Quel avenir pour les bêtabloquants ?

Quel avenir pour les bêtabloquants ?

Texte rédigé par D. Obréja Compte-rendu de symposium Quel avenir pour les bêtabloquants ? D’après la communication de C. Thuillez Inserm U644, Dépa...

182KB Sizes 1 Downloads 207 Views

Texte rédigé par D. Obréja

Compte-rendu de symposium

Quel avenir pour les bêtabloquants ?

D’après la communication de C. Thuillez Inserm U644, Département de Pharmacologie, Université et CHU de Rouen

L

a prise en charge actuelle de l’hypertension artérielle (HTA) repose sur des principes bien établis. La réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire est liée essentiellement à l’abaissement des chiffres tensionnels. Les recommandations de l’European Society of Hypertension (ESH) et de la Haute Autorité de Santé (HAS), tant dans leur version 2005 que leur actualisation de 2009, laissent un choix assez large au traitement de première intention : inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II (ARAII), diurétiques thiazidiques, bêtabloquants (ß-), et inhibiteurs calciques (ICa). Tous diminuent en effet la morbi-mortalité, avec des bénéfices assez voisins sur chacun des événements cardiovasculaires, comme le montre la méta-analyse de la Blood Pressure Lowering Treatment Trialists’ Collaboration (BPLTTC) : il n’était pas observé de différence significative entre les différents antihypertenseurs sur la survenue d’accident vasculaire cérébral (AVC), d’événements coronaires, d’insuffisance cardiaque (IC), d’événements cardiovasculaires majeurs et de mortalité cardiovasculaire et globale, malgré l’effectif très important de 162 341 patients [1]. De même, l’analyse en sous groupes stratifiée sur l’âge du patient supérieur ou inférieur à 65 ans ne montrait pas davantage de différence significative sur la survenue d’événements cardiovasculaires quel que soit le traitement utilisé (IEC ou ICa versus bêtabloquant ; IEC ou ICa versus thiazidique) [2]. Cependant, plusieurs études analysant les bêtabloquants en traitement de première intention ont montré une efficacité moindre sur la morbi-mortalité cardiovasculaire par rapport aux autres antihypertenseurs. Dans l’étude du MRC (1995), on n’observait pas de réduction de morbimortalité sous bêtabloquant. La méta-analyse de Lindhom (2005) montrait que le bêtabloquant réduisait bien la survenue d’AVC, mais dans une proportion moindre AMC pratique  Suppl. 3  mai 2010

qu’avec les autres traitements. Dans LIFE (2002), la réduction de mortalité cardiovasculaire était plus importante sous losartan que sous aténolol (différence de 13  %). Enfin, dans ASCOT (2005), la réduction de morbi-mortalité cardiovasculaire et la diminution du nombre d’AVC étaient plus marquées dans le groupe prenant l’association l’amlodipine ± perindopril que dans le groupe traité par l’aténolol ± diurétique. Ces résultats ont été observés avec le bêtabloquant de référence, l’aténolol et ne peuvent pas être systématiquement étendus aux autres bêtabloquants notamment aux bêtabloquants vasodilateurs. Ils sont à nuancer en fonction de trois types de propriétés pharmacologiques selon le bêtabloquant  : leurs effets vasculaires (existence ou non d’effet vasodilatateur, activité sur le remodelage artériel), leurs effets métaboliques (risque de développer ou non un diabète) et leur action sur les organes cibles.

Effets vasculaires Les bêtabloquants dépourvus d’effets vasodilatateurs ne protègent pas les artères de résistance : ils ne diminuent pas l’épaisseur intima-media, ni la rigidité artérielle, ni la pression pulsée (PP) centrale et n’améliorent pas la dysfonction endothéliale. Sur les artères de conductance, ils ne réduisent ni le rapport media/lumière, ni l’onde de réflexion, ni la PP centrale. Cette absence d’action favorable sur les artères de résistance et de conductance contribue sans doute au fait qu’ils ne limitent pas l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) et qu’ils ne protègent pas la fonction rénale. On classe les bêtabloquants en fonction de leurs propriétés pharmacologiques en 3 groupes : © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

S47

Compte-rendu de symposium

Quel avenir pour les bêtabloquants ?

