Radiosensibilité individuelle et risque aux faibles doses médicales

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www.sciencedirect.com Médecine Nucléaire 36 (2012) 424–428

Revue générale

Radiosensibilité individuelle et risque aux faibles doses médicales§ Individual radiosensitivity and health risks from exposure to low levels of medical ionizing radiation M. Bourguignon a,*, N. Foray b, C. Colin c, E. Pauwels d a

Autorité de sûreté nucléaire, 6, place Colonel-Bourgoin, 75572 Paris, France Inserm, CR-U1052, service de radiobiologie, 28, rue Laennec, 69008 Lyon, France c Service de radiologie, CHU de Lyon-Sud, 69490 Pierre-Bénite, France d Leiden University Medical Center, Department of Radiology, Leiden, The Netherlands and Pisa University Medical School, University of Pisa, Pisa, Italie b

Reçu le 11 mai 2012 ; accepté le 14 mai 2012 Disponible sur Internet le 29 juin 2012

Résumé Le phénomène de radiosensibilité individuelle aux fortes doses de rayonnements ionisants (RI) est connu des radiothérapeutes depuis bien longtemps et est responsable des effets secondaires et complications de la radiothérapie en l’absence d’erreur de dose. Les techniques récentes d’immunofluorescence ont abaissé à 1 mGy (soit un facteur 100) le seuil de détection des cassures double-brin (CDB) de l’ADN. Les effets d’une simple radio, par exemple une mammographie, deviennent mesurables. Avec ces techniques, il a été montré avec des expositions de cellules d’épithélium mammaire humain en culture que le phénomène d’hyper-radiosensibilité individuelle existe également aux faibles doses de la mammographie. Les mécanismes de la radiosensibilité individuelle sont liés à des anomalies de la détection et de la réparation des lésions de l’ADN. Cela suggère un lien entre radiosensibilité individuelle et susceptibilité au cancer. Le phénomène de radiosensibilité individuelle touche probablement de 5 à 15 % de la population. Il constitue donc un phénomène important à prendre en compte tant en termes de santé publique que dans le système international de radioprotection. # 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Radiosensibilité ; Faibles doses ; Susceptibilité au cancer ; Mammographie ; ADN ; Cassure double-brin

Abstract Individual radiosensitivity to high doses of ionizing radiations has been known for a long time by radiation oncologists. It is responsible for the side effects and complications of radiation therapy in the absence of errors in dose delivery. Immunofluorescence techniques have lowered by a factor 100 the threshold of detection of DNA double-strand breaks, to the level of 1 mGy. The effects of a simple radiography, e.g. a mammography, can be measured. Thus the phenomenon of individual radiosensitivity at low-doses has been assessed in mammary epithelium cell cultures exposed in the conditions of mammography. The mechanisms of individual radiosensitivity are linked to abnormalities of DNA damage signalling and repair. This suggests a link between cancer proneness and radiosensitivity. Individual radiosensitivity has a prevalence of 5 to 15% in the population. Thus, it is a key phenomenon to take into account in public health and in future recommendations of the radioprotection system. # 2012 Published by Elsevier Masson SAS. Keywords: Radiosensitivity; Low-doses; Cancer susceptibility; Mammography; DNA; Double-strand break

1. Introduction De nombreux facteurs de variations de la réponse aux rayonnements ionisants (RI) comme le type cellulaire, le type §

Rencontre Apramen du 8 novembre 2011. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Bourguignon).

0928-1258/$ – see front matter # 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.mednuc.2012.05.006

de rayonnement, l’oxygénation cellulaire et le fractionnement de la dose sont connus depuis bien longtemps. Ces facteurs ont été pris en compte pour mettre au point et optimiser la radiothérapie des cancers [1]. La réponse individuelle aux RI ou radiosensibilité est un autre facteur, décrit au début du XXe siècle par Bouchacourt [2]. Une prédisposition héréditaire ou acquise est rapidement suspectée [3], on parle alors de radiosensibilité individuelle. Ce

