Prise en charge des surcharges pondérales débutantes. Bases physiopathologiques et modalités pratiques

Prise en charge des surcharges pondérales débutantes. Bases physiopathologiques et modalités pratiques

0 2001 editions scientifiques Arch Pediatr 2001 ; 8 SuppI : 290-2 et mkdicales Elsevier SAS. Tous droits rCserv& Session : ObCsitC de l’enfant Pris...

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0 2001 editions scientifiques

Arch Pediatr 2001 ; 8 SuppI : 290-2 et mkdicales Elsevier SAS. Tous droits rCserv&

Session : ObCsitC de l’enfant

Prise en charge des surcharges pond&ales dbbutantes. Bases physiopathologiques et modalitks pratiques J.P. Girardet, P. Tounian Service de gastroentt!rologie 75012 Paris, France

et nutrition pediatriques,

BASES PHYSIOPATHOLOGIQUES La regulation du poids est le resultat d’un ajustement precis des apports alimentaires au niveau des depenses tnergetiques, y compris celles necessaires a la croissance. Lorsque la consommation alimentaire devient superieure aux depenses Cnergetiques, l’exces calorique est stock6 sous forme de graisse dans le tissu adipeux et une surcharge pond&ale apparait. Plusieurs phtnomenes peuvent &tre a l’origine de ce dtsequilibre Cnergetique. Une surconsommation alimentaire, notamment lipidique, est frequente. Les progrbs realis& dans le domaine des neuromediateurs impliques dans le controle hypothalamique de la prise alimentaire permettront probablement de mieux comprendre les mecanismes en jeu [ I]. Une diminution de la depense energetique lice a l’activite physique et/au un niveau constitutionnellement bas du metabolisme de repos peuvent Cgalement &tre responsables de la survenue d’une surcharge pond&ale [2]. Des facteurs environnementaux comme la pression mediatique exercee par les industriels de l’agroalimentaire, la destructuration des rythmes alimentaires, l’accroissement de la sedentarite, le temps excessif passe a regarder la television ou encore l’avbnement des jeux video sont probablement en partie a l’origine de ce dCsCquilibre energetique. Par ailleurs, de multiples facteurs genetiques, actuellement objets de nombreux travaux de recherche [3], pourraient tgalement expliquer la susceptibilite individuelle de certains enfants a devenir obese sous l’effet de facteurs environnementaux auxquels l’ensemble de la population est soumis.

hepita d’enfants Armand-Trousseau,

26, avenue du Dr Arnold-Netter,

PRISE EN CHARGE

CLINIQUE

Elle comprend trois ttapes : apprtcier l’anciennett et le degre de surcharge pond&ale, rechercher une cause, et rechercher des complications. L’anciennete de la surcharge pond&ale est CvaluCe par la reconstitution de la courbe de croissance staturopond&ale et de l’indice de masse corporelle (poids/taille*, P/T’). Le retard a la consultation est ainsi un facteur d’bchec thdrapeutique [4]. Le degre de surcharge ponderale est apprecie par l’excbs pond&al pour la taille. Le rapport du poids mesure sur le poids attendu pour la taille est le moyen le plus simple ; il se calcule en utilisant les courbes de SempC et PCdron presentes sur le carnet de Sante. L’indice de masse corporelle, qui constitue le moyen de reference intemationale, est de maniement plus difficile car il varie avec l’age et ne permet pas de quantifier facilement le degre d’exces pond&al ; il s’apprecie a l’aide des courbes dtablies par Rolland-Cachera et al., qui sont Cgalement prtsentes sur les carnets de Sante les plus recents. La recherche d’une cause organique a la surcharge pond&ale est le plus souvent vaine. Les etiologies endocriniennes (hypercorticisme, deficit en hormone de croissance, hypothyrofdie) s’accompagnent toujours d’un ralentissement de la croissance staturale ; en son absence, toute exploration endocrinienne est inutile. Les obesites entrant dans le cadre d’un syndrome, comme ceux de Willi-Prader-Labhart et de Laurence-Moon-Biedl qui sont les moins rares, sont associees a une hypotonie neonatale, une dysmorphie ou un retard mental qui permettent de les Cvoquer. Les genes de quelques-uns de ces syndromes ont CtClocalisds et permettent done parfois un diagnostic moleculaire. Enfin, des mutations sur les genes de certains neuropeptides impliques dans le controle hypothalamique de la prise alimentaire ont et6

