Syndrome de Bing et Neel : à propos de 4 cas et revue de la littérature

Syndrome de Bing et Neel : à propos de 4 cas et revue de la littérature

G Model REVMED-4779; No. of Pages 5 ARTICLE IN PRESS La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.scie...

774KB Sizes 0 Downloads 176 Views

G Model REVMED-4779; No. of Pages 5

ARTICLE IN PRESS La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Communication brève

Syndrome de Bing et Neel : à propos de 4 cas et revue de la littérature Bing-Neel syndrome: Report of 4 cases and literature review L. Boudin ∗ , E. Romeo , E. Mavrovi , P. Tsitsi Nding , J.-S. Blade , J.-P. de Jaureguiberry , O. Gisserot Service de médecine interne – oncologie, HIA Sainte-Anne, 2, boulevard Sainte-Anne, 83800 Toulon cedex 9, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Maladie de Waldenström Syndrome de Bing et Neel Système nerveux central

r é s u m é Introduction. – Les manifestations neurologiques au cours de la maladie de Waldenström sont fréquentes, principalement en lien avec une atteinte périphérique dysimmunitaire ou avec un syndrome d’hyperviscosité. Le syndrome de Bing et Neel correspond à l’infiltration du système nerveux central par le processus lymphoprolifératif. Cette entité extrêmement rare reste peu décrite dans la littérature. Observations. – Nous rapportons 4 observations de patients pour lesquels la survenue de troubles neurologiques centraux a conduit au diagnostic de syndrome de Bing et Neel. Ces quatre observations illustrent des présentations cliniques, des attitudes diagnostiques et thérapeutiques ainsi que des évolutions différentes au cours de ce syndrome. Ces hétérogénéités sont discutées dans le cadre d’une revue de la littérature. Conclusion. – Les manifestations cliniques polymorphes du syndrome de Bing et Neel peuvent simuler de nombreux diagnostics. Il convient toutefois de savoir l’évoquer. L’analyse du liquide céphalorachidien et de l’IRM peuvent permettre un diagnostic rapide ou orienter une biopsie. Des rémissions prolongées sont possibles avec un traitement adapté. © 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).

a b s t r a c t Keywords: Waldenstrom’s macroglobulinemia Bing and Neel syndrome Central nervous system

Introduction. – Neurological manifestations during Waldenstrom disease are common and are usually related to immune peripheral neuropathy or serum hyperviscosity syndrome. The infiltration of the central nervous system by the lymphoproliferative syndrome is known as the Bing-Neel syndrome. This extremely rare entity remains poorly described in the literature. Case reports. – We report on 4 cases of patients for whom central neurological disorders led to the diagnosis of a Bing and Neel syndrome. These four cases illustrate different clinical presentations, diagnosis, therapeutic options, and outcome in this syndrome. Based on our literature review, we discuss about these differences. Conclusion. – The polymorphic clinical manifestations of Bing and Neel syndrome can mimic many diagnoses. However, it may be necessary to consider this diagnosis. Cerebrospinal fluid analysis and MRI may allow rapid diagnosis or guide a biopsy. Prolonged remissions are possible with appropriate treatment. © 2014 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine interne (SNFMI).

1. Introduction La maladie de Waldenström (MW), considérée par la classification de l’OMS comme un lymphome lymphoplasmocytaire,

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Boudin).

correspond à un syndrome lymphoprolifératif B de bas grade caractérisé par une infiltration médullaire de cellules lymphoplasmocytaires B, sécrétant une immunoglobuline monoclonale de type IgM [1]. Le diagnostic de MW requiert la présence d’une IgM monoclonale sérique (quelle qu’en soit la concentration) avec infiltration médullaire par des petits lymphocytes avec différenciation plasmocytaire de phénotype IgM+, CD5−/+, C10−, CD19+, CD20+, CD22+, CD23−, CD25+, CD27+, FMC7+, CD103− [2]. Cette pathologie rare

http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.05.003 0248-8663/© 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).

