revue neurologique 166 (2010) 940–943
Bre`ve communication
Re´gression de ste´noses intracraˆniennes verte´brobasilaires symptomatiques sous corticothe´rapie au cours d’une maladie de Horton Reversibility of vertebrobasilar stenoses following treatment with corticosteroid therapy in patients with giant cell arteritis K. Polomat, N. Chausson *, S. Olindo, D. Smadja Service de neurologie, CHU de Fort-de-France, 97200 La Meynard, Fort-de-France, Martinique
info article
r e´ s u m e´
Historique de l’article :
Introduction. – L’atteinte arte´ritique intracraˆnienne symptomatique de la maladie de Horton
Rec¸u le 17 janvier 2010
est une complication rare, mais le plus souvent fatale. L’instauration en urgence de la
Rec¸u sous la forme re´vise´e le
corticothe´rapie semble insuffisante pour e´viter la re´cidive d’infarctus ce´re´braux et les
11 fe´vrier 2010
modalite´s du traitement antithrombotique a` associer ne sont pas codifie´es.
Accepte´ le 3 mars 2010
Observation. – Une femme, aˆge´e de 77 ans, pre´sentait depuis trois mois une alte´ration de
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l’e´tat ge´ne´ral avec ce´phale´es, claudication de la maˆchoire, ainsi que des vertiges a` l’orthos-
18 avril 2010
tatisme. L’IRM ce´re´brale retrouvait un infarctus ce´re´belleux re´cent. Une semaine plus tard survenait un second infarctus ce´re´belleux avec ste´noses verte´brobasilaires intracraˆniennes.
Mots cle´s :
Le diagnostic de maladie de Horton e´tait confirme´ par la biopsie de l’arte`re temporale et une
Maladie de Horton
corticothe´rapie orale e´tait entreprise sous couvert d’une association d’antiagre´gants pla-
Accident vasculaire ce´re´bral
quettaires. L’e´volution e´tait favorable cliniquement avec re´gression radiologique rapide des
Vascularite ce´re´brale
ste´noses intracraˆniennes.
Antiagre´gation plaquettaire
Conclusion. – L’arte´rite intracraˆnienne au cours de la maladie de Horton est une affection se´ve`re, souvent responsable d’infarctus ce´re´braux re´cidivants. La corticothe´rapie peut
Keywords:
permettre une re´gression des ste´noses arte´ritiques intracraˆniennes mais elle doit eˆtre
Giant cell arteritis
associe´e initialement a` un traitement antithrombotique dont les modalite´s sont a` pre´ciser.
Stroke
Sous association d’antiagre´gants plaquettaires, l’e´volution clinicoradiologique de notre
Cerebral vasculitis
patiente a e´te´ spectaculairement favorable. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Antiplatelet therapy
abstract Introduction. – Involvement of intracranial arteries in giant cell arteritis is a rare condition but often carries a fatal prognosis. Corticosteroids seem to be insufficient to avoid ischemic cerebral complications, and could even promote the occurrence of stroke. We report the
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (N. Chausson). 0035-3787/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.neurol.2010.03.007
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case of a patient with giant cell arteritis who experienced recurrent cerebellar stroke caused by intracranial vertebrobasilar stenoses with a favorable outcome following treatment. Case report. – A 77-year-old woman presented with a 3-month history of impaired general condition. She had new-onset headaches, jaw claudication and transient vertigo, especially when she woke-up. The brain MRI showed a recent cerebellar infarction. One week later, she was hospitalized for a clinical deterioration related to a recurrent cerebellar stroke caused by intracranial vertebro-basilar stenoses. Giant cell arteritis was confirmed on the temporal artery biopsy. A treatment with high-dose oral corticosteroids was begun associated with an intensive antiplatelet therapy. The clinical outcome was favorable with rapid improvement of gait imbalance together with a complete radiological regression of the intracranial stenoses. Conclusion. – Ischemic stroke in giant cell intracranial arteritis is a severe condition without a well-defined treatment. Corticosteroid therapy improves intracranial stenoses caused by vasculitis but should be initially associated with an intensive antithrombotic therapy to avoid early recurrence of cerebral infarcts. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1.
Introduction
L’atteinte intracraˆnienne de la maladie de Horton est une complication rare (4 % des cas) (Caselli et al., 1988), mais rapporte´e comme le plus souvent fatale malgre´ l’instauration de la corticothe´rapie (Moroianu et al., 2006 ; Ronthal et al., 2003 ; Ruegg et al., 2003 ; Salvarani et al., 2006 ; Wilkinson et Russell, 1972). Ce traitement d’urgence de la maladie de Horton pourrait meˆme parfois pre´cipiter la survenue ou la re´cidive d’infarctus ce´re´bral. Nous rapportons ici le cas d’une patiente avec maladie de Horton ayant pre´sente´ deux infarctus ce´re´belleux, d’e´volution clinique favorable et avec re´gression radiologique des ste´noses arte´ritiques intracraˆniennes sous corticothe´rapie associe´e a` une antiagre´gation puissante.
