Rôle de l’homocystéine au cours de la stéatose hépatique et de l’hépatite chronique C

Rôle de l’homocystéine au cours de la stéatose hépatique et de l’hépatite chronique C

© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Gastroenterol Clin Biol 2007;31:415-420 HÉPATITE C MISE AU POINT Rôle de l’homocystéine au cours...

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© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Gastroenterol Clin Biol 2007;31:415-420

HÉPATITE C

MISE AU POINT

Rôle de l’homocystéine au cours de la stéatose hépatique et de l’hépatite chronique C Xavier ROBLIN, Joanna POFELSKI, Jean-Pierre ZARSKI Département d’Hépato-Gastroentérologie, CHU Michallon, Grenoble.

RÉSUMÉ

SUMMARY

L’homocystéine est un acide aminé soufré qui intervient dans le métabolisme de la méthionine. Cette molécule appartient au groupe des thiols intracellulaires. L’hyperhomocystéinémie est fréquente dans la population caucasienne (plus de 15 % de la population). Son rôle au cours des pathologies vasculaires est bien établi. En hépatologie, des données expérimentales chez des souris déficitaires pour certaines enzymes du métabolisme de l’homocystéine ont montré la présence d’une stéatose hépatique sévère avec parfois stéatohépatite. Chez l’homme, de nombreux travaux ont montré l’existence d’une corrélation entre homocystéine et stéatose. Certains auteurs ont même proposé un seuil discriminant d’homocystéinémie permettant de distinguer stéatose simple et NASH (Non Alcoholic SteatoHepatitis). Au cours de l’hépatite chronique C, des données préliminaires ont montré que l’hyperhomocystéinémie était un facteur de risque indépendant de stéatose et peut-être de fibrose. Il existe une forte corrélation entre homocystéine et insulino-résistance. L’homocystéine a une action directe au niveau hépatique. Elle permet la surexpression de SREBP-1 (Sterol Regulatory Element Binding Proteins), qui favorise la stéatose. Elle stimule la sécrétion de cytokines proinflammatoires, probablement en activant le facteur transcriptionnel NF kappa B, augmentant ainsi le risque de NASH. Enfin, l’homocystéine, en stimulant l’inhibiteur de métalloprotéinase TIMP-1 (Tissue Inhibitor of Metalloproteinase), pourrait favoriser la fibrogénèse hépatique. De plus, l’hyperhomocystéinémie, en provoquant une hypométhylation de STAT 1 (Signal Transducer and Activator of Transcription), pourrait diminuer l’effet antiviral de l’interféron. Des données in vitro montrent que la normalisation de la méthylation de STAT 1 par apport de bétaine et S Adenosyl Méthionine (appartenant au cycle de l’homocystéine) permet de rétablir l’effet antiviral de l’interféron alpha. Des études chez l’homme sont nécessaires pour savoir si la prise en charge thérapeutique de l’hyperhomocystéinémie a des conséquences favorables au cours des stéatoses et au cours de l’hépatite chronique virale C.

Steatosis, chronic hepatitis virus C infection and homocysteine Xavier ROBLIN, Joanna POFELSKI, Jean-Pierre ZARSKI

(Gastroenterol Clin Biol 2007;31:415-420)

Homocysteine, a sulfuric amino acid involved in methionine metabolism, belongs to the group of intracellular thiols. Hyperhomocysteinemia is frequent in the Caucasian population (more than 15%) and its role in vascular pathology has been clearly established. In hepatology, experimental data in transgenic mice deficient in homocysteine metabolism enzymes have shown the presence of severe liver steatosis with occasional steatohepatitis. In human beings, many studies have found a correlation between homocysteine and steatosis or even NASH. Some authors have suggested a discriminating threshold to differentiate simple steatosis from NASH. In chronic hepatitis C, preliminary data have shown that hyperhomocysteinemia is an independent risk factor for steatosis or even fibrosis. The physiopathological mechanism has now begun to be better understood. On one hand, there is a strong correlation between homocysteine and insulin resistance whatever its etiology. On the other hand, homocysteine has a direct effect on the liver, resulting in over expression of SREBP-1 and favouring steatosis. It stimulates proinflammatory cytokine secretion such as NF kappa B increasing the risk of NASH. Finally, homocysteine could increase the risk of fibrosis by stimulating TIMP 1. Moreover hepatitis C virus induces hypomethylation of STAT 1 and could decrease the antiviral activity of interferon. Results from in vitro studies have shown that the normalisation of STAT 1 methylation by bringing betaine and S Adenosyl Methionine (which belongs to homocysteine cycle) restores the antiviral activity of interferon. These data should be confirmed to evaluate the importance of homocysteine dosage in the diagnosis of NASH. Finally, treatment of hyperhomocysteinemia could have favourable consequences in steatopathies and HCV infection.