Pour citer cet article : Boudin L, et al. Syndrome de Bing et Neel : à propos de 4 cas et revue de la littérature. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.05.003

G Model REVMED-4779; No. of Pages 5

ARTICLE IN PRESS

2

L. Boudin et al. / La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx

Fig. 1. Séquences sagittales pondérées première vertèbre thoracique (T1) après injection de gadolinium. Lésions en hypersignal pondéré T1 des leptoméninges révélées par l’injection de produit de contraste, multi-étagées aux étages dorsolombaires, de fac¸on nodulaire, étendues aux racines de la queue de cheval (A et B). Noter la régression des lésions après traitement (C).

représentant 2 % des gammapathies monoclonales a une prévalence entre 1,7 et 3,4 par million d’habitants. Les manifestations neurologiques sont fréquentes au cours de la MW, estimées à 25 % [3]. Elles concernent principalement les atteintes neurologiques périphériques (27 à 47 % des cas) et les atteintes du système nerveux central (SNC) en lien avec un syndrome d’hyperviscosité. Le syndrome de Bing et Neel (SBN) a été décrit en 1936, avant la MW, chez deux femmes ayant des signes neurologiques centraux rapidement progressifs et dont l’autopsie a mis en évidence une infiltration méningée lymphoplasmocytaire [4]. Il désigne aujourd’hui les très rares cas de MW avec atteinte neurologique liée à l’infiltration du système nerveux central par le processus lymphoprolifératif. En 2009, seulement 36 cas de SBN semblaient avoir été décrits dans la littérature [5]. Le peu de données disponibles sur le sujet, avec une réponse limitée à 43 articles pour la requête Bing-Neel syndrome sur PubMed, limite la connaissance de cette maladie. La grande hétérogénéité du SBN, dans sa présentation clinique et paraclinique mais aussi dans son évolutivité, rend de plus son diagnostic difficile. Nous rapportons 4 cas de syndrome de Bing et Neel, différents sous plusieurs aspects, ainsi que leur prise en charge. Nous discuterons ensuite des particularités cliniques, diagnostiques et thérapeutiques du SBN dans le cadre d’une revue de la littérature. 2. Observations 2.1. Observation 1 Monsieur L., âgé de 51 ans, suivi depuis 18 ans pour une MW ayant bénéficié de différents traitements (chlorambucil, cyclophosphamide et melphalan), était hospitalisé en avril 1995 pour l’exploration de mouvements anormaux. L’examen neurologique retrouvait un tremblement des membres supérieurs, bilatéral et asymétrique, prédominant à gauche. Ce tremblement, présent au repos et lors du maintien de l’attitude bras tendu, épargnait le crâne et cédait lors de l’initiation de mouvements volontaires, soit un tremblement « mixte » d’allure pseudo-parkinsonien, sans akinésie ni rigidité associée. L’examen clinique objectivait par ailleurs des fasciculations, ainsi qu’une amyotrophie diffuse des membres supérieurs et quadricipitale bilatérale. Les réflexes ostéo-tendineux (ROT) étaient abolis aux membres supérieurs avec un signe de Babinski au niveau du membre inférieur gauche. Il n’était pas retrouvé d’anomalie

