Traitement d’entretien de la maladie de Crohn par infliximab

Traitement d’entretien de la maladie de Crohn par infliximab

Cahier FM Revue bibliographique mercaptopurine (6-MMP), la conversion en 6-MMP étant contrôlée par l’activité de la thiopurine méthyltransferase (TP...

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Cahier FM

Revue bibliographique

mercaptopurine (6-MMP), la conversion en 6-MMP étant contrôlée par l’activité de la thiopurine méthyltransferase (TPMT). Dubinsky et al. ont corrélé les concentrations de ces différents métabolites (6-TGN, 6-MMP) à l’efficacité du traitement et à la survenue d’effets secondaires, ainsi qu’à l’analyse génotypique de la TPMT. Il s’agit d’une étude prospective réalisée chez 92 malades ayant une MICI, âgés de moins de 19 ans et traités par 6-MP. Le taux de réponse clinique était corrélé de façon significative aux concentrations de 6-TGN (P < 0,0001), mais n’était corrélé à aucune autre variable, incluant les concentrations de 6-MMP, la dose prescrite de 6-MP et la prise d’autres médicaments. Les auteurs de ce travail ont déterminé un seuil de 6-TGN au dessus duquel un meilleur taux de réponse était obtenu. Ainsi, 67 % des malades en rémission avait un taux de 6-TGN supérieur à 235 pmol/8x108 érythrocytes, versus 27 % des malades ayant une maladie toujours active (P < 0,001). L’odds ratio de réponse au traitement lorsque le taux de 6-TGN était au-dessus du seuil de 235 était de 5 (IC 95 % : 2,6-9,7 ; P < 0,001). Trente-neuf pour cent des malades (36/92) ont présenté des effets secondaires attribuables à la prise de 6-MP ; une élévation des transaminases était observée chez 16 malades (17 %), et une leucopénie chez 13 malades (14 %). Les événements hépatotoxiques étaient associés à des concentrations plus élevées de 6-MMP. En revanche, il n’y avait pas de corrélation avec les concentrations de 6-TGN ou la posologie de 6-MP. Le génotype TPMT était normal chez 35/36 malades ayant eu des effets secondaires. Les malades hétérozygotes pour la TPMT (8/92) avaient des concentrations plus élevées de 6-TGN et étaient tous en rémission clinique. Ainsi, les différences entre individus concernant l’efficacité et la survenue d’effets secondaires dépendent de variations inter-inviduelles dans le métabolisme de l’AZA et de la 6-MP. La réponse à la 6-MP est optimisée lorsque les concentrations de 6-TGN sont supérieures au seuil de 235 pmol/8x108 érythrocytes. Il peut être utile de mesurer la concentration des 6-TGN chez les malades ayant une maladie active sous AZA/6-MP (prise depuis plus de 3 mois) afin d’éventuellement augmenter les doses prescrites ou d’évaluer l’observance au traitement. Dans une étude plus récente, Dubinsky et al. ont évalué l’intérêt d’une augmentation des doses d’AZA/6-MP chez les malades ayant une maladie active malgré la prise d’AZA/6-MP depuis plus de 3 mois. Une rémission clinique de la MICI n’était obtenue après augmentation de la posologie que chez 14 malades sur 51 (27 %). Cette augmentation de dose était corrélée à une augmentation significative des concentrations de 6-TGN. En revanche, 37 malades (63 %) avaient toujours une maladie active malgré l’augmentation de la posologie. Chez ces malades en échec, l’augmentation de la posologie ne s’accompagnait que d’une augmentation modeste des taux de 6-TGN, avec une élévation significative des taux de 6-MMP et la survenue d’élévation des transaminases chez 12 malades. On peut conclure qu’en pratique, la mesure des taux de 6-TGN est utile chez les malades ne répondant pas aux doses habituelles d’AZA/6-MP et qui ne développent ni hépatotoxicité ni leucopénie. Il semble exister un sous-groupe de malades chez lesquels, malgré l’augmentation des doses, on ne peut atteindre des taux suffisants de 6-TGN, avec un métabolisme qui conduit à des taux élevés de 6-MMP et entraîne une toxicité hépatique. D’autres traitements immunosuppresseurs, en particulier le méthotrexate, peuvent être proposés chez ces malades.

