Thrombose veineuse superficielle au niveau de la verge : maladie de Mondor ? À propos d’un cas et revue de la littérature

Thrombose veineuse superficielle au niveau de la verge : maladie de Mondor ? À propos d’un cas et revue de la littérature

Journal des Maladies Vasculaires (2010) 35, 352—354 CAS CLINIQUE Thrombose veineuse superficielle au niveau de la verge : maladie de Mondor ? À propo...

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Journal des Maladies Vasculaires (2010) 35, 352—354

CAS CLINIQUE

Thrombose veineuse superficielle au niveau de la verge : maladie de Mondor ? À propos d’un cas et revue de la littérature Superficial venous thrombosis of the penis: Penile Mondor’s disease ? A case report and literature review H. Zidani a, M. Foughali b, J.-P. Laroche c,∗ a

Service de médecine interne—nutrition, Hussein-Dey, Alger, Algérie Centre exploration vasculaire, Mohammadia, Alger, Algérie c Service de médecine B, hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France b

Rec ¸u le 6 avril 2010 ; accepté le 6 mai 2010 Disponible sur Internet le 25 juin 2010

MOTS CLÉS Maladie de Mondor ; Verge ; Thrombose Veineuse Superficielle ; Écho-Doppler

KEYWORDS Mondor’s disease; Penis; Superficial venous thrombosis; Duplex ultrasound



Résumé Si la maladie de Mondor est une affection rare, sa localisation au niveau de la verge l’est encore plus. Si le plus souvent il s’agit d’une affection bénigne, il faut rester vigilant et ne pas passer à côté d’étiologies exceptionnelles mais auxquelles il faudra penser. Son traitement non codifié est basé sur l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens, voire des héparines de bas poids moléculaire. Son évolution se fait sans séquelles. Maladie de Mondor et thrombose veineuse superficielle de la verge, est-ce la même entité clinique ? Oui lorsque l’évolution est favorable et qu’il n’existe aucune étiologie précise. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Mondor’s disease is a rare cause of superficial thrombophlebitis, which is very exceptionally observed in the penis. Usually a benign condition, careful etiological search is needed to avoid missing exceptional causes. Mondor’s disease is generally treated with non-steroidal anti-inflammatory drugs or low-molecular-weight heparin and resolves without sequelae. Mondor’s disease and superficial venous thrombosis of the penis may or may not be a unique clinical entity. A favorable outcome with no precise etiology would favor penile Mondor’s disease. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Laroche).

La maladie de Mondor est une affection rare, le plus souvent localisée au niveau de la paroi thoracique antérolatérale et dans la région mammaire. Il s’agit d’une thrombose veineuse superficielle survenant sur une veine saine spontanément régressive. Cependant, d’autres localisations existent, nous

0398-0499/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jmv.2010.05.002

Thrombose veineuse superficielle au niveau de la verge : maladie de Mondor ? rapportons un cas de thrombose veineuse superficielle au niveau de la verge qui doit faire discuter une localisation atypique de la Maladie de Mondor.

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inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (diclofénac pendant une semaine) a été prescrit par voie générale et locale avec une évolution rapidement favorable sans séquelles. Le suivi de ce patient à un an n’a pas mis en évidence de récidives.

Observation Monsieur A.K.. . . 46 ans présente une nodosité au niveau de la face dorsale de la verge suite à un rapport sexuel laborieux et qui a été interrompu du fait de l’apparition d’une douleur aiguë au niveau de la racine de la verge. Antécédents : patient suivi régulièrement, pour HTA équilibrée sous traitement (IEC, ramipril), diabète de type 2 (metformine/glicazide), surpoids (IMC = 31) et dyslipidémie non traitée. À l’examen clinique : le patient est anxieux. On note la présence d’un œdème qui s’étend de la racine jusqu’à la moitié de la face dorsale de la verge, œdème douloureux mais sans signe inflammatoire, ni adénopathies satellites. Ce tableau clinique évoquait une probable thrombose veineuse superficielle. Le reste de l’examen clinique est normal ainsi que toutes les constantes biologiques de base. L’écho-Doppler (Fig. 1) effectué le jour même objective la présence de structures échogènes au niveau de la veine dorsale superficielle de la verge qui est dilatée et incompressible ce qui est en faveur d’une thrombose à son niveau. Un facteur favorisant : une activité sexuelle intense récente. L’enquête clinique à la recherche d’une néoplasie est négative, de plus on note l’absence d’éléments cliniques et paracliniques évoquant une hémopathie. Le bilan biologique est normal, notamment à visée inflammatoire. Un bilan de thrombophilie complet a été demandé, il est négatif (Protéine C, Protéine S, AT, Mutation facteur V et II de Leiden, antiphospholipides). Un traitement à base d’anti-

