troubles du comportement alimentaire du nourrisson: aspects somatiques et psychiques

troubles du comportement alimentaire du nourrisson: aspects somatiques et psychiques

J PddiatrPu&iculture2001 ; 14 : 399-401 © 2001 l~difionsscienfifiqueset mddicalesElsevierSAS.Tous droits r d s e r v d s COMPTE RE N DU DE CONG R...

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J PddiatrPu&iculture2001 ; 14 : 399-401 © 2001 l~difionsscienfifiqueset mddicalesElsevierSAS.Tous droits r d s e r v d s

COMPTE

RE N DU

DE

CONG

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troubles du comportement alimentaire du nourrisson : aspects somatiques et psychiques r~sum~ de I'intervention de V. Abadie 1, observation commentEe par A. Mercier 2 1service de p6diatrie g~n6rale, h6pital Necker-Enfants-Malades, 149, rue de S~vres, 7 5 7 4 3 Paris cedex 15, France 2 psychologue, h6pital Necker-Enfants-Malades, 149, rue de S6vres, 75743 Paris cedex 15, France

S

ujet quotidien de pddiatrie de ville, les troubles des comportements alimentaires du nourrisson imposent une approche globale qui int~gre aspects somatiques et aspect psychiques tr& souvent intriquds.

immddiat, car la m~re se sent incomp&ente, pense &re une ,~ mauvaise m&e ,,. Mais si ces troubles sont frdquents, ils restent souvent complexes ~t comprendre avec une r~alitd bien diffdrente des cadres thdoriques.

un motif de consultation fr(~quent

partir d'une exp(~rience r(~elle : rep~res et r(~flexions

~ Les troubles du comportement alimentaire du jeune enfant de z&o fi trois ans sont des causes frdquentes de consultation mddicale et cela est bien ldgitime ,~estime le docteur Abadie, et ce, pour plusieurs raisons : - impact r&l de l'apport calorique sur la croissance et la santd de l'enfant ; -frdquences des troubles digestifs somatiques intercurrents ~i ces ~ges-l~i ; -implication croissante des professionnels de sant~ dans les conseils de pu&iculture se substituant au soutien familial et au bon sens maternel ; - aspect normatif qui d&oule de cette prise en charge mddicalisde et qui devient source d'angoisse si l'enfant sort du cadre : il existe des ~ n o r m e s , gdndrdes par la publicitd et l'&endue des rayons d'alimentation pour bdb~ des supermarchds ; - surtout r61e majeur de l'oralitd alimentaire, en particuller dans la constitution des liens m~re-enfant. Un enfant qui mange mal gdn~re un stress maternel JOURNAL DE PI~DIATRIEET DE PUERICULTUREn° 7- 2001

;l partir d'un cas clinique qui ne sera pas rapportd ici pour prdserver l'anonymat, plusieurs id&s concernant le refus alimentaire du jeune enfant sont &oqu&s. Le cas clinique est celui d'un enfant nd apr~s une grossesse marqu& par une angoisse certaine du fait d'une anomalie &hographique. Dans les premieres semaines de vie apparaissent des difficultds de succion, des rejets douloureux et des malaises qui font pratiquer un premier bilan hospitalier, lequel met en dvidence un trouble de la motricitd oro-oesophagienne et une hyperrdractivitd vagale moddr&. I~enfant est mis, d~s l'~lge de deux mois, sous traitement anti-reflux et sous diph~manyl sulfate (Prantal®). Le stridor et les malaises &dent, les difficult~s alimentaires s'amendent jusqu'~l l'~lge de cinq mois, o0 elles r&idivent sur un mode de refus alimentaire progressif aboutissant ~ une situation de conflit aigu domicile. Une hospitalisation est proposde pour bilan 399

.IOMP]~_ REND@ DE CONGRES

somatique et observation. Un trouble du comportement alimentaire d'origine psychog~ne est diagnostiqud, survenu chez un enfant dont l'oralitd primaire n'avait &d satisfaisante et dont les parents n'avaient pas bien dlabord leur r61e de parents.

