Quel avenir universitaire pour nos spécialités ?

Quel avenir universitaire pour nos spécialités ?

E´ditorial Rec¸u et accepte´ le : 2 juillet 2007 Quel avenir universitaire pour nos spe´cialite´s ? F. Chabolle1,*, J. Ferri2, D. Goga3 1 Service d...

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E´ditorial

Rec¸u et accepte´ le : 2 juillet 2007

Quel avenir universitaire pour nos spe´cialite´s ? F. Chabolle1,*, J. Ferri2, D. Goga3 1

Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, hoˆpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes, France Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale, hoˆpital R.-Salengro, Lille, France 3 Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale, Tours, France 2

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e monde ou` nous vivons est en pleine mutation et les de´fis pour les universitaires sont immenses. Tre`s spe´cifique a` notre pays, la structure hospitalouniversitaire, qui est l’armature de notre syste`me de formation, est-elle adapte´e a` ces changements ? Il nous est apparu inte´ressant de vous faire part de quelques-unes de nos re´flexions devant le peu de motivations que les plus jeunes semblent avoir a` s’engager dans ces carrie`res. Il est important de rappeler quelques points. C’est en 1958 que les CHU ont e´te´ cre´e´s avec pour but d’e´tablir des centres modernes de formation et de recherche me´dicale. Les conditions socioe´conomiques de l’e´poque peuvent se re´sumer simplement :  une Europe en expansion avec une croissance importante, une demande de soins e´galement tre`s soutenue, une jeune se´curite´ sociale sans difficulte´ financie`re. Le me´decin e´tait un notable, que dire des hospitalo-universitaires… ;  dans ce contexte, les CHU de l’e´poque attiraient l’e´lite me´dicale et tous ceux qui souhaitaient exercer et enseigner une me´decine de pointe. Si les revenus des praticiens libe´raux e´taient supe´rieurs, la reconnaissance sociale des universitaires e´tait certaine, leurs conditions de travail e´taient excellentes. Rapidement d’ailleurs, la compe´tition pour acce´der a` ces postes fut tre`s difficile [1]. Dans ces conditions, les CHU eurent un impact extraordinaire sur l’enseignement, la recherche et globalement sur le niveau de qualite´ des soins dispense´s dans les hoˆpitaux et plus largement dans notre pays. En 49 anne´es, les choses ont beaucoup change´. Les contraintes e´conomiques ont fait prendre aux structures administratives le vrai pouvoir organisationnel, empie´tant parfois sur le me´dical. Le praticien universitaire (ou non d’ailleurs) n’est plus qu’un producteur de points ISA. Il est un maillon d’une chaıˆne de soins, un e´le´ment du re´seau. Sa reconnaissance sociale a bien diminue´ a` la suite d’une e´volution des crite`res de valeurs de nos socie´te´s ou` le bien mate´riel a pris une place pre´ponde´rante. Toujours en raison des contraintes e´conomiques, ses perspectives de carrie`re se restreignent (avancement au choix re´duit) et ses conditions de travail se de´te´riorent. Enfin, l’universite´, parent pauvre du couple « HU », est souvent ne´glige´e

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

395 0035-1768/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.stomax.2007.07.001 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:395-397

