HDL : high density lipoprotein ; LDL : low density lipoprotein.

mais la différence n’était pas significative. L’obésité (IMC  30 kg/m2) était plus souvent constatée chez les diabétiques (52,4 % vs 28,3 % ; p = 0,001), avec une répartition androïde des graisses (tour de taille  94 cm chez l’homme et  80 cm chez la femme) majoritaire dans les deux groupes mais significativement plus fréquente chez les diabétiques (tableau I). Le bilan biologique classique (tableau II) révélait une hypertriglycéridémie chez 31,7 % des diabétiques vs 18,2 % des témoins (p = 0,05) et une hyperLDLémie chez 79,8 % vs 9,1 % (p < 0,0001).

Autres facteurs de risque Un syndrome métabolique était observé chez 66,7 % des diabétiques contre 25,0 % dans le groupe témoin (p < 0,001) (tableau III). En utilisant des valeurs SEM plutôt que des

écarts-types, le HOMA-IR évaluant l’insulinorésistance était de 3,4  0,2 chez les diabétiques contre 2,0  0,1 chez les témoins (p < 0,001) (tableau IV). La microalbuminurie moyenne des 24 h était plus élevée dans le groupe diabète (59,9  14,4 mg/24 h vs 17,8  5,6 mg/24 h, p = 0,09) mais sans différence statistiquement significative. La CRPus était de 3,7  0,2 mg/L chez les diabétiques contre 1,9  0,3 mg/L chez les témoins (p < 0,001). Les concentrations moyennes de vitamine B12 et de folates étaient comparables dans les deux groupes, en revanche une hyperhomocystéinémie était plus fréquemment observée chez les diabétiques (25,3 % vs 12,3 % ; p = 0,05) (tableau III). Enfin, 69,6 % des patients diabétiques avaient une stéatose hépatique non alcoolique qui n’était constatée que pour 24,6 % des témoins (p < 0,001).

Tableau III Facteurs de risque cardiovasculaire non traditionnels : odds ratios bruts et ajustés sur l’obésité Facteur

Diabétiques (n = 120)

Témoins (n = 60)

OR bruts (IC à 95 %)

p

OR ajustés sur l’obésité (IC à 95 %)

p

60 %

16,1 %

7,8 (3,5–17,5)

< 0,001

6,7 (3,0–15,3)

< 0,001

Syndrome métabolique

66,7 %

25,0 %

6,0 (3,0–12,0)

< 0,001

5,2 (2,4–11,3)

< 0,001

Stéatose hépatique

69,6 %

24,6 %

7,1 (3,5–14,6)

< 0,001

5,8 (2,7–12,2)

< 0,001

Microalbuminurie ( 30 mg/24 h)

27,5 %

6,9 %

5,1 (1,7–15,3)

0,001

5,2 (1,7–16,0)

0,004

Hyperhomocystéinémie

25,3 %

12,3 %

2,4 (1,0–6,0)

0,05

2,3 (0,9–5,5)

0,07

Déficit en vitamine B12

10,3 %

3,5 %

3,2 (0,7–15,3)

0,13

3,4 (0,7–15,5)

0,12

Déficit en folates

35,3 %

0%

Indéfini

< 0,001

Indéfini



CRPus  3 mg/L

e12

OR : odd ratio ; CRPus : C réactive protéine ultrasensible.

tome 43 > n81 > janvier 2014

Tableau IV Facteurs de risque cardiovasculaire non traditionnels : moyennes W SEM Taux moyen

Diabétiques (n = 120)

Témoins (n = 60)

p

3,7 W 0,2

1,9 W 0,3

< 0,001

59,9 W 14,4

17,8 W 5,6

0,09

Insulinémie (mUI/mL)

9,0 W 0,4

8,8 W 0,5

0,80

Homocystéinémie (mmol/L)

12,6 W 0,5

11,3 W 0,4

0,07

HOMA-IR

3,4 W 0,2

2,0 W 0,1

< 0,001

398,5 W 22,0

381,7 W 15,5

0,58

10,0 W 1,0

12,2 W 0,3

0,10

CRPus (mg/L) Microalbuminurie (mg/24 h)

Vitamine B12 (pg/mL) Folates (ng/mL)

CRPus : C réactive protéine ultrasensible ; HOMA-IR : Homeostasis Model Assessment of insulin resistance.

La prévalence des facteurs et des marqueurs de risque cardiovasculaire non traditionnels chez les patients ayant un diabète découvert récemment était significativement plus élevée par rapport à une population témoin du même âge (figure 1). L’ajustement de ces facteurs de risque sur l’obésité souligne la part propre du diabète et sa relation avec les différents facteurs (tableau III).

