Quelle prise en charge scolaire des enfants et adolescents malades ?

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Table ronde Soins de support

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Quelle prise en charge scolaire des enfants et adolescents malades ? How to provide education for sick children and teenagers ?

www.sciencedirect.com

H. Beaurepaire*, T. Paccault Mots clés : scolarité à l’hôpital, classe virtuelle

HME, CHU de Nantes, 7 quai Moncousu, 44093 Nantes cedex 1, France.

La prise en charge scolaire des élèves malades : Le cadre national La loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances affirme le principe du droit à la scolarité pour tous, quelle que soit la situation de handicap ou de maladie. Elle complète et renforce des orientations déjà présentes dans les autres textes encadrant la prise en charge des élèves malades, dont la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui stipule que « dans la mesure où leurs conditions d’hospitalisation le permettent, les enfants en âge scolaire ont droit à un suivi scolaire adapté au sein des établissements de santé » (article L1110-6) ; Elle fixe comme une obligation la scolarisation des enfants et adolescents malades, et assigne comme objectif aux intervenants du secteur médical et scolaire de travailler ensemble pour rendre cela possible.

La politique de prise en charge dans l’académie de Nantes Un élève atteint d’un trouble de la santé évoluant sur une longue période se voit proposer un accompagnement particulier adapté à sa situation dès lors que son absence excède deux semaines, qu’il s’agisse d’une absence continue ou intermittente. À domicile, l’élève peut bénéficier du service d’accompagnement pédagogique à domicile (SAPAD). Lorsqu’un élève est malade, la famille, le médecin, un enseignant peuvent faire la demande d’un accompagnement pédagogique à domicile. Cette demande est enregistrée par le chef d’établissement, et validée par le médecin scolaire. Le ou les enseignants habituels de l’élève se voient alors proposer des heures supplémentaires pour lui dispenser des cours individuels dans le lieu où il se trouve. Tout élève malade de l’académie peut être signalé par le biais d’une application en ligne par toute personne ayant connaissance de la situation. À l’hôpital, des enseignants sont présents dans les services de pédiatrie et assurent le lien avec l’établissement d’origine, les cours, et la préparation de la sortie de l’hôpital et du retour à domicile ou dans l’établissement, ou le cas échéant dans un centre de rééducation ou de soins de suite. L’équipe du CHU de Nantes, constituée d’un * Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

800 © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2008 ; 15 : p800-p801

enseignant du premier degré et de deux enseignants du second degré, propose, toujours en lien avec l’établissement scolaire d’origine, un accompagnement scolaire aux élèves hospitalisés de la grande section de maternelle au baccalauréat, et travaille avec les jeunes leur orientation (ou réorientation) afin que la maladie ne soit pas synonyme d’abandon de la scolarité.

Les besoins éducatifs particuliers des élèves malades éloignés de leur établissement : le cas de l’élève hospitalisé Les jeunes hospitalisés auxquels nous sommes confrontés présentent des besoins éducatifs particuliers, dus à trois situations dont ils font l’expérience : l’isolement, la rupture et le morcellement. Ces expériences les distinguent des autres enfants et adolescents, et rendent nécessaire une adaptation des enseignements qui leur sont proposés. Le jeune hospitalisé est isolé de sa famille s’il est à des dizaines, des centaines, parfois des milliers de kilomètres de son domicile habituel. Isolé également si son traitement impose un éloignement momentané de la cellule familiale, ou si les visites des frères et sœurs sont limitées pour lutter contre les infections. Isolé enfin s’il est en milieu protégé, où il ne peut recevoir que deux visites de l’extérieur par jour. Dans ces conditions, recevoir la visite d’un enseignant, ou se rendre en classe, est très différent de ce qui se produit dans un établissement scolaire. Il est en rupture avec son milieu, son quotidien. Il n’est plus en relation avec ses pairs, parce qu’il est loin, que la vie continue sans lui, parce que la maladie est parfois un tabou et que les camarades de classe ne sont pas toujours tenus informés de ce qui lui arrive. Sa scolarité est interrompue, parfois brutalement, il quitte l’établissement où il se rendait quotidiennement sans que cela soit prévu, ni anticipé. Son retour n’est pas forcément préparé, ses bulletins restent vides, sa famille et ses enseignants se disent que l’année est perdue, qu’il va devoir redoubler… Le contact avec l’enseignant dans ces conditions représente un retour à la normale, c’est une occasion de renouer les liens rompus, de garder le contact avec les autres élèves de sa classe grâce aux contacts établis entre les enseignants en hôpital et ceux de son établissement. Le jeune malade voit son temps morcelé, il est partagé entre les différents intervenants qui se succèdent auprès de lui : médecins, soignants, enseignants, éducateurs, musiciens, clowns, psycholo-