2.
Observation
Une femme aˆge´e de 77 ans, aux ante´ce´dents d’hypertension arte´rielle bien e´quilibre´e sous inhibiteur calcique et beˆtablo-
quant depuis huit ans, pre´sentait depuis trois mois une alte´ration de l’e´tat ge´ne´ral avec un amaigrissement de 2 kg, associe´e a` des ce´phale´es en casque, des e´pisodes de flou visuel, une claudication de la maˆchoire et des arthralgies inflammatoires des e´paules. Suite a` l’apparition de sensations rotatoires pre´dominant a` l’orthostatisme, la patiente consultait un ORL, qui prescrivait une courte cure de corticoı¨des a` 25 mg/j pendant trois jours, permettant une diminution transitoire des ce´phale´es. Cependant, l’instabilite´ devenait permanente. L’IRM ce´re´brale re´alise´e en externe mettait en e´vidence un petit infarctus re´cent ce´re´belleux droit (Fig. 1). Une semaine plus tard, l’e´tat clinique de la patiente s’aggravait avec une majoration de son instabilite´ et l’apparition d’une paralysie faciale gauche d’allure centrale motivant son hospitalisation en neurologie. L’examen clinique retrouvait e´galement un syndrome ce´re´belleux statique discret avec e´largissement du polygone de sustentation et des arte`res temporales indure´es et non pulsatiles. Le bilan biologique montrait une augmentation de la vitesse de se´dimentation a` 100 mm/h et une chole´stase anicte´rique. Il n’y avait pas d’ane´mie ni de thrombocytose. Une nouvelle IRM ce´re´brale re´ve´lait un deuxie`me infarctus
Fig. 1 – IRM ce´re´brale no 1 re´alise´e en externe. a : coupe axiale T2 diffusion : hypersignal punctiforme ce´re´belleux droit en rapport avec une ische´mie ce´re´belleuse re´cente ; b : ARM Temps de vol : ste´noses discre`te de l’arte`re verte´brale gauche (V4) et du segment A1 de l’arte`re ce´re´brale ante´rieure gauche. Initial brain MRI: a: axial T2 diffusion plane: right cerebellar punctiform hyperintensity related to recent cerebellar ischemic stroke; b: angio-MRI: moderate distal stenosis of the left vertebral artery (V4) and of the proximal part of left anterior cerebral artery (A1).
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Fig. 2 – IRM ce´re´brale no 2 re´alise´e pendant l’hospitalisation : a : coupe axiale T2 Diffusion : hypersignaux ce´re´belleux gauches en rapport avec une ische´mie re´cente ; b : ARM Temps de vol : majoration de la ste´nose de l’arte`re verte´brale gauche (V4) avec atteinte de la partie proximale du tronc basilaire. Second brain MRI during hospitalization: a: axial T2 diffusion plane: left cerebellar hyperintensities related to recent ischemic stroke; b: Angio-MRI: increase of the left vertebral artery (V4) stenosis with involvement of the proximal part of the basilar artery.
ce´re´belleux controlate´ral gauche, avec une ste´nose distale en chapelet de l’arte`re verte´brale gauche dans son segment intracraˆnien V4 et de la partie proximale du tronc basilaire (Fig. 2). Il existait e´galement une ste´nose du segment A1 de l’arte`re ce´re´brale ante´rieure gauche. Des le´sions re´tiniennes ische´miques e´taient pre´sentes au fond d’œil et a` l’angiographie a` la fluoresce´ine. Une biopsie de l’arte`re temporale droite confirmait le diagnostic de maladie de Horton. Devant la gravite´ potentielle du tableau clinique, un traitement en urgence e´tait entrepris, comportant une corticothe´rapie orale a` 0,7 mg/kg par jour, et une antiagre´gation plaquettaire associant aspirine 100 mg/j, clopidogrel 75 mg/j et dipyridamole 300 mg/j. L’e´volution e´tait favorable avec ame´lioration rapide de la symptomatologie clinique et re´gression du syndrome inflammatoire. Un
Fig. 3 – ARM Temps de vol apre`s 1 mois de corticothe´rapie : nette re´gression des ste´noses arte´ritiques verte´brobasilaires tandis que la ste´nose du segment A1 de l’arte`re ce´re´brale ante´rieure gauche d’origine athe´romateuse probable reste inchange´e. Follow-up Angio-MRI after one month of corticosteroid therapy: clear regression of the vertebro-basilar stenoses while persistence of the probably atheromatous stenosis of proximal part (A1) of the left anterior cerebral artery.
suivi radiologique par des IRM re´pe´te´es montrait une nette re´gression des ste´noses intracraˆniennes verte´brobasilaires a` un ` cette date, une simple antiagre´gation plaquetmois (Fig. 3). A taire e´tait poursuivie, associe´e a` une corticothe´rapie a` dose de´croissante. Aucune re´cidive n’e´tait observe´e apre`s six mois.