Discussion Microalbuminurie La microalbuminurie est reconnue actuellement comme le reflet d’une atteinte généralisée de l’endothélium vasculaire

et constitue un marqueur de risque cardiovasculaire et rénal [3]. Elle est souvent associée à un mauvais contrôle du diabète et de l’hypertension artérielle, au tabagisme et à l’obésité [4]. Dans notre série, une microalbuminurie ( 30 mg/24 h) était plus fréquemment observée chez les diabétiques, mais la différence n’était pas statistiquement significative. Guerrero-Romero et Rodríguez-Morán ont observé une microalbuminurie moyenne de 95 mg/24 h chez des diabétiques type 2 de découverte récente, contre 16 mg/24 h chez les non diabétiques [5]. Dans l’étude de Lim et al., 29,6 % des diabétiques de type 2 de découverte récente avaient une microalbuminurie et 7,7 % une macroprotéinurie [6]. Yajnik et al. ont montré que le niveau de la microalbuminurie augmentait avec la sévérité des troubles de la tolérance au glucose [7]. Sa prévalence était de 8 % chez les non diabétiques, de 19 % chez les intolérants au glucose et de 23 % chez les diabétiques de type 2 de découverte récente. La microalbuminurie était associée à l’obésité et à l’hyperglycémie dans le groupe des diabétiques. Dans l’enquête DANA, menée sur un large échantillon de sujets diabétiques, la microalbuminurie était associée aux différents éléments du syndrome métabolique [8].

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Syndrome métabolique, insulinémie et index HOMAIR Le syndrome métabolique se situe aux frontières et aux origines du diabète de type 2 et il est responsable d’une athérosclérose sévère et précoce avec un risque cardiovasculaire élevé [9,10]. Dans notre étude, il était significativement plus fréquent chez les diabétiques comparés aux témoins (66,7 % vs 25,0 %, p < 001). Ce taux rejoint ceux rapportées par des études maghrébines [11], occidentales [9] et asiatiques [12], utilisant la même définition du syndrome métabolique.

Figure 1

tome 43 > n81 > janvier 2014

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Prévalences des facteurs et des marqueurs de risque cardiovasculaire non conventionnels dans les deux populations

H Ben Ahmed, K Bouzid, M Hassine, O Saadi, A Bahlous, J Abdelmoula et al.

Au centre de sa physiopathologie, l’obésité androïde et l’insulinorésistance jouent un rôle majeur [13]. Dans notre série, l’obésité était significativement plus fréquente chez les diabétiques. Il est possible que celle-ci ait pu interférer avec la distribution des facteurs de risque non traditionnels entre les deux groupes. L’imputabilité de l’obésité a été écartée après un ajustement des facteurs de risque non conventionnels sur ce critère ce qui a fait ressortir l’impact propre du diabète (tableau III). Nous n’avons pas observé de différence significative pour l’insulinémie moyenne entre les diabétiques et les témoins, en revanche un index HOMA-IR pathologique était plus fréquemment constaté chez les diabétiques que chez les non diabétiques (6 7 % vs 30 %). Nos résultats sont en accord avec les données de la littérature. En effet, GuerreroRomero et Rodríguez-Morán ont observé un index HOMA-IR moyen significativement plus élevé chez les diabétiques de découverte récente que chez les sujets non diabétiques (3,4  0,2 contre 2,0  0,1, p < 0,0001) [5]. D’autres travaux ont observé des prévalences élevées, l’étude Buneck [14] a montre´ que 83,9 % des diabe´tiques e´taient insulinore´sistants, l’e´tude de Costa et al. [15] a mis en e´vidence une pre´valence de 85,0 %. L’insulinore´sistance est un e´le´ment pronostique important ; certaines e´tudes ont montre´ qu’elle e´tait un facteur de risque pre´dictif inde´pendant de la maladie coronaire silencieuse chez le diabe´tique de type 2 [16].