l’hyperhomocystéinemie semble jouer un rôle pathogène sur de nombreux organes. Si l’élévation de l’homocystéine plasmatique (supérieure à 15 µmol/L) est reconnue comme facteur de risque vasculaire indépendant [1], elle semble avoir aussi un rôle dans la genèse de nombreuses pathologies [2-6] (tableau I). Le but de cette mise au point est d’analyser les liens entre l’hyperhomocystéinémie, la stéatose hépatique, et l’hépatite chronique virale C.

Introduction Le cycle de l’homocystéine semble avoir une grande importance dans différents types cellulaires. Si l’homocystéinurie reste du domaine de l’exception, la prévalence de l’hyperhomocystéinémie est élevée dans la population caucasienne. Les conséquences cellulaires de l’hyperhomocystéinémie associent des défauts de méthylation, une surexpression de cytokines proinflammatoires et l’augmentation du stress oxydatif. Ainsi,

Métabolisme de l’homocystéine (figure 1)

Tirés à part : X. ROBLIN, Département d’Hépato-Gastroentérologie, CHU Michallon, 38000 Grenoble. E-mail : [email protected]

L’homocystéine est un acide aminé soufré qui intervient dans le métabolisme de la méthionine. Cette molécule appartient au

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X. Roblin et al.

La voie de la reméthylation

Tableau I. – Type de pathologies associées à une hyperhomocystéinémie : association certaine, probable ou possible. Pathologies associated with hyperhomocysteinemia. Réf.

Pathologie

Rôle

[1]

Pathologie vasculaire (thrombose artérielle, veineuse, coronarienne)

Rôle certain

[2]

Complications dégénératives d’un diabète

Rôle certain

[3]

Ostéoporose et fracture ostéoporotique

Rôle très probable

[4]

Insulino-résistance

Rôle probable

[5]

Risque oncogène

Rôle probable

[6]

Maladie d’Alzheimer

Rôle possible

L’homocystéine se transforme en méthionine après méthylation. Cette étape est sous la dépendance de deux enzymes : la méthionine synthétase (MS) et la bétaine homocystéinemethyltransférase (BHMT). Cette étape dépend de la présence de vitamine B12, de bétaine et du métabolisme des folates. Un enzyme clé du métabolisme des folates est la méthyltétrahydrofolate réductase (MTHFR). Cet enzyme catalyse la réduction irréversible du 5,10 méthylénetétrahydrofolate en 5 méthyl-THF avec la flavine adénine dinucléotide (FAD) comme cofacteur. Le 5-méthyl-THF, formé au niveau hépatique, sert de substrat pour la reméthylation de l’homocystéine grâce à la méthionine synthétase dont le cofacteur est la vitamine B12. La méthionine est un acide aminé soufré essentiel qui permet la biosynthèse de novo de S-adenosyl-méthionine (SAM) après transformation par la méthionine adenosyltransférase (MAT). SAM est l’un des principaux donneurs de radicaux méthyls de nombreux précurseurs (ARN, ADN, protéines, lipides). Après déméthylation, SAM se transforme en S adénosylhomocystéine (SAH) par une méthyltransférase. SAH est en équilibre avec l’homocystéine par l’intermédiaire d’une hydroxylase.

groupe des thiols intracellulaires. Les thiols intracellulaires les plus abondants sont le glutathion, dont la concentration intracellulaire est comprise entre 1 à 10 nmol/L, et la cystéine, dont le taux plasmatique varie entre 200 et 300 µmol/L. Ces molécules permettent de maintenir l’homéostasie intra et extracellulaire du système Redox, facilitant le rôle de détoxification cellulaire et de défense [7]. À l’inverse, l’homocystéine, dont le taux cellulaire est d’environ 1 µmol/L et le taux plasmatique compris entre 5 et 15 µmol/L, est considérée comme un mauvais thiol en raison de ses effets négatifs en particulier sur l’athérome. Le mécanisme athérogène de l’homocystéine est maintenant mieux identifié. Au niveau de la paroi vasculaire, l’hyperhomocystéinémie provoque une altération de la production de NO et une augmentation de production de collagène par les cellules musculaires lisses [8].