• bêtabloquants non sélectifs, à activité ß1- et ß2comparables (propranolol) • bêtabloquants sélectifs, à activité ß1-> > ß2- (atenolol, metoprolol, bisoprolol) • bêtabloquants à action vasodilatatrice médiée par une activité sympatho-mimétique intrinsèque (acebutolol, celiprolol), une activité α1- (labetalol, carvedilol) ou une action ß3+, qui augmente la production de monoxyde d’azote (NO) (nebivolol). Ces différences pharmacologiques sont retrouvées dans un modèle expérimental animal (mouton anesthésié), où la perfusion de sérum salé s’accompagne d’une augmentation importante de la vitesse de l’onde de pouls (VOP) lorsque l’animal est traité par atenolol (correspondant à une réduction de distensibilité artérielle), mais très significativement moindre, lorsqu’il est traité par nebivolol. Cette protection de la distensibilité artérielle par le nebivolol est abolie par l’administration conjointe de L-NMMA, qui bloque la production de NO [3]. Chez l’homme, le celiprolol et l’enalapril diminuent la PP et augmentent la distensibilité carotidienne dans des proportions voisines [4]. Le bénéfice des bêtabloquants à action vasodilatatrice est aussi retrouvé en comparant l’action de l’aténolol à celle du nebivolol dans l’HTA systolique isolée. A chiffres tensionnels périphériques voisins sous traitement, la PP centrale (aortique) est inférieure sous nebivolol (50±2 versus 54±2  mmHg), avec, parallèlement, un taux plasmatique de NT-proBNP moindre lui aussi (138 versus 157 pg/ml), témoignant d’un retentissement ventriculaire gauche moindre sous nebivolol [5]. Par ailleurs toujours au plan vasculaire, l’action du nébivolol sur la fonction endothéliale est authentifiée par

l’augmentation de la vasodilatation induite par l’acétylcholine (endothélium-dépendante) observée chez l’hypertendu traité par nebivolol mais pas chez celui traité par arténolol, ni celui non traité ( Fig 1). Enfin, l’action vasodilatatrice du nebivolol est abolie par le L-NMMA, qui réduit la production de NO. La libération de NO induite par le nebivolol agit aussi en limitant le stress oxydatif, le distinguant ainsi, avec le carvedilol, des autres bêtabloquants, inhibe l’activation plaquettaire, la prolifération des cellules musculaires lisses et améliore la perfusion tissulaire, tous effets potentiellement bénéfiques pour la protection des organes cibles.

Action métabolique La seconde limite au bénéfice du traitement de l’HTA par les bêtabloquants a été rapportée à un risque accru de diabète. Ainsi, le risque relatif de survenue de diabète de 3804 hypertendus âgés de 45 à 64 ans est de 0,98 sous IEC, de 0,91 sous diurétiques, de 1,17 sous ICa et de 1,28 sous bêtabloquant. Le nombre important et croissant de diabétiques de type 2 en France (1,8 millions, +25  % en 2020) et l’association fréquente du diabète à l’HTA, incitent à traiter les hypertendus par un bêtabloquant n’exposant pas à ce risque. Les bêtabloquants non vasodilatateurs tels que le propranolol, le métoprolol et l’aténolol diminuent la sécrétion et augmentent la clairance de l’insuline, majorent l’insulino-résistance, diminuent la captation périphérique du glucose, augmentent le LDL-cholestérol et les triglycérides et diminuent le HDL-cholestérol [6].

500 400 ∆FBF% 300 200 100

control nébivolol

0 25

50

100

atenolol

Acetylcholine, nmol/min (Tzemos et al, Circulation 2001) Figure 1. Amélioration de la dysfonction endothéliale chez l’hypertendu traité par nebivolol

S48

AMC pratique  Suppl. 3  mai 2010

Quel avenir pour les bêtabloquants ?