clinique sensitive, de déficit moteur ou d’atteinte des paires crâniennes, ni de syndrome tumoral. L’électroneuromyogramme (ENMG) mettait en évidence des signes de souffrance neurogène en détection et en stimulodétection, une atteinte motrice et sensitive de profil plutôt axonal mais un allongement de latence des ondes F en faveur d’un ralentissement de conduction proximale. L’IRM du rachis objectivait en région lombo-sacrée une infiltration des racines de la queue de cheval, rehaussée après injection de gadolinium (Fig. 1). Sur le plan biologique, il n’était pas retrouvé de cytopénie, d’auto-anticorps ou de syndrome inflammatoire biologique. Le pic d’IgM kappa s’élevait à 13 g/L. L’analyse du liquide céphalorachidien (LCR) notait une méningite lymphocytaire (39 éléments nucléés dont 88 % de lymphocytes monoclonaux CD20+) sans hypoglycorachie, sans germe, avec hyperprotéinorachie à 1,6 g/L dont 0,12 g/L d’IgM. La biopsie ostéomédullaire mettait en évidence une infiltration nodulaire lymphoplasmocytaire associée à une myélofibrose du tissu hématopoïétique. Devant ce diagnostic de rechute de MW avec infiltration méningée, un traitement par fludarabine (25 mg/m2 par jour pendant 5 jours tous les 28 jours pendant 9 mois) permettait une régression totale des troubles neurologiques avec normalisation du LCR, de l’ENMG et de l’IRM. L’évolution était marquée par une rechute sous forme d’adénopathie sous-claviculaire en 2000 traitée par irradiation, puis une nouvelle rechute avec infiltration méningée en 2001, traitée par 3 cures de cladribine (0,14 mg/kg par jour pendant 5 jours toutes les 4 semaines). En 2002, une transformation en lymphome de haut grade de type lymphome B diffus à grandes cellules était diagnostiquée devant des adénopathies médiastinales. Par la suite, le patient a été perdu de vue. 2.2. Observation 2 Monsieur R., âgé 77 ans était hospitalisé en février 2005 pour altération de l’état général avec troubles des fonctions supérieures. Ses seuls antécédents étaient une fibrillation auriculaire et une gammapathie monoclonale de type IgM lambda rapportée à une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (bilan médullaire normal en 2001). Une perte de 10 kg, des troubles des fonctions supérieures prédominant sur la mémoire avec Mini Mental State (MMS) à 20/30 et une baisse de l’acuité visuelle avec neuropathie optique étaient notés, sans fièvre ni signe de focalisation neurologique ou syndrome tumoral clinique.

Pour citer cet article : Boudin L, et al. Syndrome de Bing et Neel : à propos de 4 cas et revue de la littérature. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.05.003

G Model REVMED-4779; No. of Pages 5

ARTICLE IN PRESS L. Boudin et al. / La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx

La biopsie de l’artère temporale était normale. L’hémogramme et le bilan biochimique (ionogramme, créatininémie, calcémie, CRP, bilan hépatique, TSH, LDH et ␤2-microglobuline) étaient dans la norme en dehors de la gammapathie monoclonale à IgM lambda dont le taux demeurait stable (8 g/L). La recherche d’une protéinurie de Bence Jones était négative tout comme les anticorps anti-MAG. L’EEG ne démontrait aucun signe épileptique ni d’encéphalopathie. L’IRM cérébrale ne révélait qu’une légère atrophie cortico souscorticale et le scanner thoraco-abdomino-pelvien n’objectivait pas de syndrome tumoral profond. L’analyse du LCR révélait une méningite avec hyperprotéinorachie à 2,5 g/L et hypercellularité à 800 éléments/mm3 constitués par une population monoclonale lymphoplasmocytaire B lambda CD20+. La réévaluation médullaire décelait la même population tumorale. Un traitement par une cure de MCVP (méthotrexate : 1500 mg/m2 intraveineuse [IV] à j1, acide folinique : 50 mg/m2 de j2 à j4, cyclophosphamide : 750 mg/m2 IV à j1, vinblastine : 3 mg/m2 IV à j1, prednisone : 40 mg/m2 de j1 à j5) associée à 5 cures de cytarabine à haute dose (3900 mg/m2 par cure tous les 28 jours) et 12 injections intrathécales (méthotrexate 15 mg, cytarabine 40 mg et dépomédrol 1 mg) permettait en janvier 2006 une amélioration de l’état général, une récupération totale des fonctions supérieures (MMS normal) et une normalisation du fond d’œil. La ponction lombaire après traitement retrouvait 6 éléments nucléés et une protéinorachie de 0,9 g/L. L’apparition d’un épisode confusionnel en 2007 avec ré-ascension de la protéinorachie et de la cellulorachie nécessitait une reprise des injections intrathécales (12 au total) et une chimiothérapie systémique par fludarabine (5 cures de 25 mg/m2 par jour pendant 5 jours tous les 28 jours). Cette stratégie thérapeutique permettait une survie prolongée avec un patient sans signe de rechute lors du dernier contrôle avec de plus une absence de cellules tumorales dans le dernier examen du LCR de juillet 2013. 2.3. Observation 3 Monsieur K., âgé de 66 ans, aux antécédents d’éthylisme chronique et de primo-infection tuberculeuse dans l’enfance, était hospitalisé en décembre 2004 pour une altération de l’état général avec perte de 8 kg en deux mois. L’examen notait une ataxie à la marche, sans syndrome vestibulaire ni déficit moteur segmentaire. Il existait, une amyotrophie des interosseux des deux mains et des quadriceps, ainsi que des fasciculations des membres supérieurs, ne touchant pas la langue, présentes au repos et se majorant lors de l’effort. Les ROT étaient vifs aux membres supérieurs, avec un signe de Babinski à droite. Il n’existait pas d’atteinte des paires crâniennes, ni trouble de la déglutition, déficit bulbaire ni syndrome tumoral. Cette présentation clinique évoquait un tableau de type sclérose latérale amyotrophique. L’IRM médullaire réalisé alors mettait en évidence un canal cervical rétréci d’origine dégénérative, sans signe de myélopathie et l’IRM cérébrale objectivait des hypersignaux périventriculaires non spécifiques. Le bilan biologique objectivait une gammapathie monoclonale de type IgM kappa avec pic à 7,14 g/L, sans cytopénie ni syndrome inflammatoire ni auto-anticorps, avec un dosage de la vitamine B12 dans la norme. Le taux de ␤2-microglobuline était à 2 fois la valeur normale. La ponction lombaire mettait en évidence une méningite lymphocytaire avec 40 éléments/mm3 dont 92 % de lymphocytes correspondant après analyse phénotypique à un contingent monoclonal lymphoplasmocytaire CD20+. Le bilan médullaire retrouvait un envahissement lymphoplasmocytaire compatible avec une maladie de Waldenström (32 % de lymphoplasmocytes dans la moelle) associé à une hyperprotéinorachie à 0,93 g/L et une normoglycorachie. L’ENMG révélait une neuropathie motrice et sensitive avec quelques signes indirects de démyélinisation mais sans bloc de conduction Le traitement administré comportait une chimiothérapie systémique (1 COP :