La voie de la transfurulation L’homocystéine peut entrer dans la voie de la transfurulation se transformant en cysthationine puis cystéine et enfin sulfate de glutathion. La première étape est sous contrôle de la cysthationine beta-synthétase. Cette voie enzymatique a comme cofacteur la vitamine B6.

Les systèmes de régulation À l’état physiologique, ces cycles sont autorégulés, permettant de garder des taux constants d’homocystéine, méthionine et SAM. Ainsi un taux de SAM élevé diminue l’activité de la méthionine synthétase et de MTHFR. Inversement, SAM stimule la cysthationine beta-synthétase.

L’homocystéine est en équilibre avec deux cycles métaboliques distincts. Il peut soit entrer dans le cycle de la reméthylation en se transformant en méthionine, soit entrer dans le cycle de la transfurulation en se transformant en Cystathionine.

Voie de la reméthylation

Alimentation

Cycle des folates

METHIONINE

Tetrahydrofolate

Methionine adenosyl transferase

S-Adenosyl- BETAINE methionine BHMT

Vitamine B12

Methionine synthase

5,10 Methylene tetrahydrofolate

S-Adenosylhomocysteine

MTHFR Reductase 5 Methyl tetrahydrofolate

SAH HOMOCYSTEINE hydrolase Cystathionine beta Synthase Vitamine B6

Voie de la transfurulation

CYSTATHIONINE Cystathionase Vitamine B6

CYSTEINE

ALPHA KETOBUTYRATE

SO42

TAURINE GLUTATHIONE

Fig. 1 – Métabolisme de l’homocystéine. Homocysteine metabolism.

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Rôle de l’homocystéine au cours de la stéatose hépatique et le l’hépatite chronique C

Les principales causes d’élévation de l’homocystéine

stéatose hépatique sévère de type microvésiculaire [15]. Les souris déficitaires en MAT 1 ont une stéatohépatite avec risque accru de carcinome hépatocellulaire [16]. Enfin, les souris KO pour le gène MTHFR [17] ont une hyperhomocystéinémie avec élévation, au niveau hépatique, de S adenosyl homocystéine et baisse de S adenosyl methionine. Ces souris ont toutes une stéatose hépatique sévère.

De nombreuses anomalies constitutionnelles et acquises peuvent être responsables d’une hyperhomocystéinémie (tableau II). En France, la cause la plus fréquente d’hyperhomocystéinémie est une anomalie génétique au niveau du gène MTHFR. En 1995, Frosst et al. ont identifié une mutation commune C677T du gène MTHFR, mutation autosomique récessive, provenant du remplacement d’une cytosine en position 677 par une thymidine, et à l’origine de la substitution d’une alanine par une valine (677C → T, ala → val) [9]. La prévalence de cette mutation à l’état homozygote (génotype TT) est variable parmi la population mondiale selon l’origine ethnique. Elle est d’environ 10 % chez les Caucasiens, jusqu’à 20 % dans certaines régions d’Italie [10], et faible chez les Afro-Américains [11]. À l’état hétérozygote (génotype CT), cette mutation est présente chez environ 40 % des Caucasiens. Le phénotype de ce variant génotypique, appelé « variant thermolabile », est caractérisé par une diminution d’activité enzymatique de 70 % en cas d’homozygotie, et de 35 % en cas d’hétérozygotie [9, 12].

Ainsi toute anomalie enzymatique du métabolisme de l’homocystéine responsable d’hyperhomocystéinémie est associée au minimum à une stéatose hépatique de type microvésiculaire.