Prise en charge des surcharges

recemment mises en evidence et sont responsables d’obesite precoce et souvent severe [3]. L’histoire familiale ou l’existence d’une consanguinite parentale peuvent orienter vers cette cause. La recherche d’une complication repose surtout sur l’examen clinique, mais peut parfois necessiter le recours a quelques examens compltmentaires. L’insulinoresistance, parfois responsable d’un acanthosis nigricans, est frequente mais sa recherche ne prtsente pas d’inttrh pratique. Les dyslipidemies sont tgalement frequentes ; leur recherche systtmatique est justifiee car elles peuvent relever de mesures dietetiques propres. La frequence de l’hypertension arterielle est probablement surestimee du fait de l’utilisation de brassards insuffisamment larges. Un genu valgum n’est pas rare et les anomalies de la statique verttbrale peuvent &tre aggravees par la surcharge pond&ale. Des troubles des regles, une lithiase biliaire, une steatose hepatique, un asthme d’effort ou des apnees du sommeil peuvent Cgalement compliquer l’obesite chez l’enfant. Enfin, les consequences psychosociales Cvidentes justifient le soutien psychologique propose par certains comme adjuvant therapeutique. PRISE EN CHARGE

THRRAPEUTIQUE

Elle repose sur des mesures dietetiques, une augmentation de l’activite physique, et un soutien psychologique. Les mesures dietetiques cornportent des corrections quantitatives et qualitatives de I’alimentation. Sur un plan quantitatif, le regime prescrit initialement ne doit pas &tre trop restrictif, mais simplement viser a retablir des apports normocaloriques pour l’age et le sexe. Un tel regime permet a la fois de diminuer les apports Cnergetiques par rapport aux apports spontants, qui sont augmentes chez l’enfant obese [5], et d’assurer les besoins minima necessaires a la croissance. L’aspect qualitatif du regime a deux objectifs. D’une part, reduire les apports lipidiques a un maximum de 30 % des apports Cnergetiques totaux, la negativation du bilan lipidique &ant indispensable pour obtenir une perte de masse grasse. D’autre part, corriger la repartition des repas sur le nycthemere au profit de la premiere partie de la joumte. Cela revient en pratique a accroitre la consommation Cnergetique au tours du petit dejeuner, tenter d’abolir le grignotage et de reduire les ingesta en fin de journee. Finalement, ces conseils se confondent avec les recommandations dietetiques habituellement preconides pour l’ensemble de la population pediatrique et ne doivent done pas etre present& comme un regime amaigrissant, mais comme une veritable reeducation alimentaire. L’augmentation de l’activite physique a Cgalement un double objectif. D’une part, promouvoir l’accroissement des activites de marche quotidienne, notamment sur le trajet de l’ecole, et la pratique d’une activite sportive

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pond&ales debutantes

rtguliere. D’autre part, imposer une diminution des activites sedentaires comme la television et les jeux video. Le soutien psychologique a pour but d’evaluer et de stimuler la motivation de l’enfant et de l’environnement familial, de prendre en charge d’eventuels troubles du comportement associes a l’obesite (instabilite, Cchec scolaire, conflits familiaux, etc.) et de maitriser les sentiments de frustration qu’entrainent parfois les modifications du regime alimentaire. Les resultats de la prise en charge therapeutique de l’obesite de l’enfant sont particulierement decevants [4]. La gravite potentielle de cette maladie [6] justifie done le developpement de nouveaux moyens therapeutiques au rang desquels la prevention tient une place preponderante. MOYENS