3

cyclophosphamide 750 mg/m2 à j1, vincristine 1,4 mg/m2 à j1, prednisone 40 mg/m2 /j de j1 à j5 ; puis 5 MCOPA : cyclophosphamide 250 mg/m2 IV de j2 à j4, vincristine 2 mg IV à j1, doxorubicine 50 mg/m2 IV à j2, prednisone 1 mg/kg 2 fois par jour de j1 à j6, méthotrexate 1,5 g/m2 IV à j1) associée à 12 injections intrathécales de méthotrexate 15 mg et cytarabine 40 mg et à une radiothérapie cérébrale (24 Gray au total). La durée du traitement a été de 4 mois. En avril 2005, on notait une prise de 9 kg, la disparition des signes neurologiques et la normalisation du LCR. Après 8 ans de recul, il était toujours asymptomatique, sans aucune manifestation clinique. 2.4. Observation 4 Madame G., sans antécédent connu, était hospitalisée en janvier 1998, alors âgée de 67 ans, dans un contexte d’asthénie avec ralentissement idéomoteur. L’examen clinique de cette patiente retenait un syndrome tumoral avec hépatosplénomégalie et polyadénopathie sans fièvre. L’examen neurologique ne notait pas de déficit neurologique focal. L’hémogramme décelait une thrombopénie à 80 000/mm3 et une hyperlymphocytose à 32 000/mm3 , sans anomalie de l’hémoglobine. Le taux de ␤2-microglobuline était à trois fois la valeur normale et les LDH normaux. Le myélogramme réalisé retrouvait une moelle massivement infiltrée par 91 % de lymphoplasmocytes. L’électrophorèse des protéines sériques avec immunofixation mettait en évidence une dysglobulinémie monoclonale de type IgM kappa, avec pic à 30 g/L. L’IRM cérébrale était normale et l’IRM médullaire montrait une infiltration leptoméningée après injection de gadolinium. La ponction lombaire objectivait une protéinorachie à 1 g/L, et une hypercellularité avec 21 éléments/mm3 dont 86 % de lymphocytes avec monoclonalité à l’immunophénotypage du LCR. L’évolution après 4 cures de cladribine (0,14 mg/kg par jour pendant 5 jours, soit 0,7 mg/kg par cycle tous les 28 jours) était favorable : disparition des signes cognitifs, des adénopathies et normalisation de l’hémogramme et du LCR. Avec un recul de 11 ans, la patiente demeurait asymptomatique sans thérapeutique. 3. Discussion Les atteintes neurologiques au cours de la maladie de Waldenström sont fréquentes et ont été classées par Logothetis en 5 groupes [3] : • encéphalopathies ou syndromes cérébraux multifocaux ou diffus ; • neuropathie ; • accidents cérébraux focaux ; • hémorragies méningées ; • mixte. Le SBN appartient au premier groupe et est rattaché à une infiltration lymphoplasmocytaire de la moelle, du tronc, de la substance blanche ou des espaces leptoméningés. Son caractère exceptionnel implique d’éliminer les autres étiologies responsables d’atteintes neurologiques centrales au cours de la MW, considérées comme « non spécifiques ». Celles-ci comprennent les manifestations liées au syndrome d’hyperviscosité (accidents ischémiques majoritairement), aux hémorragies ou à une transformation en lymphome de haut grade avec atteinte méningée. Les atteintes centrales « spécifiques » correspondant au SBN, sont classiquement décrites sous deux formes. La forme infiltrative ou diffuse, la plus fréquente, correspond à une infiltration lymphoplasmocytaire méningée, méningoradiculaire voire méningo-parenchymateuse. La forme « pseudotumorale », plus rare et semblant survenir plus