MALADIE ALCOOLIQUE DU FOIE CHEZ LA SOURIS ET MÉTABOLISME DE L’HOMOCYSTÉINE Chez l’animal, au cours de l’alcoolisation aiguë, de nombreux travaux expérimentaux ont montré un stress du réticulum endoplasmique lié à une hyperhomocystéinémie. Dans une étude cas-témoin chez la souris, il existait, dès la deuxième semaine, une élévation de l’homocystéine de manière significative chez les souris alcoolisées par rapport aux souris témoins [18]. De plus ce groupe présentait au niveau hépatique une stéatose, un score nécrotico-inflammatoire et un taux d’apoptose significativement plus élevés que dans le groupe témoin. Afin d’apprécier le stress du réticulum endoplasmique, les auteurs ont quantifié les ARNm des protéines chaperonnes GRP78 et 94. Celles-ci étaient significativement surexprimées en présence d’alcool. Afin de montrer que l’homocystéine jouait un rôle clé dans ces anomalies, les auteurs ont apporté de la bétaine (cofacteur de transformation de l’homocystéine en méthionine). Les résultats ont montré une quasi-normalisation des anomalies après apport de bétaine confirmant ce lien. Il en est de même pour la stéatose après quantification d’ARNm de SREBP-1. Les auteurs trouvaient une surexpression d’ARNm dans le groupe alcool s’améliorant après bétaine et normalisation de l’homocystéine. Si le ratio SAM/SAH était effondré en cas d’hyperhomocystéinémie, celui-ci se normalisait, ainsi que le taux d’homocystéine, après apport en bétaine. Ceci est dû à une élévation de l’activité de la bétaine homocystéine methyltransférase et donc une amélioration de la méthylation intrahépatique.

Rôle du foie dans la régulation de l’homocystéine Le métabolisme de la méthionine, et ainsi la possibilité de méthylation, a lieu pour 80 % dans le foie. Trois des enzymes clés du métabolisme de l’homocystéine sont exclusivement hépatiques. C’est le cas de la bétaine homocystéine méthyltransférase (BHMT) et de la méthionine adenosyltransférase (MAT) qui existe sous deux formes : MAT2 qui est ubiquitaire et MAT1 qui n’existe que dans les hépatocytes [13]. Enfin la voie de la transulfurulation est uniquement hépatique [13]. En effet, la première enzyme, cysthationine beta-synthétase, est uniquement hépatique. En cas de cirrhose, la synthèse de SAM est profondément diminuée [14].

Liens entre stéatose et hyperhomocystéinémie

Les mêmes auteurs ont évalué le rôle éventuel du TNFα (Τumor Necrosis Factor) chez ces souris, en étudiant des souris témoins et des souris KO vis-à-vis du récepteur du TNFα (TNFR1) [19]. Les auteurs ont montré que, à l’inverse de l’hyperhomocystéinémie, le TNFα contribuait de manière modeste à la stéatose, l’inflammation hépatique et l’apoptose. L’augmentation de S adenosyl homocystéine potentialiserait l’action du TNFα dans l’hépatite alcoolique aiguë [20].

Données expérimentales STÉATOSE HÉPATIQUE ET SOURIS GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉES PRÉSENTANT UNE HYPERHOMOCYSTÉINÉMIE

Les souris invalidées pour certaines enzymes régulant le métabolisme de l’homocystéine ont une stéatose hépatique massive. Les souris invalidées en cystathionine synthétase ont une

Chez la souris, l’hyperhomocystéinémie, avec les anomalies de son métabolisme (effondrement du ratio-SAM/SAH), joue un rôle majeur dans la stéatose alcoolo-induite. Les voies moléculaires les plus probables sont liées à un stress du réticulum endoplasmique avec surexpression de SREBP-1 (facteur de transcription impliquée dans le métabolisme des lipides) et stimulation des principales cytokines pro-inflammatoires par activation du facteur transcriptionnel NF kappa B.

Tableau II. – Anomalies constitutionnelles et acquises responsables d’une hyperhomocystéinémie. Constitutional and acquired abnormalities responsible of hyperhomocysteinemeia. Anomalies constitutionnelles

Stéatose hépatique chez l’homme

Polymorphisme du gène MTHFR Mutation du gène de la Méthionine synthétase Mutation du gène CBS

Les travaux concernant la recherche d’un lien entre stéatose et homocystéine chez l’homme sont peu nombreux et portent en général uniquement sur des analyses de sous-groupes.