Figure 1 Thrombose d’une veine superficielle dorsale de la verge (flèche). Thrombosis of the superficial dorsal vein of the penis (arrow).

Discussion Le diagnostic de thrombose veineuse superficielle d’une veine de la verge est évoqué cliniquement et confirmé par l’examen écho-Doppler par « la visualisation d’un thrombus veineux au niveau de la veine dorsale superficielle de la verge ». Une sonde de type barrette de haute fréquence est à privilégier dans cette indication. Le contexte clinique et l’écho-Doppler sont essentiels dans ce contexte pour affirmer le diagnostic. Aucun autre examen paraclinique d’imagerie n’est nécessaire. La maladie de Mondor décrite en 1935 [1] intéresse le plus souvent une veine thoraco-épigastrique chez la femme. Il s’agit d’une thrombose veineuse superficielle (TVS) sur une veine saine [2]. Si dans la majorité des cas, cette TVS est bénigne, de type idiopathique, sa localisation au niveau mammaire doit faire rechercher un cancer à ce niveau. La maladie de Mondor par thrombose de la veine dorsale superficielle de la verge, décrite pour la première fois par Braun Falco en 1955 [3], est plus exceptionnelle [4—8], mais elle ne doit pas être sous-estimée. Quarante-quatre cas ont été rapportés dans la littérature à ce jour [8], 400 environ pour la maladie de Mondor classique [2], soit un rapport de 1 à 10. Elle survient après une activité sexuelle intense chez des sujets jeunes de moins de 50 ans. Il peut s’agir parfois d’une cause locale irritante, une infection locale notamment. On peut aussi la retrouver dans les suites d’une intervention chirurgicale pour hernie inguinale. D’autres étiologies : injections de produits intraveineux au niveau de la verge (toxicomanie), compression veineuse par une tumeur locale ou un globe vésical, atteinte néoplasique dans un autre territoire (exceptionnelle). En l’absence de traitement, l’évolution peut se faire vers des phénomènes douloureux et un œdème persistant. Une évolution vers le priapisme est possible mais très exceptionnelle, priapisme à bas débit, qui est une urgence médicale. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’une TVS idiopathique type Mondor mais d’une anomalie du retour veineux due à des causes hématologiques dans la plupart des cas : leucémie myéloïde chronique, trouble de la coagulation, localisation secondaire des néoplasmes urogénitaux (compression mécanique), drépanocytose. Au stade aigu les thérapeutiques proposées sont variables : un antiplaquettaire (aspirine) et un AINS pour certains, une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) à titre préventif ou curatif pour d’autres pendant 15 jours. Les AINS ou un antiphlogistique par voie locale sont utiles. Pour des stades très évolués qui ne répondent pas au traitement médical, il a été proposé un éveinage de la veine dorsale superficielle, voire une thrombectomie chirurgicale mais le plus souvent les AINS par voie locale et générale sont suffisants. Bien que rare comme nous l’avons souligné, une équipe allemande [8] rapporte récemment 25 cas de « Penile Mondor’s Disease », diagnostiqués en six ans par l’écho-Doppler. La moyenne d’âge est de 35 ans. La longueur de la thrombose était comprise entre 2 et 4 cm. Tous ont