DE PRkVENTION

Les moyens de prevention doivent s’exercer a deux niveaux complementaires, au niveau de la population g&&ale et a l’tchelon individuel. Des recommandations pour la prevention de l’obdsite au niveau de la population g&kale ont CtC recemment publiees par un groupe de 115 experts [7]. Ces suggestions ont pour objectif de reduire les facteurs qui favorisent la prise de poids en agissant notamment sur la reduction de la sedentarite, le respect des rythmes alimentaires, et la diminution de la densite calorique de l’alimentation. Ces messages de prevention, que chaque medecin pourra individuellement transmettre, devront surtout &tre relay& par les organismes publics charges de l’education pour la Sante. A l’echelon individuel, la prevention de l’obtsite necessite dans un premier temps le depistage des enfants B risque. Trois facteurs principaux doivent ainsi etre recherches. L’existence d’une obesite parentale est un facteur de risque indiscutable [8]. La presence d’un exces ponderal des I’age de un an multiplie par deux le risque de persistance de l’exces ponderal a l’age adulte ; ce facteur de risque est cependant relatif puisque la majorite des nourrissons en surcharge pond&ale a cet age ne le sont plus a l’age adulte [8]. La precocite de I’age du rebond de l’indice P/T2 est probablement un des meilleurs facteurs predictifs d’obesite. En effet, dans la population getterale, I’age moyen du rebond de l’indice P/T’, c’est-a-dire l’age precedent son ascension jusqu’a l’bge adulte, est de six ans alors que, chez l’enfant obese, il est en moyenne Cgal a trois ans et presque toujours inferieur a six ans [4, 91. En pratique, I’existence de facteurs de risque a depistage precoce tels que l’obesite parentale et/au l’exces pond&al a l’bge de un an doit inciter a surveiller de man&e reguliere la courbe d’evolution de l’indice P/T’. Le rebond premature de cet indice, c’est-a-dire avant l’age de six ans, laisse alors for-

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J.P. Girardet, P. Tounian

tement craindre l’installation ultkieure d’une obCsitC et doit done faire envisager une prise en charge prkventive portant g la fois sur la diCtCtique et sur l’activid physique. RkFtiRENCES Schwartz MW, Woods SC, Porte D, Seeley RJ, Baskin DG. Central nervous system control of food intake. Nature 2000 ; 404 : 661-7 I. Tounian P, Girardet JP. Metabolisme Cnergetique des enfants obeses. Ann Pediatr 1993 ; 40 : 291-6. Barsh GS, Farooqi S, O’Rahilly S. Genetics of body-weight regulation. Nature 2000 ; 404 : 644-S 1. Girardet JP, Tounian P, Le Bars MA, Boreux A. ObCsitC de l’enfant : inter& des indicateurs cliniques d’tvaluation. Ann Ptdiatr 1993 ; 40 : 297-303.

5 Maffeis C, Schutz Y, Zaffanello M, Piccoli R, Pinelli L. Elevated energy expenditure and reduced energy intake in obese prepubertal children: paradox of poor dietary reliability in obesity? J Pediatr 1994 ; 124 : 348-54.

6 Tounian P, Girardet JP. L’obesite de l’enfant : une maladie qui met en jeu le pronostic vital. Arch Ptdiatr 2001 ; 8 : l-4. I Basdevant A, Laville M, Ziegler 0, pour le Groupe de Travail charge de la mise au point des u Recommandations pour le diagnostic, la prevention et le traitement des obesites en France >>.Guide pratique pour le diagnostic, la prevention, le traitement des obesites en France. Diabetes Metab 1998 ; 24 Suppl 2 : 10-42. 8

Whitaker RC, Wright JA, Pepe MS, Seidel KD, Dietz WH. Predicting obesity in young adulthood from childhood and parental obesity. N Engl J Med 1997 ; 337 : 869-73.

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Rolland-Cachera MF, Deheeger M, Bellisle F, SempC M, GuilloudBataille M, Patois E. Adiposity rebound in children: a simple indicator for predicting obesity. Am J Clin Nutr 1984 ; 39 : 129.35.