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concept a été quelque peu oublié depuis parce que la radiosensibilité individuelle a été jusqu’ici difficile à mettre en évidence et plus encore à quantifier malgré de nombreux travaux sur la survie clonogénique in vitro [4,5]. Des techniques récentes d’immunofluorescence permettent la détection de cibles nucléaires spécifiques de la signalisation et de la réparation des lésions de l’ADN. Rothkamm et Löbrich ont montré en 2003 [6] que les foci nucléaires formés par la phosphorylation de l’histone H2AX (foci gH2AX) et marquant la reconnaissance d’une cassure double-brin (CDB) de l’ADN par le mode majoritaire de réparation est un moyen fiable de quantifier les CDB radio-induites. Cette technique est en train de renouveler complètement l’évaluation de la radiosensibilité individuelle. Ce phénomène de radiosensibilité individuelle existe aux faibles doses comme aux fortes doses et toucherait environ 5 à 15 % de la population. Comme il fait intervenir des mécanismes cellulaires fondamentaux, au carrefour du contrôle du cycle cellulaire et de la signalisation, et la réparation des lésions de l’ADN, il est probablement témoin d’une certaine susceptibilité au cancer. Le but de cet article est de faire le point sur la radiosensibilité individuelle et de montrer son importance pour la radioprotection, en particulier vis-à-vis des expositions aux faibles doses médicales. 2. L’hypersensibilité aux fortes doses de rayonnements ionisants (RI) Les radiothérapeutes savent depuis longtemps que certains patients présentent une sensibilité particulière aux RI en cours de traitement et développent des effets secondaires indésirables touchant les tissus normaux après la radiothérapie, alors même qu’il n’y a eu aucune erreur dans la délivrance de la dose [7]. Puisque le taux de ces effets secondaires est estimé entre 5 et 15 % [8,9], il apparaît justifié de considérer un facteur individuel dans cette hypersensibilité aux RI. La radiosensibilité individuelle mesurée in vitro a été corrélée avec la curabilité in vivo des cancers en 1981 [5]. Dès lors, l’identification des patients porteurs de cancer et sensibles aux RI et la quantification du degré de leur radiosensibilité devraient permettre la mise au point d’un traitement personnalisé qui pourrait remplacer le traitement avec une dose standard. Cela devrait également permettre d’éviter ou de minimiser les effets secondaires tout en améliorant la curabilité des tumeurs [10–12]. Comme évoqué ci-dessus, la radiosensibilité est liée à des désordres génétiques concernant les voies de signalisation et de réparation de l’ADN et du contrôle du cycle cellulaire [13]. De nombreuses maladies génétiques, par exemple l’ataxie télangiectasie (mutation ATM), la déficience en ligase IV (mutation LIG4) ou le syndrome de Nimègue (mutation NBS1), ont été bien identifiées et le statut homozygote du patient est associé avec une hyper-radiosensibilité [14]. Le taux de survie des cellules des patients après exposition ex vivo à une seule dose de 2 Gy de RI est habituellement inférieure à 50 % et peut être aussi basse que 5 %. Ces patients ont un haut degré de radiosensibilité. Les radiothérapeutes sont très prudents et

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vigilants afin de ne pas manquer le diagnostic de ces patients, pour ne pas les irradier ou pour limiter la dose délivrée lorsque la radiothérapie est nécessaire. Les patients avec des mutations hétérozygotes pour ces mêmes gènes ont un degré de radiosensibilité plus faible [15]. Les patients hétérozygotes pour ces gènes représentent environ 10 % de la population, les porteurs ATM hétérozygotes représentant déjà à eux tout seuls 1 % de la population [16]. Pour prédire la radiosensibilité intrinsèque de patients présentant des syndromes associés avec une réponse aiguë aux rayonnements, Joubert et al. [17] ont utilisé différents tests d’immunofluorescence sur des fibroblastes cutanés humains exposés à 2 Gy de rayonnements. Ils ont exploré les CDB de l’ADN avec les foci gH2AX et l’instabilité génomique avec les foci MRE11. Ces auteurs ont aussi proposé une classification de la radiosensibilité individuelle sur la base des résultats obtenus sur 40 lignées cellulaires représentant 89 syndromes génétiques différents et une série de 50 patients (Granzotto et al., soumis pour publication). Cette approche combinée des CDB et de l’instabilité génomique permet de porter un regard nouveau sur la radiosensibilité individuelle et les effets secondaires de la radiothérapie. 3. Des phénomènes propres aux faibles doses de rayonnements ionisants (RI) Le phénomène de radiosensibilité aux faibles doses (HRS) en comparaison des fortes doses a été décrit pour la première fois par Joiner et al. en 1996 via la quantification de la fraction survivante de cellules gliales humaines exposées aux rayons X de 240 kV [18]. Ce phénomène était suivi d’une phase de radiorésistance d’où la dénomination HRS-IRR. Un phénomène du même type et dans la même gamme de doses a été observé par Slonina et al. [19] dans des fibroblastes et des kératinocytes humains exposés à des rayons g par une augmentation aux faibles doses de la fraction de micronoyaux dans des cellules binuclées. À la recherche de phénomènes propres aux faibles doses, Vaganay-Juéry et al. [20] ont montré une diminution de l’activité DNA-PK dans des cellules cancéreuses humaines exposées à 200 mGy, suggérant l’implication du complexe de réparation DNA-PK dans ce phénomène. Krueger et al. [21] ont confirmé que le phénomène HRS dans des cellules MR4 est lié au checkpoint G2/M via les réponses aux dommages des cellules en phase G2. En termes de quantification de dommages de l’ADN et d’étude de la cinétique de réparation à faibles doses, Grudzenski et al. [22] ont montré chez la souris un défaut de réparation tardif (24 à 72 heures) de lésions de l’ADN après exposition à 10 mGy de RI à faible TEL via la persistance de foci 53 BP1 tandis que ces défauts n’existent pas avec des doses plus élevées (100 mGy et 1 Gy). Les auteurs ont aussi montré dans des fibroblastes humains que l’absence de réparation des CDB de l’ADN après 2,5 mGy disparaissait après l’induction de la réparation par un prétraitement avec H2O2. Des travaux récents ont conforté cette double notion de dommages aux très faibles doses associés à un défaut de