peut-on parler d'anorexie psychog~ne chez le nouveau-n(~ ? La question de savoir si les difficultds de succion et les symptdmes initiaux du sujet peuvent ~tre d'origine comportementale est pos~e. ,~ Ce que l'on sait sur le d&eloppement normal de l'oralitd doit rendre prudent vis-fi-vis de la notion d'anorexie psychog~ne ndonatale ~, explique le docteur Abadie. En effet, l'oralitd des six premiers mois de vie (oralitd primaire) apparatt, du point de rue de l'enfant, comme un ph6nom6ne sensorimoteur en grande partie rdflexe. La faim, associde ~i la stimulation tactile, olfactive et gustative de la zone orale, va provoquer la mise en route d'un schbme moteur coordonnd des l~vres jusqu'~i l'estomac, dont la gen~se rythmique vient de la r&iculde du tronc cdrdbral. La relation qui s'&ablit entre la m&e et son bdbd au cours de la tdtde est essentielle, mais elle est investie principalement par la m&e qui se voit se construire progressivement grace ?i cet enfant ~i qui elle apporte satisfaction. ,, Je ne pense pas qu'avant trois mois une souffrance psychique puisse se manifester par un trouble du comportement alimentaire gdndrd par l'enfant lui-m~me ,, poursuit le docteur Abadie, ,~ quand les choses se passent mal, il existe soit une cause somatique aux difficultds alimentaires, soit une carence ou une psychose maternelle qui la rend inadapt& aux besoins de son enfant ,,. En revanche, une m&e est aisdment susceptible de mal r6agir aux difficult& alimentaires de son enfant. ,, Un enfant qui t&e bien est un ~, bon ~, enfant, un enfant qui t&e mal a une ~ mauvaise ,~ m&e ,~. Devant des troubles de l'alimentation survenant avant l'~ige de six mois, il faut donc s'efforcer de retrouver une cause somatique m~me mineure, pour permettre d'une part de traiter l'enfant et d'autre part de rassurer les parents sur la qualitd de leur fonction parentale, en trouvant un m&anisme et/ou une cause au sympt6me. Dans cette tranche d'~ge, quatre pathologies digestives surviennent frdquemment et peuvent &re responsables d'un inconfort digestif et d'un refus du biberon : le reflux gastro-cesophagien, l'intoldrance aux protdines de lait de vache, les coliques du nourrisson et, moins connue, la pathologie fonctionnelle motrice du 400

carrefour a&odigestif ou dyskin&ie oro-oesophagienne ou dysfonctionnement ndonatal du tronc cdrdbral (autant de d~nominations diverses d'entitds cliniques similaires). partir de six mois, les choses changent. L'oralitd secondaire se met en place, tr~s diffdrente de la phase pr&~dente tant sur le plan neurophysiologique que sur le plan psychoaffectif. La phase orale devient volontaire. Sur le plan psychoaffectif, l'enfant prend conscience de la distance entre ses sensations int&ieures et son environnement. II peut faire ses choix, refuser ce qu'il n'aime pas, &re beaucoup plus actif et interactif au cours du repas. Uouverture des possibilit& de diversification gustative et de texture provoque ~ la fois intdr& et angoisse. Uoralit~ secondaire devient le champ d'une relation m&e-enfant bilatdrale, susceptible de gdndrer des conflits et donc des troubles du comportement alimentaire d'origine psychog~ne.

quand peut-on parler d'anorexie commune d'opposition du second semestre ? Le diagnostic dvoqud dans l'histoire clinique rapport& lots de cette pr&entation aurait pu &re celui d'anorexie d'opposition du deuxi~me semestre. Quand on cherche les ddfinitions pr&ises de ces entitds, on s'aperqoit que la plupart des enfants dont nous avons l'exp&ience sont difficiles ~i faire entrer dans ces cadres nosologiques.

ce que I'on trouve dans la litt~rature fran(;aise et europ(~enne Contrairement ~ la littdrature anglo-saxonne qui s'attache aux sympt6mes, la littdrature fran~aise et europdenne propose une classification (d'apr& Janet et Kreisler) fond& essentiellement sur le comportement de l'enfant : l'anorexie commune d'opposition du second semestre survient chez un enfant sans ant&ddent, elle est caractdris& par l'absence de retentissement sur la courbe de poids. C'est une anorexie qui se met en place autour de la pdriode de diversification (passage oralitd primaire-oralitd secondaire), le plus souvent ~i partir d'un refus ponctuel et banal de l'enfant qui va d&lencher un comportement defarcing maternel, luim~me source d'opposition de l'enfant qui s'enferre dans son attitude de refus. Notons que les enfants concern& sont d&rits comme en avance sur le plan du d&eloppement, plut6t gais, sans probl~me en dehors des corv&s des repas. L'dvolution est gdndralement -

