Syndrome de la queue de cheval après une méningite à Neisseria meningitidis de type C

Syndrome de la queue de cheval après une méningite à Neisseria meningitidis de type C

Pour citer cet article : Saliou V, et al. Syndrome de la queue de cheval après une méningite à Neisseria meningitidis de type C. Presse Med. (2015), h...

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Pour citer cet article : Saliou V, et al. Syndrome de la queue de cheval après une méningite à Neisseria meningitidis de type C. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.11.010 Presse Med. 2015; //: ///

Syndrome de la queue de cheval après une méningite à Neisseria meningitidis de type C Cauda equina syndrome after Neisseria meningitidis type C meningitis Le taux d'incidence annuel des méningites à méningocoque est de 1 à 2 cas pour 100 000 habitants, avec une mortalité de 10 %. En France, le sérogroupe B est le plus fréquent (72,2 %) suivi du sérogroupe C (22,0 %) [1]. Neisseria meningitidis est un cocci à Gram négatif dont le réservoir est strictement humain. Il existe environ 5 % de porteurs sains au niveau du rhinopharynx. La bactérie est capable de coloniser l'endothélium, d'envahir la circulation sanguine avant de franchir la barrière hémato-encéphalique via les capillaires méningés et les plexus choroïdes. Les complications neurologiques sont fréquentes, notamment la perte d'audition qui est observée dans 8 % des cas [2]. Nous rapportons le cas d'un patient atteint d'une méningite à méningocoque C, d'évolution favorable malgré la survenue d'atteintes du système nerveux central et périphérique, d'une surdité et d'une péricardite. Observation Un jeune homme, âgé de 16 ans, était hospitalisé le 20 février 2013 pour confusion et syndrome méningé fébrile évoluant depuis 2 jours. L'examen clinique montrait une désorientation temporo-spatiale, un syndrome méningé sans déficit neurologique focal ni purpura. La ponction lombaire mettait en évidence une protéinorachie à 1,9 g/L, une hypoglycorachie à 1,3 mmol/ L, une hyperleucorachie à 105/mm3, avec 92 % de polynucléaires neutrophiles, 500 hématies/mm3, de nombreux cocci à Gram négatif à l'examen direct du liquide céphalorachidien (LCR) et de nombreuses colonies de Neisseria meningitidis de sérogroupe C et bêtalactamase négative à la culture du LCR. Les hémocultures étaient positives pour le méningocoque C. Une dégradation de l'état de vigilance nécessitait une intubation orotrachéale. Le patient était traité par céfotaxime (2 g toutes les 4 heures durant 11 jours) et dexaméthasone (10 mg toutes les 6 heures pendant 4 jours) permettant une amélioration clinique avec extubation après 5 jours, sans complications de réanimation. Au réveil, il était constaté une surdité bilatérale et une diplopie par défaut d'adduction de l'œil gauche, confirmée par un test de

Lancaster. On notait de plus un déficit moteur non douloureux du membre inférieur gauche côté à 1/5 sur l'échelle MRC (Medical Research Council), associé à une aréflexie, une anesthésie en selle, une hypoesthésie de la face dorsale du pied gauche, sans signe de Babinski. Secondairement, une rétention aiguë d'urines et une atonie du sphincter anal se sont installées. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale du 27 février 2013 montrait un hypersignal de 10 mm du genou de la capsule interne droite en séquence de diffusion (figure 1A). Il s'y associait deux hypersignaux en regard des cornes occipitales des ventricules latéraux (figure 1B) et un hypersignal cérébelleux gauche au contact du plancher du 4e ventricule (figure 1C). Le coefficient de diffusion apparent de la lésion capsulaire interne droite était diminué. Cette lésion était en hypersignal en séquence T2 flair. L'ensemble des lésions n'était pas rehaussé après l'injection de gadolinium en séquence T1. L'IRM cérébrale de contrôle, réalisée le 07 mars 2013, montrait la disparition de l'hypersignal cérébelleux gauche et des hypersignaux proximaux des cornes occipitales des ventricules latéraux. La lésion de la capsule interne droite avait désormais un centre en hyposignal en séquence T2*, en faveur d'une transformation hémorragique. L'IRM lombaire du 28 février 2013 montrait, en séquence T1 après injection de gadolinium, une prise de contraste des racines de la queue de cheval (figures 1D et E) ainsi qu'un rehaussement pie-mérien (figure 1E). La morphologie du cordon médullaire et son signal étaient normaux. L'électromyographie de détection était mal tolérée par le patient, mais permettait cependant de constater l'absence d'activité spontanée de dénervation dans les territoires L5 et S1 gauche, 7 semaines environ après la date d'admission en réanimation. En revanche, à l'analyse de la conduction motrice, les amplitudes des réponses étaient effondrées dans les territoires des nerfs tibial et fibulaire gauche, et peu amples à droite. Les vitesses de conduction motrices étaient normales. L'analyse de la conduction sensitive était normale. En ce qui concerne les potentiels évoqués moteurs, les réponses obtenues sur les muscles tibiaux antérieurs étaient réduites en amplitude, de façon plus marquée à gauche qu'à droite, la latence était allongée à gauche après stimulation lombaire. Les temps de conduction centraux étaient normaux. Ces aspects électrocliniques étaient en faveur d'une atteinte périphérique, compatible avec une atteinte pluriradiculaire prédominant en L5–S1 gauche. L'angio-IRM cérébrale et le doppler trans-crânien étaient normaux. L'échographie cardiaque était normale. La ponction lombaire du 22 mars 2013 montrait une protéinorachie à 0,76 g/L, 24 leucocytes/mm3 dont 84 % d'éléments

