Traitement des formes difficiles de la sarcoïdose

Traitement des formes difficiles de la sarcoïdose

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2012) 4, 396-398 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneum...

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Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2012) 4, 396-398 ISSN 1877-1203

Revue des

Maladies

Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française

Actualités Congrès annuel de l’American Thoracic Society San Francisco, États-Unis - 18-23 mai 2012

Mission ATS 2012 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire

70418

Coordination de la mission ATS de la SPLF : J.-C. Meurice, A.-T. Dinh-Xuan, D. Valeyre Coordination du numéro pour le Comité de Rédaction : A. Cuvelier

www.splf.org

Octobre Vol 4 2012



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PATHOLOGIES INTERSTITIELLES

Traitement des formes difficiles de la sarcoïdose Treatment of difficult forms of sarcoidosis Y. Uzunhan Université Paris 13, PRES Sorbonne-Paris-Cité, EA2363, Assistance PubliqueHôpitaux de Paris, Service de pneumologie, Hôpital Avicenne, Bobigny, France

L

a sarcoïdose constitue, avec la fibrose pulmonaire idiopathique, une des plus fréquentes pneumopathies interstitielles diffuses [1,2]. Les études de survie montrent une surmortalité, surtout dans la tranche d’âge supérieure à 55 ans [1,3]. Une augmentation annuelle de la mortalité liée à la maladie a été récemment rapportée aux États-Unis et au Royaume-Uni avec des chiffres respectivement de 3 % par an entre 1988 et 2007 et 9 % par an entre 1968 et 2008 [3]. Le pronostic de la maladie est lié à la fibrose pulmonaire qui peut être responsable d’une diminution de l’espérance de vie, les autres causes de décès étant l’atteinte cardiaque, particulièrement fréquente au Japon et l’atteinte du système nerveux central. Entre 10 et 20 % des patients ayant une sarcoïdose vont garder des séquelles, le plus souvent en rapport avec le développement d’une fibrose irréversible (pulmonaire et extra-pulmonaire) qui constitue le problème majeur lorsque la maladie devient chronique [4]. Environ 12 % des cas de sarcoïdose stade IV ont une oxygénothérapie de longue durée et diverses complications peuvent émailler l’évolution de la maladie, dont l’hypertension pulmonaire (HTP) (29,7 %) et la greffe aspergillaire (11,3 %) [5].

Bosentan et hypertension pulmonaire associée à la sarcoïdose L’HTP associée à la sarcoïdose concerne près de 6 % de l’ensemble des patients. Plus fréquente au cours des stades

Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Uzunhan). © 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

IV, elle peut être observée dans une plus faible proportion au cours des stades I, II voire 0 [6]. Les mécanismes incriminés sont multiples et parfois intriqués comprenant outre la destruction du lit vasculaire, une dysfonction ventriculaire gauche, une compression vasculaire extrinsèque, une atteinte vasculaire granulomateuse, le plus souvent veinulaire, une hyperréactivité vasculaire, voire une hypertension portale [7]. La documentation de l’hypertension pulmonaire par cathétérisme cardiaque droit (KTd) est essentielle d’une part à la confirmation du diagnostic mais aussi à l’exploration du mécanisme et par conséquent à l’adaptation thérapeutique [8]. Les traitements par epoprostenol, bosentan, ambrisentan et sildenafil ont été testés dans le cadre d’études rétrospectives ou prospectives ouvertes avec des résultats parfois contradictoires. Baughman et al. [9] rapportent les résultats d’une étude prospective randomisée en double aveugle évaluant le bosentan vs placebo (2:1) dans le traitement de l’HTP associée à la sarcoïdose. Les critères d’inclusion étaient une pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) > 25 mmHg avec pression capillaire pulmonaire < 18 mmHg avec une variation de la distance parcourue au test de marche de 6 min (TM6) < 10 % sur 4 semaines. La posologie du bosentan était de 62,5 mg deux fois par jour pendant quatre semaines puis de 125 mg deux fois par jour pendant 12 semaines. À 16 semaines, un KTd et un TM6 étaient réalisés. Quarante trois patients étaient inclus et 25 étaient randomisés dans le groupe bosentan contre 14 dans le groupe placebo (4 étaient

