Quel avenir pour la dermatologie hospitalo-universitaire en France ?

Quel avenir pour la dermatologie hospitalo-universitaire en France ?

Ann Dermatol Venereol 2005;132:835-7 Éditorial Quel avenir pour la dermatologie hospitalo-universitaire en France ? PH. BERNARD Q Président du Col...

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Ann Dermatol Venereol 2005;132:835-7

Éditorial

Quel avenir pour la dermatologie hospitalo-universitaire en France ? PH. BERNARD

Q

Président du Collège des Enseignants en Dermatologie de France (CEDEF) Tirés à part : P. BERNARD, Service de Dermatologie, Hôpital Robert Debré, Avenue du Général Koenig, 51092 Reims Cedex. E-mail : [email protected]

uelle est la place actuelle de la dermatologie dans les Facultés de Médecine et les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) français ? Et surtout quel est son avenir, lequel conditionne en grande partie celui de la discipline toute entière ? Ce sont les questions auxquelles ont cherché à répondre les dermatologues hospitalo-universitaires français, qui sont réunis depuis de nombreuses années dans le Collège des Enseignants en Dermatologie de France (CEDEF). Pourquoi ces interrogations quelque peu existentielles ? Parce que plusieurs réformes récentes sont en train de bouleverser à court et à moyen terme l’enseignement et l’exercice hospitalier des spécialités médicales, à la fois dans les facultés et les CHU français. Par ordre chronologique, la première a été la réforme du Deuxième Cycle des Etudes Médicales (DCEM) en 2001 (Bulletin Officiel du ministère de l’Education Nationale et du ministère de la Recherche du 30.08.2001) qui substituait à l’enseignement par disciplines calqué sur les spécialités médicales un enseignement organisé en modules transversaux et multidisciplinaires. Puis, se sont profilées à l’horizon des mutations majeures dans le domaine de l’organisation des soins dans les CHU (le fameux « Plan Hôpital 2007 ») et la nouvelle Loi sur l’assurance-maladie, en application depuis cet été. Tout ceci, conjugé à l’évolution future de la démographie médicale [1], devait bien évidemment susciter de nombreuses interrogations dans la communauté des dermatologues hospitalouniversitaires. Dans ce contexte, une démarche d’analyse et de concertation au sein du CEDEF a été initiée en 2003 par Philippe BERBIS, alors président en exercice, et s’est développée au cours des deux dernières années, notamment lors des séminaires et des assemblée plénières du CEDEF. Le Livre Blanc « La Dermatologie Hospitalo-Universitaire en France en 2005 » (disponible sur le site du CEDEF : www.cedef.org) est la synthèse de ces réflexions. Il a pu être mené à bien grâce à l’action d’un comité éditorial, constitué pour l’essentiel de membres du Bureau du CEDEF, dont le travail a consisté à synthétiser les éléments d’analyse et les propositions issus de cette démarche collective. Les propositions formulées dans ce Livre Blanc concernent les trois champs d’activité de la dermatologie hospitalouniversitaire : les soins, l’enseignement et la recherche. Elles partent du constat que la dermatologie est une spécialité dont l’individualité est incontestable. Dans les CHU encore plus qu’ailleurs, son exercice implique aussi une démarche transversale et doit répondre à un besoin de santé publique avec la prise en charge d’une importante proportion de maladies graves (cancers, dermatoses bulleuses, toxidermies,…). Enfin, la tâche des dermatologues hospitalo-universitaires dans leurs trois missions de soins, d’enseignement et de recherche, doit tenir compte de l’évolution de la demande de soins en dermatologie et de celle de la démographie des dermatologues : 835