Methotrexate for the treatment of Crohn’s disease. The North American Crohn’s Study Group Investigators. N Engl J Med 1995;332:292-7. Feagan BG, Fedorak RN, Irvine EJ, Wild G, Sutherland L, Steinhart AH, et al. A comparison of methotrexate with placebo for the maintenance of remission in Crohn’s disease. North American Crohn’s Study Group Investigators. N Engl J Med 2000;342:1627-32. Le méthotrexate (MTX) est une alternative aux analogues de la purine (AZA et 6MP) chez les malades ayant résisté ou intolérants à ces traitements. L’efficacité du MTX a été étudiée chez des malades ayant une MC chronique active traités par les corticoïdes. Cet essai multicentrique, en double aveugle, a testé l’efficacité du MTX contre placebo chez 141 malades ayant une MC chronique active depuis au moins 3 mois, malgré un traitement par prednisone. Les malades recevaient du MTX (ou un placebo) par voie intra-musculaire à la posologie de 25 mg par semaine. Le taux de réponse était évalué à 16 semaines. Une rémission, définie par l’arrêt des corticoïdes et un index d’activité de Best < 150, était observée chez 37/94 malades traités par MTX (39,4 %) vs 9/47 sous placebo (19,1 %) (P = 0,025 ; RR = 1,95 ; IC95 % : 1,09-3,48). Seize malades sous MTX (17 %) interrompaient le traitement en raison d’effets secondaires (augmentation des transaminases chez 7 malades, nausées chez 6), contre 1 malade dans le groupe placebo. Le MTX parait donc efficace chez les malades ayant une MC active sous corticoïdes. Le MTX a été testé à plus long terme dans le maintien de la rémission comme cela est rapporté dans le deuxième article. Les malades ayant répondu au MTX prescrit à la posologie de 25 mg par semaine par voie IM pendant 16 à 24 semaines étaient randomisés en 2 groupes : soit MTX 15 mg IM par semaine (40 malades), soit placebo (36 malades). À la 40e semaine, 26/40 (65 %) étaient en rémission dans le groupe MTX vs 14/36 (39 %) dans le groupe placebo (P = 0,04). Une reprise de corticoïdes pour rechute était plus fréquente dans le groupe placebo (21/36 soit 58 %) que dans le groupe MTX (11/40, 28 %). Aucun effet secondaire sérieux n’était observé ; 1 seul malade a arrêté le traitement à cause de nausées. En conclusion, le MTX est efficace dans le traitement de la MC active sous corticoïdes, ainsi que dans le maintien de la rémission. Le MTX représente une alternative chez les malades intolérants ou résistants à l’AZA et/ou la 6-MP. ••••••••••••••••••••••••

Le MTX est efficace dans le traitement de la maladie de Crohn active sous corticoïdes, ainsi que dans le maintien de la rémission

Traitement d’entretien de la maladie de Crohn par infliximab Hanauer SB, Feagan BG, Lichtenstein GR, Mayer LF, Schreiber S, Colombel JF, et al. Maintenance infliximab for Crohn’s disease: the ACCENT I randomised trial. Lancet 2002;359:1541-9.

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d’AZA/6-MP et qui ne développent ni hépatotoxicité

Rutgeerts P, Feagan BG, Lichtenstein GR, Mayer LF, Schreiber S, Colombel JF, et al. Comparison of scheduled and episodic treatment strategies of infliximab in Crohn’s disease.

ni leucopénie

Gastroenterology 2004;126:402-13.

La mesure des taux de 6-TGN est utile chez les malades ne répondant pas aux doses habituelles

L’infliximab (Remicade®) est efficace dans le traitement d’attaque des poussées intestinales de la maladie de Crohn. Une perfusion d’infliximab à la posologie de 5 mg/kg/j a une durée d’effet d’environ deux mois. L’association à un immunosuppresseur (AZA, 6-MP ou MT) permet le plus souvent le maintien de la rémission, mais chez certains malades la survenue de rechutes peut nécessiter de nouvelles perfusions d’infliximab.