Anomalies acquises

Gulsen et al. ont étudié 71 malades atteints de stéatopathie (48 NASH), 36 malades atteints d’hépatite virale (20 hépatites B) et 30 sujets témoins [21]. Tous les malades ont eu un dosage d’homocysteine plasmatique. Les taux d’homocystéine étaient significativement plus élevés dans le groupe stéatopathie que dans les groupes hépatite virale et témoin. De plus, l’homocys-

Carence en folates Carence en vitamine B12 ou vitamine B6 Insuffisance rénale MTHFR : méthyltétrahydrofolate réductase. CBS : cystathionine bêta-synthétase.

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X. Roblin et al.

disponible sur le lien entre homocystéine et expression de SREBP1 au cours de l’hépatite chronique C, il a été montré que l’hyperhomocystéinémie était responsable d’une surexpression de SREBP-1. Chez la souris alcoolisée, l’apport de bétaine, en normalisant l’homocystéine, diminuait l’expression de SREBP-1 [18].

téine était significativement plus élevée en cas de NASH qu’en cas de stéatose simple. Il existait une forte corrélation entre le taux d’homocystéine, le score de fibrose et le score nécroticoinflammatoire (P < 0,01). Enfin, les auteurs ont trouvé un seuil de taux d’homocystéine plasmatique de 11,9 ng/mL pour affirmer le diagnostic de NASH, avec une sensibilité de 91,7 % et spécificité de 95,6 %. En analyse multivariée, il existait une association entre l’index d’insulino-résistance mesurée par test HOMA (Homeostasis Model for Assessment of Insulin Resistance) et la concentration plasmatique d’homocystéinémie. Les auteurs ont suggéré que l’homocystéine favoriserait la stéatose hépatique par surexpression de SREBP-1 et l’inflammation par la stimulation de cytokines pro-inflammatoires et notamment par l’activation du facteur transcriptionnel NF kappa B.

L’hyperhomocystéinémie semble liée à l’insulino-résistance [25]. Dans une étude comparant 43 enfants obèses non diabétiques avec insulino-résistance et 43 enfants non obèses, Martos et al. ont montré, en analyse multivariée, que les facteurs associés à une hyperhomocystéinémie étaient la présence d’une insulino-résistance et une hyperleptinémie [26]. Ces résultats étaient superposables dans les deux groupes. Chez 41 enfants obèses non diabétiques, Zhu et al. ont montré qu’il existait une forte corrélation entre IMC et homocystéine (r = 0,56, P = 0,002) [27]. Si le lien entre insulino-résistance et homocystéine semble clair, il est difficile de savoir quel facteur en est la cause ou la conséquence.

Homocystéine, stéatose et virus de l’hépatite C

Il est possible que l’hyperhomocystéinémie précède l’apparition d’un diabète de type 2, voire d’un hyperinsulinisme. Dans une étude coréenne, les auteurs ont suivi, durant 4 ans, 170 malades ayant eu un diabète gestationnel [28]. Six semaines après l’accouchement, seule une hyperhomocystéinémie était prédictive d’un diabète survenant ultérieurement, alors que les taux d’insuline et/ou le ratio insuline/glucose ne l’étaient pas.

Au cours de l’hépatite virale C, il existe 2 types de stéatose : une stéatose métabolique en rapport avec le surpoids chez les malades infectés par un génotype non 3 et une stéatose virale chez les malades infectés par le génotype 3 [22, 23].

L’insulino-résistance est fortement corrélée à l’hyperhomocystéinémie et celle-ci pourrait participer à la survenue de la stéatose et de la NASH (figure 2).

Rôle de l’homocystéine dans la stéatose au cours de l’hépatite C

L’hyperhomocystéinémie pourrait aussi participer à la survenue de la stéatose métabolique au cours de l’infection par le VHC.