Compte-rendu de symposium

Par contre, les bêtabloquants vasodilatateurs ont des effets opposés puisque le céliprolol diminue le LDL-cholestérol, les triglycérides, augmente le HDL-cholestérol et améliore le profil glycémique. L’action du nebivolol chez l’hypertendu dyslipidémique est encore plus nette, augmentant le HDL-cholestérol de 7 %, et diminuant les triglycérides de 5  %, l’insulinémie de 10  % et l’insulinorésistance (HOMA) de 15 % [7] alors que la sensibilité à l’insuline, la clairance métabolique de l’insuline, les débits sanguins régionaux (jambier), et la VOP sont préservés de la même façon par le nébivolol et l’énalapril [8].

Conflits d’intérêts 

Métabolisme, fonction vasculaire et fonction cardiaque

[2] BPLTTC. Effects of different regimens to lower blood pressure on major cardiovascular events in older and youger adults: meta-analysis of randomized trials. BMJ 2008;336:1121-3.

L’orateur déclare avoir participé à des interventions ponctuelles (essais cliniques, travaux scientifiques, activités de conseil, conférences, colloques) pour les laboratoires Novartis, Ménarini, Servier, Solvay, Negma.

Références [1] Blood Pressure-Lowering Treatment Trialistes Collaboration. Effects of differents blood-presure-lowering regimens on major cardio-vascular events: results of prospectively-designed overview. Lancet 2003;362:1527-35.

[3] McEniery C, Schmitt M, Qasem A, et al. Nébivolol increases arterial distensibility in vivo. Hypertension 2004;44:305-10.

Les actions sur la fonction vasculaire, le stress oxydatif et le métabolisme sont intriquées  (Fig.  2).Dans un modèle expérimental de syndrome métabolique chez le rat, le nébivolol prévient l’augmentation de pression télédiastolique ventriculaire gauche, action qui n’est pas retrouvée avec le métoprolol. De même, le nébivolol, à la différence du métoprolol, préserve la compliance ventriculaire gauche et améliore la perfusion myocardique. Là aussi, cette protection disparait lorsque le nébivolol est couplé au L-NAME, antagoniste du NO, confirmant le rôle de la libération de NO (Thuillez, données en cours de publication). En clinique, l’étude SENIORS a validé ce schéma physiopathologique, en montrant la réduction d’événements cardiovasculaires chez les insuffisants cardiaques traités par nébivolol quelle que soit la fonction systolique.

[4] Boutouyrie P, Bussy C, Hayoz D, et al. Local pulse pressure and regression of arterial wall hypertrophy during long-term antihypertensive treatment. Circulation 2000;101:2601-6. [5] Dhakam Z, Yasmin MC, Eniery CM, et al. A comparison of atenolol and Nébivolol in isolated systolic hypertension. J Hypertens 2008;26:351-6. [6] Jacob S, Rett K, Henriksen EJ. Antihypertensive therapy and insulin sensitivity: do we have to redifine the role of beta-blocking agents  ? Am J Cardiol 1998;11:1258-65. [7] Rizos E, Bairaktari E, Kostoula A, et al. The combination of Nébivolol plus pravastatin is associated with more beneficial metabolic profile to that of atenolol plus pravastation in hypertensive patient with dyslipidemia: a pilot study. J Cardiovasc Pharmacol Ther 2003;115:41-6. [8] Kaiser T, Heise T, Nosek L, et al. Influence of Nébivolol and enalapril on metabolic parameters and arterial stiffness in hypertensive type 2 diabetic patients. J Hypertens 2006;24:1397-403.

Vasodilatation

Rés. Périph Rés. Ej. VG disponiblité glucose et Capture glucose

stress oxydant Dysf. Endothéliale et remodelage vasc.

activité PI3K/AKT

activité eNOS

hyperinsulinémie

Translocation GLUT4

Figure 2. Vasodilatation et stress oxydant chez l’hypertendu à risque métabolique

AMC pratique  Suppl. 3  mai 2010

S49