F. Chabolle et al.

Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:395-397

dans des de´cisions qui engagent pourtant directement l’enseignement ou la recherche. Paralle`lement, certaines structures libe´rales, plus vite et mieux e´quipe´es, drainent une quantite´ de plus en plus importante de patients, en particulier pour les spe´cialite´s ou` les actes techniques ont une place pre´ponde´rante au premier rang desquelles se trouvent nos spe´cialite´s. Dans ces e´tablissements, les praticiens sont souvent mieux re´mune´re´s, ont des conditions de travail meilleures. Aussi, que reste-t-il a` l’universitaire ? En fait, peu de choses. Il faut malheureusement se rendre a` l’e´vidence : les carrie`res n’attirent plus les plus jeunes, le statut de professeur ne fait plus reˆver, il apparaıˆt a` beaucoup, inadapte´, rigide et peu stimulant. Pendant que dans la majorite´ des pays du monde, les universite´s recrutent une certaine e´lite, chez nous le syste`me est en panne [2]. En peu de temps, les hoˆpitaux franc¸ais ont adopte´ deux re´formes essentielles relatives a` leur financement et mode de fonctionnement. La premie`re fut la tarification a` l’activite´ (T2A). Il s’agit d’un radical changement de financement des e´tablissements publics de sante´, puisqu’a` la diffe´rence du budget global jusqu’ici en vigueur, la T2A lie directement une part importante du budget a` l’activite´ de soins. La seconde est l’organisation en poˆles « me´dicoe´conomiques ». Il s’agit de cre´er des entite´s, diffe´rentes des services (ces derniers e´tant a` terme voue´s a` disparaıˆtre), susceptibles d’une plus grande autonomie a` la fois financie`re et me´dicale. Ces structures passent « contrat » avec l’e´tablissement, des objectifs d’activite´ et de financement leur sont fixe´s. En y regardant de plus pre`s, ces deux re´formes suivent le courant e´conomique « libe´ral » qui souffle sur le monde depuis l’effondrement du mode`le communiste. En effet, la T2A instaure une compe´tition entre hoˆpitaux, voire entre structures prive´es et publiques, compe´tition suppose´e eˆtre a` l’origine d’un rapport ame´liore´ soin/couˆt. Les poˆles instaurent une relative de´centralisation de´cisionnelle susceptible d’e´mulation et surtout de responsabilisation financie`re. Dans ce contexte de globalisation mondiale et de re´formes hospitalie`res radicales, quelles solutions peuvent eˆtre envisage´es pour redonner a` nos fonctions une certaine attractivite´ ? Il est peu probable que notre influence socie´tale permette un retour en arrie`re. Le me´decin n’est plus un « notable » il ne le redeviendra pas. Les crite`res de valeur du monde ouvert ne changeront pas demain. Les deux re´formes radicales (T2A et nouvelle gouvernance), probablement ne´cessaires dans un monde ou` l’e´conomie s’est impose´e comme gold standard [3], ne seront pas non plus remises en cause de sitoˆt. Une e´volution est donc ne´cessaire si l’on souhaite que la fonction universitaire soit a` nouveau prise´e, ce qui est indispensable pour e´viter a` terme la baisse de niveau des praticiens dans leur ensemble. En y regardant de plus pre`s, les re´formes hospitalie`res restent incomple`tes comme au « milieu du gue´ ». En effet, si les structures de soins sont potentiellement en concurrence, celles-ci ne « jouent » pas a` armes e´gales puisque, au moins en termes de recrutement me´dical, les re`gles n’ont rien a` voir avec les structures libe´rales. Ainsi, l’hoˆpital universitaire doit eˆtre compe´titif mais il n’a pas re´ellement les moyens de l’eˆtre, en particulier de par son attractivite´ de plus en plus pauvre sur les praticiens les meilleurs ! La suite logique des re´formes intervenues dans les hoˆpitaux doit donc comprendre une modification des statuts hospitalo-universitaires. L’hoˆpital doit pouvoir 396

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recruter des praticiens inde´pendamment de l’universite´ et inversement. Il faut d’ailleurs rappeler que les e´tablissements de sante´ se sont lance´s depuis longtemps dans ces statuts mixtes de partenariat public–prive´. Il n’y a pas de raison que le praticien universitaire soit lie´ obligatoirement a` une structure de soins hospitalie`re. Il faut aussi rappeler que certains praticiens libe´raux souvent brillants, qui n’ont pu ou voulu, pour des raisons complexes, re´aliser une carrie`re universitaire, ne peuvent pas enseigner leur expe´rience pourtant grande. Il est d’ailleurs inte´ressant de constater que l’e´ditorial Board de certaines revues est majoritairement non universitaire, ce qui te´moigne de l’e´volution des choses et de l’implication de praticiens non universitaires dans une activite´ qui, elle, l’est hautement ! Une telle re´forme aurait de nombreux avantages :  elle mettrait le praticien universitaire a` e´galite´ avec ses confre`res quant a` son mode et lieu d’exercice. Eˆtre universitaire deviendrait alors une activite´ spe´cifique et non plus un « attribut » hospitalier. Il est vraisemblable qu’une valorisation de cette activite´ apparaıˆtrait rapidement, permettant a` nouveau d’y attirer les meilleurs et d’y exiger l’excellence ;  elle donnerait a` l’hoˆpital une liberte´ de recrutement, de re´mune´ration et de statut pour ses praticiens en harmonie avec l’esprit « T2A » ;  elle redonnerait a` l’universite´ sa ve´ritable fonction premie`re avec un libre choix de ses enseignants, qu’ils soient hospitaliers ou non. Les recrutements se feraient alors sur de vrais crite`res universitaires, ce qui n’est plus toujours le cas actuellement.

Re´fe´rences 1. 2. 3.

Hamon H. Nos me´decins. E´dition Seuil; 1994. Guiraud-Chaumeil B, Ghisolfi J. Les hoˆpitaux universitaires en l’an 2000, confrontation avec le syste`me de sante´ ame´ricain. E´dition Privat; 1996. Mordelet P. Gouvernance de l’hoˆpital et crise des syste`mes de sante´. E´dition de l’E´cole nationale de la sante´ publique; 2006.

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