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Pour citer cet article : Saliou V, et al. Syndrome de la queue de cheval après une méningite à Neisseria meningitidis de type C. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.11.010

Lettre à la rédaction

V. Saliou, P. Bailly, E. Thomas, G. Carvajal-Alegria, D.B. Salem, S. Timsit

Figure 1 IRM cérébrale et médullaire A. IRM cérébrale en coupe axiale en séquence de diffusion : hypersignal du genou de la capsule interne droite (flèche). B. IRM cérébrale en coupe axiale en séquence de diffusion : hypersignaux en regard des cornes occipitales des ventricules latéraux (flèches). C. IRM cérébrale en coupe axiale en séquence de diffusion : hypersignal cérébelleux gauche au contact du plancher du V4 (flèche). D. IRM médullaire en coupe axiale passant par L3–L4 en séquence T1 avec injection de gadolinium : prise de contraste des racines de la queue de cheval (flèche). E. IRM médullaire en coupe axiale et séquence T1 (avec saturation de la graisse) au niveau du plateau inférieur de T12 avec injection de gadolinium : prise de contraste des racines de la queue de cheval (flèche).

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mononucléés, 1900 hématies/mm3, une glycorachie à 4,4 mmol/L, sans germes visualisés à l'examen direct du LCR après coloration de Gram. La culture du LCR était stérile après 48 heures. La recherche virologique d'HSV 1 et 2, de VZV et de CMV dans le LCR, le profil neuro-immunitaire, la sérologie oreillon et la cryoglobulinémie étaient négatives. Les diagnostics retenus étaient une surdité bilatérale, un accident ischémique cérébral (AIC) de mécanisme supposé vasculitique, un syndrome de la queue de cheval et une atteinte incomplète de la 3e paire crânienne gauche. L'hospitalisation se compliqua d'une péricardite sèche diagnostiquée sur des douleurs thoraciques, un sous-décalage de PQ et un sus-décalage de

ST dans toutes les dérivations, sans miroir, à l'ECG du 19 mars 2013. Le patient a été traité par corticothérapie du 01 mars au 15 avril 2013 (solumédrol 1 g par jour pendant 3 jours puis prednisone 1 mg/kg par jour pendant un mois, suivi d'une décroissance progressive) et du 22 au 26 mars par 4 jours d'immunoglobulines IV (2 g/kg au total) dans l'hypothèse d'une réaction autoimmune post-infectieuse. Malgré une amélioration progressive, le patient a gardé des séquelles auditives ayant nécessité un appareillage. Il a récupéré la marche aidé par un releveur du pied gauche, ses troubles sphinctériens se sont peu à peu amendés, il a pu reprendre une activité scolaire.

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Pour citer cet article : Saliou V, et al. Syndrome de la queue de cheval après une méningite à Neisseria meningitidis de type C. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.11.010