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réparation. Colin et al. [23] ont irradié des cellules d’épithélium mammaire de deux populations de patientes, une population à faible risque familial et une population à haut risque familial de cancer du sein. Les auteurs ont quantifié le nombre de foci gH2AX dans les conditions de l’exposition mammographique : 2 mGy pour une incidence, la répétition de 2 mGy trois minutes plus tard pour simuler la seconde incidence d’un protocole mammographique standard, et 4 mGy. Ils ont observé quatre effets statistiquement significatifs :

incomplète de l’ADN après irradiation [17]. De plus, il est probable que d’autres types de dommages que les CDB tels que les dommages de bases et les cassures simple-brin d’ADN radio-induites à faibles doses jouent un rôle important. En conséquence, dans l’état actuel des connaissances un ensemble de données scientifiques incitent à considérer que les individus « radiosusceptibles » présentent très probablement un risque accru de cancer radio-induit par rapport au reste de la population dès lors qu’ils sont exposés aux RI.

 un effet dose avec l’augmentation des CDB avec la dose ;  un effet supra-additif avec la répétition de la dose, c’est-àdire plus de CDB non réparées après 2 + 2 mGy qu’avec 4 mGy en une seule exposition ;  un effet tardif d’induction de CDB entre dix minutes et 24 heures, suggérant un processus de création de CDB pendant la réparation ;  ces trois effets sont plus marqués chez les patientes de familles à haut risque familial de cancer du sein que chez celles à bas risque.

4. Les expositions médicales aux faibles doses

Ces résultats suggèrent de modifier les bonnes pratiques du dépistage du cancer du sein chez les patientes de famille à haut risque en utilisant l’IRM dont les progrès dans ce domaine sont notables [24]. Il convient de noter que ces résultats ne sont pas en contradiction avec les calculs de risque de cancer radioinduit effectués par Berrington de Gonzales pour les jeunes femmes porteuses de mutations BRCA [25]. Bien que des investigations complémentaires soient nécessaires pour documenter davantage ces phénomènes propres aux faibles doses, ces travaux récents sur l’épithélium mammaire humain non tumoral suggèrent déjà l’importance d’un facteur individuel et du statut génétique. Un des enjeux futurs majeurs va être de quantifier l’équilibre entre radiosensibilité individuelle et instabilité génomique. Dans une étude effectuée sur trois lignées de fibroblastes humains irradiés entre 9–2000 mGy et explorés avec les techniques d’immunofluorescence de MRE11 et de H2AX, Colin et al. [26] ont observé des réponses spécifiques dans le domaine de dose 9–50 mGy. Les auteurs ont ainsi établi une corrélation entre la non réparation et la mauvaise réparation en montrant l’importance des variations individuelles. À ce stade, on ne sait pas si le phénomène HRS décrit par Joiner et al. et le phénomène de radiosensibilité individuelle aux faibles doses décrit par Colin et al. [26] sont distincts ou ont une partie commune. On sait que les patientes avec un haut risque de cancer du sein lié à une mutation BRCA1 sont plus radiosensibles que les patientes indemnes de mutation [27]. Bien qu’obtenus ex vivo, les données de Colin sur l’épithélium mammaire humain sont en faveur d’un lien entre la susceptibilité au cancer et la radiosensibilité individuelle. Les résultats de Colin et al. [23] ne démontrent pas directement l’existence d’une mutagenèse à faible dose puisque le marqueur gH2AX ne témoigne pas de l’instabilité génomique. Cependant, la présence systématique de CDB mal réparées chez les patientes à risque de cancer mise en évidence par l’immunofluorescence de MRE11 est un signe de la réparation