3.
Discussion
L’atteinte arte´ritique intracraˆnienne au cours de la maladie de Horton est une complication souvent fatale, par survenue d’infarctus ce´re´braux a` re´pe´tition (Moroianu et al., 2006 ; Nordborg et Bengtsson, 1989 ; Ronthal et al., 2003 ; Ruegg et al., 2003 ; Salvarani et al., 2006 ; Wilkinson et Russell, 1972). Elle pre´domine, comme chez notre patiente, au niveau du territoire verte´brobasilaire expliquant l’engagement du pronostic vital. Le me´canisme des infarctus ce´re´braux est principalement he´modynamique sur ste´noses arte´ritiques, ainsi notre patiente pre´sentait initialement des symptoˆmes transitoires a` l’orthostatisme e´vocateurs de bas de´bit dans le territoire verte´brobasilaire et la topographie du deuxie`me infarctus ce´re´belleux est en partie jonctionnelle. Des embolies d’arte`res a` arte`res sont e´galement possibles. ` l’instar de notre cas, les ste´noses intracraˆniennes de la A maladie de Horton touchent habituellement les arte`res verte´brales imme´diatement apre`s leur pe´ne´tration a` travers la dure-me`re et la partie proximale du tronc basilaire (Wilkinson et Russell, 1972). Elles peuvent mimer des ste´noses athe´romateuses, mais celles-ci affectent habituellement de manie`re plus e´tendue la moitie´ infe´rieure du tronc basilaire, la terminaison des carotides internes, et le segment proximal des arte`res sylviennes. Notre patiente pre´sentait e´galement une ste´nose de l’arte`re ce´re´brale ante´rieure gauche, dont la topographie et la stabilite´ au cours du traitement e´taient d’ailleurs plutoˆt e´vocatrices d’une origine athe´romateuse. La re´gression des ste´noses arte´ritiques verte´bro-basilaires comme dans notre cas n’a e´te´ rapporte´e que tre`s re´cemment chez quatre patients : deux par monitorage IRM dont un sans confirmation histologique de la maladie de Horton (Ahdab
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et al., 2008 ; Topakian et al., 2009) et deux par e´chodoppler (Sutter et al., 2008). De nombreuses publications sugge`rent que la corticothe´rapie orale a` forte dose, traitement d’urgence de la maladie de Horton, pourrait initialement pre´cipiter la survenue de complications ische´miques ce´re´brales ou optiques malgre´ un controˆle rapide des parame`tres inflammatoires (Salvarani et al., 2006 ; Staunton et al., 2000). Pour e´viter de telles complications, l’inte´reˆt d’associer d’emble´e a` la corticothe´rapie un traitement antithrombotique, antiagre´gant plaquettaire ou anticoagulant, a e´te´ largement de´montre´, en particulier pour le nerf optique (Lee et al., 2006 ; Nesher et al., 2004). Mais le choix de l’antithrombotique, en particulier en cas d’arte´rite intracraˆnienne, ne fait l’objet d’aucun consensus. Devant la re´pe´tition des accidents vasculaires ce´re´braux, nous avons de´cide´ d’utiliser une association d’antiagre´gants plaquettaires, plutoˆt qu’une anticoagulation rapporte´e comme insuffisante par certains auteurs (Moroianu et al., 2006 ; Sprigg et al., 2008). L’absence de re´cidive clinique et la de´monstration d’une nette re´gression des ste´noses verte´brobasilaires a` un mois nous ont conduit a` ne maintenir apre`s un mois qu’une simple antiagre´gation plaquettaire par aspirine a` faible dose. Une autre option pre´ventive re´side en une angioplastie avec stenting intracraˆnien, comme nous l’avions propose´ pour une autre patiente re´sistante au traitement me´dical seul et porteuse d’une double ste´nose carotidienne tre`s serre´e (Chausson et al., 2009).
4.
Conclusion
L’arte´rite intracraˆnienne est une complication grave de la maladie de Horton, potentiellement le´tale. La corticothe´rapie permet une re´gression progressive des ste´noses arte´ritiques intracraˆniennes mais est insuffisante pour pre´venir la survenue ou la re´cidive d’une complication ische´mique ce´re´brale pre´coce. L’inte´reˆt d’un traitement antithrombotique a` associer transitoirement a` la corticothe´rapie est de´montre´, mais ses modalite´s, notamment en pre´vention secondaire imme´diate, restent a` pre´ciser. L’association d’antiagre´gants plaquettaires e´tant une des options possibles a` e´valuer.
Conflit d’inte´reˆt Aucun.
Remerciements Les auteurs remercient le service de neuroradiologie du CHU de Fort-de-France.
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r e´ f e´ r e n c e s
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