Les céphalées, la raideur de nuque, l'altération de la conscience et la fièvre sont les symptômes habituels des méningites bactériennes. Le diagnostic microbiologique repose sur les données de la ponction lombaire : examen direct (positif dans 67,9 % des cas) et culture (positive dans 73 % des cas), associés ou non à une réaction cellulaire du LCR. Une antibiothérapie préalable à l'analyse du LCR peut rendre négatifs ces résultats, d'où l'intérêt de la PCR et des antigènes solubles [1]. Chez ce patient, la réaction cellulaire était faible, proche de 100 cellules/mm3, ce qui est rare au cours de la méningite bactérienne, et souvent associée à un mauvais pronostic [2]. Il existe un vaccin contre les méningocoques des sérogroupes C. Les séquelles neurologiques les plus fréquentes sont les pertes auditives retrouvées dans 8 % des cas de méningite à méningocoque et les déficits neurologiques focaux à type d'hémiparésie observés dans 1 % des cas [3]. L'origine des pertes auditives est incertaine, plusieurs niveaux d'atteintes sont envisagés : cochléaire, huitième paire crânienne et tronc cérébral [3]. La survenue d'AIC est plus classique puisque 8,8 % des méningites bactériennes sont compliquées d'ischémie cérébrale. Les mécanismes en cause sont la vascularite [4], le vasospasme, l'endocardite et les emboles septiques [5,6]. Les mécanismes avancés dans la survenue de péricardite après infection à Neisseria meningitidis sont une atteinte infectieuse avec péricardite purulente précoce ou une atteinte réactionnelle avec péricardite secondaire plus tardive [7]. Dans cette observation, le patient a eu une méningo-radiculite avec un syndrome de la queue de cheval clinique et des lésions évocatrices à l'IRM. Les mécanismes envisagés sont une atteinte virale associée ou non à une infection directe par le méningocoque et une réaction auto-immune. Une atteinte virale a été en partie écartée, notamment pour les virus recherchés dans le LCR. Une atteinte infectieuse directe est certes possible, mais l'installation progressive des symptômes, plusieurs jours après l'amélioration clinique, et l'amendement du syndrome méningé concomitant, alors que le patient était traité par une antibiothérapie adaptée au germe, ne plaident pas en faveur de cette hypothèse. Les méningites à Neisseria meningitidis C avec méningococcémie peuvent très rarement se compliquer d'atteinte médullo-radiculaire ou radiculaire pure. Une revue de la littérature nous a permis de retrouver deux cas similaires. Le premier est celui d'un homme de 26 ans ayant eu un syndrome de la queue de cheval 4 jours après une méningite à méningocoque [8]. Le second, un homme de 20 ans, a eu un déficit moteur des deux membres inférieurs, après une lésion du cône terminal, 8 à 10 jours après une méningite à méningocoque [9]. Dans ces deux cas, le sérotype n'était pas précisé. Un mécanisme auto-immun post-infectieux était avancé. Les patients étaient améliorés par un traitement corticoïde isolé.

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Notre patient s'est amélioré après corticothérapie et traitement par immunoglobulines. Du fait de la survenue d'un accident ischémique cérébral sur une probable vascularite, de l'existence d'une péricardite réactionnelle, de la négativité des sérologies virales et des hémocultures et de l'amélioration lors du traitement par corticoïdes et immunoglobulines, l'hypothèse d'un mécanisme auto-immun postinfectieux est avancée pour expliquer le tableau clinique de ce patient [5,10]. Déclaration d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.

Références [1]

Parent du Châtelet I, Taha MK, Lepoutre A, Maine C, Deghmane AE, Levy Bruhl D. Les infections invasives à méningocoques en France, en 2009. Bull Epidemiol Hebd 2010;31–2:339–43. [2] Felgenhauer K, Kober D. Apurulent bacterial meningitis (compartmental leucopenia in purulent meningitis). J Neurol 1985;232:157–61. [3] Van de Beek D, de Gans J, Spanjaard L, Weisfelt M, Reitsma JB, Vermeulen M. Clinical features and prognostic factors in adults with bacterial meningitis. N Engl J Med 2004;351:1849–59. [4] Klein M, Koedel U, Pfefferkorn T, Zeller G, Woehrl B, Pfister HW. Arterial cerebrovascular complications in 94 adults with acute bacterial meningitis. Crit Care 2011;15:R281. [5] Goedvolk CA, von Rosentiel IA, Bos AP. Immune complex associated complications in the sub-acute phase of meningococcal disease: incidence and literature review. Arch Dis Child 2003;88:927–30. [6] Katchanov J, Heuschmann PU, Endres M, Weber JR. Cerebral infarction in bacterial meningitis: predictive factors and outcome. J Neurol 2010;257:716–20. [7] Dupont M, Haut Cilly FB, Arvieux C, Tattevin P, Almange C, Michelet C. Recurrent pericarditis during meningococcal meningitis. 2 case reports. Presse Med 2004;33:533–4. [8] Rose MR, Whitehead T, Greenwood R. Post-meningococcal lumbosacral radiculopathy. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1996;60:459–60. [9] Gotshall RA. Conus medullaris syndrome after meningococcal meningitis. N Engl J Med 1972;286:882–3. [10] Keeling PWN, Croft DN, Aston NO. Steroid-responsive vasculitis and arthritis in meningococcal septicaemia. Postgrad Med J 1980;56:800–1. Vanessa Saliou1, Pierre Bailly1, Emmanuel Thomas1, Guillermo Carvajal-Alegria1, Douraïed Ben Salem2, Serge Timsit1 1

CHRU de Brest, hôpital de la Cavale Blanche, service de neurologie, 29200 Brest, France 2 CHRU de Brest, hôpital de la Cavale Blanche, service de radiologie, 29200 Brest, France Correspondance : Pierre Bailly, CHRU de Brest, hôpital de la Cavale Blanche, service de neurologie, boulevard Tanguy-Prigent, 29200 Brest, France [email protected] Reçu le 2 juillet 2014 Accepté le 3 novembre 2014 Disponible sur internet le :

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