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exclus dont deux pour retrait de consentement) (Tableau 1). Dans le groupe bosentan, deux patients avaient arrêté le traitement à 8 semaines et à 16 semaines, 23 patients étaient évalués par un TM6 et 21 par KTd. Dans le groupe placebo, deux patients avaient arrêté le traitement avant 8 semaines, et à 16 semaines, 11 avaient un TM6 et 9 un KTd. La PAPm baissait de façon significative dans le groupe bosentan avec en moyenne, une PAPm qui passait de 36 ± 7,0 mmHg à l’inclusion à 32 ± 8,8 mmHg à 16 semaines, alors que la PAPm passait de 30 ± 4,2 mmHg à 31 ± 6,3 mmHg dans le groupe placebo (p = 0,01). La baisse des résistances vasculaires pulmonaires était également significative (p = 0,04) alors que le TM6, la capacité vitale forcée (CVF) et la diffusion pulmonaire du monoxyde de carbone (DLCO) ne s’amélioraient pas. Par ailleurs, la tolérance du traitement semblait satisfaisante. De façon intéressante, alors que le score global de qualité de vie (questionnaire SF-36) était inchangé (il passait de 45 ± 22 à 47 ± 23 à 16 semaines de traitement dans le groupe bosentan vs 52 ± 22 à 46 ± 22 dans le groupe placebo), on notait une amélioration du score de santé physique dans les deux groupes. Il s’agit de la première étude randomisée contre placebo testant l’effet des traitements spécifiques de l’HTAP pour le traitement de l’HTP associée à la sarcoïdose. Le résultat

Tableau 1 Résultats de l’étude randomisée évaluant le bosentan vs placebo pour le traitement de l’hypertension pulmonaire associée à la sarcoïdose. Traduit d’après Baughman et al. [9]. Groupe Bosentan (n = 23)

Groupe Placebo (n = 12)

Âge (ans) [extrêmes]

56 [38-75]

56 [37-75]

Éthnie (noire/caucasiens/ inconnue)

12/11/0

9/2/1

Sex ratio H/F

4/19

3/9

Stade radiologique (0/1/2/3/4)

3/0/3/4/13

0/1/2/4/5

Stade OMS (II/III)

10/13

6/6

PAPm initiale (mmHg)

36 ± 7,0

30 ± 4,2

PAPm (mmHg) à 16 semaines

32 ± 8,8 *

31 ± 6,3

RVP initiales (unités woods)

5,9 ± 2,9

4,4 ± 2,7

RVP (unités woods) à 16 semaines

4,4 ± 2,0 *

4,2 ± 2,1

Distance TM6 initiale (m)

343 ± 95

313 ± 73

Distance TM6 (m) à 16 semaines

318 ± 79

331 ± 70

* p < 0,05 PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne ; RVP : résistances vasculaires pulmonaires ; TM6 : test de marche de 6 min.

certes positif quant à l’hémodynamique pulmonaire est encourageant, même s’il ne semble pas s’accompagner d’une amélioration de la qualité de vie.

Le rituximab pour les sarcoïdoses pulmonaires « réfractaires » On distingue au cours de la sarcoïdose deux phénotypes évolutifs majeurs, les formes aiguës et chroniques, dont l’évolution est respectivement inférieure à deux ans et supérieure à trois ans. Les formes chroniques nécessitent le plus souvent un traitement prolongé faisant intervenir un traitement d’épargne cortisonique. La corticothérapie reste la référence et le recours aux alternatives thérapeutiques est envisagé en cas de cortico-dépendance de haut niveau et/ou la survenue d’effets adverses sous corticoïdes. Entre 5 et 10 % des patients ayant une sarcoïdose traitée ont une maladie dite « réfractaire », dont la définition n’est pas consensuelle. Pour R.P. Baughman (Cincinatti, États-Unis), il s’agit d’une maladie qui progresse malgré la corticothérapie et au moins un immunosuppresseur de première ligne (methotrexate, azathioprine voire leflunomide) et impose d’autres alternatives thérapeutiques, comme notamment les anti-TNFα (session C2). D’autres approches thérapeutiques sont explorées comme l’administration par voie inhalée du peptide intestinal vaso-actif (VIP), dont les effets immunorégulateurs ont été testés dans des études pré-cliniques chez l’animal [10]. Caractérisée essentiellement par une prolifération polyclonale T, la sarcoïdose implique néanmoins des anomalies lymphocytaires B comme en témoigne la fréquente hypergamma-globulinémie. Cela fournit un certain rationnel à l’utilisation d’une biothérapie ciblée sur les lymphocytes B au cours de la sarcoïdose. De rares observations isolées ont rapporté un bénéfice du rituximab, un anticorps monoclonal chimérique anti-CD20, dans le traitement de la sarcoïdose [11]. L’équipe de R.P. Baughman a testé cette molécule pour les formes pulmonaires « réfractaires » dans une étude prospective ouverte de phase I/II [12]. Les résultats de cette étude ont été rapportés au cours d’une session orale par N. Sweiss, rhumatologue (Cincinatti, États-Unis). Le schéma d’administration du rituximab était le même que celui de la polyarthrite rhumatoïde, à savoir 1 g répété à 15 jours d’intervalle par voie veineuse. Les patients étaient évalués toutes les 6 semaines pendant au moins une année. Outre les paramètres fonctionnels respiratoires comprenant la CVF et la distance au TM6, les données biologiques comme la mesure quantitative des immunoglobulines et les taux des cellules doublement marquées CD19 et CD45 étaient réalisées à des temps définis. L’objectif principal était la tolérance du traitement et parmi les objectifs secondaires, on notait l’évolution de la CVF et de la distance au TM6 à 24 semaines. Dix patients ayant une maladie évoluant depuis plus de 2 ans et en échec d’un traitement d’épargne de première ligne incluant le méthotrexate et l’azathioprine ont été inclus dans l’étude. Le traitement a été administré chez tous les patients et tous ont pu avoir une évaluation à 24 semaines. Un patient a été hospitalisé pour un épisode infectieux pulmonaire résolutif sous antibiothérapie à un mois