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gues, intervenants d’associations diverses, dont l’action est, pour tous sans doute profitable au jeune, et justifiée. Mais à l’hôpital, le jeune patient n’a pas la maîtrise de son temps, et ne peut ni anticiper ce qui va lui arriver, ni prendre le temps d’analyser ce qui lui arrive. Il ne voit bien souvent pas, dans tout ce qu’on lui propose, de cohérence globale. L’intervention scolaire doit lui donner les moyens de trouver la cohérence dans son projet de soin et de vie. Les besoins éducatifs particuliers des enfants et adolescents hospitalisés, d’un point de vue scolaire, concernent l’établissement et le maintien du lien avec l’environnement social et scolaire de l’élève, la conservation ou la redéfinition du projet de formation, et de ce fait du projet de vie.

Un dispositif innovant : le projet FREEDOM Afin de compenser les difficultés rencontrées par les élèves malades, l’académie de Nantes a lancé en 2005 un projet de portail à destination des élèves malades éloignés de leur établissement. C’est ainsi que FREEDOM (pour « Fourniture de Ressources Educatives pour les Elèves Distants Ou Malades ») a vu le jour. En phase pilote depuis janvier 2008 après une collaboration de trois ans entre l’académie de Nantes et le CHU de Nantes (mais aussi d’autres partenaires institutionnels ou privés : FREEDOM est financé à 50 % par une subvention de la région Pays de la Loire et est soutenu par la société Kosmos éditrice de progiciels de communication), au cours de laquelle des élèves à domicile ou dans les services hospitaliers ont pu utiliser certaines des fonctionnalités du portail en cours de développement, en particulier la classe virtuelle, le portail propose à l’élève éloigné de sa classe et de son établissement une série d’outils pour rester en contact en temps réel avec sa classe, et pour ne pas perdre le fil de sa scolarité. En pratique, le portail propose des ressources culturelles dédiées aux adolescents (presse en ligne, accès à des sites spécialisés), des ressources pédagogiques pour travailler n’importe où, c’està-dire des dictionnaires, des encyclopédies, des manuels en ligne, des informations scolaires (inscriptions aux examens, formalités administratives, actualités de l’établissement…), un cahier de texte

interactif, permettant aux enseignants et aux élèves de la classe de communiquer à celui qui est absent les devoirs, d’échanger avec lui autour de la vie de la classe ; enfin, un accès à la classe virtuelle, qui permet à l’élève malade de participer, en direct et à distance, à certains cours de sa classe depuis n’importe quel lieu connecté à l’Internet. Le système de classe virtuelle est basé sur l’installation dans la classe d’un tableau blanc interactif, et chez l’élève ou à l’hôpital d’un ordinateur portable disposant d’un écran tactile (tablet PC), avec une transmission du son dans les deux sens. Lorsque l’enseignant écrit au tableau, le résultat s’affiche sur l’écran de l’élève, qui peut à son tour écrire une réponse qui s’affichera au tableau : un élève malade peut « passer au tableau », et être interrogé, ou poser une question. Il peut donc dans des conditions très similaires à celles de ses camarades suivre un cours, sans que cela ne pose de problème de droit à l’image (à aucun moment on ne voit l’élève malade ou ceux de la classe, seulement le tableau). Ce portail sera ouvert à tous les élèves de la 6° à la terminale pour lesquels l’absence s’étale sur plus de trois mois, dès Septembre 2008. Il sera soumis à un avis médical afin d’éviter à certains élèves de s’enfermer dans leur isolement. Portail dédié à l’accompagnement et au suivi des élèves qui ne peuvent se rendre normalement dans leur établissement scolaire, FREEDOM a pour objectif, autour de la continuité du service public d’éducation, de leur permettre de maintenir tous les liens sociaux nécessaires à leur épanouissement. Il s’appuie par ailleurs sur des outils innovants, porteurs d’une image valorisante, permettant d’apporter un aspect positif à des situations personnelles souvent difficiles. Enfin, il permet de maintenir la place de l’élève dans l’ensemble de ses communautés d’appartenance. La prise en charge des enfants et adolescents malades est, on le voit, un défi qui en appelle à notre inventivité. Mais la convergence des volontés, tant des hôpitaux que de l’éducation nationale, permet de proposer aux jeunes des solutions afin que leur parcours diverge le moins possible de la direction qu’ils suivaient avant la maladie, et qu’ils puissent rester acteurs de leur scolarité et de leur devenir.

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