Pour citer cet article : Boudin L, et al. Syndrome de Bing et Neel : à propos de 4 cas et revue de la littérature. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.05.003

G Model REVMED-4779; No. of Pages 5

ARTICLE IN PRESS

4

L. Boudin et al. / La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx

précocement, se manifeste par la survenue d’un processus expansif intraparenchymateux [5]. En 2009, Fintelmann et al. proposent une autre classification du SBN en distinguant 2 groupes selon la présence (groupe A) ou non (groupe B) de plus de 5 cellules lymphoplasmocytaires dans le LCR après ponction lombaire ou biopsie [6]. Dans le groupe A, l’atteinte est liée à l’infiltration lymphoplasmocytaire directe, contrairement au groupe B, où elle serait en lien avec le dépôt et l’activité d’immunoglobuline monoclonale, à l’instar de ce qui se passe pour les atteintes neurologiques périphériques. Cette classification aurait ainsi une implication physiopathologique mais aussi thérapeutique, le groupe A bénéficiant principalement d’une chimiothérapie, et le groupe B d’une plasmaphérèse. Elle complète l’historique classification de Logothetis, peu utilisée en pratique. Toutefois le SBN tel qu’il est classiquement décrit ne correspond par définition qu’au type A. Le groupe B peut toutefois correspondre à un pré-groupe A, avant rupture de la barrière hémato-encéphalique et invasion lymphoplasmocytaire. Le SBN semble atteindre aussi fréquemment les hommes que les femmes, avec un âge médian de 61 ans [7]. La symptomatologie clinique varie entre les formes « infiltratives » impliquant nos quatre cas et les formes « pseudotumorales ». Dans les formes « infiltratives » l’atteinte neurologique centrale n’est, le plus souvent, pas systématisée. Elle est polymorphe pouvant se manifester par des déficits cognitifs, notamment mnésiques, des signes de souffrance encéphalique diffuse type syndrome confusionnel, convulsions ou syndrome extrapyramidal [8,9]. Des cas d’ataxie cérébelleuse, de syndrome lésionnel et sous-lésionnel médullaire sont aussi décrits ainsi qu’un cas d’hydrocéphalie à pression normale [10]. Au cours de notre revue de la littérature, nous avons identifié un cas rapportant l’association d’une symptomatologie centrale et périphérique au cours d’un syndrome médullaire cervical [11]. La symptomatologie « pseudo-sclérose latérale amyotrophique » correspondant à deux de nos observations (observations 1 et 3) ne semble pas avoir précédemment été rapportée. Le SBN peut ainsi se manifester par une atteinte neurologique mixte, centrale et périphérique. Le bilan étiologique face à un tableau d’atteinte de la corne antérieure (coexistence de troubles moteurs centraux et d’atteintes neurogènes périphériques éventuellement associés à des fasciculations) doit donc comprendre impérativement la recherche d’une dysglobulinémie, afin de ne pas méconnaître un SBN pour qui une thérapeutique est efficace à l’inverse des pathologies neurodégénératives. Les manifestations des formes pseudotumorales sont en lien avec la présence d’une masse cérébrale et correspondent à des signes d’hypertension intracrânienne, à des crises comitiales partielles voire généralisées ou à des déficits neurologiques focaux en relation avec la topographie de la masse lymphoplasmocytaire. La symptomatologie du SBN vient généralement émailler l’évolution de la MW de manière tardive, avec une médiane de 36 mois dans la série de Drouet et al., plus précocement pour les formes pseudotumorales (médiane 26 mois) que pour les formes infiltratives (médiane 48 mois) [5]. Toutefois, elle peut dans 25 % des cas être inaugurale et ainsi révélatrice de la MW comme cela a été le cas pour 3 de nos observations. L’absence de syndrome tumoral (adénopathies ou hépatosplénomégalie évocatrices de MW) ne doit pas faire récuser le diagnostic de SBN (comme dans 2 de nos observations) mais constitue clairement un piège diagnostique. Dans notre série, comme dans la littérature, la sévérité de l’atteinte clinique n’est pas en lien avec le taux sérique de l’IgM. Comme l’illustrent bien les cas rapportés, il y a dans le SBN deux situations diagnostiques. Une première dans laquelle la MW est connue et où l’enjeu est d’identifier la nature du mécanisme impliqué dans l’atteinte neurologique liée à la MW. Dans la seconde le diagnostic est plus difficile. C’est en effet la complication neurologique qui révèle la MW, donnant ainsi des tableaux cliniques atypiques. Dans cette situation, le diagnostic de SBN requiert, par