CRP ultrasensible

e14

La CRPus est un marqueur de risque cardiovasculaire [17]. Dans notre travail, le taux moyen de CRPus était significativement plus élevé chez les diabétiques. Une inflammation chronique, attestée par une CRPus  3 mg/L, a été observée chez 60 % des diabétiques contre seulement 16,1 % des témoins. Ces résultats sont similaires à ceux d’autres auteurs [5,18]. Guerrero-Romero et Rodríguez-Morán [5] ont observé des valeurs de CRPus significativement plus élevées tant chez les patients intolérants au glucose, que chez les diabétiques de type 2 nouvellement diagnostiqués, comparés aux sujets non diabétiques. Les mécanismes physiopathologiques expliquant le lien direct entre diabète et élévation de la CRP ne sont pas encore clairement élucidés. L’obésité [3,18] et l’insulinorésistance [19,20] seraient en cause. Cette relation peut être expliquée par la sécrétion, par le tissu adipeux, des cytokines pro-inflammatoires telles que le TNF et l’IL6 contrôlant la synthèse hépatique de la CRP [21]. Noriyuki et al. [22] ont montré que l’élévation de la CRPus chez les diabétiques comparés aux non diabétiques était indépendante de l’âge, du tabagisme, de l’alcoolisme et même des autres composants du syndrome métabolique. Ils ont suggéré que l’hyperglycémie pourrait jouer un rôle essentiel dans l’inflammation, en augmentant la sécrétion des cytokines pro-inflammatoires par le tissu adipeux [17,22].

Homocystéine L’hyperhomocystéinémie est un facteur de risque cardiovasculaire et thromboembolique [23]. Dans notre série, une hyperhomocystéinémie était observée chez 25,3 % des diabétiques. Une prévalence plus élevée (31 %) était constatée dans une étude transversale Belge [24]. Dans ces deux études, la valeur seuil choisie était de 15 mmol/L. Rudy et al. ont observé des concentrations d’homocystéine significativement plus élevées dans le groupe diabétique par rapport au groupe témoin (p = 0,0007), les taux d’homocystéine étaient significativement corrélés à la sévérité de la cardiopathie ischémiques chez les diabétiques (p = 0,009) [25]. L’homocystéinémie pourrait être un marqueur intéressant de coronaropathie dans cette population, à côté des autres facteurs de risque traditionnels. Dans la Hoorn Study, toute augmentation de l’homocystéine de 5 mmol/L, était associée à un risque relatif de développer une maladie cardiovasculaire, de 1,38 chez les non diabétiques, 1,55 chez les intolérants au glucose et de 2,33 chez les diabétiques [26]. Les mécanismes associant l’homocystéine aux maladies cardiovasculaires ne sont pas encore établis. L’homocystéine serait corrélée à l’adiposité centrale et à l’insulinorésistance [27] et serait un modulateur physiopathologique de la dysfonction endothéliale.

Stéatose hépatique non alcoolique La stéatose hépatique est une cause de morbidité et de mortalité, par son évolution vers la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire et par l’augmentation du risque cardiovasculaire auquel elle s’associe [28,29]. Dans notre série, la stéatose hépatique était significativement plus fréquente chez les diabétiques que chez les témoins, avec un risque relatif multiplié par 7. Une étude indienne a montré que la prévalence de la stéatose augmentait significativement avec la sévérité de l’intolérance au glucose [30]. Elle était de 22 % chez les non diabétiques, de 33 % chez les intolérants au glucose et de 55 % chez les diabétiques de type 2 nouvellement diagnostiqués. Dans l’étude de Hongyum et al. [29], conduite auprès de 560 diabétiques de type 2, la prévalence de la maladie coronaire était significativement plus fréquente chez les diabétiques ayant une stéatose hépatique (49,6 % vs 30,2 %, p < 0,001) comparés à ceux sans stéatose. Lautamaki et al. [31] ont montré que la graisse hépatique était un indicateur indépendant de l’insulinorésistance myocardique, et réduisait les capacités fonctionnelles des coronaires, suggérant que la stéatose pourrait être activement impliquée dans la pathogénie de la maladie coronaire chez les diabétiques. Une prévalence plus importante de morbi-mortalité cardiovasculaire chez les diabétiques de type 2 porteurs d’une stéatose a été observée, comparés à des diabétiques sans stéatose, et ceci indépendamment de la durée du diabète et de l’équilibre glycémique tome 43 > n81 > janvier 2014

[32,33]. D’autres études ont montré que la stéatose hépatique était corrélée à la dysfonction endothéliale ainsi qu’à l’augmentation de l’épaisseur intima média carotidienne [34], suggérant qu’elle pourrait être un marqueur précoce de l’athérosclérose.

Limite de l’étude La principale limite est le faible effectif de la population étudiée. Sur le plan méthodologique, le groupe témoin était

formé du personnel médical et paramédical, celui-ci ayant un niveau socioéconomique plus élevé et un accès aux soins plus facile que le groupe des diabétiques, ce qui peut constituer un biais de sélection. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Remerciements : nous tenons à remercier le Pr Béchir Zouari pour son aide précieuse lors de l’exploitation statistique des résultats.

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Références

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