J O U R N A L DE P~:DIATRIE ET DE PUF:RICULTURE n ° 7 - 2001

COMPTE RENDLJ DE CONGRES

favorable si le mddecin est rassurant quant au pronostic somatique et amine les parents h ne plus se focaliser sur l'alimentation ; formes s6v~res d'anorexie mentale infantile : • anorexie oppositionnelle qui est en fait une forme sdv~re d'anorexie commune d'opposition du second semestre, avec retentissement sur la croissance de l'enfant,

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• anorexie anxieuse et phobique qui se voit chez des enfants qui refusent le passage ~ l'autonomie et h la nouveaut6 (ndophobie pouss~e h l'extr~me) et qui peut ~tre associde h d'autres manifestations anxieuses ; • ddpression du nourrisson lide ou non h une ddpression maternelle ; • anorexie par carence profonde: hospitalisme ;

abandonnisme,

- psychoses infantiles ddbutantes ; - anorexies post-traumatiques (sondes, chirurgie, etc.). Cette classification offre une approche psychologique intdressante...

dans la litt~rature anglo-saxonne Les Amdricains s'attachent surtout aux sympt6mes et parlent de <> sans dvoquer de mdcanisme ~ ces sympt6mes. Seule l'dquipe d'Ir6ne Chatoor a dvoqud le concept <>. Elle ddfinit trois cadres nosologiques en fonction de l'~ge : - 0-3 mois : ddsordre de l'homdostasie (des rdflexes) ; 2-8 mois : ddsordre des liens : d6sordre alimentaire associd en r~gle gdndrale ~ u n ddcalage des acquisitions psychomotrices, en rapport avec une difficultds d'attachement h la m6re ; 6 mois-3 ans : anorexie infantile, qui implique un retentissement sur la courbe de poids et des conflits sdv~res entre l'enfant et les parents. -

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Cette classification a l'intdr~t de prendre en consid6ration le stade de ddveloppement de l'oralitd de l'enfant. Cela dtant, plut6t que de chercher ~ classer l'enfant dans un cadre nosologique, il faut analyser le trouble en prenant le temps, au cours de consultations longues et ddpourvues d'a priori, de comprendre comment se sont d6rouldes toutes les 6tapes du ddveloppement de l'oralitd de ce bdb6, et ~ quel moment le ddsordre est apparu. Cette analyse dolt permettre de mieux comprendre la gen~se du trouble, et d'identifier l'dventuelle <~dpine organique >, qui a permis au trouble psychog6ne de s'installer, fragilisant m~re et enfant.

comment peut-on introduire un soutien psychoth~rapeutique dans la prise en charge de ces enfants ? De fa~on fr6quente, le mddecin pergoit d~s la ou les premibre(s) consultation(s) qu'il existe un d6sordre relationnel ou structurel dans la personnalitd des parents (en r~gle g6n6rale de la m~re) qui explique en partie le trouble du comportement alimentaire. L'empathie et la confiance se mettant en place, il devient ensuite ddlicat de suggdrer un entretien psychologique avec un/une psychologue. La d~marche est souvent difficilement consentie par les parents car vdcue comme culpabilisante. Pour rem~dier h cet 6cueil, il faut travailler en dquipe. En hospitalisation, la prdsence de la psychologue doit ~tre prdsentde d'emblde comme systdmatique, ce qui permet de ne pas avoir h justifier son intervention. Chacun y trouvera ensuite ce qu'il souhaite. En ambulatoire ou en consultation, l'intervention de la psychologue peut ~tre proposde d'une part comme un soutien pour les parents dont la souffrance induite par le trouble alimentaire de l'enfant est frdquente, et d'autre part comme une aide pour comprendre comment la dysharmonie relationnelle s'est noude.

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