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Éditorial – La demande de soins en dermatologie va augmenter du fait du vieillissement de la population (cancers, dermatoses bulleuses, toxidermies) et de l’importance de l’image de soi dans les sociétés occidentales. Sur le plan démographique, on forme actuellement 45 nouveaux dermatologues par an, ce qui conduirait, si ce chiffre était maintenu, à un nombre de dermatologues de 1 200 à 1 500 en 2020, chiffres à comparer à celui de 3 400 dermatologues en activité actuellement. Les soins L’évolution conjointe de la demande de soins et de la démographie va confronter les dermatologues hospitalo-universitaires à une sollicitation accrue en médecine de proximité alors qu’ils devront continuer à assurer la prise en charge des dermatoses urgentes et/ou graves. L’arrivée de thérapeutiques innovantes et coûteuses, notamment pour des dermatoses inflammatoires chroniques invalidantes, souligne l’importance de leur évaluation par les dermatologues hospitalo-universitaires. L’organisation des soins de la dermatologie hospitalo-universitaire future devra en particulier : – Permettre le maintien de structures de soins (hospitalisation, consultation), dermatologiques spécifiques, pouvant fonctionner dans le cadre d’ensembles plus vastes (les pôles d’activité). – Favoriser l’amélioration qualitative et quantitative de l’activité dermato-chirurgicale et ambulatoire. – Pérenniser et développer les activités dites de super-spécialisation, indispensables à la création de pôles d’excellence et de réseaux de soins. – Renforcer les équipes hospitalo-universitaires par la création de postes de praticiens hospitaliers et de MCU-PH. – Permettre à terme la création de pôles d’excellence de dermatologie, de taille suffisante, permettant de coordonner une offre de soins de haut niveau en dermatologie (soins tertiaires) et d’animer les réseaux de recherche clinique et fondamentale. L’enseignement L’expérience de l’enseignement de la médecine en modules transdisciplinaires montre que celui-ci nuit considérablement à la lisibilité et à la qualité de l’enseignement de nombreuses disciplines médicales dont la dermatologie. Aujourd’hui, le consensus est total au sein du CEDEF pour un enseignement disciplinaire de la dermatologie dans le cadre du DCEM, tout en respectant le contenu du programme de l’examen national classant et le caractère multidisciplinaire de certaines questions. Le cours rédigé par le CEDEF à l’usage des étudiants en DCEM est le reflet de cette attitude [2]. La formation des internes doit tenir compte de la spécificité de la dermatologie caractérisée par une clinique riche et complexe, un apprentissage long et difficile. Une maquette de 5 ans pour le DES de dermatologie, dont 3 ans dans la spécialité, apparaît d’ores et déjà indispensable pour une formation de qualité. Elle est déjà en place dans plusieurs pays européens. Un passage à 5 ans implique une augmentation substantielle du nombre d’internes en dermatologie alors que celui-ci est déjà largement insuffisant. En effet, l’évolution de la demande et de la démographie conduit à situer le nombre nécessaire de dermatologues à 3 000 [1]. 836

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Éditorial Ceci conduit mécaniquement à la nécessité de former au moins 90 à 100 nouveaux dermatologues par an, donc à doubler le nombre de postes d’internes en DES de dermatologie au cours des toutes prochaines années. La formation des internes en DES de dermatologie doit prendre en compte l’aspect médico-chirurgical de la spécialité et améliorer la formation en dermatologie interventionnelle. Ceci est particulièrement important en vue de la bonne prise en charge des cancers cutanés. La mise en place d’un enseignement théorique et pratique adapté à cette activité médico-chirurgicale est un objectif essentiel qui sera atteint en collaboration avec des dermatologues experts en ce domaine (d’exercice libéral ou hospitalier) et par des partenariats avec la Fédération des Associations de Formation Continue en Dermatologie ou les groupes thématiques de la Société Française de Dermatologie. La recherche Les caractéristiques de la recherche dermatologique française sont une recherche clinique structurée de niveau international, une recherche biomédicale encore insuffisamment intégrée dans des pôles d’excellence de site et un partenariat de recherche encore trop limité avec les industriels, les CHU et l’Université. Le maintien et le développement de la recherche dermatologique dans les prochaines années passe par : – Une meilleure reconnaissance de la valence universitaire des dermatologues hospitalo-universitaires par le ministère et l’INSERM (réseaux de recherche clinique), ou dans le cadre de structures spécifiques (cancéropôles, réseaux maladies rares,…). – La création de pôles d’excellence de dermatologie intégrant, comme en Allemagne, dans l’esprit de la création initiale des CHU, des équipes élargies ; de tels pôles devraient être fortement thématisés et intégrer des équipes de recherche labellisées. – L’incitation à la mobilité des dermatologues hospitalo-universitaires (actuels et futurs), assortie des moyens nécessaires. – L’augmentation du nombre de MCU-PH en dermatologie, qui doit permettre une meilleure articulation entre recherche clinique et recherche fondamentale. – Une politique volontariste d’intégration européenne. Les propositions ou objectifs du Livre Blanc du CEDEF résumés ci-dessus conditionnent l’avenir de la dermatologie dans son ensemble, qui dépend directement du nombre et de la qualité de la formation initiale des futurs dermatologues. Les évolutions indispensables ne pourront se faire qu’avec le soutien des autorités sanitaires, universitaires et de recherche, en cohérence et en harmonie avec les trois autres grandes composantes de notre spécialité (Société Française de Dermatologie, Fédération des Associations de Formation Continue en Dermatologie, Syndicat des dermatologues). Références 1. Roujeau JC, Bernard P , Beaulieu P, Rousselet G, Dreno B. Combien de Dermatologues faut-il en France ? Ann Dermatol Vénéréol 2005 (sous presse).

2. Collège de enseignants de dermato-vénéréologie de France. Examen national classant. Ann Dermatol Vénéréol 2005;132, hors série suppl. au nq 10.

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