Efficacité du méthotrexate au cours de la maladie de Crohn Feagan BG, Rochon J, Fedorak RN, Irvine EJ, Wild G, Sutherland L, et al. 700

L’essai Accent I avait pour objectif de comparer l’effet d’un traitement à doses répétées par infliximab chez des malades ayant une MC active à celui d’un traitement par dose unique. 573 malades avec un indice d’activité de Best médian de 297 (193-488) recevaient un premier traitement par 5 mg/kg d’infliximab. Les 335 (58 %) malades répondeurs à la 2e semaine étaient randomisés pour entrer dans un des trois groupes suivants : perfusion de placebo toutes les 8 semaines, perfusion de 5 mg/kg d’infliximab toutes les 8 semaines et perfusion de 5 mg/kg d’infliximab aux semaines 2e et 6e, puis perfusion de 10 mg/kg toutes les 8 semaines. Le pourcentage de malades en rémission clinique à la 30e semaine était de 21 % dans le groupe placebo, contre 39 % et 45 % dans les groupes 5 mg/kg et 10 mg/kg (P = 0,003 et P < 0,001). La durée médiane de maintien de la réponse était de 19 semaines dans le groupe placebo contre 38 semaines et > 54 semaines dans les groupes 5 mg/kg et 10 mg/kg (P < 0,002 et P < 0,001). A l’inclusion, 51 % des malades recevaient des corticoïdes. Le pourcentage de malades en rémission sans corticoïdes à la 54e semaine était de 29 % dans les groupes 5 mg/kg et 10 mg/kg combinés vs 9 % dans le groupe placebo (P = 0,004). Une analyse complémentaire des résultats de ACCENT I a été récemment publiée par Rutgeerts et al. L’analyse des résultats permet de comparer une stratégie de traitement d’entretien à un traitement épisodique (perfusions en cas de rechute parmi les malades du groupe placebo). Il faut toutefois noter que les malades du groupe placebo ne pouvaient recevoir le traitement que 14 semaines après le début du protocole. Cependant, le traitement d’entretien permettait un meilleur contrôle de l’activité de la maladie, avec une amélioration de la qualité de vie. De plus, le nombre d’hospitalisations et d’interventions chirurgicales était significativement plus faible. Sur un plan économique, la diminution de dépenses indirectes pourrait justifier l’utilisation d’un traitement d’entretien au coût plus élevé. La tolérance au traitement était comparable dans les 3 groupes à celle observée dans les essais précédents. Des réactions d’hypersensibilité immédiate étaient observées dans respectivement 3 %, 4 % et 6 % des perfusions des groupes placebo, 5 mg/kg et 10 mg/kg. Ces réactions étaient moins fréquentes chez les malades recevant stéroïdes et immunosuppresseurs (8 %) par rapport aux malades recevant des immunosuppresseurs seuls (20 %), des stéroïdes seuls (23 %) et ni stéroïdes ni immunosuppresseurs (32 %). En conclusion, l’essai Accent I démontre au cours de la MC en poussée réfractaire au traitement conventionnel l’efficacité de l’infliximab dans le maintien de la rémission obtenue par une première perfusion d’infliximab. Cette étude montre également l’intérêt de l’infliximab pour l’abstention d’un sevrage en corticoïdes. Cet essai a conduit à l’obtention de l’AMM pour le traitement d’entretien des malades atteints de MC inflammatoire ayant répondu à un traitement d’induction et réfractaires (ou intolérants) à un traitement d’entretien par les immunosuppresseurs et chez les malades corticodépendants après échec des immunosuppresseurs.