définition, de confirmer le diagnostic de MW. Dans tous les cas, il convient d’éliminer certains diagnostics différentiels : la transformation en lymphome non hodgkinien agressif, les affections liées à la présence d’une IgM (hyperviscosité, manifestations autoimmunes), mais aussi les tumeurs cérébrales (gliomes malins, lymphomes cérébraux primitifs, métastases de cancers solides) sont bien plus fréquentes et se manifestent par une symptomatologie similaire. Un examen clinique complet associé à quelques examens paracliniques sont donc indispensables dans ce contexte : • un bilan sanguin comportant notamment une électrophorèse des protéines sériques avec dosage pondéral des immunoglobulines, quantification des chaînes légères libres, mesure de la viscosité du sérum (non réalisée en routine mais corrélée au taux d’IgM) ; • un myélogramme avec immunophénotypage ou une biopsie ostéomédullaire avec évaluation du pourcentage de lymphoplasmocytes et identification des marqueurs de surface ; • une analyse du LCR avec cytologie, recherche de la présence d’une IgM monoclonale, et immunophénotypage lymphocytaire sur cytométrie de flux ; • une IRM cérébrale et médullaire avec séquences FLAIR, de diffusion et injection de gadolinium. L’ensemble de ces examens permet d’éliminer les diagnostics différentiels évoqués ou d’affirmer le SBN (de type A) si l’analyse du LCR retrouve plus de 5 cellules lymphoplasmocytaires. Toutefois, le diagnostic de SBN n’est confirmé par l’analyse du LCR que dans 33 % des cas [5]. En l’absence de mise en évidence de cellules lymphoplasmocytaires dans le LCR on ne peut parler de SBN. Se pose alors la question d’une biopsie cérébrale pour confirmer l’atteinte spécifique. L’IRM est ici une aide indispensable en permettant parfois de choisir une cible : prises de contraste anormale à l’IRM, hyperintensité FLAIR ou de diffusion, évoquant la présence de cellules anormales dans le SNC [12]. Ces anomalies IRM sont plus souvent décelées en cas d’atteinte spécifique du SNC. Une étude rétrospective sur 36 cas avec étude IRM dans 28 observations retrouve une anomalie FLAIR ou une prise de contraste chez 21 des 23 patients du groupe A et seulement 2 sur 5 du groupe B [13]. La réalisation d’une biopsie peut donc être discutée en fonction de l’étude du LCR, des arguments pour un diagnostic différentiel et de l’accessibilité à une lésion cible. La forme infiltrative de SBN pose finalement les mêmes problèmes diagnostiques que les méningites carcinomateuses, sans signe clinique spécifique et avec des examens du LCR qu’il faut savoir répéter pour mettre en évidence le processus spécifique et essayer d’éviter la biopsie cérébrale qui n’est pas anodine. Du fait de la très faible masse de données disponibles dans la littérature, la prise en charge thérapeutique du SBN repose uniquement sur quelques cas cliniques rapportés voire de toutes petites séries. L’évolution des thérapeutiques a toutefois permis un changement radical dans le pronostic du SBN. Dramatique il y a quelques années (probablement du fait d’un diagnostic très tardif voire post-mortem) avec une médiane de survie évaluée à un an et un diagnostic autopsique dans 52 % des cas [14], le pronostic du SBN est aujourd’hui amélioré comme l’illustre nos observations avec des intervalles entre le diagnostic et les dernières nouvelles en vie de respectivement 7, 8, 9 et 13 ans, et 3 patients sur 4 encore vivants. La grande variabilité des modalités de traitements employés au cours des SBN et les faibles effectifs de patients ne permettent pas de dégager de consensus thérapeutique. Les chimiothérapies utilisées classiquement dans la MW tels que les analogues des purines (fludarabine, cladribine, pentostatine) et les polychimiothérapies type CHOP constituent l’une d’entre elles [15,16]. Des réponses prolongées sont décrites avec l’apport de chimiothérapie permettant une meilleure diffusion neuroméningée comme le méthotrexate ou l’aracytine et leur utilisation en intrathécal [15].