Adinolfi et al. ont étudié, chez 116 malades VHC positifs inclus prospectivement, l’association entre l’homocystéine, la stéatose et la fibrose hépatique [24]. Le pourcentage de malades ayant une stéatose > 10 % était de 92 % lorsque le taux d’homocystéine plasmatique était supérieur à 14 µmol/L et de 52,5 % pour un taux inférieur (P < 0,05). En analyse multivariée, les facteurs associés à une stéatose supérieure à 10 % étaient l’homocystéinémie > 12 µmol/L (OR 7,1 ; IC95 % 3,1-16, P = 0,002), un score HAI > 4 (Histology Activity Index) (OR 3,8, IC95 % 1,7-8,4, P = 0,05), un score de fibrose > 1 (OR 4,0, IC95 % 1,7-9,2, P = 0,02) et la présence d’un génotype 3 (OR 4,6, IC95 % 1,5-14, P = 0,012). L’indice de masse corporelle (IMC) n’était pas associé à la stéatose et il n’existait aucune corrélation entre les taux de folates et/ou de vitamine B12 et l’homocystéine. Dans un sous-groupe de 102 malades ayant eu une analyse du polymorphisme du gène MTHFR, il existait une corrélation entre une mutation du gène, la concentration d’homocystéine et l’importance de la stéatose (tableau III).

Rôle de l’homocystéine dans la fibrose au cours de l’hépatite C Dans l’étude de Adinolphi et al., en analyse univariée, l’hyperhomocystéinémie était un facteur de risque de fibrose (P = 0,03) [24]. Par contre, en analyse multivariée, les facteurs associés à la fibrose étaient l’importance de la stéatose, le score nécroticoinflammatoire et l’âge du malade, alors que l’hyperhomocystéinémie n’était pas un facteur associé à la fibrose. Il n’existait pas de corrélation entre homocystéine et cirrhose. Ces derniers résultats sont contradictoires avec certains travaux sur la cirrhose virale C ou sur la cirrhose quelle que soit sa cause. Poujol-Robert et al. ont montré que, chez les malades VHC positifs, l’hyperhomocystéinémie était plus fréquente au cours des fibroses sévères ou des cirrhoses (F3-F4) qu’au cours des fibroses minimes ou modérées (F1-F2), respectivement 29 % versus 6 %, P = 0,02 [29]. Dans une étude de 184 malades (88 cirrhoses, 12 stéatoses, 34 hépatites chroniques et 50 malades témoins), Ventura et al. ont montré que le taux plasmatique d’homocystéine était significativement plus élevé dans le groupe cirrhose [30]. La prévalence d’une hyperhomocystéinémie, définie par un taux plasmatique > 12,6 µmol/L, était significativement plus élevée dans le

Les mécanismes possibles des liens entre homocystéine et stéatose sont multiples (figure 1). La SREBP-1 est un facteur de transcription impliqué dans le métabolisme des lipides. De nombreuses données expérimentales suggèrent que ce facteur pourrait jouer un rôle dans la pathogénie des lésions de NASH, probablement lors du premier « hit ». Si aucune donnée n’est

Tableau III. – Relation entre le polymorphisme du gène MTHFR et la stéatose hépatique au cours de l’hépatite chronique C [23]. Relationship between MTHFR gene polymorphism and liver steatosis in chronic hepatitis C [23]. Gène MTHFR Type de polymorphisme

Taux moyen d’homocystéinémie plasmatique sang (µmol/L)

Homocystéinémie plasmatique >12 µmol/L

Stéatose

Stéatose > 20 %

CC

9,3

26 %

41 %

11 %

CT

12,2

56 %

61 %

49 %

TT

18,6

71 %

79 %

64 %

418

Rôle de l’homocystéine au cours de la stéatose hépatique et le l’hépatite chronique C

