Principes de prise en charge de l’hyperglycémie au cours de la nutrition artificielle

Principes de prise en charge de l’hyperglycémie au cours de la nutrition artificielle

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www.sciencedirect.com Nutrition clinique et métabolisme 26 (2012) 40–42

Une question, une fiche

Principes de prise en charge de l’hyperglycémie au cours de la nutrition artificielle夽 Management of hyperglycemia in patients who receive artificial nutritional treatment Didier Quilliot ∗ , Danielle Durain , Aurélie Malgras Unité transversale de nutrition, service de diabétologie, maladies métaboliques et nutrition, hôpital Brabois Adulte, CHU de Nancy, rue du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France Rec¸u le 10 octobre 2011 ; accepté le 28 novembre 2011 Disponible sur Internet le 21 janvier 2012

Résumé La prise en charge de l’hyperglycémie au cours de la nutrition artificielle nécessite de définir des objectifs glycémiques adaptés au patient et à la nutrition artificielle, d’établir des schémas d’insulinothérapie et de fournir des règles d’adaptation précises. La durée d’action de l’insuline injectée doit correspondre à la durée de passage de la nutrition artificielle. L’usage des échelles insuline-glycémie est à proscrire car inefficace. Il est nécessaire de former l’équipe soignante. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Nutrition entérale ; Nutrition parentérale ; Insulinothérapie

Abstract The management of hyperglycemia in artificial nutrition requires defining glycemic goals, tailored to the patient, to the type and the sequences of artificial nutrition, establishing patterns of insulin therapy and providing accurate adaptation rules. Above the basal requirement, insulin therapy sufficient to meet caloric exposure must be prescribed appropriate in timing with the artificial nutrition. The use of sliding scale as monotherapy is ineffective. This management requires forming the nurse team. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Enteral nutrition; Parenteral nutrition; Insulin therapy

1. Introduction Le traitement du diabète est un élément important dans la prise en charge nutritionnelle des patients dénutris. Un traitement adapté permet de lutter contre l’atrophie musculaire, de limiter les troubles trophiques et finalement de réduire la mortalité. Le praticien est donc confronté à la difficulté de lutter à la fois contre la dénutrition et l’hyperglycémie. 夽 Ce document a été rédigé par les auteurs à la demande du comité éducationnel et de pratique clinique (CEPC) de la société francophone nutrition clinique et métabolisme (SFNEP). Il a été discuté, corrigé et validé par les membres du CEPC et soumis à validation au conseil scientifique et au conseil administratif de la SFNEP. Il fait partie des « référentiels pour la pratique clinique en nutrition » de la société. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Quilliot).

0985-0562/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.nupar.2011.11.002

La nutrition artificielle du patient diabétique doit être adaptée de fac¸on à limiter les excursions glycémiques, sans en diminuer les apports. Néanmoins, le principe de prise en charge repose essentiellement sur une bonne adéquation du schéma insulinique sur le schéma nutritionnel. 2. Quels objectifs glycémiques et comment gérer l’hyperglycémie ? 2.1. Traitement du diabète d’un patient sous nutrition artificielle : antidiabétiques oraux ou insuline ? Le recours à l’insuline est la règle lorsqu’un patient présente une hyperglycémie sous nutrition entérale ou parentérale. Les délais d’action, les contre-indications et l’incertitude quant aux effets limitent l’usage des médicaments par voie orale.

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2.2. Quels objectifs glycémiques pour les patients sous nutrition artificielle au long cours ? L’objectif glycémique au long cours est déterminé par le taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) dont la normale est inférieure à 6 %. Un taux de 6 % correspond à une glycémie moyenne à 1,2 g/L et 7 % correspond à une glycémie moyenne à 1,5 g/L. L’objectif strict vise à obtenir une HbA1c inférieure à 6,5 % selon les recommandations européennes ou inférieure à 7 % pour les recommandations de la société américaine de diabétologie (ADA) [1,2]. Ces valeurs correspondent à des glycémies à jeun entre 0,80 et 1,30 g/L et à un pic glycémique postprandial inférieur à 1,6–1,8 g/L (ADA et recommandations européennes). Les objectifs fixés sont plus larges si l’espérance de vie est courte ou si les risques liés aux hypoglycémies sont élevés. Ils visent à obtenir une HbA1c à 8 %, ce qui correspond à une glycémie à jeun entre 1 et 1,50 g/L et une glycémie postprandiale entre 1,50 et 2,50 g/L. 2.3. Nutrition entérale ou parentérale continue : quel schéma insulinique ? 2.3.1. Insulinothérapie et nutrition entérale continue C’est généralement la situation rencontrée en réanimation. Dans ce cas, on a recours à une insulinothérapie intraveineuse (i.v.). Les modalités de celle-ci ont été précisées grâce à différents travaux démontrant l’intérêt de la normalisation glycémique en réanimation, notamment en situation postchirurgicale. En dehors des services de réanimation, lorsqu’une nutrition entérale continue est nécessaire, du fait, par exemple, d’une mauvaise tolérance digestive et lorsque l’insulinothérapie i.v. ne peut être maintenue, l’utilisation d’analogue lent d’insuline

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(glargine) a été proposée avec des résultats qui semblent satisfaisants. Néanmoins, cette solution n’est pas sans danger, notamment si la nutrition entérale doit être interrompue. Il existe alors un risque d’hypoglycémie pour laquelle les modalités de « resucrage » doivent être précisées.