Pour citer cet article : Boudin L, et al. Syndrome de Bing et Neel : à propos de 4 cas et revue de la littérature. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.05.003

G Model REVMED-4779; No. of Pages 5

ARTICLE IN PRESS L. Boudin et al. / La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx

La radiothérapie cérébrale, seule ou associée à la chimiothérapie, particulièrement à des doses supérieures à 30 Gray, semble permettre la survenue de rémissions de manière prolongée [17]. Le rituximab, utilisé dans les MW a rarement été employé dans les SBN. Le passage de la barrière hémato-encéphalique du rituximab semble insuffisant. Toutefois les résultats d’une étude de phase 1 concluant à son innocuité en intraventriculaire, rendent envisageable une future utilisation en intrathécal [18,19]. Une seule observation fait état d’une intensification thérapeutique avec autogreffe de cellules souches et utilisation d’IMID et de bortézomib ayant permis une longue survie [20]. Il semble exister une tendance à l’intensification et l’association des traitements dans le SBN dans la littérature (polychimiothérapie IV, chimiothérapie intrathécale, radiothérapie, greffe). L’absence de consensus rend indispensable la mise en place d’essais thérapeutiques. 4. Conclusion Le SBN, dont les manifestations cliniques polymorphes peuvent simuler de nombreux diagnostics, reste une entité extrêmement rare. Il convient toutefois de savoir l’évoquer, particulièrement en cas de troubles neurologiques centraux survenant dans un contexte de MW. L’analyse du LCR jointe à celle de l’IRM peuvent permettre un diagnostic rapide ou orienter une biopsie. Les nouvelles thérapeutiques, souvent utilisées en association, contribuent, comme pour nos 4 observations, à l’amélioration du pronostic avec description de survies prolongées. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Foueca R, Hayman S. Waldenstrom macroglobulinemia. Br J Haematol 2007;138:700–72. [2] Leblond V. Maladie de Waldenström ou macroglobulinémie. EMC Hématologie 2014;9:1–12. [3] Logothetis J, Silverstein P, Coe J. Neurologic aspect of Waldenstrom’s macroglobulinemia: report of a case. Arch Neurol 1960;3:564–73.