354 été traités par un AINS local et une HBPM curative avec une évolution favorable dans 23 cas, deux cas ont nécessité une thrombectomie veineuse avec dans les suites une anticoagulation par AVK de quatre mois, aucune étiologie n’a été retrouvée dans 21 cas en dehors d’une activité sexuelle « intense » ou un traumatisme local comme facteur déclenchant. Les deux cas qui ont fait l’objet d’une thrombectomie et d’une anticoagulation étaient en rapport pour l’un avec un déficit en Protéine S et pour l’autre une mutation MTHFR C677T hétérozygote. On ne peut en tirer aucune conclusion, cette association est probablement fortuite. Aucune séquelle n’a été observée dans cette série, sur un suivi de trois ans. Les caractéristiques de cette affection, l’étiopathogénie sont inconnues, mais la recherche de facteurs favorisants est capitale dans ce contexte, surtout une hémopathie sousjacente au moindre doute clinique. Notons enfin que si la localisation thoracique mammaire de la maladie de Mondor concerne essentiellement les femmes, la localisation pénienne les hommes, on peut émettre l’idée d’une affection aux deux visages qui par sa topographie en fait une affection à « tropisme sexuel » d’une certaine manière. Ce qui différencie la maladie de Mondor thoracique de la localisation pénienne est surtout le caractère très inflammatoire des atteintes péniennes. Dans la littérature contemporaine les case reports de « Penile Mondor’s disease » sont presque les plus fréquents. L’écho-Doppler permet toujours de confirmer le diagnostic de thrombose de la veineuse dorsale superficielle de la verge [9].

Conclusion Si la maladie de Mondor est une entité clinique reconnue dans sa localisation thoracique classique, sa localisation au niveau de la verge ne doit pas être méconnue. C’est une affection bénigne le plus souvent à ce niveau, cependant une évolution vers un priapisme doit faire rechercher une étiologie sous-jacente, hémopathie le plus souvent. Un facteur déclenchant est souvent retrouvé (traumatisme, activité

H. Zidani et al. sexuelle intense). L’écho-Doppler permet toujours de porter le diagnostic de thrombose veineuse superficielle de la veine dorsale de la verge. Le traitement fait appel aux AINS ou aux HBPM (préventives ou curatives) mais aucune recommandation thérapeutique n’existe dans ce cadre nosologique. Logiquement ce sont les urologues qui sont consultés en première intention. Le médecin vasculaire par son expertise en matière de maladie thrombo-embolique a sa place dans la prise en charge de cette affection.

Conflit d’intérêt Aucun.

Références [1] Mondor H. Tronculité sous-cutanée subaiguë de la paroi thoracique antérolatérale. Mem Acad Chir 1939;65:1258—71. [2] Quéhé P, Saliou AH, Guias B, Bressollette L. Maladie de Mondor. À propos de trois cas et revue de la littérature. J Mal Vasc 2009;34:54—60. [3] Braun-Falco O. Zur Klinik, histologie, und pathogenese der strangformigen oberflachlichen phlebitiden. Dermatol Wochenschr 1955;132:705—15. [4] Han HY, Chung DJ, Kim KW, Hwang CM. Pulsed and color Doppler sonographic findings of penile Mondor’s disease. Korean J Radiol 2008;9:179—81. [5] Helm JD, Hodge IG. Thrombophlebitis of a dorsal vein of penis, report a case treated by phenylbutazone. J Urol 1958;79: 306—7. [6] Dicuio M, Pomara G, Ales V, Menchini Fabris F, Dahlstrand C, Morelli G. Doppler ultrasonography in a young patient with penile Mondor’s disease. Acta Ital Urol Androl 2005;77: 58—9. [7] Khan UD. Mondor Disesae: a case report and review of the literature. Aesthet Surg J 2009;29:209—12. [8] Al-Mwalad M, Loertzer H, Wicht A, Fornara P. Subcutaneous penile vein thrombosis (Penile Mondor’s Disease): pathogenesis, diagnosis, and therapy. Urology 2006;67:586—8. [9] Berlotto M. Color Doppler US of the penis. Paris: Springer Verlag ED; 2007.