2.3.2. Insulinothérapie et nutrition parentérale continue L’insulinothérapie i.v. est la règle. Certaines équipes ont proposé d’injecter l’insuline directement dans les poches de nutrition parentérale. Néanmoins, les modalités pratiques n’en sont pas clairement définies. Cette technique a l’intérêt d’éviter les hypoglycémies en cas d’arrêt de la nutrition parentérale mais nécessite de respecter certaines précautions : début en hospitalisation, composition constante de la poche, bonne homogénéité du mélange, insuline de type rapide. Le relais de l’insulinothérapie i.v. par l’insuline sous-cutanée doit être anticipé. Il est souhaitable de garder l’insuline i.v. pendant quelques heures après l’injection sous-cutanée.

2.4. Nutrition artificielle discontinue 2.4.1. Objectifs glycémiques La situation prandiale prolongée associée à la nutrition artificielle justifie de fixer des objectifs postprandiaux plus stricts (< 1,6 g/L) que les recommandations habituelles (< 1,8 g/L) pour éviter les conséquences de l’hyperglycémie chronique. Quand les objectifs sont « larges » (patients fragiles ou situation particulière : risque d’hypoglycémie, insulinorésistance sévère), les glycémies postprandiales doivent rester inférieures à 2 g/L (recommandations habituelles [< 2,5 g/L]). temps

Analogues rapides

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 h

Humalog® Novorapid® Apidra®

Insuline ordinaire Rapide Actrapid® Umuline®

Les insulines intermédiaires Insuman basal® Insulatard NPH® Umuline NPH®

Les insulines analogues lentes Levemir® Lantus®

Les insulines mixtes : insulines rapides + NPH Humalog Mix (25, 50) ® Novo Mix 30®

Les insulines mixtes : analogue rapide + NPH Insuman comb® Mixtard (10, 20, 30, 40, 50) ® Umuline profil 30® 3 poches gravité (2h) 2 poches 4-6 heures

Différents schémas de Nutrition entérale

2 poches 8-10 heures NE continue sur 24h

Fig. 1. Durée d’action des insulines (injection sous-cutanée) et schémas de nutrition artificielle.

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2.4.2. Schéma d’insulinothérapie Le choix est fait au cas par cas sur la base des principes suivants : • il est souhaitable de faire coïncider la durée d’action de l’insuline et la durée du passage du mélange nutritif (Fig. 1) ; • il est prudent de fractionner la dose d’insuline en plusieurs injections pour pouvoir faire une injection avant chaque branchement de poches de nutrition entérale. Le but est d’éviter que l’insuline injectée ne couvre les besoins de plusieurs poches d’alimentation. En effet, en cas de retard ou d’arrêt de la nutrition entérale, il y a un risque d’hypoglycémie, qui peut être difficile à gérer. 3. Conclusion L’équilibre glycémique des patients en nutrition artificielle dépend surtout des modalités et de l’adaptation du traitement mis en place. Cela nécessite : • de définir des objectifs glycémiques adaptés au patient et à la nutrition artificielle ; • d’établir des schémas d’insulinothérapie et de fournir des règles d’adaptation précises ; • de former à cet effet l’équipe soignante. Ces exigences engendrent des contraintes pour les paramédicaux auxquelles il est possible de répondre dans les services de réanimation, mais qui posent plus de difficultés en unité de soins classiques.

Déclaration d’intérêts Pr Didier Quilliot : laboratoire Nutricia : formation ENC 2009, nutrition artificielle et diabète ; laboratoire Fresenius Kabi, nutrition artificielle et diabète ; invitations à des congrès : Fresenius Kabi, Nestlé. Annexe A. Matériel complémentaire Un document pratique de synthèse figure ci-après. Il est destiné à être affiché dans les bureaux médicaux et les salles de soins. Il peut être intégré dans les référentiels des unités de soins. Ce document est disponible sur http://www.sciencedirect.com et doi:10.1016/j.nupar.2011.11.002. L’ensemble de ces documents est également consultable et téléchargeable en couleur sur les sites Internet de la Société francophone nutrition clinique et métabolisme (http://www.sfnep.org) et d’Elsevier Masson (http://em-consulte.com/revue/nutcli). Il peut être reprographié et distribué mais sa modification n’est pas autorisée. Références [1] American Diabetes Association. Standards of medical care in diabetes–2011. Diabetes Care 2011;34:S11–61. [2] Nathan DM, Buse JB, Davidson MB, Heine RJ, Holman RR, Sherwin R, et al. Medical management of hyperglycaemia in type 2 diabetes mellitus: a consensus algorithm for the initiation and adjustment of therapy: a consensus statement from the American Diabetes Association and the European Association for the Study of Diabetes. Diabetologia 2009;52: 17–30.