Les expositions médicales des patients aux RI sont la première cause d’exposition aux RI d’origine artificielle. Dans les pays les plus développés technologiquement (États-Unis, Japon), c’est la première cause d’exposition aux RI avec une dose efficace moyenne de la population de 3 à 5 mSv/ an.habitant pour ces pays et 1,3 mSv en France [28]. À noter qu’environ un quart de la population est exposé par an ! Ces expositions sont en pleine croissance : +250 % du nombre des examens radiologiques entre 1993 et 2008, +206 % pour la médecine nucléaire entre les années 1980 et 2000 [29]. L’augmentation des doses est liée essentiellement au scanner mais les autres modalités d’imagerie (TEP, radiologie interventionnelle) sont également concernées. Mais l’augmentation des doses résulte surtout du fait que l’imagerie médicale est décisive pour le diagnostic des maladies, pour l’orientation de la stratégie thérapeutique, le suivi de l’efficacité du traitement et le traitement lui-même (radiologie interventionnelle et radiothérapie) et que cette tendance va donc se poursuivre. Il faut souligner également le cas particulier de la population générale féminine à partir de 50 ans avec le dépistage mammographique du cancer du sein mis en place dans la quasi-totalité des pays industrialisés, mais surtout les pratiques de dépistage mammographique individuel chez des milliers de femmes [30] à des âges de plus en plus jeunes et à l’encontre des recommandations des agences internationales de santé. 4.1. Mais quel en est le risque ? L’épidémiologie nous dit qu’il existe un excès de risque de cancer pour des doses efficaces qui dépassent 100 mSv chez l’adulte et 50 mSv chez l’enfant (données Hiroshima et Nagasaki, expositions médicales du début du XXe siècle, données expérimentales sur l’animal. . .). Au-delà de ces niveaux, la relation linéaire sans seuil (LNT) est le modèle utilisé pour le calcul du risque. Le risque de cancer en excès est évalué à 5 %/Sv de dose efficace au-delà des seuils ci-dessus. Tous ces travaux restent aussi à interpréter avec précaution car la littérature demeure confuse en ce qui concerne la délivrance de la dose dans le temps ! Personne n’a démontré d’excès de cancer dans les populations exposées à un fort rayonnement naturel à bas débit de dose, avec des doses cumulées qui vont très largement au-delà de ces seuils cidessus. Aux faibles doses de RI, les données épidémiologiques ne démontrent pas de risque en deçà de 100 mSv si l’on considère