Conclusion

Foie Normal

Expérimentalement, il existe un lien entre hyperhomocystéinémie et stéatopathie alcoolique. Chez l’homme, l’hyperhomocystéinémie pourrait être un des facteurs de risque de la stéatose et de la NASH et son taux semble plus élevé en cas de cirrhose évoluée. Au cours de l’hépatite C, les données sont peu nombreuses mais l’hyperhomocystéinémie paraît être un facteur associé à la stéatose. Si le mécanisme de cette association n’est pas encore élucidé, il semble exister un lien très étroit entre insulino-résistance et homocystéine. Il est possible que l’homocystéine agisse isolément sur plusieurs étapes de la stéatopathie : lors du premier temps en stimulant SREBP-1, lors du second temps par la stimulation des différentes cytokines pro-inflammatoires secondaires à l’activation du facteur transciptionnel NF kappa B et enfin sur la fibrose en stimulant TIMP-1. De manière indirecte, il est possible que l’hyperhomocystéinémie favorise la résistance virale C à l’interféron en provoquant une hymométhylation de STAT-1. Sur le plan diagnostique, il serait intéressant d’analyser la place de l’homocystéine dans les algorithmes non invasifs d’évaluation de la stéatose, de la NASH et de la fibrose hépatique. Sur le plan thérapeutique, seules des données in vitro sont actuellement disponibles. Il semble toutefois intéressant d’apprécier les conséquences de la normalisation de l’homocystéine (apport en folates ou en bétaine par exemple) sur la réponse au traitement antiviral au cours de l’hépatite chronique C et sur l’évolution de la stéatose et de la fibrose tant au cours de l’hépatite C que dans la prise en charge de la stéatopathie métabolique.

INSULINORÉSISTANCE 1er temps SREBP-1

Stéatose 2e temps

Stress oxydatif Induction TNFα

Excès d’AG Activation cytochrome p450 Surcharge en fer Induction UCP2 Toxines bactériennes

NFκB

Homocystéine

Stéatohépatite TIMP 1 TGF β

Fibrose Fig. 2 – Mécanisme d’action possible de l’homocystéine dans la genèse de la stéatohépatite. Possible mechanism of action of homocysteine in the development of NASH.

groupe cirrhose respectivement (40 % vs 25 % vs 14 % vs 12 % ; P < 0,05). En analyse multivariée, la présence d’une cirrhose était associée à la présence d’une hyper-homocystéinémie (OR : 5,08 ; IC95 %(1,9-13)). Par contre, endifférenciant les différents stades de cirrhose, la présence d’une cirrhose stade Child A n’était pas significativement associée à une hyperhomocystéinémie contrairement aux cirrhose Child B et C.

REMERCIEMENTS - Merci au Dr V Leroy et au Pr D Dhumeaux pour leurs conseils éclairés dans la rédaction de cette mise au point. RÉFÉRENCES

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Le mécanisme évoqué pour expliquer le lien entre homocystéine et fibrose pourrait être une surexpression de TIMP 1 (figure 2). Garcia et al. ont montré qu’une hyperhomocystéinémie induisait le procollagène alpha 1 et l’expression de TIMP 1 par les cellules étoilées du foie et les cellules musculaires lisses vasculaires, in vitro [31]. Ces résultats pourraient expliquer le rôle thrombogène de l’homocystéine. Dans ce même travail, les auteurs ont confirmé ces résultats in vivo chez la souris en montrant une augmentation de l’expression de TIMP 1 au niveau du tissu aortique dans le groupe des souris recevant des injections intrapéritonéales d’homocystéine par rapport au groupe témoin De plus, il est possible que l’hyperhomocystéinemie puisse avoir un rôle fibrosant par l’intermédiaire de la leptine au niveau de ces mêmes cellules. En effet, Narin et al. ont montré une corrélation très étroite entre les taux d’homocystéine et de leptine chez l’enfant obèse [32].

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Rôle de l’homocystéine sur la réponse au traitement antiviral de l’hépatite C

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Le VHC est responsable d’une hypométhylation de STAT 1 qui joue un rôle clé dans l’activité de l’interféron [33]. Cette forme hypométhylée est moins active que la forme méthylée expliquant la « résistance » virale C à l’interféron. In vitro, Duong et al. ont montré que l’apport de bétaine et de S adénsyl Méthionine restaurait la méthylation de STAT 1 et l’activité antivirale de l’interféron [34].

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Ainsi lors d’une hyperhomocystéinémie, le déficit de méthylation secondaire pourrait aggraver le phénomène de « résistance » virale à l’interféron. Cette hypothèse n’est étayée que par des résultats in vitro et l’impact in vivo de l’hyperhomocystéinémie sur la réponse au traitement antiviral de l’hépatite C doit être évalué.

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