5

[4] Bing J, Neel AV. Two cases of hyperglobulinemia with affection of the central nervous system on a toxi-infectious basis. Acta Med Scand 1936;88: 492–506. [5] Drouet T, Behin A, Psimaras D, Choquet S, Guillevin R, Hoang Xuan K. Syndrome de Bing-Neel révélateur d’une maladie de Waldenström : étude d’un cas et revue de la littérature. Rev Neurol 2010;166:66–75. [6] Fintelmann F, Forghani R, Schaefer P, Hochberg E, Hochberg F. Bing-Neel syndrome revisited. Clin Lymphoma Myeloma 2009;9:104–6. [7] Grewal JS, Brar PK, Sahijdak WM, Tworek JA, Chottiner EG. Bing-Neel syndrome: a case report and systematic review of clinical manifestations, diagnosis, and treatment options. Clin Lymphoma Myeloma 2009;9:462–6. [8] Rigual D, Qiu J, Fenstermaker RA, Fabiano AJ. Tumoral Bing-Neel syndrome presenting as a cerebral mass. Clin Neurol Neurosurg 2012;115: 823–6. [9] Fain O, Wechsler B, Vidailhet M, Raphael M, Schuller E, Godeau P. Atteinte des fonctions supérieures révélant une maladie de Waldenström : mise en évidence d’une sécrétion intrathécale d’immunoglobuline. Rev Med Interne 1992;13:58–60. [10] Jammes T, Mann C, Delhom E, Bertrand D, Berthelemy C, Oweini K, et al. BingNeel syndrome revealed by normal pressure hydrocephalus. Unusual clinical course of Waldenström disease. Presse Med 1990;19:1992. [11] Massengo S, Riffaud L, Morandi X, Bernard M, Verin M. Nervous system lymphoid infiltration in Waldenström’s macroglobulinemia. A case report. J Neurooncol 2003;62:353–8. [12] Drappatz J, Akar S, Fisher D, Samuels MA, Kezary S. Imaging of Bing-Neel syndrome. Neurology 2008;70:1364. [13] Ina Ly K, Fintelman F, Forghani R, Schaefer P, Hochberg E, Hochberg F. Novel diagnostic approaches in Bing-Neel syndrome. Clin Lymphoma Myeloma 2011;11:180–3. [14] Abad S, Zagdanski AM, Brechignac S, Thiolere B, Brouet JC, Mariette X. Neurolymphomatosis in Waldenstrom’s macroglobulinemia. Br J Haematol 1999;106:100–3. [15] Delgado J, Canales MA, Garcia B, Alvares-Ferrera J, Garcia-Grande A, HernandezNavarro F. Radiation therapy and combination of cladribine, cyclophosphamide and prednisone as treatment of Bing-Neel syndrome. Case report and review of the literature. Am J Hematol 2002;69:127–31. [16] Dimopoulos MA, Kyle RA, Anagnostopoulos A, Treon SP. Diagnostic and management of Waldenstrom’s macroglobulinemia. J Clin Oncol 2005;23:1564–77. [17] Kim HD, Shin KC, Cho HS, Kim MK, Lee KH, Hyun MS. Therapeutic experience of Bing-Neel syndrome associated with Waldenstrom’s macroglobulinemia. J Korean Med Sci 2007;22:1079–81. [18] Rubenstein JL, Combs D, Rosenberg J, Levy A, McDermott M, Damon L, et al. Rituximab therapy for CNS lymphomas: targeting the leptomeningeal compartment. Blood 2003;101:466–8. [19] Rubenstein JL, Fridlyand J, Abrey L, Shen A, Karch J, Wang E, et al. Phase I study of intraventricular administration of rituximab in patients with recurrent CNS and intraocular lymphoma. J Clin Oncol 2007;25:1350–6. [20] Abdallah AO, Atrash S, Muzaffar J, Abdallah M, Kumar M, Van Rhee F, et al. Successful treatment of Bing-Neel syndrome using intrathecal chemotherapy and systemic combination chemotherapy followed by BEAM auto-transplant: a case report and review of literature. Clin Lymphoma Myeloma Leuk 2013;13:502–6.

Pour citer cet article : Boudin L, et al. Syndrome de Bing et Neel : à propos de 4 cas et revue de la littérature. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.05.003