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la dose efficace. Toutefois, nous avons vu que les données radiobiologiques démontraient depuis quelques années l’importance d’une connaissance de la dose à l’organe, seule à même d’étudier le niveau de dommages sur un type cellulaire donné, le niveau de non et mauvaise réparation corrélée à l’instabilité génomique radio-induite. La technique d’immunofluorescence gH2AX a abaissé le seuil de détection des CDB de l’ADN à 1 mGy, soit un facteur 100 par rapport aux techniques antérieures. C’est ce progrès méthodologique qui permet de voir les effets clastogéniques d’une simple exposition médicale, comme celle de la mammographie. La CIPR 103 (article 66) a confirmé depuis peu qu’il n’est pas autorisé d’utiliser la LNT et la dose collective pour évaluer le risque correspondant à des expositions triviales [31]. Les modèles BEIR [32] ne semblent que des raffinements de cette méthode. Sur cette base, on peut donc légitimement s’interroger sur la robustesse des articles alarmistes disant que les expositions médicales sont responsables de 30 000 décès chaque année aux États-Unis, 3000 pour la France. Mais la progression des doses et leur répétition chez un même patient pourraient conduire à des niveaux de doses où l’épidémiologie a déjà montré une augmentation significative de risque. C’est là que la radiosensibilité d’une partie de la population change nos perspectives puisque chez ces patients là, le risque serait naturellement plus élevé. Et les travaux de Colin [23,24,26] sont là pour le confirmer. Incontestablement, les calculs de risque de cancer radioinduit avec les nouvelles procédures d’imagerie du sein doivent être pris en compte. Ils sont inquiétants selon l’étude récente de Hendrick [33] indiquant une augmentation du risque multiplié par deux avec les techniques de tomosynthèse couplées aux bilans mammographiques standards. Dans son étude, les explorations de médecine nucléaire sénologique sont associées à un risque 20 à 30 fois supérieur à celui de la mammographie pour des femmes de 40 ans. Les auteurs ont en effet indiqué qu’une seule exploration par mammoscintigraphie (breastspecific gamma imaging [BSGI]) ou par mammographie par émission de positon ( positron emission mammography [PEM]) engendrait un risque de décès par cancers radio-induits au moins équivalent à celui de 40 ans de dépistage mammographique annuel démarrant à l’âge de 40 ans. Toutes ces observations sont en faveur du renforcement de la radioprotection des patients, qui passe par la maîtrise de la progression des doses, en s’appuyant sur les principes de justification et d’optimisation. 5. Conclusions En conclusion, nous pensons que la radiosensibilité individuelle est une vraie question de santé publique, d’autant plus que 5 à 15 % de la population serait concerné. Parmi ces personnes, on peut identifier :  tous les jeunes patients (enfants et adultes jeunes) qui bénéficient de l’imagerie médicale mais seront encore de nombreuses fois exposés au cours de leur vie. Leurs cellules jeunes sont plus susceptibles aux cancers radio-induits ;

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 tous les patients exposés aux RI à des titres divers, pour des pathologies variées et qui ont encore une belle espérance de vie. Les patients porteurs d’une pathologie cardiovasculaire constituent sans doute la plus grande cohorte de patients les plus exposés ;  les patients suivis après des traitements pour un cancer compte tenu des progrès de la cancérologie et la guérison d’un nombre de plus en plus grand de cancer. Les cancers secondaires existent, chez environ 5 % des patients guéris d’un premier cancer. Il convient chez tous ces patients de ne pas favoriser ce risque de second cancer en informant la communauté médicale des risques potentiels des expositions médicales notamment pour certains organes ;  les femmes en dépistage du cancer du sein par mammographie. La CIPR a augmenté le facteur de pondération tissulaire du sein de 0,04 à 0,12. Si le dépistage organisé du cancer du sein ne peut être remis en question après 50 ans compte tenu de son impact en termes de mortalité et concernant en France 7,5 millions de femmes en France chaque année, une attention particulière doit être portée aux femmes de moins de 50 ans. En effet, les pratiques de dépistage individuel sont non recommandées dans la population générale en l’absence de facteur de risque identifié, ou nécessitent une très sérieuse étude de l’équilibre bénéfice risque des expositions mammographiques préconisées parfois dès l’âge de 30 ans en association avec l’IRM. Afin de proprement protéger les individus qui sont plus sensibles aux RI, le phénomène de radiosensibilité individuelle devrait être pris en compte dans le système de radioprotection. Enfin, à côté de la recherche fondamentale nécessaire pour explorer et mieux comprendre les mécanismes fondamentaux impliqués dans la radiosensibilité, un test capable de prédire la réponse aux RI doit être disponible au plus vite pour documenter ce phénomène à grande échelle. Il devrait être facile à mettre en œuvre et à interpréter, et devrait fournir des résultats fiables en peu de temps et à un coût raisonnable. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Hall EJ, Giacca AJ. Radiobiology for the radiologist. Philadelphia, USA: Lippincott Wilkins & Williams; 2006. [2] Bouchacourt ML. Sur la différence de sensibilité aux rayons de Roentgen de la peau des différents sujets, et, sur le même sujet des différentes régions du corps. Comptes-rendus des sessions de l’association française pour l’avancement des sciences. 1911; 40e Congrès–Dijon, 942–7. [3] Regaud C, Lacassagne A. Effets histophysiologiques des rayons de Roentgen et de Becquerel-Curie sur les tissus adultes normaux des animaux supérieurs. In: Regaud C, editor. Radiophysiologie et Radiothérapie. Paris, France: Presses Universitaires de France; 1927. [4] Puck TT, Marcus PI. Action of X-rays on mammalian cells. J Exp Med 1956;103:653–66. [5] Fertil B, Malaise EP. Inherent cellular radiosensitivity as a basic concept for human tumor radiotherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1981;7: 621–9.

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