par 3 injections de 5 mg/kg d’infliximab vs 13 % dans le groupe recevant un placebo. Cependant, le taux de rechute à distance après ces 3 perfusions était élevé ; la durée moyenne de réponse étant de 12 semaines. L’essai Accent II avait pour objectif d’évaluer l’efficacité d’un traitement d’entretien par infliximab dans le maintien de la fermeture des fistules. Trois cent six malades ont reçu un traitement d’induction par infliximab avec 3 perfusions aux semaines 0, 2 et 6. Les 195 malades (69 %) ayant répondu au traitement (diminution du nombre de fistules productives) ont été randomisés en 2 groupes recevant une perfusion d’infliximab ou de placebo toutes les 8 semaines jusqu’à la 46e semaine. La durée médiane de maintien de la réponse était significativement plus longue dans le groupe retraité par infliximab toutes les 8 semaines par rapport au groupe placebo (supérieure à 40 semaines vs 14 semaines, P < 0,001). À la 54e semaine, le pourcentage de malades toujours répondeur était de 46 % (42/91) dans le groupe infliximab vs 23 % (23/98) dans le groupe placebo (P = 0,001). Le pourcentage de malades indemnes de fistule était de 36 % (33/91) vs 19 % (19/98), respectivement dans les groupes infliximab et placebo. Parmi les malades ayant rechuté sous placebo, le taux de réponse après reprise d’un traitement par infliximab était de 61 % (25/41). En conclusion, l’infliximab est efficace pour le maintien de la rémission de la MC fistulisante lorsqu’il a permis la fermeture des fistules. Les récidives de fistules chez les malades en échec avec les traitements conventionnels (association d’immunosuppresseurs au traitement par infliximab en induction) doivent faire discuter un traitement d’entretien au long cours par infliximab. •••••••••••••••••••••••••

L’infliximab est efficace pour le maintien de la rémission de la maladie de Crohn fistulisante lorsqu’il a permis la fermeture des fistules

L’immunisation contre l’infliximab, associée à des réactions d’intolérance et à une perte d’efficacité, peut être prévenue par l’utilisation d’immunosuppresseurs Baert F, Noman M, Vermeire S, Van Assche G, D’Haens G, Carbonez A, et al. Influence of immunogenicity on the long-term efficacy of infliximab in Crohn’s disease. N Engl J Med 2003;348:601-8. L’infliximab est un anticorps monoclonal chimérique comprenant une portion d’origine murine. L’injection d’infliximab peut induire chez le malade traité l’apparition d’anticorps dirigés contre cette molécule. L’objectif de cette étude était de mesurer, chez les malades traités par infliximab, les concentrations d’infliximab et d’anticorps anti-infliximab, et de les comparer à la survenue d’effets indésirables, à l’efficacité du traitement, et à l’utilisation d’autres traitements. Cette étude de cohorte porte sur 125 malades consécutifs ayant reçu en moyenne 3,9 perfusions d’infliximab (1 à 17) sur une durée moyenne de 10 mois. La présence d’anticorps était détectée chez 61 % des malades. Une concentration d’anticorps anti-infliximab > 8 g/mL était associée à une durée plus courte de réponse (35 jours vs 71 jours chez les malades ayant une concentration d’anticorps < 8 g/mL ; P < 0,001), et à une survenue plus fréquente de réactions d’hypersensibilité immédiate (RR = 2,4 ; P < 0,001). D’autre part, les concentrations d’infliximab (mesurées 4 semaines après une perfusion) étaient significativement plus faibles chez les malades ayant eu des réactions d’hypersensibilité immédiate (1,2 vs 14,1 chez ceux n’ayant pas présenté de réaction ; P < 0,001). La réponse clinique était plus courte chez les malades ayant eu une réaction d’hypersensibilité. L’ensemble de ces données démontre qu’une immunisation contre l’infliximab est associée à une augmentation du risque de réaction immédiate, et surtout à une perte d’efficacité du traitement (diminution de la durée de réponse). Enfin, Baert et al. montrent que l’association d’un traitement immunosuppresseur au traitement par infliximab

L’infliximab dans le traitement de la maladie de Crohn fistulisante Present DH, Rutgeerts P, Targan S, Hanauer SB, Mayer L, van Hogezand RA, et al. Infliximab for the treatment of fistulas in patients with Crohn’s disease. N Engl J Med 1999;340:1398-405. Sands BE, Anderson FH, Bernstein CN, Chey WY, Feagan BG, Fedorak RN, et al. Infliximab maintenance therapy for fistulizing Crohn’s disease. N Engl J Med 2004;350:876-85. L’infliximab est également efficace dans la prise en charge des fistules de la maladie de Crohn. Dans l’essai de Present et al., une fermeture complète des fistules périnéales ou enterocutanées était obtenue chez 46 % des malades 2 semaines après un traitement 701

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