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de la perfusion. Un patient est décédé à 30 semaines d’une progression de sa maladie sans élément pour une infection. Un second patient, hospitalisé à la 40e semaine, est décédé à 56 semaines. La CVF médiane était de 61 % [35-76 %] à l’inclusion. À 24 semaines, 7 patients étaient répondeurs dont 5 avec une amélioration de plus de 5 % de la CVF (dont 4 avec une amélioration > 10 %) (Tableau 2) et 5 patients avec une amélioration de plus de 30 m au TM6 (dont 3 de plus de 50 m). On notait une baisse significative des taux sériques d’IgG, IgA et IgM à 24 semaines (IgG : p < 0,05 ; IgA : p < 0,05 ; IgM : p < 0,005) sans distinction entre les répondeurs (n = 7) et les non-répondeurs (n = 3). Le pourcentage de cellules CD19+ /CD45+ baissait de façon significative (p < 0,002) dans les deux groupes. Au total, les auteurs concluent à une bonne tolérance du traitement et une certaine efficacité pour la majorité des patients. Aucun paramètre sérique ne permettait de présager de la réponse au traitement. Cependant, la principale critique que nous pouvons formuler est la survenue de deux décès, bien qu’ils aient eu lieu après la date d’évaluation de 24 semaines. Aucune explication claire n’est fournie quant à l’imputabilité du rituximab dans la survenue de ces décès. L’impact de ce traitement sur la qualité de vie des patients n’était pas précisé. Aucune donnée n’était fournie non plus sur les paramètres biologiques d’activité de la sarcoïdose, Tableau 2 Évolution de la capacité vitale forcée (CVF) au cours de l’essai prospectif ouvert évaluant le rituximab dans le traitement la sarcoïdose avec atteinte pulmonaire « réfractaire ». Traduit d’après Sweiss et al. [12]. Patient

CVF à l’inclusion (L)

Évolution à 24 semaines

Patient 1

3,24

Patient 2

2,79

+13,6 %

Patient 3

1,54

-6 ,7 %

Patient 4

2,18

-15,1 %

-17,9 %

Patient 5

2,44

+15,2 %

-7,0 %

Patient 6

2,3

+48,3 %

-14,8 %

Patient 7

3,53

-5,1 %

-14,7 %

Patient 8

1,17

-2,6 %

NA

Patient 9

2,72

+14,3 %

Patient 10

1,29

+8,5 %

-4,30 %

Évolution à 52 semaines +3,7 % +15,1 % -9,10 %

+34,2 % NA

sur l’imagerie et sur les atteintes extra-thoraciques. Il s’agit d’une petite série prospective ouverte dont il est difficile d’interpréter les résultats mais qui semblent néanmoins encourageants et qui méritent une étude de phase III comparative randomisée sur une population homogène de patients.

Déclarations d’intérêt L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt potentiel en rapport avec le thème de l’article.

Références [1]

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